L’argument de la « durabilité » dans les transitions constitutionnelles : libres réflexions sur une apparente contradiction

Xavier PHILIPPE[1].

Les transitions constitutionnelles ont largement mobilisé les constitutionnalistes comparatistes ces dernières années au point d’en faire un nouveau champ d’études qui, sans revendiquer aucune autonomie, se justifiait par la répétition des expériences[2], toutes plus différentes les unes que les autres. L’idée même de mener une recherche sur la « durabilité » ou la « longévité » dans les transitions constitutionnelles pourrait apparaître de prime abord comme une incongruité, voire relever d’un oxymore ! Alors que les transitions constitutionnelles évoquent le provisoire et le temporaire, se questionner sur l’argument de pérennité d’un système constitutionnel semble relever d’un pari impossible. Certes, il y a mille façons d’envisager le sujet et de définir la durabilité mais par définition une transition constitutionnelle constitue un moyen au service d’une fin plus pérenne mais non l’étape ultime où l’on souhaite graver dans le marbre les règles les plus intangibles qu’une constitution doit comporter.

La délimitation de cette réflexion impose donc de préciser ce que l’on identifie comme étant une « transition constitutionnelle ». En se référant à la définition du mot transition : « passage d’un état à une autre, en général lent et graduel ; état intermédiaire »[3], la transition constitutionnelle correspondrait à cette situation transitoire par laquelle un système constitutionnel évolue pour se transformer profondément, voire radicalement, que ce soit par ses institutions, son mode de fonctionnement ou sa substance. Les transitions constitutionnelles correspondraient donc à un changement de « modèle » constitutionnel dans lequel une volonté de rupture s’installe. Définie de cette manière, une transition constitutionnelle survient la plupart du temps en raison de facteurs extra-juridiques, à la suite d’évènements graves, de crises ou de tentatives de fin de conflit. La transition constitutionnelle s’inscrit souvent dans une perspective de résolution d’une difficulté non-juridique, d’une volonté commune de transformation d’une société dont la transition constitutionnelle n’est qu’un instrument au service d’une fin. Cet aspect instrumental est central car il positionne la transition constitutionnelle comme un moyen, une technique de résolution du conflit par le droit[4]. La difficulté tient ici à la délimitation de ce que l’on inclut dans la transition constitutionnelle : se limite-t-on à l’analyse du texte constitutionnel (s’il en existe un et s’il est désigné comme tel) ou ce qui en tient lieu (un accord de paix par exemple) ? Intègre-t-on au contraire les pratiques qui s’instaurent lors de la transition et qui ne sont pas formellement exprimées ? Sans vouloir entrer dans ce débat sur le contenu exact de la transition constitutionnelle, on relèvera que les termes eux-mêmes rendent difficile la délimitation de ce qu’elle est : elle constitue à la fois un processus et un résultat. Pour mener la présente réflexion, on considérera la transition constitutionnelle à travers ses caractéristiques majeures, à savoir le texte constitutionnel adopté pour mener à bien ce passage vers un autre système constitutionnel considéré comme le but final à atteindre mais également les pratiques  et procédures « constitutionnelles » que les parties à la transition acceptent de considérer comme telles, qu’elles soient formalisées ou non[5].

Le second aspect définitionnel concerne la notion de « durabilité ». Quel sens faut-il donner à ce terme dans le cadre des transitions constitutionnelles ? La logique élémentaire consiste à l’assimiler à la « longévité », c’est-à-dire à la capacité d’une disposition ou pratique constitutionnelle à s’installer dans un temps plus ou moins long pour constituer une règle dont la durée de vie s’annonce indéfinie et dont la modification devrait rester rare, voire exceptionnelle. Les constitutions représentent par leur nature même des textes fondateurs fixant un cadre et des règles de fonctionnement d’une société dont la stabilité et la durabilité sont des caractéristiques essentielles. La constitution se veut par définition un instrument juridique que l’on élabore de façon « durable » et supposée incarner une certaine permanence.

Or, les transitions constitutionnelles sont par définition destinées à être temporaires, éphémères et constituent l’opposé de ce que pourrait représenter la « durabilité ». Elles ne sont conçues ni pour durer, ni même pour permettre d’instaurer un régime que l’on voudrait pérenne. La nature même de la transition conduit à faire du texte constitutionnel un instrument de gestion des rapports entre les différents protagonistes afin de construire un régime plus durable dans une nouvelle constitution qui prendra le temps de la réflexion pour être établie. Une constitution de transition n’est donc par définition pas une constitution durable, ni faite pour être pérennisée ; sa raison d’être repose sur la résolution des conflits qui peuvent naître d’une transition ou la résolution d’une difficulté que l’on considère comme provisoire.

Cette contribution pourrait s’arrêter à ce stade si l’on ne prenait la peine de rentrer dans la diversité des situations de transition. Or, un examen plus approfondi illustre non seulement leur diversité – les mots transitions constitutionnelles sont utilisés pour désigner de façon générique des situations profondément différentes – mais également leur capacité à dessiner sur le fond les fondements de systèmes souvent plus pérennes. Les éléments substantiels que les transitions promeuvent conduisent à relativiser cette idée selon laquelle aucune durabilité des dispositions et procédures imaginées n’existe dans les transitions constitutionnelles.

