Juger autrement les ministres. Retour sur les projets visant à supprimer la CJR sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron

Florian SAVONITTO.

Note : Un vif remerciement au comité de la rédaction de la revue Politeia, et plus particulièrement à notre collègue Marie-France Verdier, qui a accepté que je reprenne la substance d’un article publié dans le n°38 de 2020 en vue de l’actualiser.

Après successivement la Haute cour nationale, la Haute cour de justice, la Haute cour, la Haute cour impériale, la Chambre des pairs, la Haute cour de justice, le Sénat constitué en Cour de justice, la Haute cour de justice[1], la Cour de justice de la République, une Constitution française depuis 1791 viendrait à confier la compétence de connaître certains faits délictueux et criminels commis par des membres du Gouvernement durant l’exercice de leur fonction à une nouvelle institution : la Cour d’appel de Paris. Le régime de la Ve République ne fait donc pas exception dans l’histoire française de la responsabilité des gouvernants. Elle n’a cessé d’hésiter entre « une volonté de ne pas leur conférer de privilèges par rapport aux autres citoyens » et « le souci de leur assurer une protection pour leur permettre d’exercer leurs fonctions avec une certaine sérénité »[2]. Le feu projet de loi constitutionnelle de 2019[3] qui n’a jamais été discuté au Parlement poursuivait cette hésitation : il était question de remplacer l’actuelle structure tripartite dans laquelle la Cour de justice de la République constitue la juridiction de jugement, qui elle-même s’était substituée en 1993[4] à la Haute cour de justice instituée le 4 octobre 1958.

En premier lieu, l’ambition de l’Exécutif n’était pas nouvelle. Elle ne l’était pas, premièrement, sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. L’article 8 du dernier projet de loi constitutionnelle reprenait la formulation à l’identique de l’article 13 du premier projet de loi constitutionnelle abandonné à la suite de l’affaire Benalla, la crise dite des gilets jaunes et la tenue du Grand débat national[5]. La délibération de la commission des lois de l’Assemblée nationale qui a eu lieu du 6 juin au 2 juillet 2018 et la consultation citoyenne qui s’est déroulée durant le premier trimestre de 2019 n’avaient emporté aucune incidence sur cette partie de la réforme constitutionnelle. Cette ambition n’était pas non plus nouvelle sous la Ve République. Sous le quinquennat précédent, un projet de loi constitutionnelle, resté lettre morte, projetait déjà de supprimer la Cour de justice de la République et de remettre aux juridictions pénales de droit commun – plus précisément celles de Paris – la compétence de juger les membres du Gouvernement[6]. Plus généralement, ce révisionnisme n’est pas nouveau. Depuis que la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 a extirpé du titre IX le dispositif sur la responsabilité pénale des membres du Gouvernement pour l’isoler dans le nouveau titre X et créer la Cour de justice de la République, de nombreuses propositions de loi constitutionnelle et organique ont fleuri. Elles ont été déposées juste après ses premières décisions[7]. Parmi leurs auteurs, on compte même de ses propres membres[8]. Il s’agit, sinon de la supprimer, de lui apporter « un certain nombre de modifications substantielles »[9] pour remédier aux dysfonctionnements mis en lumière par la mise en œuvre des nouvelles dispositions adoptées en 1993. Elles visaient à répondre aux « maintes critiques »[10] que sa composition et son fonctionnement ont suscitées. Le rapport sénatorial du groupe de travail sur la révision constitutionnelle[11] a listé trois séries principales de reproches : sa composition de 15 juges, réparties entre, d’un côté, 12 parlementaires élus, en leur sein et en nombre égal, par chacune des assemblées et, de l’autre, 3 magistrats du siège de la Cour de cassation dont l’un d’eux la préside ; les jugements parfois contestés qu’elle a rendus en raison de leur conformité douteuse aux dispositions du code pénal et de la clémence de ses verdicts à l’encontre des ministres ou secrétaires d’Etat reconnus coupables ; l’éclatement actuel des procédures juridictionnelles eu égard à l’impossibilité de se constituer partie civile devant elle et à l’étroitesse de sa compétence personnelle et matérielle. Malgré les nombreuses critiques dont elle a toujours fait l’objet depuis ses origines, ses dispositions constitutionnelles et organiques sont restées inchangées, à l’exception d’une correction formelle introduite en 2007[12]. Pourtant depuis la création des articles 68-1 à 68-3, 17 révisions constitutionnelles ont été opérées. Aucune d’elles n’a modifié le titre X, pas même la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a affecté plus de la moitié des dispositions constitutionnelles de la Ve République. Le rapport du Comité Balladur[13] qui la précédait est resté silencieux sur cette institution alors qu’il visait justement à les moderniser et les rééquilibrer. Dans son prolongement, le projet de loi constitutionnelle initial n’en a fait aucune mention. Aucun amendement déposé par les députés et sénateurs ne la concernait. Ce silence contraste avec la Commission Jospin qui « propose la suppression de la Cour de justice de la République et l’application du droit commun, avec les adaptations nécessaires », aux fins de « supprimer le privilège de juridiction des ministres »[14]. Le projet de loi constitutionnelle de 2019 constitutait donc l’espoir de remédier – une nouvelle fois et définitivement – aux dysfonctionnement et lacunes originels du dispositif instauré en 1993.

En deuxième lieu, l’ambition de l’Exécutif était confuse. En dehors de la volonté affichée d’un « régime de responsabilité pénale des ministres (…) mieux compris et accepté », l’exposé des motifs des deux projets de loi constitutionnelle ne renseigne guère sur les « critiques, justifiées ou non, qu’il convient de dissiper/traiter » adressées à cette juridiction particulière. Le dernier projet se faisait toutefois un peu plus précis. La suppression de la CJR était située dans le 3e axe de la réforme consacré à « une justice renforcée dans son indépendance », sans pour autant préciser le(s) pouvoir(s) – Législatif et/ou Exécutif – contre lequel ce nouveau dispositif entendait prémunir.

Surtout, cette confusion était entretenue par les modalités fixées en 2018 reprises à l’identique en 2019. Elles apparaissaient difficilement conciliables avec les objectifs affichés des deux projets de loi constitutionnelle. Si le dernier s’attachait, de manière générale, à répondre aux aspirations citoyennes d’« une démocratie revitalisée », le premier visait, plus précisément à « moderniser notre démocratie en rendant nos institutions plus représentatives, plus responsables, plus efficaces ». Or, cette réforme ne satisfaisait aucun volet de ce triptyque, ce qui ne participait pas à ce que ce « régime de responsabilité pénale des ministres soit (…) mieux compris et accepté »[15]. Tout d’abord, la suppression de la juridiction de jugement dans laquelle les quatre cinquième des sièges sont occupés par des parlementaires allait à l’encontre de l’objectif de représentativité dès lors qu’il s’agissait de remettre dorénavant « aux magistrats professionnels de la Cour d’appel de Paris » la compétence de juger crimes et délits des membres du Gouvernement accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. Ensuite, l’Exécutif n’a pas saisi l’opportunité du bouleversement de la structure juridictionnelle où la commission des requêtes est la seule institution conservée des trois qui la composent pour améliorer l’efficacité du « régime de responsabilité pénale des ministres ». N’étaient pas résolus les complexités et les dysfonctionnements posés par le « regrettable éclatement des procédures juridictionnelles »[16] que connaît l’actuel « état du droit »[17]. Enfin, la révision du titre X conduisait, paradoxalement, à ce que les membres du Gouvernement soient moins responsables.

En dernier lieu, l’ambition de l’Exécutif était loin d’être innovante. D’une part, la nécessité de « préserver l’exercice de la fonction de ministre »[18] n’allait pas jusqu’à l’extrémité de constitutionnaliser la « tradition » constitutionnelle – parfois qualifiée de convention de la Constitution ou de coutume constitutionnelle – selon laquelle un ministre doit démissionner dès lors qu’il est mis en examen[19]. Née sous un Gouvernement de « gauche » avec le départ, en 1992, de Bernard Tapie à cause de l’affaire « Toshiba », cette pratique ne tarde pas à être confirmée à multiples reprises sous un Gouvernement de « droite », en 1994, avec les démissions d’Alain Carignon, de Gérard Longuet et de Michel Roussin. Pourtant, le Premier ministre Edouard Philippe s’y était référée dès les premiers jours de sa nomination lorsqu’il était question de développer la circulaire du 24 mai 2017 relative à la méthode de travail gouvernemental exemplaire, collégiale et efficace[20] : « J’ai indiqué le plus clairement possible quelle était la ligne que je m’étais fixée. Lorsqu’un ministre est mis en examen, il convient qu’il démissionne immédiatement »[21]. L’exigence d’exemplarité et la volonté de voir « des ministres (…) se consacrer pleinement à leurs fonctions »[22] auraient pu conduire l’Exécutif à graver cette pratique dans le marbre constitutionnel, quand bien même sa continuité et sa teneur ont été maintes fois remises en cause, y compris sous ce  premier quinquennat avec le maintien un temps de François Bayrou place Vendôme, au motif qu’en matière de plainte pour diffamation, « la mise en examen est automatique et ne traduit pas autre chose qu’une automaticité »[23]. Un tel procédé n’était pas étranger aux projets de 2018 et 2019. Ils prévoyaient d’élever au rang constitutionnel des dispositions organiques, telles la composition de la commission des requêtes ; des dispositions réglementaires comme la procédure sénatoriale autorisant l’examen du texte de loi en commission et son vote en séance publique ; des jurisprudences, telles celle de la Cour de cassation sur les actes ministériels relevant de la responsabilité pénale de droit commun ; et des pratiques, comme la réduction de la navette après la réunion d’une commission mixte paritaire. D’autre part, devant le risque de « l’utilisation de la répression pénale comme substitut à une responsabilité politique individuelle défaillante »[24], les projets n’envisageaint pas de révolutionner les mécanismes de la responsabilité gouvernementale. Le principe de la responsabilité collective du gouvernement est conservé. Or, « aujourd’hui, il n’y a pas de responsabilité individuelle du ministre (…) on ne peut pas demander la démission de tel ou tel ministre, ce qui était le cas avant, dans les républiques précédentes »[25]. Cette idée ne semble pas avoir encore fait son chemin en France, si l’on tient compte de la réponse défavorable apportée, en 2015, par la Commission Bartolone/Winock[26] sans justification. Pourtant la Commission Jospin appelait de ses vœux à engager une « réflexion d’ensemble »[27] sur les mécanismes de mise en jeu de la responsabilité politique individuelle des ministres.

Les projets de 2018 et 2019 prévoyaient de modifier les règles de procédure pénale et les règles de fond applicables aux ministres. Les premières convergeaient avec le droit commun sans se confondre avec, tandis que les secondes s’écartaient du droit pénal commun[28] : d’une part, les contraventions des ministres ne relevaient plus d’aucun régime répressif ; d’autre part, une dérogation était introduite selon laquelle la responsabilité des membres du Gouvernement « ne peut être mise en cause à raison de leur inaction que si le choix de ne pas agir leur est directement et personnellement imputable ». S’il était privilégié un point de vue institutionnel, les textes de 2018 et 2019 opéraient une refonte du titre X de la Constitution. Une « forme de consensus »[29] s’était dégagée sur la suppression de la juridiction de jugement (I) au regard des difficultés suscitées par sa composition hybride qui mêlent parlementaires et magistrats du siège de la Cour de cassation. Si elle était attendue, cette suppression remettait en cause frontalement l’objectif de rendre les institutions plus représentatives, voire plus démocratiques. De cette suppression, il en découlait la question de son remplacement. Plusieurs alternatives se présentaient sans qu’aucune n’ait recueilli l’unanimité. L’Exécutif avait consacré la Cour d’appel de Paris (II) comme solution de substitution. Ce choix d’une juridiction de droit commun plutôt que d’une juridiction exceptionnelle ne place pas pour autant les membres du Gouvernement dans la même situation qu’un citoyen ordinaire. Il avait aussi pour autre conséquence de faire une « victime collatérale » : la commission d’instruction composée exclusivement de magistrats du siège de la Cour de cassation disparaissait sans que la Constitution n’en subisse la cicatrice, vu qu’elle n’est mentionnée que dans la loi organique. N’aurait subsisté donc que le premier étage de la structure tripartite actuelle. Mais les projets de 2018 et 2019 ne se contentaient pas de conserver la commission des requêtes. Il la consolidait en constitutionnalisant sa composition, sans que sa nécessité soit éprouvée (III).

I. La suppression de la Cour de justice de la République comme juridiction de jugement : un leitmotiv

Les projets de loi constitutionnelle de 2018 et 2019 prévoyaient de remettre aux magistrats professionnels de la Cour d’appel de Paris la compétence de juger les crimes et délits des membres du Gouvernement accomplis dans l’exercice de leurs fonctions. Les représentants de la Nation auraient été écartés de la procédure, en amont comme en aval. Leur retrait n’était nullement compensé par un quelconque rôle attribué aux citoyens, même lorsque des crimes auraient été commis. La suppression de l’actuelle juridiction de jugement était attendue « tant ses dispositions étaient largement discutées depuis plusieurs années »[30].

A. Le parachèvement attendu du processus de juridictionnalisation

Elle s’inscrivait, en premier lieu, dans un mouvement de juridictionnalisation croissant de la responsabilité pénale des ministres. Tout d’abord, la Cour européenne des droits de l’homme étend les exigences du droit à un procès équitable garanti à l’article 6 de la CEDH à la procédure dans laquelle la responsabilité pénale d’un membre du Gouvernement est engagée, y compris aux phases préalables du procès où seules des instances parlementaires interviennent[31]. Ensuite, la création de l’article 53-2 de la Constitution le 8 juillet 1999 a ouvert la voie à ce que la Cour pénale internationale puisse connaître, dans des cas extrêmes, de la responsabilité des membres de Gouvernement pour « les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté internationale »[32]. Enfin et surtout, la volonté de supprimer les juges politiques s’inscrivait dans la continuité de la révision de 1993 qui a mis fin à la compétence exclusive du Parlement pour mettre en accusation les membres du Gouvernement et à la Haute Cour de Justice entièrement composée de parlementaires.

Les projets de 2018 et 2019 n’avaient pour autre objet que de parachever un processus amorcé en 1993, voire dès 1958. Sous l’empire de la Haute Cour de Justice, l’instruction était la seule phase où des magistrats professionnels intervenaient en toute indépendance du Parlement, ce qui était déjà une « première (…) dans l’histoire constitutionnelle française »[33]. Avant cette phase dans laquelle la commission d’instruction et le Parquet de la Haute Cour sont les acteurs, la compétence de déclencher la procédure appartenait exclusivement et souverainement au Parlement, vu qu’elle nécessitait un vote identique des deux assemblées au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant. Après cette phase si aucun non-lieu était prononcé par la commission d’instruction, la formation de jugement de la Haute Cour de justice composée de douze députés et de douze sénateurs élus par leur assemblée à chaque renouvellement partiel ou intégral statue sur la culpabilité des accusés, et le cas échéant, déterminent leur peine à la majorité absolue des votants.

Sous l’empire de la Cour de justice, a été opéré un « réaménagement profond »[34] rompant l’équilibre entre le politique et le judiciaire. Les parlementaires sont exclus de la première phase. Il revient dorénavant à une commission des requêtes composée de trois magistrats à la Cour de cassation, deux conseillers d’Etat et deux conseillers maîtres à la Cour des comptes de mettre en mouvement l’action publique : soit elle ordonne la transmission de la procédure au procureur général près de la Cour de cassation après avoir apprécié la recevabilité et l’opportunité de la plainte d’une personne qui se prétend lésée  par un crime ou un délit commis par un membre du Gouvernement ; soit elle rend un avis conforme à la saisine d’office du procureur général.  Des juges magistrats pénètrent dans la dernière et troisième phase. Si les quatre cinquièmes des sièges sont réservées aux juges parlementaires, figurent désormais trois magistrats du siège à la Cour de cassation élus par leurs pairs pour trois ans. Surtout, la présidence de la formation de jugement est assurée par l’un d’eux et non par l’un des douze députés ou sénateurs.

En écartant désormais les parlementaires du dernier stade de la procédure fixée au titre X où ils figuraient encore, les projets de loi constitutionnelle remettaient en cause le principe selon lequel « il est naturel que la justice politique soit assurée par les représentants du peuple qui exercent en son nom la souveraineté nationale (…) car elle prolonge au plan pénal le contrôle politique du Parlement sur l’Exécutif »[35]. Ils allaient donc jusqu’au bout de la logique de judiciarisation initiée depuis quelques décennies, sans passer par une ultime étape intermédiaire qui aurait consisté à ce que la juridiction de jugement soit composée non exclusivement de juges magistrats mais de manière égalitaire ou majoritaire[36]. Ce mouvement de juridictionnalisation de la responsabilité pénale des ministres était mis nettement en lumière si on le comparait avec la trajectoire inverse qu’a suivi la procédure régissant la responsabilité du Président de la République devenue exclusivement politique. La Haute Cour de justice est restée compétente jusqu’à la révision de 2007 pour le juger en cas de haute trahison. Elle a été remplacée par le Parlement constitué en Haute Cour, seule instance non juridictionnelle[37] nationale[38] compétente pour apprécier les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions et pour le destituer en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat. 

Les projets de loi constitutionnelle de 2018 et 2019 faisaient aussi fît du risque pointé par François Mitterrand selon lequel « une justice rendue exclusivement par des magistrats (…), aussi compétent seraient-ils, constitueraient une instance contraire au principe de la séparation des pouvoirs »[39]. Néanmoins, l’équilibre entre parlementaires et magistrats n’est jamais parvenu à recueillir un consensus. La révision de 1993 a été initiée car « depuis toujours, (…) l’opinion critique le fait que les parlementaires et les ministres « s’arrangent entre eux » et que le jugement porté soit un jugement politique, suspect, par nature, de partialité »[40]. Près de 25 ans plus tard, la Commission Jospin adressait la même critique à la remplaçante de la Haute Cour de justice : « le soupçon de partialité qui entache chacun des arrêts de la Cour est irréductible et (…) le principe même d’un jugement des ministres par une juridiction politique s’oppose nécessairement à ce que ses décisions, quel que soit leur sens, soient pleinement acceptées et revêtues d’une légitimité suffisante »[41]. Les projets de loi constitutionnelle ne tentaient donc pas de chercher le subtil « dosage »[42] entre politique et judiciaire.

B. Le remède radical à la politisation de la justice

La présence de juges parlementaires ne trouvait plus de véritables défenseurs, y compris dans les rangs parlementaires. Au Palais Bourbon, la présidente de la commission des lois considère qu’« avec cette réforme de la Constitution, les politiques ne seront plus jugés par des politiques, les politiques seront jugés comme tout le monde »[43]. Au Palais du Luxembourg, un groupe de travail a proposé la suppression de la Cour de justice de la République et du privilège de juridiction dont bénéficient les membres du Gouvernement. Il s’est demandé « sur le fond s’il est pertinent que la protection juridictionnelle prévue (…) soit assurée par la présence, au sein de la juridiction, de membres du Parlement », sans compter que « l’intervention des parlementaires dans cette procédure (…) expose les députés et les sénateurs aux critiques d’une justice politique »[44]. Des membres même de la Cour de Justice de la République ont dénoncé sa composition. Michel Dreyfus-Schmidt, juge sénatrice, reconnaît que « les prévenus – ou les éventuels accusés – ne sont à l’évidence pas des étrangers pour les magistrats parlementaires qui, parce qu’ils sont, les uns et les autres, des hommes politiques, se trouvent être le plus souvent ou leurs amis ou leurs adversaires. Il en résulte dans l’opinion et dans la presse, à tort ou à raison, une suspicion de partialité qui discrédite et la Cour de Justice de la République et la Justice et le Parlement »[45]. Ce réquisitoire ne l’empêchera pas d’y siéger après le dépôt de sa proposition de loi constitutionnelle tendant à la supprimer. Il en est de même de Julien Bayou, membre suppléant de la CJR désigné depuis 2022 par l’Assemblée nationale, qui est l’auteur d’une proposition de loi constitutionnelle visant à la supprimer[46]. François Autin, juge sénateur dans la première affaire concernant le Sang contaminé, a été condamné pour violation du secret du délibéré à la suite de la plainte déposée par deux juges députés de droite[47]. Il a révélé à la presse la répartition des votes et a reconnu que les parlementaires socialistes avaient voté pour la non-culpabilité de son « ami politique »[48] Edmond Hervé, contrairement aux élus RPR. François Colcombet, autre juge député, le confirme : « La CJR est une juridiction faite par des élus pour des élus. On puise dans un vivier beaucoup trop petit pour la constituer : les parlementaires connaissent l’homme qu’ils jugent ; ils ne peuvent pas ne pas en tenir compte »[49]. Pour autant, la crise du Covid-19 et l’affaire Dupont-Moretti ont été à l’origine d’un récent volte-face, surtout du côté des LR qu’il s’agisse des sénateurs[50] ou de l’ancien Premier ministre qui a porté la réforme de la CJR jusqu’au vote du Congrès[51].

La seule présence de parlementaires parmi les membres de la Cour de la Justice de la République met en cause l’impartialité objective de la juridiction. Certaines situations l’accentuent davantage, ce qui justifie d’autant plus de la supprimer. C’est le cas, premièrement, lorsque l’accusé, auparavant membre du Gouvernement, est député ou sénateur au moment où la Cour doit se prononcer. Ce concours de circonstances s’est produit à 3 reprises : en 1999, l’ancien secrétaire d’Etat à la santé, Edmond Hervé, était député et Laurent Fabius, ancien Premier ministre, était Président de l’Assemblée nationale ; en 2010, l’ancien ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire, Charles Pasqua, était sénateur. Ainsi les apparences laissent à voir une institution composée majoritairement de parlementaires qui en jugent d’autres, même s’il s’agit d’actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions ministérielles antérieures. C’est le cas, deuxièmement, lorsque le juge-parlementaire a appartenu au même Gouvernement que l’accusé au moment où les faits reprochés ont été commis. La sénatrice du Parti socialiste, Laurence Rossignol, était Ministre des familles, de l’enfance et des droits des femmes du 11 février 2016 au 10 mai 2017 alors que Jean-Jacques Urvoas, Ministre de la Justice, garde des sceaux, a été condamné pour des actes commis les 4 et 5 mai 2017. C’est le cas, troisièmement, lorsque l’accusé, toujours en fonction, appartient à un Gouvernement soutenu par des juges députés et/ou sénateurs. La Cour de Justice de la République a eu à connaitre de la licéité des propos tenus, en 1997, par Ségolène Royal en tant que ministre chargée de l’enseignement scolaire. Elle été relaxée, en 2000, alors qu’elle occupait les fonctions de Ministre déléguée à la famille, à l’enfance et aux personnes handicapées au sein du même Gouvernement Jospin en activité depuis la dissolution prononcée par Jacques Chirac. Ultérieurement aux deux projets de loi constitutionnelle, la Cour a relaxé, le 29 novembre 2023, le garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti, qui était jugé pour prise illégale d’intérêts. En fonction depuis le 6 juillet 2020, il a refusé de présenter sa démission.

La partialité de la Cour de justice de la République ne se constate pas au regard du nombre d’affaires renvoyées devant la juridiction de jugement. Avant le dépôt du dernier projet de loi constitutionnelle, elle n’avait été saisie que de 7 affaires, n’a jugé que 7 membres du Gouvernement – 1 Premier ministre, 4 ministres et 2 secrétaires d’Etat – et n’a rendu que 5 décisions entre 1999/2004 et 2010/2016. Cette faible production ressort de l’activité des magistrats au sein des commissions des requêtes et d’instruction. Depuis le 29 août 2019, son activité est en hausse. Elle a rendu 4 décisions dans lesquelles ont été jugés 1 Premier ministre et 4 ministres[52].

La partialité ne s’observe pas non plus au regard des décisions de culpabilité. Sur les 5 décisions rendues avant 2019, 4 concluent à la culpabilité d’un des membres du Gouvernement mis en cause. Néanmoins, ce constat est à tempérer. Plusieurs accusés peuvent faire l’objet d’une même décision. Ainsi, sur les 7 membres jugés au total, trois ont été relaxés : Laurent Fabius et Georgina Dufoix en 1999 et Ségolène Royal en 2000. Aussi, plusieurs affaires peuvent donner lieu à une seule décision. En 2010, la Cour a eu à connaître de la responsabilité de Charles Pasqua dans les affaires du Casino d’Annemasse, du GEC Alsthom et de la SOFREMI. Il n’a été déclaré coupable que dans la dernière, ce qui porte le total à 4 déclarations de culpabilité pour 7 affaires. Depuis 2019, la Cour a reconnu la culpabilité de 3 ministres : Jean-Jacques Urvoas en 2019, François Léotard en 2021 et Kader Arif en 2022. En revanche, le Premier ministre Edouard Balladur et le garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti ont été relaxés respectivement en 2021 et 2023. Au total sur les 11 affaires qui ont donné lieu à 9 décisions de la Cour, elle a relaxé 5 membres du Gouvernement et en a reconnu la culpabilité de 7.

Le soupçon de partialité n’est pas non plus évident si l’on tient compte du statut de l’accusé ou de sa filiation partisane. Tout d’abord sur les 11 affaires qui ont donné lieu à 9 décisions de la Cour, 2 Premier ministre et 3 ministres ont été relaxés alors que 5 ministres et 2 secrétaires d’Etat ont été déclarés coupables. De ces statistiques, il pourrait être déduit que la sévérité des juges diminue plus l’accusé occupe un rang élevé dans la nomenclature gouvernementale. Néanmoins, une telle conclusion est hasardeuse d’autant plus que Charles Pasqua et François Léotard ont été condamnés, alors qu’ils étaient Ministre d’Etat au moment des faits. Ensuite, sur les 7 membres jugés appartenant à un Gouvernement socialiste, 3 ont été relaxés et 4 ont été reconnus coupables alors que sur les 4 nommés dans un Gouvernement RPR ou UMP, 2 ont été reconnus coupables. Eric Dupont-Moretti est pour l’instant le seul membre d’un Gouvernement nommé par Emmanuel Macron à avoir vu sa responsabilité pénale engagée sur le fondement de l’article 68-1 de la Constitution et écartée. Il est donc difficile de conclure à une sévérité plus accrue à l’encontre des ministres de « gauche » même en tenant compte du cas de Charles Pasqua qui a été relaxé dans deux des trois affaires portées à la connaissance de la CJR et du cas de Kader Arif qui a reconnu coupable des trois délits pour lesquels il était poursuivi. En outre, il faut rappeler que Edmond Hervé comme Christine Lagarde ont bénéficié d’une dispense de peine.

L’affiliation partisane des juges parlementaires est également un indicateur. 3 situations se présentent selon la configuration politique de la Cour : soit les juges parlementaires appartiennent à l’une des deux formations politiques qui présentent un nombre égal au sein de la Cour ; soit les juges parlementaires appartenant au même parti politique que l’accusé sont majoritaires ; soit ils sont minoritaires. La première situation s’est produite à trois reprises : en 1999, en 2000 et en 2016, ce qui porte le total à 3 relaxes et 2 déclarations de culpabilité. La deuxième est la plus rare. Elle a eu lieu uniquement en 2010. Si Charles Pasqua a été relaxé deux fois, il a aussi été reconnu coupable par des juges parlementaires majoritairement issues des rangs de la droite et du centre. La troisième est arrivée 5 fois. En 2004, 2009, 2021, 2022 et 2023. Michel Gilibert, Jean-Jacques Urvoas, François Léotard, Kader Arif ont été déclarés coupables, tandis qu’Edouard Balladur et Eric Dupont-Moretti ont été relaxés. Au regard des culpabilités prononcées en fonction de la couleur politique de la Cour, la dernière situation est la seule à pouvoir jeter particulièrement le doute sur l’impartialité des membres. Et encore, en 2022, les juges ont rendu des verdicts différents en ce qui concernent le Ministre de la Défense et le Premier ministre.

Quant à la détermination des peines, elles révèlent une clémence générale de la Cour quelle que soit sa composition et le ministre en cause, ce qui est devenu aujourd’hui difficilement tolérable au regard du principe d’égalité devant la justice. Tout d’abord, Christine Lagarde et Edmond Hervé ont fait l’objet d’une dispense de peine sans que les conditions de l’article 132-59 du code pénal soient réunies. La Cour se limite à affirmer en 1999 qu’au cours des quinze ans qui « se sont écoulés depuis les faits (…) de nombreuses thèses se sont opposées portant des accusations sur l’action et la responsabilité des ministres sans que ceux-ci aient été en mesure de se défendre ; que, dans un tel contexte, Edmond Z. n’a pu bénéficier totalement de la présomption d’innocence, en étant soumis, avant jugement, à des appréciations souvent excessives, comme c’est trop fréquemment le cas pour beaucoup d’autres justiciables »[53]. En 2016, elle n’est pas plus rigoureuse en prétextant tenir compte « du contexte de crise financière mondiale dans lequel Mme X… a exercé ses fonctions de ministre des finances » ainsi que de « sa personnalité et sa réputation nationale et internationale (…) en sa faveur »[54].

Ensuite, les peines prononcées ne sont pas élevées. Pour des faits commis entre février et avril 2014, Kader Arif a été déclaré coupable de trois délits : prise illégale d’intérêts, atteinte à la liberté d’accès et à l’égalité dans les marchés publics, détournement de fonds publics. Alors qu’il était requis deux de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende, il n’a été condamné qu’à une peine d’emprisonnement d’un an assorti du sursis et à une amende délictuelle de 20 000 euros alors que les infractions prévues aux articles 432-12, 432-14 et 432-15 du code pénal faisaient encourir au ministre délégué aux Anciens combattants « jusqu’à dix ans d’emprisonnement et un million d’euros d’amende »[55]. La Cour a pris en considération « la relative modicité du montant des fonds détournés, (…) l’absence d’antécédent au bulletin n°1 du casier judiciaire », ses ressources et ses charges ainsi que, pour écarter les peines complémentaires d’interdiction professionnelle ou de privation de ses droits civils civiques et de famille, la relative ancienneté des faits, sa démission du gouvernement dès le mois de novembre 2014, alors qu’il ne sera mis en examen que cinq ans plus tard, et son retrait de la vie politique depuis la fin de son dernier mandat en 2017. Philippe Léotard a été condamné à une peine d’emprisonnement de deux ans d’emprisonnement assorti du sursis et de 100 000 euros d’amende pour complicité d’abus de bien sociaux alors qu’il encourait, selon l’article L. 242-6 du code de commerce, une peine de cinq ans d’emprisonnement de 375 000 euros d’amende. Le montant élevé de cette dernière s’explique par les « éléments produits par l’intéressé, très vagues et non étayés », tandis que la durée de la peine est justifiée par « l’ancienneté des faits, et (…) l’absence d’antécédents à l’époque »[56] de la commission des faits. Jean-Jacques Urvoas a été poursuivi du chef de violation du secret professionnel. Il a été condamné à une peine d’emprisonnement d’un mois assorti du sursis et à 5 000 euros d’amende. Des témoignages sont venus attester du sérieux, de la rigueur et de l’intégrité de la personne poursuivie. Comme parlementaire, puis président de la Commission des lois et enfin, garde des sceaux, son action a été unanimement reconnue »[57]. Il encourait, selon l’article 226-13 du code pénal, un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Une peine d’un an d’emprisonnement a été prononcée à l’encontre de Charles Pasqua. Elle est assortie du sursis compte tenu de son « âge (…) et de son passé au service de la France »[58]. Pour les délits de complicité d’abus de biens sociaux et complicité de recel commis au préjudice de la SOFREMI, il encourait à chaque fois une peine de cinq d’emprisonnement et une amende de 2 500 000 francs. Michel Gilibert a été reconnu coupable du délit d’escroquerie. Il a été condamné à une peine de trois ans d’emprisonnement assorti de sursis à cause de son handicap important incompatible avec la détention et à 20 000 euros d’amende. A cela s’ajoute l’interdiction, pendant cinq ans, de l’exercice du droit de vote et d’éligibilité. L’ancien article 405 du code pénal prévoyait au maximum une peine de cinq d’emprisonnement et une amende de 2 500 000 francs.

Au final, sur les 7 membres du Gouvernement reconnus coupables, la Cour en a donc condamné 5 à des peines cumulées de 7 ans et 1 mois d’emprisonnement, soit à peine un peu plus d’un quart du maximum qu’elle aurait pu prononcer[59], sans compter qu’elles étaient toutes assorties de sursis. En outre, il a été ordonné la confusion de la peine d’emprisonnement de Charles Pasqua avec celle de 18 mois d’emprisonnement avec sursis prononcée par la Cour d’Appel de Paris le 18 septembre 2009. Enfin, hormis le montant élevé de l’amende infligé à Philippe Léotard, les autres restent relativement faibles au regard du maximum fixé par le code pénal ou le code de commerce Cette clémence de la Cour n’incite pas à regarder les ministres comme des justiciables comme les autres. Cette mansuétude ne devrait pourtant pas étonner. Elle a même été recherchée par la composition hybride de la Cour où les magistrats professionnels ne font qu’« encadrer »[60] les juges parlementaires : « l’existence d’une justice politique constitue souvent l’assurance d’une modération qui ne pourrait peut-être pas toujours être trouvée dans d’autres enceintes »[61]. Les substituer par des magistrats professionnels de la Cour d’appel de Paris a vocation à échapper à cet écueil. Mais rien ne l’assure comme en témoigne le jugement du Tribunal correctionnel de Paris qui a condamné Jacques Chirac le 15 décembre 2011. Pour déterminer et amoindrir leur sanction, les juges ont pris en considération « l’ancienneté des faits, l’absence d’enrichissement personnel, (…) l’âge et l’état de santé actuel de Jacques Chirac, dont la dégradation est avérée, ainsi que les éminentes responsabilités de chef de l’Etat qu’il a exercées »[62]. En d’autres termes, le choix de supprimer la Cour de justice de la République comme juridiction de jugement pour la remplacer par la Cour d’appel de Paris ne garantit pas de remédier à tous les dysfonctionnements que connaît l’actuel « état du droit »[63].

II. La consécration de la Cour d’Appel de Paris comme juridiction de jugement : un pis-aller

Devant la Commission des lois de l’Assemblée nationale, la rapporteure du projet de loi constitutionnelle de 2018 avait affirmé avoir « entendu les reproches que la Cour de justice de la République suscite. On reproche notamment à cette juridiction d’être composée par des politiques, son absence de double degré de juridiction, et le fait que les poursuites soient disjointes avec les coauteurs, les complices, etc. »[64]. Le choix de remettre la compétence de juger les membres du Gouvernement pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leur fonction à la Cour d’appel de Paris répond à l’une de ses critiques sans remédier à toutes, voire les consolide, ce qui est regrettable dès lors qu’elles ont été recensées.

Substituer la Cour de justice de la République par les formations compétentes de la Cour d’appel de Paris ne s’imposait pas avec la force de l’évidence. L’inventaire dressé par le Professeur Marc Verdussen des solutions institutionnelles adoptées en Europe permet de mesurer le large éventail qui s’offrait à l’Exécutif. La compétence de juger pénalement les ministres a déjà été confiée, soit à une assemblée parlementaire, soit à une juridiction ad hoc mixte, soit à la juridiction constitutionnelle, soit à une juridiction ad hoc exclusivement judiciaire, soit à la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire, soit aux juridictions ordinaires[65]. L’ambition d’un « renouveau » écarte les deux premières solutions. Elles correspondent au modèle, soit de la Haute cour de justice d’antan, soit de l’actuel Cour de justice de la République. Envisager cette voie consisterait en un retour vers le passé ou une reconduction du présent. La volonté que les politiques ne soient « plus jugés par des politiques », plus précisément, « comme tout le monde par des juridictions de droit commun[66], confirme l’exclusion des deux premières solutions mais aussi des deux suivantes. Autrement dit, l’Exécutif ne veut d’une juridiction, ni politique quel que soit le degré de mixité de sa composition, ni exceptionnelle.

A. Les avantages du choix d’une juridiction de droit commun

Le choix d’une juridiction de droit commun présente indéniablement des avantages. Premièrement, une césure entre responsabilité politique et responsabilité pénale des ministres aurait été définitivement établie sous la Ve République, ce qui serait, selon la Commission de Venise, un signe « du bon fonctionnement et de la maturité de la démocratie mais aussi du respect de l’Etat de droit »[67]. Cette revalorisation de la Ve République aurait été faite toutefois aux dépens du Parlement, à rebours même du projet de loi constitutionnelle de 2018 qui avait pour ambition principale de » le « doter (…) de moyens d’actions supplémentaires »[68]. Or, la suppression de la procédure devant la Cour de justice de la République qui constituait « le prolongement au plan pénal du contrôle de l’Exécutif » s’analyse comme une « amputation d’une prérogative du Parlement »[69].

Ce mal a été néanmoins jugé nécessaire pour, deuxièmement, « renforcer l’indépendance de notre justice »[70]. La « légitimité même »[71] de la Cour de justice de la République y portait atteinte. La proposition d’« une compétence exclusive de la Cour d’appel de Paris qui est composée de magistrats aguerris, compétents, aptes à juger des affaires complexes, et qui sont des magistrats de droit commun »[72] visait à y remédier. Cette mesure était destinée à « lever cette connivence du jugement de l’entre-soi »[73].

C’était, tout d’abord, une tentative pour pallier aux défaillances des juges parlementaires à qui l’on doit des dispenses de peine accordées au mépris des dispositions du code pénal et des décisions « en totale contradiction »[74] avec celles rendues par des magistrats professionnels, notamment de la Cour d’appel de Paris[75] ou de la Cour de cassation[76].

C’était, ensuite, rétrospectivement l’aveu d’une défaillance des 3 magistrats de la Cour de justice de la République qui ne sont pas parvenus à « encadrer », voire à « contrôler »[77] les 12 juges parlementaires, à supposer que ces derniers soient réellement les auteurs de ces dysfonctionnements.

C’était, enfin, la croyance dans le remède selon lequel l’exclusion de tout politique de la procédure suffira à la purifier. Or, les exemples étrangers démontrent que le recours à des magistrats professionnels ne garantit pas contre ce risque, même s’il contribue à l’affaiblir. A ce titre, il convient de se reporter aux travaux d’Angélica Cuéllar Vàsquez sur les interactions entre droit et société en Amérique latine. Selon elle, « le plus grand problème (…) est l’extrême politisation de la justice ; la politisation du système judiciaire et l’énorme pouvoir qu’il en est venu à exercer dans des scénarios politiques où il finit par violer les principes constitutionnels et la garantie du respect des droits de l’homme mais aussi les droits de la défense et du procès équitable »[78]. Les soupçons d’une politisation de la justice ont pu resurgi à l’occasion de peines sévères prononcées à l’encontre de politiques. En est un exemple la condamnation par le Tribunal correctionnel de Nanterre, le 30 janvier 2004, d’Alain Juppé reconnu coupable des faits de prise illégale d’intérêts lorsqu’il occupait les fonctions de secrétaire général du RPR et d’adjoint aux finances de la mairie de Paris, avant qu’il ne soit nommé Premier ministre mais durant l’exercice concomitante de ses fonctions de ministre délégué au budget. Les peines de 18 mois d’emprisonnement assortie du sursis et de dix années d’inéligibilité ont été appréciées comme « un jugement critiquable en droit et injuste »[79] au regard notamment de la position du substitut du procureur ayant écarté toute peine d’inéligibilité. Selon lui, elle aurait eu pour conséquence de procéder à une « mise hors du jeu politique », ce qui ne relèverait « pas du ressort du juge mais du peuple français »[80] dans la mesure où « Alain Juppé a, alors qu’il était investi d’un mandat électif public, trompé la confiance du peuple souverain » en allant à l’encontre de « la volonté générale exprimée par la loi ». La Cour d’appel de Versailles a reconnu un excès et ne lui ferme plus les portes d’une candidature aux élections présidentielles de 2007. Le 1er décembre 2004, elle ne le condamnera qu’à des peines de 14 mois d’emprisonnement et d’une année d’inéligibilité. Elle tient compte que « M. Juppé s’est consacré pendant de nombreuses années au service de l’Etat, n’a tiré aucun enrichissement personnel de ces infractions commises au bénéfice de l’ensemble des membres de son parti, dont il ne doit pas être le « bouc émissaire » ». Cette clémence a été à son tour dénoncée, tantôt par Arnaud Montebourg qui y voit un « inacceptable privilège judiciaire » qui taille « un costume sur mesure pour éviter au dauphin officiel du régime d’échapper à l’enfer judiciaire », tantôt par Noël Mamère « sidéré par le côté abracadabrantesque des décisions de la justice française »[81]. Autrement dit, est reproduite la même controverse qui entoure les verdicts de la Cour de Justice de la République.

Ne plus recourir aux juges parlementaires aurait permis, troisièmement, aux 12 titulaires et 12 suppléants tenus d’assister à l’intégralité des débats de se concentrer pleinement à l’exercice de leurs fonctions, à savoir voter la loi, contrôler l’action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques. Autrement dit, la consécration de la compétence de la Cour d’appel de Paris pour juger les crimes et délits commis par les ministres dans l’exercice de leurs fonctions contribuait à satisfaire, paradoxalement, l’objectif d’efficacité du travail parlementaire.

La suppression de cette juridiction exceptionnelle demeurait, quatrièmement, un avantage financier comme le rappelait Jean-Jacques Urvoas dans sa lettre adressée à un futur ministre de la Justice[82]. Le rapport de la Commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2020 comporte un annexe n°32 dédié aux pouvoirs publics. Il fait état d’une évolution à la hausse des dépenses de la Cour de Justice de la République. Il y est signalé un « coût de l’hébergement de la Cour (…) élevé, au regard du caractère très spécifique et restreint de son champ de compétences et de son activité »[83]. D’un montant de 450 000 euros, les loyers et charges locatives représentent, selon les années, de la moitié au deux tiers de ses dépenses. La suppression de la Cour de Justice aurait été donc source d’économies substantielles : résiliation de nombreux contrats dont celui du bail, remise du mobilier et des véhicules, fin du versement d’indemnités aux magistrats au titre de leur activité pour la Cour et de la mise à disposition de personnels par la Cour de cassation. Cette dimension comptable n’est pas à négliger. Elle était au fondement du « cœur de la réforme »[84] consistant à réduire de 30% le nombre de parlementaires.

La suppression de l’actuelle formation de jugement entrainait, par un effet domino, celle de la commission d’instruction quand bien même les projets de loi constitutionnelle de 2018 et 2019 n’évoquaient pas son sort. Elle pouvait néanmoins difficilement survivre ou ressusciter sous une autre forme dans la loi organique appelée à compléter le titre X, dès lors que le nouvel alinéa 3 de l’article 68-1 prévoyait que les membres du Gouvernement « sont poursuivis et jugés devant les formations compétentes, composées de magistrats professionnels, de la cour d’appel de Paris ». En d’autres termes, il était fait référence au parquet général, à la chambre d’instruction et à la chambre des appels correctionnels de cette juridiction. Cet abandon n’était pas, cinquièmement, regrettable tant cette institution spécifique fait l’objet de critiques au regard des exigences tirées de l’article 6 de la CEDH : d’une part, « à refaire intégralement les instructions qui, dans certains cas, ont déjà été menés à bien par le juge d’instruction ordinaire »[85], elle est le maillon qui allonge la durée de cette chaine procédurale au point de s’exposer à la méconnaissance du délai raisonnable[86] ; d’autre part, la loi organique lui donne la compétence pour statuer sur la régularité  des procédures conduites par elle-même, ce qui fait craindre de sa compatibilité avec les exigences du droit à un procès équitable et du droit à un recours effectif devant une instance nationale quand bien même la Cour de cassation a écarté ce grief au motif que la procédure est placée « sous le contrôle de l’assemblée plénière de la Cour de cassation »[87] et à la condition qu’aucun des juges titulaires ou suppléants n’ait à apprécier la régularité d’un acte d’information qu’il aurait collégialement accompli.

B. Les défauts du choix de la Cour d’appel de Paris

« La nécessité de rapprocher du droit commun la responsabilité pénale des membres du Gouvernement »[88] avait conduit naturellement l’Exécutif à écarter la compétence de la Cour suprême de l’ordre judiciaire qui n’a d’ailleurs pas vocation à statuer en fait[89]. Pour autant, le choix de la Cour d’appel de Paris n’allait pas au bout de la logique poursuivie. Les membres du Gouvernement « ne seront pas jugés par le même tribunal ni par les mêmes juges que tout le monde »[90] comme l’a rétorqué le député François Pupponi à la présidente de la Commission des lois.

En premier lieu, aucune juridiction provinciale n’aurait eu à connaître de la responsabilité pénale d’un ministre dès lors que le délit ou le crime est commis dans l’exercice de ces fonctions. Les projets de 2018 et 2019 rejoignaient ici le projet abandonné de 2013 qui donnait compétence aux « juridictions de Paris compétentes »[91]. Ils dérogeaint ainsi aux articles 52 et 382 du code de procédure pénale.

En second lieu, la précision selon laquelle les formations compétentes seront composées de magistrats professionnels de la Cour d’appel de Paris » excluait la présence de citoyens en tant que jurés ou une formation extraordinaire. Les cours d’assises et les cours d’assises spéciales n’auraient pas pu donc connaître des crimes ou délits commis par les membres du Gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions. Cette exception au droit commun était regrettable même si aucun ministre ou secrétaire d’Etat n’a, à ce jour sous la Ve République, été poursuivi pour crime et encore moins en matière de terrorisme, d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation, de trafic de produits de stupéfiants ou de prolifération d’armes de destructions massive. Le Conseil d’Etat s’est satisfait de ce constat : « Cette disposition, qui ne concerne que la composition de la cour d’assises, trouvera sans doute rarement, et peut-être jamais, à s’appliquer, eu égard à la faible probabilité qu’un crime soit commis par un membre du Gouvernement dans l’exercice de ses fonctions »[92]. Pour autant, il faut se souvenir que la complicité d’empoisonnement avait un temps été retenu à l’encontre de Laurent Fabius, Georgina Dufoix et Edmond Hervé avant que la commission d’instruction ne requalifie l’infraction en homicide involontaire pour être finalement jugés pour atteintes involontaires à la vie et à l’intégrité physique des personnes. Au surplus, le constituant avait envisagé l’hypothèse d’un ministre poursuivi pour « complot contre la sûreté de l’Etat » dans l’originel article 68 de la Constitution. Les précédents historiques mettent également en garde contre les agissements ministériels. De 1792 à 1947, des ministres ont été condamnés à mort par des juridictions spécialisées et exécutés pour les crimes qu’ils avaient commis dans l’exercice de leurs fonctions[93]. La création de la Cour pénale internationale devrait suffire à le rappeler.

En troisième lieu, la compétence exclusive de la Cour d’appel de Paris en premier et dernier ressort privait la personne poursuivie de la possibilité de faire appel comme c’est déjà le cas sous l’empire du dispositif actuel de la Cour de justice de la République. Etait néanmoins conservé le pourvoi en cassation devant la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire. Deux raisons justifiaient cette « singularité de la fonction ministérielle »[94].

La première est recevable : l’absence du double degré de juridiction n’est contraire à la jurisprudence ni constitutionnelle, ni conventionnelle. D’une part, le Conseil constitutionnel ne reconnaît pas valeur constitutionnelle au principe du double degré de juridiction depuis 2004[95], y compris en matière pénale[96]. D’autre part, « l’article 6 de la CEDH n’astreint pas les Etats contractants à créer des cours d’appel »[97], comme le confirme l’arrêt de la Cour de Strasbourg Marcial Dorado Baùlde c/Espagne en 2015[98]. N’est pas non plus une difficulté la ratification du Protocole additionnel n°7 à la Convention qui prévoit, en son article 2, que toute personne déclarée coupable d’une infraction pénale par un tribunal a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité ou la condamnation. Les autorités françaises l’ont assorti d’une réserve selon laquelle « l’examen par une juridiction supérieure peut se limiter à un contrôle de l’application de la loi, tel que le recours en cassation »[99].

La seconde est, en revanche, plus hasardeuse : « éviter les feuilletons judiciaires »[100] ou « traiter plus rapidement ces affaires »[101] pour le moins déstabiliser l’ensemble du Gouvernement justifieraient d’exclure un double degré de juridiction. Sur le principe tout d’abord, les membres du Gouvernement bénéficieraient d’une garantie juridictionnelle inférieure à tout autre justiciable, ce qui contrevient à l’idée qu’ils sont jugés « comme tout le monde ». Il faut toutefois concéder à l’Exécutif que deux décisions seulement sur les neuf rendues par la Cour de justice de la République ont fait l’objet d’un pourvoi en cassation. Leur rejet par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation[102] et l’usage exceptionnel de cette voie juridictionnelle pourraient justifier l’économie d’un second degré. Son utilité se vérifie pourtant dans les procédures pénales de droit commun dans lesquelles sont impliquées les coauteurs et les complices du ministre, ou lorsque  le membre du Gouvernement a commis un délit pour partie dans l’exercice de ses fonctions gouvernementales et pour partie en dehors desdites fonctions. Si Michel Gillibert a finalement renoncé à faire appel du jugement, rendu le 8 juillet 2003, qui l’a condamné à une peine de 10 ans d’emprisonnement et à 5 000 euros d’amende, ce n’est pas le cas des 3 affaires dans lesquelles Charles Pasqua a été poursuivi devant la Cour de justice de la République. Lui et/ou ses complices ont systématiquement saisi la Cour d’appel de Paris après leur condamnation par le Tribunal correctionnel de Paris[103]. Cette rupture d’égalité se justifie d’autant moins qu’il est espéré des magistrats professionnels parisiens une sévérité accrue à l’encontre des ministres jugés sous l’empire du nouvel article 68-1. Quant à Philippe Léotard, après le rejet de son pourvoi en cassation le 4 juin 2021, il a saisi la Cour EDH sans pour autant connaître, deux ans plus tard, un plus grand succès[104]

La stabilité gouvernementale a ensuite été rarement remise en cause par une procédure pénale fondée sur le titre X de la Constitution. Le plus souvent, les ministres ou secrétaires d’Etat ont quitté leurs fonctions ministérielles avant que la commission des requêtes donne un avis favorable pour saisir la commission d’instruction[105]. Seuls la ministre chargée de l’enseignement scolaire Ségolène Royal et le garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti sont les exceptions en ce qu’ils occupaient encore des fonctions gouvernementales lorsque la juridiction de jugement de la CJR a eu à se prononcer.. En outre, l’éventuelle incidence de l’appel sur la stabilité gouvernementale est nulle dès lors qu’est mise en oeuvre la tradition selon laquelle un ministre démissionne dès lors qu’il est mis en examen.

Enfin, il n’est pas inexact de reprocher une certaine longueur aux procédures fondées sur le titre X de la Constitution. Ce défaut est mis en évidence lorsque le membre du Gouvernement ou l’un de ses complices est poursuivi devant les juridictions de droit commun. Ainsi, le Tribunal correctionnel de Paris s’est prononcée plus tôt que la Cour de justice de la République dans les affaires Michel Gillibert et Charles Pasqua[106]. Néanmoins, cette lenteur n’est pas toujours constatée. La durée écoulée entre la saisine de la commission des requêtes et le verdict varie de manière substantielle. Dans l’ordre chronologique, elle a pu atteindre plus de 62, 30, 119, 74, 67, 22, 59, 41 et 38 [107]. Ainsi l’économie de l’appel au motif que la procédure excède déjà une durée raisonnable n’est pas justifiée dans les affaires impliquant Ségolène Royal, Jean-Jacques Urvoas et Eric Dupont-Moretti, voire Kader Arif. Au surplus, des trois phases qui composent la procédure instituée par le titre X de la Constitution, l’instruction est la plus chronophage. La commission d’instruction a parfois mis plus de 8 années à prendre l’arrêt de renvoi devant la formation de jugement[108]. Exclure le double degré de juridiction se justifie donc d’autant moins que les projets de loi constitutionnelle de 2018 et 2019 prévoyaient de la supprimer, ce qui devrait emporter comme effet de raccourcir la durée de la phase d’instruction, et plus généralement, de la procédure pénale fondée sur le nouvel article 68-1 de la Constitution. Quant au risque d’un « feuilleton judiciaire », il demeurera malgré la compétence en premier et dernier ressort de la Cour d’appel de Paris. Les procédures connexes de droit commun pourront l’entretenir sans compter qu’une saisine de la Cour européenne des droits de l’Homme n’est pas à écarter comme ce fut le cas avec Philippe Léotard[109] après le rejet de son pourvoi en cassation en 2021. Les exemples belges et islandais[110] invitaient déjà à prendre au sérieux un recours devant la Cour de Strasbourg.

C. Les inconvénients du choix d’une responsabilité pénale étroite

Le choix de remettre la compétence de juger les membres du Gouvernement pour les crimes et délits commis dans l’exercice de leur fonction à la Cour d’appel de Paris ne résolvait pas toutes les difficultés que rencontre la responsabilité pénale des membres du Gouvernement. La compétence de la Cour d’appel de Paris n’avait pas été élargie par rapport à celle de la Cour de justice de la République qu’elle est appelée à remplacer.           

Premièrement, elle était toujours incompétente pour juger les éventuels co-auteurs et complices des ministres, ainsi que des infractions commises par le ministre pour partie en dehors de l’exercice des fonctions gouvernementales. Il revient aux juridictions de droit commun d’en connaître. Ce traitement différencié est « à l’origine d’un regrettable éclatement des procédures juridictionnelles »[111] et crée « une situation (…) source de complexité, voire de contradictions, d’autant qu’une seule de ces juridictions rendra sa décision en premier et dernier ressort »[112]. Pourtant, l’originel article 68 de la Constitution plaçait les « complices » des membres du Gouvernement sous l’empire de la Haute Cour de justice « dans le cas de complot contre la sûreté de l’Etat ». En outre, des propositions avaient vu le jour pour élargir la compétence de la Cour de justice de la République[113]. Enfin, la commission des lois de l’Assemblée nationale s’est rendue compte que « les procédures distinctes étaient problématiques en termes de bonne administration de la justice, d’équité des peines et d’efficacité parce que, pour mener des instructions dont on espère qu’elles feront jaillir la vérité, il faut que les personnes puissent être entendues, ce que les poursuites séparées ne permettent pas »[114]. A ce titre l’affaire Lagarde est éclairante dans la mesure où l’ancien directeur de cabinet a refusé de témoigner devant la Cour de justice de la République en 2016 et la directrice générale du FMI avait opposé le même refus devant la Cour de discipline budgétaire où la responsabilité de Stéphane Richard était mise en cause[115]. Les commissaires ont donc voté un amendement au nouvel article 68-1 de la Constitution aux fins d’un renvoi à une loi organique destinée à fixer « les conditions dans lesquelles la Cour d’appel de Paris peut connaître des faits commis par les coauteurs ou complices des ministres »[116]. Or, cette extension de compétence n’avait pas été reprise dans le projet de loi constitutionnelle de 2019 qui a suivi. Pire, cet éclatement des procédures juridictionnelles a été consolidé : l’alinéa 1er du nouvel article 68-1 constitutionnalisait la responsabilité de droit commun des ministres pour les actes qui ne se rattachaient pas directement à l’exercice de leurs attributions. Ainsi, était absolument exclu tout retour au système antérieur au revirement jurisprudentiel de 1963 de la Chambre criminelle de la Cour en cassation[117], c’est-à-dire à la situation dans laquelle les juridictions répressives de droit commun restaient compétentes pour juger de la responsabilité pénale d’un ministre même pour des actes commis dans l’exercice de ses fonctions tant qu’elles n’étaient pas dessaisies pour la Haute Cour de Justice. Surtout, aucune solution institutionnelle n’était apportée en cas de discordance entre les décisions rendues par les juridictions répressives de droit commun et par la juridiction dont relèvent les ministres. Cette difficulté engendrée par « la séparation des procès »[118] n’était pas hypothétique comme l’a démontrée l’affaire du casino d’Annemasse. Et le concours désormais de « magistrats aguerris, compétents, aptes à juger des affaires complexes »[119] en lieu et place des parlementaires n’aurait pas nécessairement suffi à l’éviter.

Deuxièmement, la révision proposée du titre X conduisait, paradoxalement, à ce que les membres du Gouvernement soient moins responsables. Autrement dit, elle se détournait de l’objectif poursuivi par le projet de 2018 de rendre « nos institutions (…) plus responsables »[120]. La création d’infractions particulières applicables uniquement aux ministres aurait illustré cette nouvelle ambition. A l’instar de l’Islande[121] et de l’Allemagne ou de constitutions françaises antérieures[122], la violation de la Constitution aurait pu constituer une infraction pour laquelle la responsabilité pénale des ministres aurait été engagée devant la juridiction de l’article 68-1 de la Constitution. La Ve République ne fait pas exception. Récemment, l’ancien haut-commissaire aux retraites, Jean-Paul de Delevoye, n’a pas respecté l’article 23 de la Constitution au motif, qu’à compter du 3 septembre 2019 date de sa nomination au Gouvernement, il a continué plusieurs activités professionnelles. La révélation de cette « légèreté coupable »[123] l’a poussé à présenter sa démission le 16 décembre 2019 et a conduit la Haute autorité pour la transparence de la vie publique à saisir ensuite le parquet de Paris qui ouvert une enquête préliminaire « sur les faits de déclaration incomplète de ses intérêts à la HATVP »[124].

Les projets de 2018 et 2019 s’inscrivaient à rebours de cette voie. Deux nouveautés tendant à restreindre la responsabilité pénale des ministres avaient été introduites dans le nouvel article 68-1. La première résultait de la constitutionnalisation de la responsabilité pénale de droit commun des ministres. D’un côté, l’alinéa 1er de l’article 68 de la Constitution prévoient désormais, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, que « les membres du Gouvernement sont responsables, dans les conditions de droit commun, des actes qui ne se rattachent pas directement à l’exercice de leurs attributions, y compris lorsqu’ils ont été accomplis à l’occasion de l’exercice de leur fonctions. De l’autre, l’article 68-1 dispose toujours – mais dorénavant en son alinéa 2 – qu’« ils sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis ». Il s’ensuyait la création inconsciente d’un « angle mort » dans le régime de responsabilité pénale des ministres : les contraventions commises par les membres du Gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions. Elles ne relèvaient ni des juridictions répressives de droit commun en raison de leur lien avec les attributions ministérielles, ni de la Cour d’appel de Paris dont la compétence était restreinte aux crimes et aux délits. La nouvelle formulation de l’article 68-1 soustrayait cette fois-ci avec certitude les contraventions de fonction des ministres « à l’emprise du droit pénal »[125], ce qui allait à l’encontre du principe d’égalité des citoyens devant la loi. « Il s’agit d’une dépénalisation pure et simple ! »[126].

La seconde nouveauté résidait dans l’introduction d’un nouvel alinéa à l’article 68-1 selon lequel la responsabilité des membres du Gouvernement « ne peut être mise en cause à raison de leur inaction que si le choix de ne pas agir leur est directement et personnellement imputable ». Par cette précision, « il s’agit en particulier d’éviter qu’un ministre puisse être tenu pénalement responsable pour des faits qui n’ont pas été portés à sa connaissance par son administration »[127]. Curieusement, ce point n’avait pas suscité de débat au sein de la Commission des lois de l’Assemblée nationale[128]. Pourtant, cette nouveauté interroge : est-ce la création d’une nouvelle cause de non-imputabilité propre au ministre ou une « (re)définition restrictive de la faute d’imprudence réservée aux seuls ministres »[129] ? Dans un cas comme dans l’autre, c’était une dérogation supplémentaire au droit commun de la responsabilité pénale. Il s’agissait d’éviter, le plus possible, que les ministres et secrétaires d’Etat soient poursuivis pour des infractions involontaires. Un tel but renvoie aux deux dispenses de peine accordées par la Cour de Justice de la République à Edmond Hervé et Christine Lagarde reconnus coupables, l’un des délits d’atteinte involontaire à la vie et d’atteinte involontaire à l’intégrité physique, l’autre du délit de négligence par une personne dépositaire de l’autorité publique dont il est résulté un détournement de fonds publics par un tiers. L’intention de l’Exécutif était donc ambiguë : d’un côté, le souhait d’une sévérité accrue à l’encontre des ministres au moyen de la substitution des juges parlementaires par des magistrats professionnels ; de l’autre, la limitation de la mise en cause de la responsabilité pénale des ministres à raison de leur inaction. En somme, l’Exécutif préférait que les membres du Gouvernement ne soient pas reconnus coupables d’infractions involontaires plutôt qu’ils le soient tout en bénéficiant d’une peine clémente. Dans cette optique, les objectifs de rapprocher la responsabilité pénale des ministres du droit commun et de rendre plus responsables les institutions n’étaient pas atteints. Quant au Conseil d’Etat, il proposait une solution surprenante pour réconcilier la responsabilité pénale des ministres avec le droit commun. Il invitait le Gouvernement, non pas à supprimer cette dérogation, mais au contraire à l’étendre aux décideurs publics confrontées aux mêmes difficultés, voire aux décideurs privés[130]. Cette protection ministérielle était même renforcée avec la consolidation de la commission des requêtes.

III. La consolidation de la Commission des requêtes comme instance de filtrage : un excès

Des trois institutions qui composent la structure de la Cour de justice de la République, seule la Commission des requêtes était conservée. Mais les projets de 2018 et 2019 allaient au-delà de sa préservation.

A. Une constitutionnalisation inutile

Les deux projets envisageaient de la consolider en constitutionnalisant sa composition actuelle, à savoir « trois magistrats du siège à la Cour de cassation, dont l’un préside la commission, deux membres du Conseil d’Etat et deux magistrats à la Cour des comptes ». Le Conseil d’Etat s’était opposé, dans son avis de 2018[131], au principe de hisser les dispositions de l’article 12 de la loi organique sur la Cour de justice de la République[132] au rang constitutionnel. Cette critique contre cet excès n’était pas renouvelée dans son avis de 2019[133] sans qu’il ne soit précisé si sa position a varié d’une année à l’autre.

La constitutionnalisation de sa composition et de la désignation de son président interrogeait. Son nom et son rôle figuraient déjà dans l’article 68-2 contrairement au silence gardé sur la commission d’instruction. En outre, elle ne faisaitt pas l’économie d’un renvoi à une loi organique pour en fixer les conditions d’application. Le mutisme de l’Exécutif n’aidait pas à trouver la motivation de cette constitutionnalisation : Etait-ce une volonté de promouvoir ou de solenniser davantage encore « cette instance essentielle »[134] ? Sûrement. Etait-ce une volonté de la prémunir contre les tentatives futures de modifier sa composition ? Eventuellement même si aucune proposition de loi organique n’a eu, à ce jour, pour objet de changer le nombre et la nature de ses membres. Tout au plus, l’une d’elles a préconisé une harmonisation des  appellations[135]. Cette suggestion a été suivie par les projets de 2018 et 2019. Dans le nouvel article 68-1, il n’était plus précisé que les trois magistrats du siège de la Cour de cassation ne sont plus « hors hiérarchie ». Aussi, pour siéger à la commission des requêtes, il aurait suffi d’être « membre du Conseil d’Etat » ou « magistrat de la Cour des comptes » et non plus « conseiller d’Etat » ou « conseiller maître à la Cour des comptes », ce qui ouvrait considérablement le choix des personnes à élire, si ce procédé de désignation était reconduit dans la loi organique à venir. Cette constitutionnalisation se concevait donc comme un excès sans réelle justification. Il était d’autant plus regrettable que le projet de loi constitutionnelle de 2018 introduisait des mécanismes tendant à sauvegarder le domaine de la loi et à prémunir l’œuvre parlementaire des cavaliers législatifs.

B. Une conservation inopportune

La conservation de la commission des requêtes ne répondait pas aux objectifs de la réforme constitutionnelle.En premier lieu, son maintien allait à l’encontre de la volonté de normalisation de la responsabilité pénale des ministres. C’est au fondement même de sa création : « On ne peut en effet admettre, dans le cas des ministres, que la responsabilité pénale joue aussi largement que dans le droit commun. Il n’est pas concevable qu’un membre du gouvernement puisse être poursuivi pour n’importe quel délit mineur devant la Cour de justice (…), que la responsabilité pénale d’un ministre puisse être recherchée à la suite d’une plainte à l’occasion de n’importe quel évènement dramatique (…). Les ministres ne sont pas des justiciables absolument comme les autres. (…) L’appréciation des plaintes devrait être effectuée par un organisme collégial composé de magistrats, qui serait une commission juridictionnelle des poursuites »[136] qui prendra le nom de commission des requêtes. Dès lors, c’est le statut même de « membre de Gouvernement » qui rendrait indispensable que « ces plaintes soient filtrées »[137]. C’est aussi « le très réel risque de dérive »[138] qui justifiait que cette « phase d’examen préalable »[139] soit confiée à un « parquet collectif et mixte »[140]. En 1993, on redoutait de « confier l’examen des plaintes au seul procureur général de la Cour de cassation »[141] ou qu’il agisse sans avoir recueilli l’avis conforme de la future commission des requêtes. Or, ce risque est-il toujours aussi conséquent aujourd’hui ? Il est possible de le croire au regard de la controverse issue de l’audition de l’ancienne procureure du parquet national financier dans l’affaire « Fillon » devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale consacrée aux « obstacles à l’indépendance judiciaire ». Elle a fait resurgir les soupçons d’une instrumentalisation politique de la Justice[142]. Elle reconnaît qu’« une pression s’est exercée parce qu’une affaire comme celle-ci défraie la chronique, et que le parquet général rebondissait sur les derniers éléments révélés dans la presse pour nous demander des renseignements ». L’origine de ces soupçons réside dans le lien organique entre le ministre de la justice et le parquet. Selon Eliane Houlette, « la meilleure façon de s’en sortir est de revoir le statut du parquet », (…) de refonder les relations entre les parquets et la Chancellerie ». Or, c’était justement l’ambition des projets de loi de 2018 et 2019 en leurs articles 12 et 7. Ils privilégient deux voies pour renforcer l’indépendance de la justice. La première consiste « à modifier l’article 65 de la Constitution afin que les magistrats du parquet soient dorénavant nommés sur avis conforme de la formation compétente du Conseil supérieur de la magistrature, et non plus sur avis simple. » La seconde compte confier au CSM la compétence de statuer « comme conseil de discipline des magistrats du parquet, à l’instar de ce qui est prévu aujourd’hui pour ceux du siège »[143]. Dès lors, conserver la commission des requêtes laissait à penser que les garanties d’indépendance de la justice envisagées par les projets de 2018 et 2019 demeuraient insuffisantes et justifiaient le maintien d’une instance de filtrage dérogatoire au droit commun. L’affaire Eric-Dupont Moretti n’a pas participé à écarter les soupçons d’une instrumentalisation politique de la Justice[144].

En deuxième lieu, la conservation de la commission des requêtes allait à l’encontre de l’objectif de rendre « plus responsables » les institutions de la Ve République. Tout d’abord, les dispositions sur sa composition et la désignation de son président dans le nouvel article 68-1 ne s’accompagnaient pas de précisions sur la nature de cette instance de filtrage. La Cour de cassation l’a qualifiée « d’organe relevant des fonctions du ministère public et n’ayant pas de caractère juridictionnel »[145]. Autrement dit, « une instance sui generis (…) ni véritablement juridiction (…) ni parquet à proprement parler »[146]. Ce mariage de la carpe et du lapin profite triplement à la commission des requêtes. Ses décisions sont, d’une part, insusceptibles d’aucun recours[147], d’autre part, inaccessibles dans la mesure où elles ne sont ni rendues publiques ni communicables. Quant à l’exigence de motivation, elle ne s’impose qu’aux décisions de transmission, même si la commission a fait le choix d’une motivation sommaire des décisions de classement[148]. Quitte à empiéter sur la compétence du législateur organique, le constituant aurait été plus inspiré à prendre modèle sur certaines propositions de loi organique qui suggéraient l’obligation de motivation de toutes les décisions de la commission des requêtes, à l’instar de tout acte administratif ou juridictionnel[149]. Cette exigence aurait été la contrepartie de la latitude qui lui est laissée. « Juge de l’opportunité »[150] des poursuites qu’elle « apprécie souverainement »[151], elle dispose du pouvoir considérable d’écarter « non seulement les plaintes manifestement irrecevables ou infondées (c’est-à-dire celles qui n’émaneraient pas d’une victime (…), qui ne pourraient concerner un ministre ou qui ne seraient pas fondées sur des faits pénalement qualifiables) mais aussi les plaintes injustifiées ou insuffisamment justifiées (c’est-à-dire celles qui ne seraient motivées que par des considérations politiciennes et celles visant des faits qui ne seraient pas suffisamment graves et sérieux pour mériter la saisine de la Cour de Justice) »[152].

Ensuite, le filtrage exercé par la commission des requêtes participe, de manière substantielle, à la protection des ministres et des secrétaires d’Etat. Certes au regard de la situation passée où la Haute Cour de justice n’avait jamais été saisie et du nombre apparemment élevé de « quérulents »[153], il est possible d’avancer qu’elle « a rempli son office de manière satisfaisante »[154]. Pour autant, l’ampleur du filtrage interroge : depuis sa mise en place jusqu’au 31 août 2023, la commission des requêtes a été saisie de 22166 requêtes et seules 53 ont fait l’objet d’une transmission à la commission d’instruction, ce qui représente que 0,24% du totale de ces plaintes[155]. Il faut néanmoins souligner l’énorme pic d’activité entre 2020-2022. 89 % des plaintes ont été déposées durant la période de la pandémie du Covid-19, soit 20249. En 2023, il est constaté un retour à la normale. Même si l’on exclut cette courte période exceptionnelle, les mailles du tamis de la commission de la requête demeurent très resserrées, d’autant que la commission d’instruction poursuit ce filtrage. Ces chiffres conduisent à la question suivante. La commission des requêtes filtre-t-elle trop ? Aucune réponse ne peut être apportée tant que la lumière n’est pas faite sur cette « boîte noire » située au seuil de la procédure instituée par l’article 68-1 de la Constitution.

En troisième lieu, la conservation de la commission des requêtes ne répond pas au « besoin (…) d’ouverture de nos institutions aux citoyens »[156]. Elle est un prétexte pour ne pas ouvrir la constitution de partie civile devant la Cour de justice de la République. Pourtant, la commission Jospin préconisait sous certaines conditions d’accorder aux victimes d’un crime ou d’un délit commis par un membre du gouvernement dans l’exercice de ses fonctions la possibilité de mettre en mouvement l’action publique en se constituant partie civile[157]. Des propositions de loi organique allaient également dans ce sens[158]. Si le droit au recours n’est pas méconnu[159], ce refus dérogatoire aux règles fixées par le code de procédure pénale pour les débats en matière correctionnelle[160] contribue à l’éclatement des procédures juridictionnelles et à allonger encore un peu plus la procédure pour le plaignant. Ce dernier ne peut demander réparation du préjudice subi devant la Cour de Justice de la République mais auprès des juridictions de droit commun.

En conclusion, les projets de loi constitutionnelle de 2018 et 2019 avaient l’ambition de refondre la structure juridictionnelle chargée de juger les crimes et les délits commis par les membres du Gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions. Dans la lignée des propositions de révision constitutionnelle nées à la suite des premières décisions rendues par la Cour de justice de la République, ils reprenaient le leitmotiv de la suppression de la juridiction de jugement. L’Exécutif ne voulait d’une juridiction, ni politique quel que soit le degré de mixité de sa composition, ni exceptionnelle. Les projets de 2018 et 2019 consacraient à sa place la Cour d’appel de Paris pour que les ministres et secrétaires d’Etat soient désormais jugés par uniquement des magistrats professionnels. Mais cette solution institutionnelle ne résolvait pas tous les dysfonctionnements connus et engendrait des difficultés qui auraient pu être évitées : l’éclatement des procédures juridictionnelles persistait ; le double degré de juridiction était toujours exclu ; les divergences restaient possible entre les décisions rendues par les juridictions répressives de droit commun et par la juridiction dont relèvent les membres du Gouvernement. Enfin, la révision du titre X accroîssait, paradoxalement, la protection ministérielle. Les contraventions de fonction étaient dépénalisées et une dérogation était introduite selon laquelle leur responsabilité « ne peut être mise en cause à raison de leur inaction que si le choix de ne pas agir leur est directement et personnellement imputable ». Cette protection était même renforcée par la conservation de la commission des requêtes. Les projets de 2018 et 2019 allaient même jusqu’à constitutionnaliser sa composition alors que cette consolidation ne s’imposait pas. Au final, la refonte institutionnelle ne satisfaisait aucun des objectifs fixés, à savoir rendre les institutions ou les procédures plus représentatives, responsables, et efficaces. Elle ne parvenait pas non plus ni à ouvrir davantage les institutions aux citoyens, ni à fondre la responsabilité pénale des ministres dans le droit commun. Pourtant, le bouleversement envisagé de la structure juridictionnelle chargée de connaître de la responsabilité pénale des membres du Gouvernement ne constituait-il pas l’opportunité de trouver la bonne formule et mettre un terme définitivement à l’hésitation française née depuis la période révolutionnaire ? Les modalités fixées par les projets déposés sous le quinquennat d’Emmanuel Macron ne le laissaient pas penser. Dans ce cas, n’est-il pas préférable de continuer avec le dispositif actuel surtout au moment où, un quart de siècle après sa naissance, se manifestent enfin les signes de son implantation dans le paysage institutionnel de la Ve République ? L’actuel Président de la République est peut-être parvenu à cette conclusion. La réforme de la Cour de la Justice de la République n’est plus.

Florian SAVONITTO

Maître de conférences en droit public à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3

CERCCLE – EA 7436


[1] E. Dailly, H. Haenel et Ch. Jolibois, Rapport sur le projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VII, VIII, IX et X, n°316, Sénat, Commission des lois, 19 mai 1993.

[2] Ph. Ardant, « Responsabilité politique et pénal des chefs d’Etat, des chefs de Gouvernement et des ministres », RIDC, 2002, n°2, p. 465.

[3] Projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique, n°2203, A.N., 29 août 2019.

[4] Loi constitutionnelle n°93-952 du 27 juillet 1993 portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VIII, IX, X et XVI.

[5] Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, n°911,  A.N., 9 mai 2018, n°394658.

[6] Projet de loi constitutionnelle relatif à la responsabilité juridictionnelle du Président de la République et des membres du Gouvernement, n°816, A.N., 14 mars 2013.

[7] Proposition de loi organique visant à élargir la saisine de la Cour de justice de la République aux parlementaires en ce qui concerne le retour d’un membre du Gouvernement au Parlement lorsque celui-ci a menti devant la représentation nationale, n°918, 12 avril 2013, A.N. ; Proposition de loi organique visant à interdire la reprise par un membre du Gouvernement de son ancien siège de député ou sénateur à la suite de la cessation de ses fonctions après avoir menti devant la représentation nationale, n°919, 12 avril 2013, A.N. ; Proposition de loi constitutionnelle établissant la responsabilité civile et pénale du président de la République pour les actes commis antérieurement à sa prise de fonction ou détachables de celle-ci, et supprimant la Cour de justice de la République, n°3817, 18 oct. 2011, A.N. ; Proposition de loi constitutionnelle tendant à modifier la composition de la Cour de justice de la République, n°1385, 29 janv. 2004, A.N. ; Proposition de loi organique relative à la Cour de justice de la République, n°1386, 29 janv. 2004, A.N. ;

[8] Jean-Jacques Hyest, Proposition de loi organique tendant à modifier la loi organique n°93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, n°61, 9 nov. 1999, Sén. ; Michel Dreyfus-Schmidt, Proposition de loi constitutionnelle portant suppression de la Cour de justice de la République, n°113, 30 nov. 2000, Sén. et Proposition de loi organique déterminant les conditions d’application de l’article 68-2 de la Constitution,n°114, 30 nov. 2000, Sén

[9] Jean-Jacques Hyest, Proposition de loi organique tendant à modifier la loi organique n°93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, op. cit

[10] Michel Dreyfus-Schmidt, Proposition de loi constitutionnelle portant suppression de la Cour de justice de la République, op. cit.

[11] Groupe de travail du Sénat sur la révision constitutionnelle, 40 propositions pour une révision de la Constitution utile à la France, 24 janv. 2018, Sénat, p. 66-68.

[12] La loi organique n°2007-287 du 5 mars 2007 relative au recrutement, à la formation et à la responsabilité des magistrats remplace à l’article 8 désignés par le procureur générale » par « qu’il désigne ».

[13] Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, Une Ve République plus démocratique, 2007, La documentation française, p. 73.

[14] Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, Pour un renouveau démocratique, 2012, La documentation française, p. 76-80.

[15] Projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique, op. cit. p. 13.

[16] Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, Pour un renouveau démocratique, op. cit., p. 77

[17] Conseil d’Etat, Ass., Avis sur un projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, 3 mai 2018, n°394658.

[18] Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, op. cit., p. 5 et 11.

[19] O. Beaud, « A propos de la démission de M. Strauss-Kahn et d’une prétendue « jurisprudence Bérégovoy-Balladur » », RDP, 1999, p. 1585 ; P. Avril, « A propos de la « jurisprudence Bérégovoy-Balladur » », RDP, 1999, p. 1596. 

[20] Circulaire du 24 mai 2017 relative à une méthode de travail gouvernemental exemplaire, collégiale et efficace, texte n°7, JORF n°0123 du 25 mai 2017

[21] Edouard Philippe, L’invité de RTL, 2 juin 2017.

[22] Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, op. cit., p. 5.

[23] Ibid.

[24] M. Verdussen, « Le traitement constitutionnel de la répression pénale du chef de l’Etat, des ministres et des parlementaires dans une perspective comparative », AIJC, 2009, n°25, p. 496.

[25] D. Rousseau, Entretien sur Public Sénat, 7 juin 2020, https://www.publicsenat.fr

[26] A la 11e question « Faut-il instaurer une responsabilité individuelle des membres du Gouvernement devant le Parlement », le groupe de travail apporte une réponse moyenne de 2,7/5 soit entre « plutôt pas d’accord » et « abstention », Rapport du groupe de travail sur l’avenir des institutions. Refaire la démocratie, La documentation française, 2015, p. 224.

[27] Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, Pour un renouveau démocratique, op. cit., p. 76.

[28] J. Lagoutte, « La réforme de la Cour de Justice de la République : quelle responsabilité pénale pour les ministres ? », in Ph. Claret et F. Savonitto, La réforme institutionnelle sous le quinquennat d’Emmanuel Macron, L’Harmattan, 2020, p. 65.

[29] Projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique, op. cit. p. 5.

[30] Projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique, op. cit. p. 5.

[31] Cour EDH, 23 nov. 2017, Haarde c. Islande, n°66847/12 ; F. Savonitto, « Justice politique et responsabilité pénale ministérielle à l’épreuve de la Cour européenne des droits de l’homme », JADE, 2017, n°8, https://revue-jade.eu

[32] Préambule et art. 5 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juill. 1998.

[33] E. Dailly, H. Haenel et Ch. Jolibois, Rapport sur le projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VII, VIII, IX et X, op. cit., p. 120.

[34] Ibid., p. 129.

[35] Ibid., p. 124.

[36] Proposition de loi constitutionnelle tendant à modifier la composition de la Cour de justice de la République, n°1385, 29 janv. 2004, A.N. 

[37] CC n°2014-703 DC du  19 nov. 2014.

[38] Il convient ici d’inclure l’hypothèse de la Cour pénale internationale.

[39] Comité consultatif pour une révision de la Constitution, Propositions pour une révision de la Constitution, 15 fév. 1993, La documentation française, p. 12.

[40] Michel Dreyfus-Schmidt, Séance du 27 mai 1993, Sénat, p. 479.

[41] Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, Pour un renouveau démocratique, op. cit., p. 77.

[42] E. Dailly, H. Haenel et Ch. Jolibois, Rapport sur le projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VII, VIII, IX et X, op. cit., p. 124.

[43] Yaël Braun-Pivet, Séance du 29 juin 2018, Commission des lois de l’Assemblée nationale, p. 18.

[44] Groupe de travail du Sénat sur la révision constitutionnelle, 40 propositions pour une révision de la Constitution utile à la France, 24 janv. 2018, Sénat, p. 68.

[45] Michel Dreyfus-Schmidt, Proposition de loi constitutionnelle portant suppression de la Cour de justice de la République, n°113, 30 nov. 2000, Sén

[46] Julien Bayou, Proposition de loi constitutionnelle visant à supprimer la Cour de Justice de la République, n°1937, 30 nov. 2023, AN.

[47] TGI Paris, 17e ch., 14 nov. 2000.

[48] « Un sénateur pris au piège de la Cour de justice », Libération, 18 oct. 2000.

[49] C. Guérin-Bargues, « Cour de justice de la République : pour qui sonne le glas ? », Juspoliticum, 2014, n°11, p. 19.

[50] V. l’interview de Bruno Retailleau, invité par Amandine Bégot dans son émission sur RTL le 30 nov. 2023.

[51] E. Balladur, « Cour de Justice de la République : le dernier mot doit revenir aux élus de la nation », Tribune au Figaro, le 20 avril 2021.

[52] Kader Arif a été, dans un premier temps, ministre délégué aux Anciens combattants, du 22 juin 2012 au 31 mars 2014, et, dans un second temps, secrétaire d’Etat chargé des Anciens combattants et de la Mémoire, du 9 avril au 21 novembre 2014. Il est compté ici comme « ministre ».

[53] CJR, Laurent Fabius, Georgina Dufoix et Edmond Hervé, 9 mars 1999, n°99-001.

[54] CJR, Christine Lagarde, 19 déc. 2016, n°2016/001.

[55] CJR, Kader Arif, 26 oct. 2022, n°2022/1.

[56] CJR, Edouard Balladur et François Léotard, 4 mars 2021,

[57] CJR, Jean-Jacques Urvoas, 30 septembre 2019, n°1-2019.

[58] CJR, Charles Pasqua, 30 avril 2010, n°10.001.

[59] A savoir au total 26 ans.

[60] E. Dailly, H. Haenel et Ch. Jolibois, Rapport sur le projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VII, VIII, IX et X, op. cit., p. 134

[61] Ibid., p. 125.

[62] TGI Paris, Ministère public c/Roussin, Chardon, Monier et autres, 15 déc. 2011, n°9834923017.

[63] Conseil d’Etat, Ass., Avis sur un projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, op. cit.

[64] Yaël Braun-Pivet, Séance du 29 juin 2018, Commission des lois de l’Assemblée nationale, p. 18.

[65] M. Verdussen, « Le traitement constitutionnel de la répression pénale du chef de l’Etat, des ministres et des parlementaires dans une perspective comparative », art. cit., p. 494-495.

[66] Yaël Braun-Pivet, Séance du 29 juin 2018, Commission des lois de l’Assemblée nationale, p. 18.

[67] « La Commission de Venise considère que la capacité d’un régime constitutionnel à séparer et distinguer la responsabilité politique et la responsabilité pénale des ministres (précédents ou actuels) témoigne du bon fonctionnement et de la maturité de la démocratie mais aussi du respect de l’Etat de droit », Commission de Venise, Rapport sur la relation entre responsabilité politique et responsabilité pénale des ministres, CDL-AD(2013)001, Etude n°682/2012, 11 mars 2013, p. 21.

[68] Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, op. cit., p. 3.

[69] E. Dailly, H. Haenel et Ch. Jolibois, Rapport sur le projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VII, VIII, IX et X, op. cit., p. 132 et 133.

[70] Projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique, op. cit., p. 12.

[71] Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, Pour un renouveau démocratique, op. cit., p. 78.

[72] Ibid., p. 18.

[73] Marie Guévenoux, Séance du 29 juin 2018, Commission des lois de l’Assemblée nationale, p. 20.

[74] Commission de révision des condamnations pénales, 6 juin 2011, 0REV097.

[75] CA Paris, 18 sept. 2009, n°08/03960.

[76] M. Segonds, « Le déni d’une intention par l’arrêt du 29 novembre 2023 de la CJR ou l’art de noyer l’intention », JCP G., 12 fév 2024, p. 267.

[77] E. Dailly, H. Haenel et Ch. Jolibois, Rapport sur le projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VII, VIII, IX et X, op. cit., p. 132 et 133.

[78] Entretien avec Angélica Cuéllar Vàsquez, « Le plus grand problème me semble être l’extrême politisation de la justice », Droit et Société, 2020, n°104, p. 159.

[79] « Alain Juppé condamné à payer sa fidélité », Libération, 31 janv. 2004, https://www.liberation.fr

[80] « Juppé condamné à 18 mois avec sursis fait appel », L’Humanité, 31 janv. 2004, https://www.humanité.fr/node/299309

[81] « Juppé : le purgatoire », La Dépêche, 2 déc. 2004, https://www.ladepeche.fr

[82] « Cette Cour de Justice de la République cumule pourtant bien des handicaps : elle est coûteuse (son budget annuel avoisine le million d’euros), lente et très peu sollicitée (cinq procès en vingt ans), sans compter qu’elle est décriée et que sa légitimité est sujette à caution », Jean-Jacques Urvoas, Lettre du garde des Sceaux à un futur ministre de la Justice. Partageons une ambition pour la justice, 18 avril 2017, Dalloz, p. 55.

[83] Joël Giraud, Rapport sur le projet de loi de finances pour 2020, Annexe n°32 « Pouvoirs publics », A.N., 10 oct. 2019, n°2301, p. 53.

[84] Projet de loi organique pour une démocratie plus représetnative, responsable et efficace, A.N., n°977, 23 mai 2018.

[85] C. Guérin-Bargues, « Cour de justice de la République : pour qui sonne le glas ? », art. cit., p. 15.

[86] Ce grief a été écarté au seul motif que M. Léotard n’a pas préalablement soumis aux juridictions internes recours fondé sur l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire, Cour EDH, 5e sec., Affaire Léotard c/ France, 14 déc. 2023, n°41298/21.

[87] Cass. Ass. Plén., Michel Gilibert, 6 juin 2003, n°01-87.092 et 03-80.734.

[88] Conseil d’Etat, Ass., Avis sur un projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, op. cit., p. 11.

[89] M. Verdussen, « Le traitement constitutionnel de la répression pénale du chef de l’Etat, des ministres et des parlementaires dans une perspective comparative », AIJC, 2009, n°25, p. 494.

[90] François Pupponi, Séance du 29 juin 2018, Commission des lois de l’Assemblée nationale, p. 18.

[91] Art. 2 du Projet de loi constitutionnelle relatif à la responsabilité juridictionnelle du Président de la République et des membres du Gouvernement, op. cit.

[92] Conseil d’Etat, Ass., Avis sur un projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, op. cit., p. 12.

[93] V. Richard Ferrand, Yaël Braun-Pivet et Marc Fesneau, Rapport fait au nom de la Commission des lois sur le Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace (n°911), t. 1, A.N., n°1137, 4 juill. 2018, p. 154.

[94] Nicole Belloubet, Audition devant la Commission des lois, A.N., 6 juin 2018, p. 22.

[95] CC n°2004-491 DC du 12 fév. 2004 ; CC n°2012-243/244/245/246 QPC du 14 mai 2012 ; CC n°2013-338/339 QPC du 13 sept. 2013.

[96] CC n°2010-81 QPC du 17 déc. 2010, voir notamment le Commentaire, p. 5.

[97] Conseil de l’Europe, Guide sur l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Droit à un procès équitable (volet pénal), Mis à jour au 31 déc. 2019, p. 17.

[98] CourEDH, Marcial Dorado Baùlde c/Espagne, 1er sept. 2015, n°23486/12.

[99] Déclaration faite lors de la signature, le 22 novembre 1984, et confirmée lors du dépôt de l’instrument de ratification, le 17 février 1986. Pour la France, le protocole n°7 est entré en vigueur le 1er novembre 1988.

[100] Nicole Belloubet, Audition devant la Commission des lois, A.N., 6 juin 2018, p. 22.

[101] Conseil d’Etat, Ass., Avis sur un projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, op. cit., p. 12.

[102] Cass. ass. Plén., Charles Pasqua, 23 juill. 2010, n°10-85.505 ; Cass. Ass. Plén., Philippe Léotard, 4 juin 2021, n°R 21-81.656.

[103] Dans l’affaire du « Casino d’Annemasse » par exemple, la 11e chambre du Tribunal correctionnel de Paris, la Cour d’appel de Paris et la Chambre criminelle de la Cour de cassation se sont prononcés respectivement les 12 mars 2008, 18 septembre 2009 et le 8 avril 2010. La Cour de justice de la République a jugé Charles Pasqua le 30 avril 2010.

[104] Cour EDH, 5e sec., Affaire Léotard c/ France, 14 déc. 2023, n°41298/21.

[105] C’est le cas de Laurent Fabius, Georgina Dufoix, Edmond Hervé, Michel Gilibert, Charles Pasqua, Eric Woerth, Philippe Léotard, Edouard Balladur, Jean-Jacques Urvoas, Agnès Buzyn.

[106] En revanche, Stéphane Richard, directeur de cabinet de la ministre Christine Lagarde, n’a été relaxé par le Tribunal correctionnel de Paris que le 9 juillet 2019 des faits de complicité d’escroquerie. Dans ce cadre, il a toutefois été jugé par la Cour de discipline budgétaire et financière le 22 mai 2014 et le 2 février 2016, v. Pierre Mouzet, « Les deux procès Lagarde », Jus politicum blog, 30 janv. 2017, https://www.blog.juspoliticum.com

[107] Dans l’ordre chronologique, la commission des requêtes a été saisie en janvier 1994, en octobre 1997, en août 1994, en février 2004, en mai 2011, en décembre 2017, en mars 2014, mai 2019 et octobre 2020.

[108] Dans l’affaire Gillibert, la commission des requêtes a rendu un avis favorable en octobre 1994 et la commission d’instruction a rendu sa décision le 23 janvier 2003. Dans l’affaire Balladur et Léotard, la commission des requêtes a rendu un avis favorable en juin 2014 et la commission d’instruction a saisi la formatin de jugement fin septembre 2019, soit plus de 5 années après.

[109] Charles Pasqua avait déjà brandi cette menace : « Ma condamnation dans le volet « Sofremi » me meurtrit ; je ne l’accepte pas. J’exercerai donc les voies de recours qui me sont ouvertes, afin que soit reconnue mon innocence. In fine, ce sera devant la Cour européenne des droits de l’homme que tout cela sera jugé définitivement », in « Charles Pasqua ne sera pas rejugé par la CJR », Le Figaro, 23 juill. 2010, https://www.lefigaro.fr

[110] Cour EDH, 2 sept. 2005, Affaires Claes et autres c. Belgique, n°46825/99, 47132/99, 47502/99, 49010/99, 49104/99, 49195/99 et 49716/99 ; Cour EDH, 23 nov. 2017, Haarde c. Islande, n°66847/12.

[111] Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, Pour un renouveau démocratique, op. cit., p. 77.

[112] Conseil d’Etat, Ass., Avis sur un projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, op. cit., p. 12.

[113] Proposition de loi organique visant à élargir la saisine de la Cour de justice de la République aux parlementaires en ce qui concerne le retour d’un membre du Gouvernement au Parlement lorsque celui-ci a menti devant la représentation nationale, A.N., n°918, 12 avril 2013 ; Proposition de loi organique visant à interdire la reprise par un membre du Gouvernement de son ancien siège de député ou sénateur à la suite de la cessation de ses fonctions après avoir menti devant la représentation nationale, A.N., n°919, 12 avril 2013.

[114] Yaël Braun-Pivet, Séance du 29 juin 2018, Commission des lois de l’Assemblée nationale, p. 23.

[115] « Tapie : Christine Lagarde refuse de témoigner devant la Cour de discipline budgétaire », Mediapart, 10 mars 2015.

[116] Amendement, n°CL1535 à l’article 13 du Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, présenté par Richard Ferrand, Yaël Braun-Pivet et Marc Fesneau, et adopté par la Commission des lois de l’Assemblée nationale le 29 juin 2018.

[117] Cass. crim., 14 mars 1963, n°62-92785.

[118] Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, op. cit., p. 12.

[119] Yaël Braun-Pivet, Séance du 29 juin 2018, Commission des lois de l’Assemblée nationale, p. 18.

[120] Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, plus responsable et efficace, op. cit., p. 3.

[121] Cour EDH, 23 nov. 2017, Haarde c. Islande, n°66847/12 ; Commission de Venise, Rapport sur la relation entre responsabilité politique et responsabilité pénale des ministres, op. cit., p. 12.

[122] Se reporter aux Constitutions du 3 septembre 1791, du V fructidor an III, du 22 frimaire an VIII et du Sénatus-consulte organique du 28 floréal an XII,  v. E. Dailly, H. Haenel et Ch. Jolibois, Rapport sur le projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VII, VIII, IX et X, op. cit., p. 261-273.

[123] Agence France-Presse, 16 déc. 2019, @afpfr, https://twitter.com/afpfr/status/120654953120897

[124] J.F. Kerléo, « Les multiples enjeux déontologiques des affaires Delevoye », AJDA, 2020, p. 274.

[125] Ph. Conte, « L’immunité pénale des membres du Gouvernement et l’article 68-1 de la Constitution », Rec. Dal., 1999, p. 209.

[126] J. Lagoutte, « La réforme de la Cour de Justice de la République : quelle responsabilité pénale pour les ministres ? », art. cit., p. 92.

[127] Richard Ferrand, Yaël Braun-Pivet et Marc Fesneau, Rapport  fait au nom de la Commission des lois sur le Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace (n°911), t. 1, op. cit., p. 167.

[128] Séance du 29 juin 2018, Commission des lois de l’Assemblée nationale, p. 17-23.

[129] J. Lagoutte, « La réforme de la Cour de Justice de la République : quelle responsabilité pénale pour les ministres ? », art. cit., p. 92.

[130] Conseil d’Etat, Ass., Avis sur un projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, op. cit.

[131] Conseil d’Etat, Ass., Avis sur un projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, op. cit., p. 12.

[132] Loi organique n°93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

[133] Conseil d’Etat, Ass., Avis sur un projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique, 20 juin 2019, n°397908, p. 7.

[134] Pierre Méhaignerie, JO, A.N., 6 oct. 1993.

[135] J.-J. Hyest, