Chronique de jurisprudence droit administratif et droit constitutionnel (juin 2023 – juin 2024)

Laure RAGIMBEAU, Marion UBAUD-BERGERON et Ferdi YOUTA.

I. Droit de l’urbanisme (Transactions mettant fin à une instance relative à une autorisation d’urbanisme)

II. Autorités administratives indépendantes (Cumul des fonctions de décision et d’expertise au sein d’une autorité administrative indépendante)

III. Droit de la fonction publique (Encadrement du droit de grève dans le secteur aérien)

IV. Droit de la fonction publique (Principe d’égal accès aux emplois publics)

V. Droit des contrats publics (Nature contractuelle du contrat d’engagement)

VI. Droit des contrats publics (Liberté contractuelle – imprévision)

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I. Droit de l’urbanisme (Transactions mettant fin à une instance relative à une autorisation d’urbanisme)

CC, 14 septembre 2023, n° 2023-1060 QPC, « Mme Hélène C. » [1]

L’édification progressive d’un droit constitutionnel de l’urbanisme doit beaucoup à la contestation devant le juge constitutionnel des diverses mesures législatives prises ces dernières années pour résorber le contentieux et accélérer les projets de construction. Reprenant une proposition du rapport « Construction et droit au recours : pour un meilleur équilibre » du groupe de travail présidé par Daniel Labetoulle, l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme a introduit dans le code de l’urbanisme un nouvel article L. 600-8 encadrant les transactions mettant fin à une instance relative à une autorisation d’urbanisme.

Le premier alinéa de cet article disposait que « toute transaction par laquelle une personne ayant demandé au juge administratif l’annulation [d’une autorisation d’urbanisme] s’engage à se désister de ce recours en contrepartie d’une somme d’argent ou de l’octroi d’un avantage en nature doit être enregistrée conformément à l’article 635 du code général des impôts » [2]. Le deuxième alinéa, qui était au cœur du litige, prévoyait que « la contrepartie prévue par une transaction non enregistrée est réputée sans cause et les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des avantages consentis sont sujettes à répétition ».

La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) a apporté à l’article L. 600-8 du code de l’urbanisme quelques modifications mineures, mais c’est dans sa rédaction issue de l’ordonnance de 2013, celle applicable au litige, que cet article était critiqué. 

Après avoir demandé au tribunal administratif d’annuler un permis d’aménager, des époux avaient conclu avec la société bénéficiaire du permis une transaction par laquelle ils s’étaient engagés à se désister de leurs recours en contrepartie de la réalisation de travaux d’aménagement sur une parcelle leur appartenant. Le tribunal avait pris acte du désistement des requérants en prononçant un non-lieu à statuer. Faisant valoir que la transaction n’avait pas été enregistrée auprès de l’administration fiscale, la société a assigné les époux en remboursement du coût de l’avantage en nature dont ils avaient bénéficié. C’est dans ce cadre qu’a été soulevée la question de la conformité de l’alinéa deux de l’article L. 600-8 du code de l’urbanisme aux droits et libertés que la Constitution garantit. Dans sa décision du 14 septembre 2023, le Conseil constitutionnel déclare cette disposition conforme à la Constitution et écarte tant le grief tiré de la violation du principe d’égalité (1) que celui tiré de la méconnaissance du droit à un recours juridictionnel effectif (2). Ces deux aspects de la solution appellent plusieurs commentaires.

1) Le grief relatif à la violation du principe d’égalité

En cas de défaut d’enregistrement de la transaction auprès de l’administration fiscale, l’alinéa deux de l’article L. 600-8 du code de l’urbanisme permet au bénéficiaire de l’autorisation de solliciter la restitution de la contrepartie consentie, tandis que l’auteur du recours ne peut, lui, revenir sur son désistement. Les requérants estimaient qu’il y avait là une différence de traitement injustifiée entre les parties à la transaction, contraire aux principes d’égalité devant la loi et devant la justice. Le Conseil constitutionnel admet l’existence d’une différence de traitement, mais considère qu’au regard de la finalité du dispositif, les parties au contrat de transaction sont dans une situation différente. En imposant l’enregistrement des transactions, le législateur poursuivait un objectif de transparence et de moralisation. Il s’agissait, en soumettant les transactions au regard des services fiscaux, de décourager les arrangements « mafieux » et, par là même, de dissuader les recours abusifs introduits dans le seul but d’obtenir un gain financier. Il est évident qu’au regard de cet objectif, le législateur ne pouvait traiter pareillement l’auteur du recours et le bénéficiaire de l’autorisation. Le premier est suspecté, le second, protégé. Cela constitue, aux yeux du Conseil, une différence de situation. Le Conseil en conclut que le fait de pénaliser le seul auteur du recours en l’absence d’enregistrement de la transaction est en rapport direct avec l’objet de la loi. Le principe d’égalité n’est donc pas méconnu.

On pourrait s’arrêter sur la manière dont le Conseil caractérise la différence de situation, ou discuter de la pertinence du dispositif prévu par le législateur au regard de l’objectif poursuivi[3]. Mais la solution retenue soulève, nous semble-t-il, des questions autrement plus importantes et fondamentales liées, d’une part, à l’égalité devant la loi contractuelle, et d’autre part, à la qualification de contrat de transaction.

L’égalité devant la loi contractuelle. L’alinéa deux de l’article L. 600-8 du code de l’urbanisme institue une sanction asymétrique en cas de défaut d’enregistrement de la transaction auprès de l’administration fiscale. C’est, au fond, cette inégalité entre les parties au contrat de transaction que critiquaient les requérants. L’objectif de moralisation et de sécurisation des autorisations d’urbanisme justifiait-il une telle dérogation au principe d’égalité non plus devant la loi en général, mais devant la loi contractuelle en particulier?

Le Conseil constitutionnel n’a jamais explicitement consacré un principe d’égalité devant la loi contractuelle[4]. Dans la décision PACS de 1999, les requérants soutenaient pourtant que la rupture du PACS par mariage était « contraire au principe d’égalité entre les contractants ». Loin de s’approprier la formule, le Conseil constitutionnel la tient au contraire à distance en prenant soin d’utiliser des guillemets, et rend sa décision sans se prononcer explicitement sur ce point[5]. En 2014, dans leur saisine contre des dispositions de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové modifiant des articles de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, les sénateurs reprochaient au législateur d’avoir méconnu « l’égalité des parties dans les relations contractuelles ». Le Conseil constitutionnel répond sobrement que le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur adopte des mesures destinées à assurer la protection des locataires dans leurs relations avec les bailleurs[6].

La configuration est bien sûr un peu différente au cas d’espèce. Il ne s’agit pas de réglementer le contenu du contrat, mais plus simplement de faire peser sur une seule partie les conséquences du non-respect de la formalité d’enregistrement. Cette sanction ciblée consistant pour l’auteur du recours à restituer les sommes perçues nous paraît cependant excessive pour plusieurs raisons. En premier lieu, la loi ne fait reposer l’enregistrement sur aucune des deux parties en particulier. S’il y a le plus intérêt au regard de l’économie du texte, l’auteur du recours n’est pas pour autant désigné comme celui devant accomplir cette formalité. Si tel avait été le cas, on aurait compris qu’il soit le seul à supporter les conséquences du défaut d’enregistrement. En second lieu, alors que l’objectif du législateur était notamment de moraliser les processus transactionnels en contentieux de l’urbanisme, est-il bien moral que le titulaire de l’autorisation conserve le bénéfice du désistement de l’auteur du recours alors que celui-ci est obligé de restituer les sommes perçues ?[7] D’autant que, en troisième lieu, la sanction légale est déclenchée uniquement, et mécaniquement, par le non-enregistrement[8] dans le délai d’un mois. Ce seul fait suffit à vicier, mais seulement partiellement !, un contrat de transaction par ailleurs parfaitement valide. Aucune nuance n’est possible ; aucune modulation, tenant compte par exemple de la bonne ou mauvaise foi de l’auteur du recours, n’est prévue.