I. Le caractère éphémère des processus de transition constitutionnelle

Si le débat reste ouvert pour définir les contours de ce qu’est une « transition constitutionnelle »[6], le processus constitue un élément clef de ce moment particulier où sont élaborées les nouvelles règles constitutionnelles destinées à opérer une stabilisation politique et sociale à travers un texte constitutionnel. Sans vouloir prétendre à l’exhaustivité, on relèvera que le processus de la transition est aussi important que son résultat et qu’une typologie des principales transitions révèlent des situations profondément différentes dans lesquelles les finalités médiates et immédiates de la transition peuvent varier en termes de longévité.

A. Essai de typologie des processus de transitions constitutionnelles au regard de leur durabilité

Aussi curieuse que la situation puisse paraître, la transition constitutionnelle est toujours unique dans un État donné et ne peut jamais être reproduite telle quelle. Les raisons conduisant à engager une transition constitutionnelle puisent leurs racines dans l’environnement qui les voit naître et à l’égard duquel les conditions de la transition s’avèrent déterminantes. L’un des critères dominants en la matière semble se situer dans le degré de conflictualité dans lequel la transition prend place, conditionnant ainsi le processus et le contenu de la future constitution. Ce n’est guère cependant le seul. Un autre critère, souvent oublié, repose sur le caractère « démocratique » ou « autoritaire » de la transition. Si l’étude des transitions démocratisantes reçoit légitimement l’attention de la majorité des auteurs de la doctrine[7], les transitions constitutionnelles incluent également celles, beaucoup plus obscures et moins étudiées, conduisant un régime démocratique vers l’autoritarisme. Ces transitions « descendantes » qui usent et abusent du constitutionnalisme pour asseoir la destruction de l’État de droit mériteraient à elles-seules une étude spécifique pour tenter de comprendre comment le poison lent infusé par ce type de transition à coups de révisions constitutionnelles, de nouvelles interprétations des dispositions de la Constitution, de revirements de jurisprudence inexpliqués, aboutit à asseoir un autre régime constitutionnel en conservant parfois l’apparence du précédent. Sans en minimiser l’importance, ces transitions seront exclues de cette réflexion car elles constituent un sujet en elles-mêmes[8].

Une proposition de typologie des transitions constitutionnelles peut ainsi se fonder sur les rapports de force donnant naissance à la transition ainsi que sur le but qui lui est assigné. La longévité de ce qui ressortira de ces processus est souvent davantage un pari qu’une certitude.

Les transitions constitutionnelles émanant d’un processus spontané et pacifique sont probablement les moins délicates à traiter car leur contexte de conflictualité est faible[9]. L’organisation d’une transition constitutionnelle issue d’une volonté pacifique de changement dans un environnement qui ne l’était pas moins ne génère normalement pas de difficulté et le changement de constitution peut être appréhendé comme une opération technique proposant de transformer sans bouleverser un contexte constitutionnel que l’on souhaite voir évoluer. Ce type de transition constitutionnelle repose sur une acceptation consensuelle de la transformation de la constitution et s’il s’agit de changer de texte, l’esprit peut rester le même tout autant que son évolution ou pour le moins se situer dans son prolongement. La situation qu’a connue la France entre mai et octobre 1958 pourrait rentrer dans cette catégorie : le passage de l’IVe à la Ve République n’est certes pas un modèle d’orthodoxie constitutionnelle mais la nature démocratique du régime politique n’a à aucun moment été remise en cause. La transition constitutionnelle de l’été 1958 a davantage passionné et mobilisé les juristes et personnels politiques que la population française, plus intéressée par les résultats du tour de France cycliste que par l’instauration d’un parlementarisme rationalisé si l’on en juge aux reportages de presse de l’époque. Cette situation intéressante n’en est donc pas moins exclue de cette réflexion.

La situation est différente lorsque la transition constitutionnelle s’inscrit dans un contexte de rupture et fait ressortir de fortes oppositions entre les protagonistes chargés de mener à bien la transition. Dans de telles situations, le bouleversement n’est pas uniquement lié au résultat, c’est-à-dire à la constitution elle-même mais à la transition. La Constitution n’est qu’une des modalités de la transition politique générale. La conséquence directe engendrée par cette situation repose d’une part, sur la volonté de compromis des acteurs de la transition et leur capacité à s’accorder sur le résultat auquel ils veulent aboutir, d’autre part, sur la méthode retenue pour que la transition constitutionnelle se conclut positivement. Ces processus se caractérisent souvent – explicitement ou implicitement par ce que l’on pourrait appeler un mouvement en deux étapes : le premier est destiné à organiser la transition et impose un cadre constitutionnel temporaire, incluant parfois l’adoption d’une constitution intérimaire formelle ; le second se sert de ce cadre temporaire pour créer un nouveau cadre constitutionnel qui est appelé à devenir plus pérenne[10]. Ce mode de gestion des transitions s’opère de façon plus ou moins organisée mais correspond avant tout à une manière de penser et d’organiser la sortie de crise avant d’aller plus loin. Dans de telles situations, la durabilité du processus ne constitue pas une préoccupation puisqu’il s’agit d’une certaine manière d’organiser un processus qui doit rester contenu dans le temps : le processus doit être raisonnablement court ou enserré dans des délais qui, tout en étant raisonnables, doivent comporter des limites. Les processus constituants de transition doivent donc rester enfermés dans certaines contraintes temporelles pour ne pas devenir ingérables. À titre de contre-exemple, le processus constituant népalais conclu en 2015 par l’adoption d’une nouvelle constitution[11]après la survenance d’un tremblement de terre était resté bloqué pendant des années, faute de moyens de sortie de crise. Les transitions constitutionnelles de fin de conflit doivent donc être éphémères au risque de mettre en péril le processus.

Aux deux précédentes situations s’ajoute l’hypothèse d’une transition constitutionnelle implicite, c’est-à-dire celle d’une évolution de la constitution s’opérant graduellement au fil de révisions du texte constitutionnel ou d’aménagements de ses pratiques. La Constitution demeure la même dans sa dénomination et ses institutions mais son mode de fonctionnement est profondément affecté par des transformations qui peuvent paraître parfois cosmétiques mais qui réalisent une transformation complète du système constitutionnel. On pourrait comparer cette situation à celle d’une « révolution permanente de la Constitution » dont l’aspect extérieur change peu mais dont le fonctionnement est profondément affecté par une combinaison d’amendements et de pratiques s’écartant de l’esprit initial du texte constitutionnel. Le texte constitutionnel est ici en mutation permanente. Cette transition constitutionnelle implicite n’est toutefois pas toujours reconnue comme telle. Elle obéit également à d’autres ressorts intellectuels et politiques et justifierait à elle-seule une étude. Paradoxalement dans cette hypothèse, la question de la « durabilité » de la constitution repose sur son identification initiale, son nom, qui donne une illusion de permanence alors même que le texte a été profondément bouleversé. Un exemple de cette situation pourrait être relevé avec la Constitution française du 4 octobre 1958 dont le texte a profondément évolué depuis son adoption initiale même si certaines constantes demeurent. Un autre exemple plus éclatant encore repose sur la Constitution indonésienne du 18 août 1945 qui continue de conserver son nom alors même qu’un seul article date de cette époque[12].

Cette proposition sommaire de typologie des transitions – qui demanderait à être affinée – permet de comprendre que l’argument de durabilité ne se situe pas nécessairement au cœur des préoccupations des constituants. Ces derniers cherchent avant tout un accord autour de leurs désaccords et donc de possibles compromis. L’idée de s’accorder dans le temps long sur les institutions politiques et le fonctionnement de l’État reste une préoccupation existante mais en arrière-plan. La situation est évidemment différente lorsque le degré de conflictualité est faible : il s’agit davantage dans ce cas de faire fonctionner un système dysfonctionnel et donc de le rendre plus pérenne que de remettre en marche un État ou un système politique et constitutionnel qui n’existe plus.

B. Les finalités médiates et immédiates des processus de transition constitutionnelle

La complexité des processus de transition constitutionnelle rend difficile l’identification péremptoire de principes de portée générale ou universelle sur leurs caractéristiques communes. Il n’en demeure pas moins qu’ils s’inscrivent dans une perspective immédiate de reconstruction d’un contrat social qui n’est toutefois pas sans conséquence quant à ses répercussions médiates.

Les processus de transition constitutionnelle doivent souvent gérer des objectifs disjonctifs ou contradictoires dans la mesure où ils nécessitent de prévenir les crises susceptibles de survenir dans le présent tout en conservant l’obligation de prévoir l’avenir. Bien que peu de juristes s’intéressent aux processus de paix[13], ces derniers sont souvent les ferments des processus constituants dans la mesure où ils constituent la première pierre d’une reconstruction nationale. Si de tels accords portent le plus souvent sur un partage du pouvoir et l’acceptation d’une forme d’union nationale, leur contenu révèle souvent la nature constitutionnelle des sujets qu’ils prétendent régir. Assez souvent, ces accords de paix peuvent être comparés à des actes pré-constituants qui malgré leur forme succincte ou peu juridique, ne s’engagent pas moins sur des modes de gouvernement et des institutions qui relèvent directement du droit constitutionnel. Si de tels actes ne possèdent pas de valeur constitutionnelle en eux-mêmes[14], ils n’en sont pas moins substantiellement porteurs de principes constitutionnels. Dès lors, les processus constituants qui s’ensuivent sont profondément marqués par les buts que ces accords de paix – quels que soit le nom qu’on leur donne – contiennent. Perçus de l’extérieur comme indépendants, ces processus sont en réalité des modes d’emploi pour réaliser et mettre en œuvre des objectifs politiquement négociés mais dont la substance est constitutionnelle.

Les finalités immédiates des processus constituants reposent alors sur la cristallisation d’un accord politique se traduisant par la nécessité d’inclure dans la future constitution intérimaire (et définitive) les points sur lesquels les parties se sont accordées. Ceci se traduit la plupart du temps par la recherche d’un partage équitable du pouvoir et le recours à des solutions pouvant apparaître bancales de l’extérieur mais qui en réalité sont devenues les clefs d’un compromis. À titre d’illustration, on peut considérer que les gouvernements d’union nationale par lesquels les parties ont accepté un partage du pouvoir entre elles, ne sont nullement destinées à devenir permanents mais à représenter un sas de sécurité que la constitution garantira jusqu’à la survenance d’une stabilisation du régime. Les accords fédéraux en sont d’autres illustrations quand bien même ils s’avèrent difficiles à mettre en œuvre. Le fédéralisme des transitions n’est rien d’autre qu’un accord sur le partage du pouvoir au regard des forces en présence à un moment donné[15]. On trouve également dans ces processus une volonté d’éviter toute forme de retour en arrière. Il ne s’agit plus ici d’accommodement raisonnable entre les parties mais bel et bien de la volonté de consacrer certains droits qui étaient bafoués auparavant. Les finalités du processus sont ici différentes car elles portent sur une rupture par rapport au passé qui commande une réaction que les nouveaux constituants sont chargés de promouvoir. Il faut ici souligner que ce regard porté sur le rejet du passé peut également servir l’avenir : il n’est cependant pas encore question de la durabilité de ces choix pour le futur. Il s’agit d’exorciser un passé souvent proche et d’empêcher tout retour en arrière. On constate ainsi à quel point les processus constituants de transition sont avant tout préoccupés par la résolution immédiate des difficultés qui se posent à une société encore meurtrie par son passé.

Toutefois les finalités médiates de ces processus constituants dans les transitions laissent poindre en filigrane la construction de principes qui s’inscriront probablement dans la durée. S’il ne s’agit pas d’un processus voulu et conscient mais plutôt d’un pari, une analyse un peu plus fine des discussions et débats recueillis lors de ces processus constituants laissent poindre un ancrage beaucoup plus pérenne des principes discutés et de la volonté des constituants de créer un choc de rupture en faveur d’une société pacifiée, par le partage du pouvoir et l’alternance, par le refus de laisser se reproduire une situation qui a souvent dégénérée dans une violence forte, voire extrême dans laquelle les points de repère du droit avaient été balayés. Le rejet du passé crée en creux une prévision de l’avenir sur laquelle les nouveaux principes constitutionnels s’inscriront. À titre d’illustration, en Afrique du sud, le rejet de toute forme de discrimination dans un État qui avait fait de celle-ci un principe de gouvernement, ne constitue pas uniquement un principe temporaire de rupture avec le passé mais bel et bien la reconnaissance d’un principe destiné à s’inscrire dans la durée[16]. Si les processus constituants dans les transitions constitutionnelles ne se focalisent pas ou peu sur la pérennité du système intérimaire qu’ils souhaitent mettre en place, ils intègrent néanmoins plus ou moins consciemment ces objectifs destinés à reconstruire dans le futur une société pacifiée, gouvernable et susceptibles de protéger des droits fondamentaux pour tous.

L’aspect processuel des transitions constitutionnelles laisse donc peu de place à l’argument de la durabilité. Pour être plus exact, il est possible d’affirmer que ce n’est pas une préoccupation immédiate des constituants qui considèrent le processus constituant comme un pont de passage[17] entre le passé, le présent et l’avenir. Pourtant, cette impression doit être relativisée par le contenu du texte constitutionnel qui – peut-être de façon subliminale – est destiné à ancrer la nouvelle constitution dans un paysage qui se veut plus durable.

II. Le caractère pérenne de certaines dispositions constitutionnelles incluses dans les constitutions de transition

Si la longévité des dispositions constitutionnelles dans les transitions ne représente pas un objectif prioritaire, l’examen des choix opérés révèle cependant une volonté de rupture mais également une volonté délibérée d’inscrire ce changement de texte dans une certaine durée. Dès lors, si la durabilité de la transition constitutionnelle reste contradictoire avec ce qu’elle se propose d’achever, son contenu – la rédaction d’une constitution finale[18] – repose au contraire sur une volonté d’inscrire ses objectifs de rupture dans l’histoire. L’examen empirique des transitions constitutionnelles révèle que l’écriture d’une constitution, loin d’être un processus ouvert, représente souvent une opération plutôt fermée, dans laquelle les négociations vont bon train et où les influences extérieures sont loin d’être absentes.

A. La durabilité des dispositions ayant conduit à un accord entre les parties

Les raisons multiples – politiques, économiques, sociales…- d’une transition s’inscrivent dans un processus de rupture, que celui-ci soit le résultat d’une situation violente ou beaucoup plus pacifique. Il existe cependant toujours un élément déclencheur expliquant cette volonté de rupture, indiquant clairement un changement de cap. Ce sont précisément les principes fondateurs qu’une société veut transformer qui constituent les prémices d’un nouveau socle constitutionnel[19] dont la durée est implicitement l’un des éléments-clefs. Si l’on prend soin d’entrer dans la substance des transitions constitutionnelles, c’est-à-dire de ce qui s’y débat et décide, on remarque que ce sont des nouvelles modalités d’organisation des pouvoirs et de protection des individus qui constituent les préoccupations des négociateurs puis des constituants.

Les transitions constitutionnelles sont souvent issues à l’origine de réunions informelles, de pourparlers, de rencontres secrètes dans lesquelles les parties ou anciens adversaires se mettent d’accord pour identifier une nouvelle forme acceptable de partage du pouvoir et de garanties des droits des individus. Si ces négociations prennent le contrepied du passé, elles débouchent assez souvent sur des « accords » qui ne sont rien d’autre qu’un cadre tracé pour les futurs constituants. Si de tels accords possèdent souvent un statut juridique indéterminé, leur contenu n’en est pas moins matériellement constitutionnel et impose aux constituants de les mettre en œuvre[20]. La lecture des tels instruments ne laisse aucun doute sur le caractère préconstituant des éléments qu’ils contiennent et constitue une feuille de route que les constituants devront respecter. Sans entrer ici dans le débat sur la nature de tels accords, ils conditionnent la transition et sculptent le socle de la future constitution : la nature du régime constitutionnel, la mise en place de contre-pouvoirs, la division verticale et horizontale du pouvoir figurent régulièrement pour ne pas dire systématiquement dans les résultats de ces négociations. Les organes constituants savent par ailleurs que, quelle que soit la valeur de tels accords, y déroger serait impensable. On décèle ainsi dès le début de la transition les grands principes que la nouvelle société souhaite instaurer et pérenniser pour éviter tout retour en arrière. À titre d’exemple, lors des négociations menées en Afrique du sud pour établir une démocratie pluraliste, les organes de négociation se sont accordés pour identifier 34 principes préconstituants qui représenteraient la feuille de route tant des auteurs de la constitution intérimaire que de ceux de la constitution finale[21].

Une autre mention spécifique doit être opérée pour les droits fondamentaux qui occupent souvent une place particulière dans les processus de transition démocratique. La protection de ces droits constitue souvent l’une des premières requêtes des parties lors des négociations initiales. Ceci se comprend dans la mesure où leur garantie prend l’exact contrepied de ce qu’était la situation antérieure faite de violations et d’impunité. « FromHumanWrongs to HumanRights » représente souvent une maxime caractérisant la situation de ces transitions. La reconnaissance mais également l’effectivité et la sanction de ces violations n’est pas négociable. L’argument du rupture permanente avec le passé ainsi que la durabilité de cette reconnaissance ne fait aucun doute. Les transitions constitutionnelles représentent même des moments privilégiés pour asseoir, concevoir et imaginer des mécanismes innovants et concrets de protection des droits fondamentaux. Si le passé révèle souvent au moment de ces transitions l’ampleur des violations commises à travers des processus de justice transitionnelle, la prévention de leur répétition ne peut passer que par un système pérenne de protection constitutionnelle des droits fondamentaux. On relève souvent par ailleurs que dans un tel cas, il devient nécessaire de ne pas se limiter à la reconnaissance des droits mais inclure également leur mise en œuvre et les mécanismes de garantie tant juridictionnels que non-juridictionnels.

La durabilité n’est donc pas absente des transitions constitutionnelles et se trouve même implicitement mais nécessairement incluse dans le résultat final que le texte constitutionnel représentera. L’originalité des transitions constitutionnelles à cet égard repose sur le caractère implicite de l’argument : si bouleversement il doit y avoir, il doit s’imposer comme élément de rupture mais perdurer également dans le temps. L’idée centrale repose bel et bien sur un changement de trajectoire destiné à s’installer dans la durée.

B. L’impact implicite de la culture constitutionnelle et de l’environnement international sur la rupture instaurée par les constitutions de transition

Quelle que soit la situation instaurée par une transition constitutionnelle, imaginer que le futur texte constitutionnel fasse table rase complète du passé serait illusoire ! Que la constitution soit la norme juridiquement suprême ne doit pas faire oublier que le fonctionnement antérieur du système – fut-il abject et blâmable – aura probablement laissé des traces dans la culture constitutionnelle de l’État. Une rupture n’est jamais complète et la modification d’un cadre constitutionnel est souvent perçue comme une transformation qui ne peut jamais s’affranchir complètement de la situation passée.

Les arguments de continuité et de durabilité s’imposent ainsi aux transitions constitutionnelles qui les réceptionnent comme une nécessité fonctionnelle. Il ne s’agit pas de maintenir des principes inacceptables mais de conserver des institutions, des procédures voire des pratiques familières par souplesse. Les cultures constitutionnelles s’intègrent aux cultures juridiques qui possèdent une pérennité bien plus importante que les textes constitutionnels eux-mêmes. Comment expliquer ces phénomènes autobloquants auxquels même les transitions constitutionnelles restent sensibles malgré leur volonté de bouleversement ?

Plusieurs facteurs explicatifs peuvent ici être avancés.

En premier lieu, la famille juridique à laquelle appartient un État génère des comportements et habitudes qu’il est difficile de remettre en cause. Les États ayant adopté un système de Common Law ou de droit écrit resteront profondément influencés par ces systèmes, y compris dans leur culture constitutionnelle, qui expliquera par exemple que la coutume constitutionnelle n’aura ni le même poids, ni la même résonnance dans deux États confrontés à des situations de transition assez similaires l’une de l’autre. Dès lors que le juge disposera d’un pouvoir de mise en œuvre ou d’interprétation des dispositions de la constitution, la tentation de poursuivre les mêmes modes d’interprétation que ceux prévalant avant la transition constitutionnelle peut être grande.

En deuxième lieu, ceci se retrouve dans les dispositions constitutionnelles retenues qu’il s’agisse de constitutions intérimaires ou finales. Deux tendances notables peuvent être mentionnées.

La première repose sur le choix des projets de constitution intérimaire ou finale qui sont souvent empruntés à d’autres systèmes. Les constitutions de rupture le sont donc davantage dans leurs principes d’affirmation que dans leur contenu souvent issu d’autres sources constitutionnelles combinées et dont l’origine est plus ou moins détectable. À titre d’illustration, on peut citer la Constitution intérimaire sud-africaine de 1993, assez largement inspirée dans certaines de ses dispositions de la Constitution namibienne de 1990, pour la simple raison que le groupe d’experts ayant travaillé à son écriture fut sollicité trois ans plus tard en Afrique du sud[22]. La pérennité d’une disposition constitutionnelle peut aussi résulter de son adaptabilité à différentes situations.

La seconde tendance pouvant être relevée découle du tropisme de certains constituants à reproduire le modèle qu’ils connaissent quand bien même ils souhaitent des bouleversements constitutionnels radicaux. Il existe en d’autres termes une forme de confort à réemployer le même modèle que celui antérieurement utilisé parce qu’il rassure. On peut également citer ici à titre d’exemple le cas de la transition tunisienne de 2011 et la Constitution de 2014. Ni la Loi d’organisation provisoire des pouvoirs publics de 2011 (qui fut baptisée la petite constitution), ni la Constitution de 2014 ne se sont finalement écartées du modèle semi-présidentiel antérieur qui avait conduit aux dérives du régime précédent[23]. Alors même que durant les travaux de l’Assemblée nationale constituante, la Commission chargée du régime constitutionnel avait favorisé un régime parlementaire, un contre-projet maintenant le régime semi-présidentiel avait vu le jour et s’était finalement imposé. La raison majeure pour laquelle cette solution fut retenue tenait davantage au confort que procurait le maintien d’un régime connu plutôt qu’une tentative de se lancer dans une aventure non-maîtrisée. Ces exemples démontrent que les transitions constitutionnelles ne sont pas toujours aussi révolutionnaires qu’elles veulent bien le laisser paraître et que le poids de la culture juridique et constitutionnelle peut s’avérer être un obstacle à la volonté transformatrice des transitions. Le résultat se traduit par une certaine permanence des institutions, facteur de durabilité que la transition entérine davantage qu’elle ne la combat.

Un autre facteur de stabilité et de continuité dans la constitution peut être détecté à travers l’environnement international auquel les transitions constitutionnelles sont souvent soumises. Il ne s’agit nullement d’une obligation et certaines d’entre elles excluent consciemment et volontairement les influences extérieures qu’elles considèrent comme de pollueuses de la liberté des constituants d’opérer les choix qu’ils souhaitent[24]. Cependant, dans les hypothèses où la transition constitutionnelle s’ouvre sur l’environnement international, l’approche de la transition est rationalisée par une approche globale qui sans imposer aucun modèle particulier milite pour une certaine orthodoxie constitutionnelle fondée sur la rationalité des enjeux, des procédures et des buts à atteindre, d’une part et par un environnement normatif international auquel l’État en transition appartient logiquement et dont il ne veut s’extraire hormis dans certaines situations de rupture totale, d’autre part. Comment cela se matérialise-t-il ?

En premier lieu, l’environnement international se manifeste souvent par son soutien et son expertise mis au service des transitions constitutionnelles. Si un certain nombre de critiques ont pu être formulées sur le caractère « colonial » de certaines de ces expertises visant à imposer des modèles importés sans logique apparente avec le contexte dans lequel ils étaient destinés à s’appliquer, la réalité est souvent plus prosaïque et repose sur une volonté d’éviter certaines combinaisons d’institutions ou de normes impossibles à faire fonctionner. Dans ces hypothèses, le clacissisme est favorisé et peut donner l’impression d’une certaine durabilité liée à la connaissance de l’architecture constitutionnelle proposée. Si chaque transition constitutionnelle possède un profil particulier lié à la nature des facteurs propres de rupture à résoudre, il n’y a pas non plus en revanche de nécessité à réinventer complètement des mécanismes constitutionnels qui peuvent s’avérer adaptés à la situation.

En second lieu, l’environnement international se manifeste à travers les accords internationaux de l’État en transition constitutionnelle. Si une dénonciation des traités est toujours possible aux conditions fixées par le droit international lui-même[25], nombre d’États confrontés à une transition constitutionnelle n’ont nulle raison ou envie de renoncer à de tels engagements à partir du moment où ils le partagent. La situation inverse s’impose même assez souvent lorsque ces États ont été écartés de la communauté internationale et souhaitent y revenir. Sans s’appesantir sur les raisons qui les poussent à une telle attitude, l’acceptation de ces normes et engagements internationaux impose aux constituants de respecter et de promouvoir des règles juridiques dont la stabilité et la durabilité se passent de commentaires. Tous les grands traités relatifs au droit international des droits de l’Homme ont réussi progressivement à irradier la société internationale et les États en transition appréhendent souvent ces normes comme des objectifs à atteindre qu’ils partagent volontairement mais également comme un signe d’appartenance à une communauté internationale susceptible de soutenir leurs efforts.

Le droit et l’environnement internationaux contribuent ainsi à établir une forme de stabilité et de durabilité dont les transitions constitutionnelles peuvent bénéficier par répercussion.

Ainsi, les transitions constitutionnelles, en dépit de leur objet immédiat, ne méconnaissent pas tant que cela l’argument de durabilité et s’y trouvent même confrontés sans parfois en avoir conscience. L’apparente indifférence des transitions constitutionnelles à la longévité ne doit pas conduire à conclure à son absence. Il faut prendre du recul pour évaluer le rôle de la longévité des solutions constitutionnelles retenues par les transitions ! Ceci nécessite souvent de mener une telle évaluation non seulement au moment de la transition elle-même mais également après la transition, au moment que les « experts » constitutionnels appellent « le jour d’après » (l’adoption de la constitution).

***

En guise de réflexion conclusive, l’argument de durabilité n’est peut-être pas la préoccupation première des transitons constitutionnelles mais il n’en est pas non plus absent ! Repenser le contrat social impose de se projeter dans la durée. L’écriture d’une constitution reste un moment particulier, exceptionnel qui représente toujours plus un pari qu’une certitude. Que les constituants veuillent inscrire leur perception de la société dans la durée semble parfaitement justifié et logique. Qu’ils y parviennent est un autre pari. Et si la sagesse des constituants ne résidait pas dans leur volonté de graver dans le marbre les tables de l’avenir mais dans la capacité de laisser respirer un texte au fil des inévitables transformations que connait toute société humaine ?

Xavier PHILIPPE,
Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, École de droit de la Sorbonne, Directeur adjoint de l’ISJPS (Institut des Sciences Juridique et Philosophique de la Sorbonne) & Directeur du centre Sorbonne Constitutions & Libertés, CNRS UMR 8103 ISJPS


[1] Professeur extraordinaire à l’Université du Western Cape (Le Cap – Afrique du sud) Dullah Omar Institute for Constitutional Law, Governance and HumanRightsXavier.Philippe@univ-paris1.fr

[2] V. Claire Parjouet, « La Constitution de transition, un instrument de construction de la démocratie », Revue française de droit constitutionnel, vol. 127, no. 3, 2021, pp. 123-145.

[3] Dictionnaire « Le Robert » qui envisage également une autre signification : « Manière de passer de l’expression d’une idée à une autre en les reliant dans le discours » qui peut également inspirer la réflexion sur les transitions constitutionnelles si l’on part du texte de la constitution.

[4] Nicoletta Perlo « Les Constitutions Provisoires, une catégorie normative atypique au cœur des transitions constitutionnelles en Méditerranée » in Influences et confluences constitutionnelles en Méditerranée, LMDP, 2015, vol.3, disponible sur http://lm-dp.org/un-extrait-de-la-rmdp-iii-les-constitutions-provisoires-n-perlo/

[5] Sur la diversité des approches de la transition, v. not. Giuseppe De Vergottini, Le transizionicostituzionali ; Bologne, Il Mulino ; 1998 ; p. 162-163

[6] Xavier Philippe, « Tours et contours des transitions constitutionnelles » in Philippe Xavier & Danelciuc-Colodrovschi Natasa (dir.), Transitions constitutionnelles et Constitutions transitionnelles, p. 17-18, coll. Transitions et justice, Institut universitaire Varenne, 2014.

[7] V. not Jean-Pierre Massias, Droit constitutionnel des Etats d’Europe de l’Est ; Paris, PUF ; 2ème éd. 2008 ; p. 38 définissant la transition démocratique comme « l’ensemble des processus constitutionnels ayant pour objet, d’une part, le remplacement des normes constitutionnelles totalitaires par des normes constitutionnelles démocratiques et, d’autre part, l’application effective de ces normes » ; v. égal. Magalie Besse, Les transitions constitutionnelles démocratisantes. Analyse comparative, Clermont-Ferrand, Éditions du Centre Michel de l’Hospital, « Collection des Thèses », no 5, 2018.

[8] Une illustration récente de ce phénomène peut être représenté par la situation tunisienne qui après avoir connu une transition démocratisante entre 2011 et 2014 a connu une transition autoritaire à partir de 2020 avec la suspension du Parlement puis de la Constitution de 2014 pour donner lieu à un processus fermé de révision et l’adoption d’une nouvelle Constitution en 2022.

[9] Cela ne signifie pas qu’aucune conflictualité n’existe. L’exemple islandais et la tentative de changement de constitution entre 2010 et 2013 qui n’a finalement pas abouti, se fondait sur une crise économique et bancaire grave ayant conduit à la mise en œuvre de ce processus original. Hélène Landemore, ‘When public participation matters: The 2010–2013 Icelandic constitutional process,’ International Journal of Constitutional Law, Volume 18, Issue 1, January 2020, Pages 179–205, https://doi.org/10.1093/icon/moaa004.

[10] V. not sur ces aspects et la discussion sur le caractère préconstituant de ces actes : Isabelle Thumerel, « Les périodes de transition constitutionnelle : contribution à l’étude du pouvoir constituant et des actes pré-constituants », thèse de doctorat de l’Université de Lille 2, 2008 ; Alexis Blouët « Le pouvoir préconstituant Analyse conceptuelle et empirique du processus constitutionnel égyptien après la Révolution du 25 janvier 201 »1, Coll. des thèses de l’IFJD, vol.178, LGDJ, 2019.

[11]Ambika Pokhrel “Nepal’s new constitution: a path to peace or further crisis?”, 20 oct. 2015, https://www.peaceinsight.org/en/articles/nepals-new-constitution-path-peace-crisis/?location=nepal&theme=transitional-justice-reconciliation ; v. égal. International Idea « Le choix des organes constituants dans un contexte fragile ou en situation de conflit », Document d’orientation n° 16 d’InternaitonalIdea, 2018.

[12]Marcus Mietzner, “How Indonesia Won a Constitution?”, Journal of Democracy, vol. 25, no. 2, Apr. 2014, pp. 171-8.

[13] Ce sont surtout les politistes qui s’intéressent aux processus et accords de paix V. O’Donnell Guillermo, Schmitter Philippe C. et Whitehead Laurence, Transitions fromAuthoritarianRule; Londres, Jhu ; 1986 même si certains juristes précurseurs s’y sont également penchés : v. Christine Bell, “Peace Agreements: Their Nature and Legal Status.” The American Journal of International Law, vol. 100, no. 2, 2006, pp. 373–412. JSTOR, http://www.jstor.org/stable/3651152. Accédé le 1er Sept. 2023.

[14] Sauf à leur en reconnaître une par le texte de l’accord de paix comme dans lle cadre des accords de Dayton en Saïd Hamdouni, « Les accords de Dayton et le statut de la Bosnie-Herzégovine », Études internationales, 1998, 29(1), 53–69.  Disponible sur : https://doi.org/10.7202/703842ar.

[15] Nico Steytler and Johann Mettler. “Federal Arrangements as a Peacemaking Device during South Africa’s Transition to Democracy.” Publius, vol. 31, no. 4, 2001, pp. 93–106.

[16] V. les préambule des Constitutions de 1993 et de 1996 qui représentent de véritables feuilles de route sur ce que doit être la constitution et le rôle qu’elle doit jouer. V. Catherine Albertyn  “(In)equality and the South African Constitution”, Development Southern Africa (2019) , 36:6, 751-766.

[17] Etienne Mureinik “A Bridge to Where? Introducing the Interim Bill of Rights”, (1994) South African Journal on Human Rights, 10:1, 31-48.

[18] Les termes « constitution finale » ne doivent pas être pris ou compris dans leurs sens littéral mais davantage comme le texte constitutionnel qui résulte de la fin d’un processus. L’idée d’une constitution « finale » ou définitive n’aurait de toute façon guère de sens en droit constitutionnel.

[19] La question du « moment constitutionnel » est ici souvent présente dans la mesure où les circonstances des transitions constitutionnelles sont explicatives des changements, bouleversements et rupture et de l’accord qui peut s’opérer à un moment précis au sein d’une société sur son organisation et ses valeurs. La théorie des « moments constitutionnels » développée par le Professeur Bruce Ackerman (We the People: Foundations3, 5, BelknapPress, 1991) dans son ouvrage séminal considère que la véritable constitution d’un people ne se situe pas vraiment ou pas seulement dans le texte baptisé « Constitution » ou dans l’interprétation qu’en font les juges mais dans un ensemble de principes sur lesquels  historiquement le peuple s’accorde lors de « moment extraordinaires » par sa participation ou sa délibération.

[20] On y retrouve les idées développées par certains juristes italiens et notamment Costantino Mortati qui a développé cette idée de Constitution au sens matériel. V., Nicoletta Perlo « Les Constitutions Provisoires, une catégorie normative atypique au cœur des transitions constitutionnelles en Méditerranée » in Influences et confluences constitutionnelles en Méditerranée, LMDP, 2015, vol.3, op. cit., égal. Franck Laffaille, « La notion de constitution au sens matériel chez Costantino Mortati » in Jus Politicum ; n°7 ; http://www.juspoliticum.com/La-notion-de-constitution-au-sens.html).

[21] Christina Murray, A Constitutional Beginning: Making South Africa’s Final Constitution, 23 U. Ark. Little Rock L. Rev. 809 (2001); disponible sur : https://lawrepository.ualr.edu/lawreview/vol23/iss3/3; Jeremy Sarkin, “The Drafting of South Africa’s Final Constitution from a Human-Rights Perspective.” The American Journal of Comparative Law, vol. 47, no. 1, 1999, pp. 67–87.

[22] Paul C. Szasz, “Creating the Namibian Constitution.” Verfassung Und Recht in Übersee / Law and Politics in Africa, Asia and Latin America, vol. 27, no. 3, 1994, pp. 346–57; v. égal. Dawid van Wyk, “The Making of the Namibian Constitution: Lessons for Africa.” The Comparative and International Law Journal of Southern Africa, vol. 24, no. 3, 1991, pp. 341–51.

[23] V. Geoffrey Weichselbaum & Xavier Philippe, « Le processus constituant et la Constitution tunisienne du 27 janvier 2014 : un modèle à suivre ? », Maghreb – Machrek, 2015, no 223, p. 49-69.

[24] Pour reprendre le cas d’étude tunisien, l’adoption d’une nouvelle constitution en 2022 à la suite de la suspension de celle de 2014 en 2021 repose précisément sur la volonté du président de la République Kaïs Saïd d’exclure toute influence extérieure dans le processus constituant et de ne convoquer que des experts tunisiens (dont un certain nombre a par ailleurs refusé de siéger) pour « dépolluer » l’écriture du nouveau texte qui réancre la Tunisie dans un système plus présidentialiste et centralisé. V. Salsabil Klibi, « Brèves observations sur la constitution tunisienne du 25 juillet 2022 », https://blog.juspoliticum.com/2022/09/09/breves-observations-sur-la-constitution-tunisienne-du-25-juillet-2022-par-salsabil-klibi/; Nouri Mzid et Kamel Baklouti, « Une nouvelle Constitution tunisienne dans un contexte de crise », Revue de droit comparé du travail et de la sécurité sociale, 1, 2023, 188-191.

[25] Qu’il s’agisse d’une clause spécifique du traité prévoyant le retrait ou le respect des clauses de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969, notamment à travers ses articles 56 et suivants. La dénonciation ou le retrait d’un accord international n’est en tout état de cause pas possible sans respect des conditions fixées