Sans nécessairement consacrer un principe constitutionnel d’égalité devant la loi contractuelle, il aurait été bienvenu, au regard des conséquences graves et surtout unilatérales du défaut d’enregistrement, que le Conseil approfondisse le contrôle du respect de l’égalité devant loi. Cela aurait obligé, ou au moins incité, le législateur à repenser la transaction en matière d’autorisations d’urbanisme. D’autres voies pourraient en effet être explorées pour « officialiser » ces transactions. On songe par exemple à la procédure d’homologation, que le législateur pourrait imposer aux parties[9]. L’objectif de moralité et de transparence serait ainsi atteint sans rupture d’égalité entre les parties au contrat.

La qualification de contrat de transaction. L’inégalité des parties devant la loi contractuelle, que le Conseil n’a donc pas voulu sanctionner, charrie du reste une interrogation sur la nature même du contrat. Elle conduit à se demander si la transaction visée à l’article L. 600-8 du code de l’urbanisme mérite toujours cette qualification. Dès lors que la contrepartie reçue par l’auteur du recours est réputée « sans cause » du fait de l’absence d’enregistrement, mais que son désistement est néanmoins maintenu, est-on encore en présence d’un contrat de transaction ? Ce contrat se caractérise, on le sait, par l’existence de concessions réciproques. Or le défaut d’enregistrement transforme, a posteriori, les concessions réciproques en une concession unilatérale[10]. La transformation est d’ailleurs fictive, puisque la cause a bien existé, et existe toujours dès lors que le désistement du requérant est définitivement acquis pour le bénéficiaire de l’autorisation. Devant cet usage impropre de la cause, la Cour de cassation a été obligée de préciser que « la référence à l’absence de cause ne renvoie pas à la notion de cause au sens du code civil », dans sa version antérieure à la réforme de 2016, mais signifie simplement que le législateur tient la transaction pour « illégale ». L’illégalité[11] n’atteint toutefois qu’un aspect du contrat : la contrepartie perçue par l’auteur du recours, dénaturant ainsi la transaction dont l’essence est méconnue par le législateur.

On ne pouvait attendre du Conseil constitutionnel qu’il rentre dans ce niveau de détail. Ces interrogations tendent cependant à démontrer qu’il a déclaré conforme à la Constitution un dispositif législatif bancal[12] qui instaure une inégalité très discutable entre les parties au contrat de transaction pour atteindre un objectif qui, lui, ne l’est pas.

2) Le grief relatif à la violation du droit au recours

Parce que le défaut d’enregistrement prive le requérant de la contrepartie prévue au contrat, sans pour autant remettre en cause son désistement, l’auteur de la QPC alléguait que l’alinéa deux de l’article L. 600-8 du code de l’urbanisme portait une atteinte excessive au droit à un recours juridictionnel effectif. Tel n’est pas l’avis du Conseil constitutionnel, qui considère à l’inverse que les dispositions critiquées n’ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet d’interdire les personnes intéressées de former un recours. Elles visent essentiellement, comme nous l’avons vu, à sanctionner la méconnaissance de l’obligation d’enregistrement. Dans sa rédaction issue de l’ordonnance de 2013, l’article L. 600-8 faisait uniquement référence aux transactions intervenues en cours d’instance et qui avaient pour objet de l’éteindre. Dans cette hypothèse, le requérant a bien introduit un recours, et c’est justement ce recours qui provoque la conclusion d’une transaction dont l’exécution se matérialise notamment par son désistement volontaire[13]. On ne peut donc considérer que le droit au recours est dans ce cas atteint. Ce n’est pas véritablement le droit au recours qui est en cause. Le fond du problème réside dans l’absence de réciprocité, dans le déséquilibre qui découle du défaut d’enregistrement – on en revient à la question de l’inégalité des parties devant la loi contractuelle.

Dans sa rédaction issue de la loi ELAN, l’article L. 600-8 vise désormais également les transactions préventives d’instances, celles conclues avec une personne ayant l’intention d’introduire un recours en annulation contre une autorisation d’urbanisme. Dans cette hypothèse, en l’absence d’enregistrement de la transaction, l’intéressé est bien empêché d’introduire un recours. Il ne pourra pas « récupérer » son droit au recours pour l’exercer, alors que le bénéficiaire de l’autorisation pourra obtenir le remboursement des sommes versées en contrepartie du désistement. Le problème de l’atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif se pose donc ici un peu différemment. Il mériterait, pour cette raison, d’être soumis au Conseil constitutionnel par le biais d’une nouvelle QPC[14], laquelle contribuerait à son tour à la construction du droit constitutionnel de l’urbanisme.

II. Autorités administratives indépendantes (Cumul des fonctions de décision et d’expertise au sein d’une autorité administrative indépendante)

CC, 17 mai 2024, n° 2024-868 DC, Loi relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire [15]

La remise à plat du modèle français de sûreté nucléaire a conduit le Conseil constitutionnel à trancher l’intéressante – et sauf erreur de notre part, inédite – question du cumul des fonctions de décision et d’expertise au sein d’une autorité administrative indépendante.

Depuis le début des années 2000, la sûreté nucléaire repose en France sur deux entités : l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), établissement public industriel et commercial de l’État créé par une loi du 9 mai 2001[16], et l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), autorité administrative indépendante créée par une loi du 13 juin 2006[17]. Dans cette organisation bicéphale, l’Institut apparaît comme l’expert, tandis que l’Autorité fait office de contrôleur et de décideur. C’est elle qui reçoit les déclarations des exploitants nucléaires, procède aux enregistrements, accorde les autorisations et délivre les agréments. Pour ce faire, elle reçoit l’appui technique de l’IRSN, qui lui fait bénéficier de ses activités d’expertise et de recherche scientifique.

Ce modèle était jugé avantageux parce qu’il permettait à l’IRSN de mener ses activités d’expertise avec d’autant plus d’indépendance et de liberté que la décision finale ne lui revenait pas, et à l’ASN d’exercer son pouvoir de décision en s’appuyant sur une analyse robuste et impartiale. La volonté de relancer le nucléaire français a entraîné la remise en cause de ce modèle. Dans un contexte où l’ASN doit prendre d’importantes décisions sur le renouvellement des autorisations des centrales existantes et la construction des nouveaux réacteurs de type EPR2, le gouvernement a jugé nécessaire de « fluidifier » le système en rassemblant les fonctions d’expertise et de décision sous une même autorité. La réforme a été adoptée après plusieurs péripéties au parlement, et malgré l’opposition des syndicats. La loi relative à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection procède à la fusion de l’ASN et de l’IRSN, dont les missions sont, à compter du 1er janvier 2025, confiées à l’Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR). Elle a été déférée au Conseil constitutionnel par 60 députés de l’opposition.

Ces derniers faisaient valoir devant le Conseil que le cumul des fonctions constituait un recul pour la prévention des risques nucléaires. Selon eux, il privait de garanties légales les exigences constitutionnelles résultant de la Charte de l’environnement et méconnaissait les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement et de la santé. Le juge constitutionnel devait donc déterminer si le législateur pouvait, pour le contrôle de la sûreté nucléaire, confier à une même autorité – l’ASNR – les missions d’expertise et de décision. Il s’appuie sur différents éléments pour répondre par l’affirmative et déclarer la loi conforme à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel relève tout d’abord que la loi confie la mission d’expertise auparavant exercée par un établissement public (l’IRSN) à une autorité qui a la qualité d’autorité administrative indépendante (l’ASNR). Or contrairement aux EPIC qui sont soumis à la tutelle de l’État, il est dans la nature même des autorités administratives indépendantes d’être indépendantes du gouvernement et des opérateurs, ce que rappelle avec force la loi du 20 janvier 2017 portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. Loin d’affaiblir l’indépendance et l’impartialité de la fonction d’expertise, le statut de la nouvelle autorité contribuera au contraire à les renforcer.

Le Conseil insiste par ailleurs sur le fait que la loi critiquée n’a ni pour objet ni pour effet de modifier les obligations auxquelles sont soumises les activités nucléaires civiles. C’est dire autrement que la loi ne touche pas au fond du droit, aux procédures, bref, n’abaisse pas le niveau d’exigence en matière de sûreté nucléaire, qui reste le même malgré l’évolution du système institutionnel. On pourrait répondre à cela que si, en apparence, rien ne change en droit, le nouveau modèle institutionnel pourrait entraîner un changement progressif de « culture », de nouveaux habitus susceptibles de conduire, dans les faits, à une régression. Les députés soutenaient dans leur saisine que la fusion rapprocherait la sûreté nucléaire « à la française » du modèle anglo-américain reposant sur une autorité unique adoptant, d’après eux, une approche plus pragmatique et probabiliste du risque. Le gouvernement revendiquait d’ailleurs ce rapprochement dans l’exposé des motifs du projet de loi. Si le Conseil constitutionnel s’est converti au conséquentialisme[18], il ne pouvait cependant suivre la pente de cet argument reposant sur un raisonnement par trop hypothétique. Il est impossible de savoir si le nouveau cadre institutionnel sera à l’origine de comportements individuels et collectifs susceptibles de faire reculer, même légèrement, la prévention des risques nucléaires. De manière compréhensible, le Conseil s’en tient à ce qui est certain : la loi ne modifie pas l’état du droit et n’allège donc pas les exigences en matière de sûreté nucléaire.

Un dernier élément permet au juge constitutionnel d’écarter, « en tout état de cause », l’idée d’une violation des articles 1er et 3 de la Charte de l’environnement. En raison notamment des critiques émises par les syndicats, le législateur avait pris soin de prévoir que lorsque l’ASNR recourt, dans le cadre d’une instruction, à une expertise réalisée par ses services, une distinction doit être opérée entre les personnels chargés des activités d’expertise et les personnels chargés de la décision ou de la proposition de décision.

Après la séparation entre les fonctions de poursuite et de jugement, qui est désormais bien balisée par la jurisprudence constitutionnelle[19], voici donc venue celle entre les fonctions d’expertise et de décision. Cette nouvelle séparation nous semble cependant différente de l’ancienne et surtout spécifique à la matière environnementale[20]. L’enjeu n’est plus d’assurer le droit individuel d’un opérateur à un procès équitable. L’approche n’est plus subjective, mais objective : il s’agit, dans l’intérêt général, de prévenir des risques dont la réalisation pourrait provoquer des dommages graves ou irréversibles à l’environnement et à la santé. Et de ce point de vue, le risque nucléaire constitue peut-être le risque ultime. Il fait peu de doute que s’il décidait à l’avenir de revenir sur cette séparation des fonctions d’expertise et de décision, le législateur priverait de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel.

III. Droit de la fonction publique (Encadrement du droit de grève dans le secteur aérien)

CC, 21 décembre 2023, n° 2023-859 DC, Loi relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l’adéquation entre l’ampleur de la grève et la réduction du trafic[21]

Saisi de la loi du 28 décembre 2023 relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l’adéquation entre l’ampleur de la grève et la réduction du trafic[22], le Conseil constitutionnel a dû examiner la constitutionnalité du nouvel article L. 114-5-1 inséré par cette dernière au sein du code général de la fonction publique. Dans l’optique de permettre à l’administration de mieux anticiper les conséquences des mouvements sociaux, ce nouvel article astreint les agents « assurant des fonctions de contrôle, d’information de vol et d’alerte et dont l’absence est de nature à affecter directement la réalisation des vols »[23] à informer individuellement l’autorité administrative de leur intention de participer à un mouvement de grève, au plus tard à midi l’avant-veille de chaque journée de grève.

Les deux griefs soulevés par les députés requérants à l’encontre de cette disposition ont été écartés par le Conseil constitutionnel qui a, assez logiquement, délivré un brevet de constitutionnalité à l’article contesté.

En premier lieu, fût soulevé le grief tiré de la méconnaissance du droit de grève. Partant du constat que certaines dispositions imposent déjà un délai de préavis de cinq jours aux organisations syndicales avant toute cessation concertée du travail et prévoient la mise en place d’un service minimum destiné à assurer la continuité du service public, les requérants estiment que le nouvel article du Code général de la fonction publique porte une atteinte disproportionnée au droit de grève[24] des agents des services de la navigation aérienne en soumettant désormais ces derniers à cette obligation de déclaration individuelle de leur intention de participer à une grève. La réponse apportée par le Conseil constitutionnel commence, sans surprise, par le rappel de la valeur constitutionnelle du droit de grève, lequel est inscrit au septième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Mais, on le sait, le droit de grève n’est pas illimité et doit notamment se concilier, au sein des services publics, avec le principe de continuité du service public qui a également valeur constitutionnelle[25].

Certes, l’exigence légale[26] du dépôt d’un préavis de grève par les organisations syndicales représentatives cinq jours avant le déclenchement de la grève pouvait, de prime abord, paraître suffisante pour concilier le droit de grève et l’impératif de continuité du service public. Toutefois, l’insuffisance patente de ce dispositif a été mise en évidence à plusieurs reprises. Pointant du doigt les carences du cadre normatif national, les contributions extérieures reçues par le Conseil constitutionnel à l’occasion de cette saisine – provenant de différentes compagnies aériennes – ont révélé que la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) n’était « pas en mesure de connaître avec précision, avant le début d’un mouvement de grève, le nombre de contrôleurs aériens qui seront effectivement grévistes »[27]. Pour cause, les préavis de grève ne précisent pas le nombre d’agents effectivement grévistes, plaçant ainsi la DGAC en difficulté pour estimer correctement le nombre d’agents à réquisitionner pour assurer le service minimum et éviter de trop nombreuses annulations de vols. Le Rapport sénatorial fait par Madame Evelyne Perrot au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur la proposition de loi dont s’agit abonde dans le même sens[28].

Comblant les lacunes de l’état actuel du droit sur ce point, la loi du 28 décembre 2023 – objet de la saisine – ajoute donc cette obligation de déclaration individuelle préalable de participation à la grève. Pour conclure à la constitutionnalité de l’article déféré, le Conseil a tout d’abord rappelé qu’en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu améliorer l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de grève, « pour limiter les conséquences de la réduction du trafic aérien en résultant et permettre l’information des entreprises de transport aérien ainsi que de leurs passagers »[29]. Ce faisant, il a entendu assurer « non seulement la continuité du service public mais aussi le bon ordre et la sécurité des personnes dans les aérodromes et, par suite, l’objectif de valeur constitutionnelle de préservation de l’ordre public »[30].

En outre, d’autres considérations confortent le raisonnement du Conseil constitutionnel et justifient sa position finale. D’une part, l’obligation de déclaration préalable de participation à la grève n’est pas démesurément imposée à une trop grande catégorie de personnes, mais ne s’applique qu’aux agents assurant des fonctions de contrôle, d’information et d’alerte et dont l’absence est de nature à affecter directement les vols. D’autre part, cette obligation n’interdit pas à un de ces agents « de rejoindre un mouvement de grève déjà engagé et auquel il n’avait pas initialement l’intention de participer, ou auquel il aurait cessé de participer, dès lors qu’il en informe l’autorité administrative dans ce même délai. »[31]

Enfin, la circonstance selon laquelle des sanctions disciplinaires pourraient être prononcées à l’égard des agents méconnaissant les dispositions contestées ne justifiait pas davantage la censure de la part du Conseil constitutionnel. De telles sanctions ne viseraient en effet qu’à réprimer l’inobservation de l’obligation pour l’agent de déclarer son intention de participer à la grève, laquelle ne confèrerait pas pour autant un caractère illicite à l’exercice du droit de grève[32].

Il n’est guère étonnant que cette nouvelle obligation ait reçu l’onction constitutionnelle, car la même position avait été retenue en 2007 à l’égard de la loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs qui avait posé la même obligation à l’égard des salariés grévistes de ce secteur[33]. Par ailleurs, il convient de noter que, ce faisant, la loi du 28 décembre 2023 complète l’arsenal législatif d’encadrement du droit de grève[34] dans le secteur aérien en étendant aux contrôleurs aériens cette obligation de déclaration individuelle, qui avait déjà été posée en 2012 à l’égard des salariés du secteur du transport aérien de passagers, tels que les salariés des exploitants d’aérodrome occupant un emploi de personnel navigant ou assurant des opérations d’assistance en escale ou de maintenance en ligne des aéronefs[35].

En second lieu, fût soulevé le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée. Était reproché aux dispositions contestées de ne pas préciser la durée de conservation des informations communiquées par les agents ayant déclaré leur intention de faire grève, ce qui permettrait à l’administration d’en faire un usage à d’autres fins que celles prévues par la loi[36].

Une telle argumentation n’a pas davantage convaincu le Conseil constitutionnel de censurer les dispositions contestées. Celles-ci énoncent clairement que les informations issues des déclarations individuelles des agents ne peuvent être utilisées que pour l’organisation de l’activité des services de la navigation aérienne durant la grève, pour informer les passagers des adaptations du trafic aérien consécutives au mouvement de grève et, anonymisées, pour l’information des organisations syndicales. Elles sont couvertes par le secret professionnel, et leur utilisation à d’autres fins ou leur communication à toute autre personne est passible des peines prévues à l’article 226-13 du code pénal[37].

De plus, face à la perspective selon laquelle les informations issues des déclarations individuelles de ces agents puissent faire l’objet d’un traitement automatisé de données à caractère personnel, le juge constitutionnel rappelle qu’existent des garanties propres à assurer, pour les agents, le respect de leur droit à la vie privée, issues du règlement général sur la protection des données (RGPD) du 27 avril 2016 et de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

Là encore, la position du Conseil constitutionnel est compréhensible et s’inscrit dans la droite ligne de celle qu’il avait retenue en 2007 à l’égard de la loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs. Les mêmes craintes avaient été soulevées quant au risque de détournement des informations issues des déclarations individuelles des agents grévistes, mais le juge constitutionnel avait également écarté le grief tiré de la méconnaissance du droit au respect de la vie privée, pour les mêmes motifs.

In fine, le nouvel article L. 114-5-1 inséré au sein du code général de la fonction publique échappe donc logiquement à la censure du Conseil constitutionnel, et apporte ainsi une pierre supplémentaire à l’édifice normatif d’encadrement du droit de grève dans le secteur aérien.

IV. Droit de la fonction publique (Principe d’égal accès aux emplois publics)

CC, 16 novembre 2023, n° 2023-856 DC, Loi organique relative à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire[38]

Présenté comme l’une des plus importantes réformes statutaires des magistrats depuis 1958[39], le projet de loi organique déposé par M. Éric Dupond-Moretti au Sénat le 3 mai 2023 poursuit trois objectifs majeurs : ouvrir le corps judiciaire sur l’extérieur, moderniser l’institution judiciaire tant dans sa structuration que dans son fonctionnement, et enfin protéger et responsabiliser de manière accrue les magistrats dans le cadre de leur exercice professionnel[40].

Les quelques lignes à venir ne prétendent nullement commenter la totalité des dispositions issues de cette loi organique promulguée le 20 novembre 2023, particulièrement riches, elles-mêmes complétées par une autre loi du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027.

Il s’agira simplement de s’intéresser à un aspect novateur de la loi organique déférée au Conseil constitutionnel le 16 octobre 2023, ayant trait à l’ouverture des voies d’accès à la magistrature. Référence est ici faite à l’article 13 de la loi organique, qui institue un concours spécial de recrutement des auditeurs de justice pour les élèves des classes « Prépa Talents ». Parmi les divers modes de recrutement des auditeurs de justice, existe le concours « étudiants » ouvert aux candidats titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation d’une durée au moins égale à quatre années d’études après le baccalauréat ou justifiant d’une qualification reconnue au moins équivalente[41]. Dans l’optique de démocratiser ses concours d’accès, l’École Nationale de la Magistrature (ENM) a créé depuis 2008 six classes préparatoires intégrées (« Prépas Talents ») ayant permis le recrutement de 167 auditeurs de justice entre 2008 et 2021[42]. Partant du constat selon lequel les résultats des préparationnaires sont moins satisfaisants depuis trois ans, le législateur organique institue donc à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2026 un premier concours spécial pour le recrutement d’auditeurs de justice au profit des élèves des classes « Prépas Talents », afin de favoriser la diversité des profils des lauréats du premier concours et d’ouvrir la magistrature à des profils différents[43]. En substance, l’idée est « de tenir compte de la variété des mérites et des besoins du service public de la justice et d’éviter que le corps des magistrats soit réservé à une frange favorisée de la population à la fois sur le plan social et sur le plan de la formation »[44].

Ce concours spécial est réservé aux personnes qui suivent ou ont suivi, dans les quatre années civiles précédant l’année au cours de laquelle le concours est ouvert, un cycle de formation préparant au concours externe « étudiants » de l’ENM accessible au regard de critères sociaux et à l’issue d’une procédure de sélection. Le cœur du problème soumis au Conseil constitutionnel résidait donc dans la question, inédite sous cette forme[45], de savoir si la création de ce concours spécial réservé à des candidats eux-mêmes préalablement sélectionnés au sein d’un cycle de formation recrutant en fonction de critères sociaux, méconnaissait ou non le principe d’égal accès aux emplois publics proclamé par l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen (DDHC).

Déjà amené, par le passé, à examiner la constitutionnalité de mesures de différenciation positive dans le recrutement à des emplois publics, le Conseil constitutionnel a développé une jurisprudence très soucieuse du respect de l’article 6 de la DDHC. Reconnaissant que l’exigence de capacité puisse s’apprécier différemment selon les besoins du service public et les mérites des intéressés, il considère que cette disposition constitutionnelle n’a pas pour effet d’imposer que tous les agents publics soient recrutés par concours, et n’interdit pas davantage au législateur de diversifier les modes de recrutement pour tenir compte de la diversité des vertus et des talents[46]. En revanche, le Conseil constitutionnel est « intransigeant sur le fait que, quelles que soient les formes qu’elles revêtent, les modalités de recrutement aux emplois publics ne doivent pas permettre de procéder à des nominations qui méconnaîtraient l’égal accès des candidats aux emplois publics en fonction de leurs vertus et de leurs talents »[47].

Pour trancher la question de la constitutionnalité de l’article 13 de la loi organique déférée, le juge constitutionnel a tout d’abord commencé par rappeler que les règles de recrutement des magistrats de l’ordre judiciaire fixées par le législateur organique doivent, notamment en posant des exigences précises quant à la capacité des intéressés, assurer le respect du principe d’égal accès aux emplois publics et concourir à l’indépendance de l’autorité judiciaire, garantie par l’article 64 de la Constitution[48]. Ce faisant, il s’inscrit dans la continuité directe de sa position déjà retenue en 2001 à l’égard d’une autre loi organique relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature[49]. Mais il ajoute que ces « exigences ne s’opposent pas à ce que les règles de recrutement destinées à permettre l’appréciation des aptitudes et des qualités des candidats à l’entrée dans le corps judiciaire soient différenciées pour tenir compte tant de la variété des mérites à prendre en considération que de celle des besoins du service public de la justice »[50].

Plusieurs séries de considérations amènent ensuite le Conseil constitutionnel à conclure à la constitutionnalité – sous réserves – des dispositions contestées.

Tout d’abord, il est rappelé que le législateur organique a entendu accroître la diversité des profils des magistrats constituant le corps judiciaire.

Se penchant ensuite sur les conditions de recrutement des lauréats de ce nouveau concours spécial, le juge constitutionnel précise que les personnes souhaitant se présenter à ce concours spécial doivent, comme celles se présentant au premier concours, être titulaires d’un diplôme sanctionnant une formation d’une durée au moins égale à quatre années d’études après le baccalauréat ou justifier d’une qualification reconnue au moins équivalente. Si ce point ne soulevait pas de difficultés particulières, il en allait différemment de la circonstance selon laquelle ces personnes doivent suivre ou avoir suivi un cycle de formation préparant au premier concours ; cycle auquel elles ont eu accès parce qu’elles répondent notamment à des critères sociaux. Tel était le principal obstacle, car la jurisprudence du Conseil constitutionnel désapprouve classiquement les dispositifs de recrutement fondés sur des critères essentiellement autres que ceux des seuls mérites et capacités[51]. Si les critères sociaux peuvent valablement être pris en compte en matière de recrutement à des emplois publics, ces derniers n’avaient jusqu’alors été retenus que lorsqu’ils intervenaient en « second rang »[52]. Mais, en l’espèce, les critères sociaux ne sont pas les seuls à conditionner l’accès à ce cycle de formation. En plus de devoir répondre à de tels critères sociaux, les personnes candidates sont également soumises à une procédure de sélection. Et il ressort des travaux parlementaires que « cette sélection a pour objet de s’assurer que les candidats présentent le parcours de formation, les aptitudes et la motivation requis »[53]. Cette précision est à ce point déterminante dans le raisonnement du juge constitutionnel qu’elle justifie et fonde la réserve d’interprétation énoncée aussitôt : il appartiendra dès lors au pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge, « de fixer des critères de sélection objectifs et rationnels de nature à garantir que sont pris en considération les mérites des candidats »[54].

Quelques dernières considérations viennent achever l’analyse du Conseil constitutionnel, parmi lesquelles la circonstance tenant à ce que les programmes et les épreuves du concours spécial sont identiques à ceux du premier concours et les candidats au concours spécial sont sélectionnés par le même jury. En outre, la limitation du nombre de places offertes au concours spécial au titre d’une année – qui ne pourra être supérieur à 15 % du nombre des places offertes au premier concours – est également décisive. Par une seconde réserve d’interprétation, le juge constitutionnel énonce d’ailleurs que « le pouvoir pour le jury de ne pas pourvoir tous les postes offerts au concours spécial devra être expressément prévu »[55].

Enfin, il est précisé que les lauréats du premier concours spécial nommés auditeurs de justice suivent le même parcours de formation initiale que les lauréats du premier concours, à l’issue duquel ils doivent être déclarés aptes par un jury à exercer les fonctions judiciaires.

L’ensemble de ces éléments amène finalement le Conseil constitutionnel à estimer qu’un point d’équilibre a été trouvé par le législateur organique – moyennant les deux réserves d’interprétation émises – entre sa volonté d’élargir et de démocratiser les voies d’accès à la magistrature judiciaire et les exigences constitutionnelles du principe d’égal accès aux emplois publics.

V. Droit des contrats publics (Nature contractuelle du contrat d’engagement)

CC, 14 décembre 2023, n° 2023-858 DC, « Loi pour le plein emploi »[56]

Si la loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi a surtout mobilisé l’attention des spécialistes du droit du travail, la décision rendue par le Conseil constitutionnel dans son contrôle a priori n’en suscite pas moins d’intérêt sur le plan du droit administratif puisque, de façon incidente, celui-ci a été amené à se prononcer sur la nature contractuelle de certains contrats conclus par les organismes publics du travail. L’article 2 de cette loi prévoit en effet une modification de l’article L5411-6-1 du Code du travail[57] en imposant aux demandeurs d’emploi la conclusion d’un « contrat d’engagement » avec leur organisme de référence (organisme qui peut être selon les cas Pôle emploi – auquel est amené à se substituer France emploi – ou les services du département) : ce contrat, qui va succéder à l’actuel « projet personnalisé d’accès à l’emploi » prévu par le code, a pour objectif de fixer un ensemble de droits et obligations pour les parties dans la démarche de recherche d’emploi du demandeur.

Parmi les nombreux griefs soulevés par les députés requérants contre ce contrat d’engagement, figure celui d’une violation de la liberté contractuelle, violation découlant de ce que le contrat d’engagement a vocation à se substituer automatiquement aux contrats antérieurs conclus par les allocataires de l’assurance chômage ou les bénéficiaires du RSA en cours d’exécution. En réponse à ce moyen, le Conseil constitutionnel juge que « les contrats d’engagement ne pouvant être regardés, eu égard à leur nature, comme entrant dans le champ d’application des articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le grief tiré de la méconnaissance de ces exigences constitutionnelles ne peut qu’être écarté » (§70) : lapidaire, la réponse du juge constitutionnel mérite pourtant que l’on s’y attarde tant elle est porteuse de significations pour la théorie générale du contrat.

Soulignons, à titre liminaire, que cette question de la nature du « contrat d’engagement » ici conclu par les demandeurs d’emploi s’inscrit dans le débat plus large de ce que la doctrine appelle les « faux contrats » : il s’agit de contrats conclus par les personnes publiques qui sont dénommés comme tels par le législateur qui les institue (ou par la personne publique elle-même) mais qui ne sauraient pourtant être rangés dans la catégorie juridique du « contrat » faute d’en avoir les caractères intrinsèques. Si ces « faux contrats » ont toujours pu trouver des manifestations anciennes, signes usuels d’erreurs dans la qualification juridique d’un acte, leur présence s’est manifestée de façon exponentielle sous l’effet de la contractualisation de l’action publique[58], et par une volonté politique assumée d’instrumentalisation du contrat : le « mirage contractualiste », souligne Jacques Chevallier, sert avant tout à « renforcer l’adhésion des membres aux institutions »[59]. A la faveur de ce contexte, se sont ainsi développés de nombreux mécanismes conventionnels dont l’appartenance à la famille du contrat a toujours été discutée par la doctrine, offrant là un redoutable exercice de taxinomie juridique[60]. Cette question, du reste, n’est pas inédite pour le Conseil constitutionnel puisque ce dernier avait déjà été saisi par le passé du contrat de responsabilité parentale institué par la loi du 31 mars 2006, mais sans qu’il n’ait eu alors à se prononcer sur la nature juridique de ce dernier[61], ou encore de l’acte d’engagement conclu entre l’administration pénitentiaire et les détenus, à qui il avait dénié, de façon discutable, toute portée contractuelle[62].

L’argument tiré de la violation de la liberté contractuelle par la disposition instituant le contrat d’engagement pour les demandeurs d’emploi conduit ici le Conseil à se confronter directement à la nature contractuelle de cet acte, à laquelle il répond négativement par une formule aussi ramassée que possible : c’est « eu égard à leur nature » que de tels contrats (selon les termes de la loi) ne sont pas des contrats, dit autrement, de « véritables » contrats.

Nul besoin de trop s’étendre sur le fait que l’argument tiré de la « nature » d’un acte relève en réalité d’un argument d’autorité – il n’existe point de situations juridiques qui soient par nature prédéterminées juridiquement ! – et il convient donc de s’interroger sur la motivation qui, en droit, peut sous-tendre une telle formulation. Deux interprétations semblent possibles.

La première interprétation tiendrait au contenu même du contrat d’engagement. Il est vrai que le juge administratif écarte la qualification de contrat lorsque la personne publique conclut un « prétendu » contrat mais qui est dépourvu de tout effet obligationnel, ce qui est le cas lorsque l’acte ne contient aucune stipulation fixant de façon précise l’étendue des droits et obligations réciproques et/ou ne prévoit aucune sanction consécutive à l’irrespect de ces derniers : faute d’être pourvu de tout effet contraignant dans l’ordonnancement juridique, l’acte ne peut alors être considéré comme un contrat, ni même au demeurant comme un acte juridique. Ce raisonnement a pu être tenu à propos, par exemple, des contrats de plan, dont la justiciabilité est tributaire de la précision des droits et obligations énoncés dans les stipulations du contrat[63]. Toutefois, en l’espèce, cet argument semble fragilisé par la motivation de la décision rendue par le Conseil puisque, répondant notamment à l’argument de la violation de l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, le juge constitutionnel insiste sur le fait que le contrat d’engagement prévu par le législateur est suffisamment clair et précis sur le contenu des droits et obligations réciproques et qu’il est assorti d’un régime de sanction : à s’en tenir à cette motivation, le contrat d’engagement a donc tout, intrinsèquement, d’un véritable contrat.

Une deuxième interprétation serait alors possible : la nature particulière de ces contrats tiendrait à ce qu’ils sont conclus par des entités en charge d’un service public administratif. La jurisprudence administrative a effectivement toujours considéré que les autorités administratives gérant une activité de service public administratif ne peuvent pas conclure de contrats avec les usagers, qui sont dans une relation purement légale et règlementaire excluant toute relation contractuelle : c’est en tout cas cet argument que le gouvernement a avancé dans ses observations pour rejeter le grief des députés en invoquant d’ailleurs la jurisprudence du Conseil d’Etat en la matière[64]. Toute la difficulté est que, dans ce cas, la formule employée par le Conseil constitutionnel est fort trompeuse car alors il ne s’agit pas de contrats d’une nature « particulière », il ne s’agit pas de contrats…tout court !

La réponse apportée par le Conseil constitutionnel paraît donc juridiquement bien fragile : adossée maladroitement à la « nature » de ces actes, elle peine en réalité à trouver un fondement juridique solide, ce qui appelle deux observations.

Tout d’abord, il importe d’insister sur le fait que la juste dénomination des actes en droit n’est pas une pure coquetterie académique, dès lors que la qualification de contrat emporte en droit des conséquences radicales : l’invocabilité de la liberté contractuelle, et celle, corrélative de la responsabilité contractuelle. Ce n’est pas rien.

Ensuite, ces errements de qualification amènent à une critique plus fondamentale, dont le destinataire ne saurait être le Conseil constitutionnel, mais bien le législateur lui-même car, à trop dénaturer les « mots » du droit, celui-ci manque à son obligation de sécurité juridique et de clarté des normes vis-à-vis de leur destinataire. Il semble alors indispensable qu’à l’avenir le Conseil constitutionnel se montre plus ferme dans le contrôle du respect de l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi : finalement, le pire des maux que révèle cette décision n’est pas le dévoiement du concept juridique de « contrat » mais plus largement l’affaiblissement de la confiance que peuvent avoir les citoyens dans la loi.

VI. Droit des contrats publics (Liberté contractuelle – imprévision)

CC, 26 octobre 2023, n° 2023-1065 QPC, « Association France énergie éolienne »[65]

Voici une décision tout à fait remarquable pour qui s’intéresse aux implications de la liberté contractuelle sur les contrats publics. La loi de finances rectificative du 16 août 2022 modifie de façon rétroactive les contrats conclus par certains producteurs d’énergie renouvelable avec EDF qui prévoyaient des compléments de rémunération pour ces producteurs : jusqu’à présent, selon le prix du marché, le producteur pouvait bénéficier d’une prime de compensation versée par EDF, ou au contraire devoir reverser à celle-ci une prime négative, le niveau de celle-ci étant plafonné (ce qui signifie concrètement qu’en cas de prix du marché favorable, le surplus est conservé par le producteur) : le but de ces mesures mises en place en 2015 était d’encourager et soutenir la production d’énergie renouvelable. Le législateur revient dans cette loi sur ce système et prévoit un déplafonnement partiel en cas de reversement (prime calculée en fonction d’un prix seuil) ce qui a un effet significatif sur la rémunération dont avaient pu bénéficier jusqu’alors certains producteurs. Les sociétés requérantes ont invoqué à l’appui de leur QPC contre cette disposition une atteinte à la liberté contractuelle et au droit au maintien des conventions légalement conclues.

Si le Conseil constitutionnel juge que cette disposition porte en effet une atteinte au droit au maintien des conventions légalement conclues, il estime toutefois que celle-ci poursuit bien un but d’intérêt général dès lors que le législateur a voulu corriger un « effet d’aubaine » dont avaient bénéficié les producteurs du fait de l’augmentation imprévisible en 2015 du prix de l’électricité, ayant corrélativement entraîné une « augmentation considérable » des profits de ces sociétés, le but du législateur étant in fine « d’atténuer l’effet préjudiciable de cette hausse pour le consommateur final ». L’atteinte à la liberté contractuelle n’est pas, en outre, disproportionnée dès lors qu’elle permet aux producteurs de conserver une « rémunération raisonnable des capitaux immobilisés », de sorte qu’en l’espèce, l’atteinte à la liberté contractuelle n’est pas en soi contraire à la constitution : se retrouve ici une motivation classique du juge constitutionnel en matière de liberté contractuelle, dans son implication tenant à la protection de la pérennité contractuelle[66]. En revanche, le Conseil constitutionnel censure la disposition en ce qu’elle renvoie au pouvoir règlementaire le soin de déterminer les modalités de fixation du prix : ce faisant, « le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence dans des conditions affectant le droit au maintien des conventions légalement conclues ». Cette décision appelle trois séries de remarques en guise de commentaire.

D’une part, dans la mesure où les censures de la loi sur le fondement de la liberté contractuelle sont particulièrement rares[67], il est déjà en soi significatif qu’une telle inconstitutionnalité soit constatée : mais plus encore, il est remarquable qu’elle le soit sur le terrain de l’incompétence négative du législateur, puisqu’il s’agit ici de la première censure d’une loi sur ce fondement en matière de liberté contractuelle comme ont pu le relever des commentateurs[68]. Or cette particularité est loin d’être sans incidence potentielle pour le contentieux des contrats publics. On sait en effet qu’une partie significative du droit des contrats administratifs, et tout particulièrement du droit de la commande publique, est forgée par voie règlementaire et sur habilitation du législateur. Si les racines historiques de cette compétence règlementaire sont anciennes, les dernières réformes n’ont pas sensiblement affecté cette situation dans la mesure où le législateur continue à renvoyer très largement au pouvoir règlementaire le soin d’encadrer les conditions de passation et d’exécution de ces contrats[69], dans des conditions très discutées[70] : il est en effet loin d’être évident qu’un contrat administratif soit étranger à la catégorie des « droits réels et des obligations civiles et commerciales » au sens de l’article 34 de la Constitution, tout comme il devrait être acquis que la liberté contractuelle des personnes publiques est de la même veine que celle des personnes privées découlant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, l’un comme l’autre impliquant pour le législateur de ne déléguer qu’avec parcimonie au pouvoir règlementaire le soin de fixer le régime des contrats des personnes publiques. Reste à savoir si cette première censure pour incompétence négative est susceptible de produire des effets plus larges, ce que rien ne permet de prédire pour l’instant.

D’autre part, en admettant la faculté pour le législateur d’intervenir sur des contrats en cours pour corriger un enrichissement anormalement favorable au cocontractant privé, le Conseil constitutionnel semble faire sienne la récente position du Conseil d’Etat semblant consacrer une forme de « théorie de l’imprévision inversée » selon les mots du professeur Laurent Richer[71]. En effet, la traditionnelle théorie de l’imprévision, consacrée en 1916 par le Conseil d’Etat[72] et codifiée par le législateur en 2018[73], ne joue comme chacun le sait qu’en cas de bouleversement défavorable au cocontractant impliquant pour lui un déficit d’exploitation allant au-delà de la part de risque devant être normalement supportée par lui[74]. Or saisi par le gouvernement d’une demande d’avis portant sur l’exécution des contrats de concession d’autoroute, pour lesquels ont pu être invoqués un éventuel « surprofit », le Conseil d’Etat a estimé qu’une concession ne pourrait être résiliée que dans le cas particulier et restreint d’une « évolution particulièrement importante et durable de la rémunération des capitaux investis par le concessionnaire et de ses bénéfices, conduisant à une altération profonde et irréversible de l’équilibre économique de la concession »[75] : la théorie de l’imprévision s’en trouve donc inversée en cela qu’elle joue ici au profit de la personne publique lorsque des évènements imprévisibles rendent l’exécution du contrat excessivement favorable au cocontractant privé. On comprend sans peine la position mesurée du Conseil d’Etat : il est une chose, politiquement, de regretter que des contrats publics puissent conduire à un enrichissement trop important de sociétés privées, il en est une autre, juridiquement, d’admettre une remise en cause brutale de la force obligatoire des conventions. Est-il besoin de rappeller que l’expression selon laquelle les concessions s’exécutent « aux risques et périls du concessionnaire » implique que celui-ci s’expose certes au risque de perdre de l’argent, mais aussi à celui d’en gagner ? C’est ce qui explique que l’imprévision classique, comme l’imprévision « inversée », ne puisse jouer qu’en cas de bouleversement anormal de l’équilibre économique du contrat dans la jurisprudence administrative. Or le Conseil constitutionnel semble ici admettre plus largement une telle imprévision inversée, dès lors qu’il ne la subordonne pas à un bouleversement manifeste de l’équilibre du contrat, même si l’on comprend que cette idée est bien sous-jacente dans son raisonnement.

Enfin, et de façon corrélative, la motivation de cette décision conduit à admettre comme motif d’intérêt général de nature à justifier une atteinte à la liberté contractuelle un motif purement financier : encore faut-il préciser qu’en réalité ce motif financier est moins l’intérêt du consommateur final (qui continue à supporter de façon croissante et préoccupante le coût de production de l’énergie) que celui d’EDF, dont la charge économique se trouve avantageusement amoindrie par cette loi. On ne discutera pas ici du bien-fondé politique d’une telle mesure qui peut se défendre de bien des façons en ces temps de crise énergétique. Est-elle ipso facto défendable sur le plan du droit ? La réponse nous paraît plus réservée. De tels contrats obligent réciproquement les parties qui s’engagent : cette évidence n’est pas moins vraie pour l’Etat cocontractant ou des entreprises comme EDF, dont l’Etat est désormais l’actionnaire exclusif. Dès lors que, second truisme, il est toujours moins couteux de ne pas verser la somme à laquelle on est engagé contractuellement que de devoir la verser, faut-il comprendre de cette décision que les contrats de l’Etat ne l’engagent, financièrement, que tant qu’il y consent ? Car il s’agit bien là d’une forme de fait du prince législatif qui semble être admis par le juge constitutionnel ! Si l’on veut bien s’accorder sur le fait que l’un des piliers de notre économie demeure la confiance dans la parole donnée par l’Etat, que l’on prenne garde à enserrer de telles atteintes à la liberté contractuelle dans d’étroites conditions, sous peine de voir, là encore, la force du contrat public s’effriter dangereusement.

Laure RAGIMBEAUMaître de conférences à l’Université de Perpignan

Marion UBAUD-BERGERONProfesseur à l’Université de Montpellier

Ferdi YOUTAMaître de conférences à l’Université Paris I- Panthéon Sorbonne


[1] JO n° 0214 du 15 sept. 2023, texte n° 71.

[2] Combinant code de l’urbanisme et code général des impôts, la Cour de cassation avait jugé que le délai pour procéder à l’enregistrement était d’un mois, en précisant qu’il s’agissait d’un délai de rigueur ne pouvant être prorogé et dont l’inobservation entraînait l’application de la sanction légale, quel que fut le motif du retard : Civ. 3e, 20 déc. 2018, n° 17-27.814, Bull. ; solution confirmée par Civ. 3e, 19 mars 2020, n° 19-13.254. L’article L. 600-8, al. 2, du code de l’urbanisme dans sa rédaction issue la loi ELAN est plus explicite sur ce délai d’un mois.

[3] S. Marie, « Recours abusifs et recours « mafieux » : la chasse est ouverte », AJDA 2013, p. 1909.

[4] Sur la question, v. D. Berthiau, Le principe d’égalité et le droit civil des contrats, LGDJ, 1999.

[5] CC, 9 nov. 1999, n° 99-419 DC, JO 16 nov. 1999, p. 16962.

[6] CC, 20 mars 2014, n° 2014-691 DC, JO 26 mars 2014, p. 5925, texte n° 2.

[7] On comprend, en lisant l’arrêt de renvoi de la Cour de cassation (Civ. 3e, 15 juin 2023, n° 23-40.008), que les requérants n’avaient manifestement pas connaissance de cette règle puisqu’ils ont assigné en intervention leur avocate, laquelle a elle-même appelé en intervention forcée l’avocat de la société bénéficiaire de l’autorisation, qui avait procédé à la rédaction du protocole et s’était donc abstenu d’informer la partie adverse.

[8] Un arrêt récent de la Cour de cassation précise que la réalisation d’une autre formalité que l’enregistrement, la publicité foncière par exemple, n’empêche pas l’intervention de la sanction prévue à l’article L. 600-8 : Com., 4 avr. 2024, n° 22-20.616, Bull.

[9] V. M. Revert, note sous Civ. 3e, 19 mars 2020, n° 19-13.254 et 19-10.393, RDI 2020, p. 342.

[10] C’est le raisonnement qu’avait tenu une cour d’appel avant que son arrêt ne soit cassé par la Cour de cassation (Civ. 3e, 19 mars 2020, n° 19-10.393).

[11] Cette « illégalité » est-elle une nullité ? Par ex., l’article 1589-2 du code civil prévoit la nullité de la promesse unilatérale de vente immobilière non enregistrée. L’article L. 600-8 du code de l’urbanisme n’est pas aussi clair.

[12] Dans le même sens, M. Revert, note sous CC, 14 sept. 2023, n° 2023-1060 QPC, RDI 2023, p. 625.

[13] Pour la sanction d’une disposition permettant au juge de déclarer caduque une requête en matière de contentieux de l’urbanisme, et instituant donc une forme de désistement forcé ou d’office, v. CC, 19 avr. 2019, n° 2019-777 QPC, JO n° 0094 du 20 avr. 2019, texte n° 73.

[14] M. Revert, RDI 2023, p. 625.

[15] JO n° 0117 du 22 mai 2024, texte n° 6.

[16] Loi n° 2001-398 du 9 mai 2001 créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale, JO n° 108 du 10 mai 2001, texte n° 2.

[17] Loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, JO n° 136 du 14 juin 2006, texte n° 2.

[18] V. sur ce thème S. Salles, Le conséquentialisme dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, LGDJ, 2016.

[19] Pour un exemple récent de censure sur ce fondement, v. CC, 26 juill. 2019, n° 2019-798 QPC, JO n° 0175 du 30 juill. 2019, texte n° 48 (à propos de l’Agence française de lutte contre le dopage).

[20] On retrouve un mouvement analogue en ce qui concerne l’évaluation environnementale des projets susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement : dans un arrêt récent, le Conseil d’État a rappelé qu’il résultait clairement du droit de l’Union européenne que dans l’hypothèse où l’autorité publique compétente pour autoriser un projet est en même temps chargée de l’évaluation environnementale, une séparation fonctionnelle doit être organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu’une entité administrative disposant d’une autonomie réelle puisse remplir la mission d’évaluation en donnant un avis objectif sur le projet concerné (CE, 5 févr. 2024, n° 463619, Société Doubs Ouest Énergies 1, Rec. T.).

[21] JO n° 0301 du 20 déc. 2023, texte n° 2.

[22] Loi n° 2023-1289 du 28 décembre 2023 relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l’adéquation entre l’ampleur de la grève et la réduction du trafic, JORF n°0301 du 29 décembre 2023.

[23] CGFP, Art. L. 114-5-1.

[24] CC, 21 décembre 2023, n° 2023-859 DC, Loi relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l’adéquation entre l’ampleur de la grève et la réduction du trafic.

[25] CC, 25 juillet 1979, n° 79-105 DC, Loi modifiant les dispositions de la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relatives à la continuité du service public de la radio et de la télévision en cas de cessation concertée du travail.

[26] Cette exigence est posée par l’article L. 2512-2 du code du travail, applicable aux agents publics de l’État en vertu de l’article L. 114-2 du code général de la fonction publique.

[27] Contributions extérieures, Observations sur la constitutionnalité de la loi relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l’adéquation entre l’ampleur de la grève et la réduction du trafic, Affaire n° 2023-859 DC, p. 8.

[28] Rapport fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur la proposition de loi relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l’adéquation entre l’ampleur de la grève et la réduction du trafic, par Mme Évelyne PERROT, Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juin 2023.

[29] CC, 21 décembre 2023, n° 2023-859 DC, préc..

[30] Ibidem.

[31] Ibid.

[32] Ibid.

[33] CC, 16 août 2007, n° 2007-556 DC, Loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

[34] X. Delpech, « Grève des contrôleurs aériens : instauration d’une obligation de déclaration individuelle préalable », Dalloz Actualité, 25 janvier 2024.

[35] Loi n° 2012-375 du 19 mars 2012 relative à l’organisation du service et à l’information des passagers dans les entreprises de transport aérien de passagers et à diverses dispositions dans le domaine des transports.

[36] CC, 21 décembre 2023, n° 2023-859 DC, Loi relative à la prévisibilité de l’organisation des services de la navigation aérienne en cas de mouvement social et à l’adéquation entre l’ampleur de la grève et la réduction du trafic.

[37] CGFP, Art. L. 114-5-1.

[38] JO n° 0269 du 21 nov. 2023, texte n° 3.

[39] Exposé des motifs du Texte n°570 (2022-2023) de M. Éric Dupond-Moretti, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Déposé au Sénat le 3 mai 2023.

[40] Ibidem.

[41] Ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, Art. 17

[42] Exposé des motifs du Texte n°570 (2022-2023) de M. Éric Dupond-Moretti, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Déposé au Sénat le 3 mai 2023.

[43] Ibidem.

[44] M. Verpeaux, « Les nouvelles règles organiques relatives au corps judiciaire, statut et carrière », AJDA, 12 février 2024, n° 5, p. 28.

[45] Commentaire officiel des décisions n° 2023-855 DC et n° 2023-856 DC du 16 novembre 2023, accessible sur le site du Conseil constitutionnel.

[46] Commentaire officiel de la décision n° 2012-656 DC du 24 octobre 2012, Loi portant création des emplois d’avenir, accessible sur le site du Conseil constitutionnel.

[47] Ibidem.

[48] CC, 16 novembre 2023, n°2023-856 DC, Loi organique relative à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire.

[49] CC, 19 juin 2001, n°2001-445 DC, Loi organique relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature.

[50] CC, 16 novembre 2023, n°2023-856 DC, Loi organique relative à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire.

[51] Commentaire officiel des décisions n° 2023-855 DC et n° 2023-856 DC du 16 novembre 2023, accessible sur le site du Conseil constitutionnel.

[52] Ibidem.

[53] CC, 16 novembre 2023, n°2023-856 DC, Loi organique relative à l’ouverture, à la modernisation et à la responsabilité du corps judiciaire.

[54] Ibidem.

[55] Ibid.

[56] JO n° 0293 du 19 décembre 2023, texte n° 4.

[57] La modification de l’article L 5411-6-1 du Code du travail a vocation à entrer en vigueur au plus tard au 1er janvier 2025, selon l’article 2 de cette loi.

[58] Sur le thème de la contractualisation, qui a suscité une riche production scientifique en droit administratif, on se permettra de renvoyer à la bibliographie citée dans notre ouvrage : M. Ubaud-Bergeron, Droit des contrats administratifs, Lexisnexis, coll. Manuel, 5e éd., n° 2 à 27.

[59] J. Chevallier, Conclusion, in Contrat ou Institution : un enjeu de société, LGDJ, coll. « Systèmes », 2004, p. 183.

[60] En se limitant aux travaux doctoraux, voir notamment les références suivantes : F. Rolin, Accord de volontés et contrat dans les relations entre personnes publiques, thèse, Université Paris II, 1997 ; S. Hourson, Les conventions d’administration, LGDJ, coll. « Bibl. dr. publ. », t. 277, 2014 ; M. Bartolucci, L’acte plurilatéral en droit public, Dalloz, Nouvelle bibliothèque de thèses, vol. 213, 2022.

[61] CC, 30 mars 2006, n° 2006-535 DC.

[62] CC, 25 septembre 2015, n° 2015-485 QPC.

[63] CE, sect., 19 nov. 1999, Féd. syndicaliste FO des travailleurs de La Poste et des télécommunications : Rec. CE 1999, p. 354.

[64] CE 4 déc. 2019, n° 418975.

[65] JO n° 0250 du 27 octobre 2023, texte n° 62.

[66] Sur la distinction entre la protection de « l’impulsion contractuelle » et celle de la « pérennité contractuelle » dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel voir : P.-Y. Gahdoun, La liberté contractuelle dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Dalloz, Nouvelle bibliothèque de thèses, vol. 76, 2008 ; P.-Y. Gahdoun, Droit constitutionnel de l’économie, Lexis, 2023, p. 353. 

[67] D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun, J. Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel, LGDJ, Précis Domat, 13e éd., 2023, p. 903.

[68] Voir à ce sujet : D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun, J. Bonnet, « Chronique de jurisprudence constitutionnelle 2023 », Questions constitutionnelles.

[69] L. Richer, « Une tradition : le caractère réglementaire du droit des marchés publics », in Bien public, bien commun, Mélanges en l’honneur du Professeur E. Fatôme, Dalloz, 2011, p. 411.

[70] Y. Gaudemet, « Le contrat administratif, un contrat hors la loi ? », in Loi et Contrat : Cah. Cons. const. 2004, n° 17.

[71] L. Richer, « Sur une altération profonde et irréversible »,AJDA 2023, tribune, p. 1625.

[72] CE, 30 mars 1916, Cie générale d’éclairage de Bordeaux : Rec. CE 1916, p. 125, concl. Chardenet ; GAJA, Dalloz, 24e éd., 2023, n° 28.

[73] Code de la commande publique, article L6.

[74] CE, avis, ass. gén., 15 septembre 2022, n° 405540, relatif aux possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique et aux conditions d’application de la théorie de l’imprévision.

[75] CE, avis, ass. gén., 8 juin 2023, n° 407003 portant sur la sécurisation des mesures permettant d’assurer une meilleure prise en compte de l’intérêt public dans l’équilibre des contrats de concession autoroutière.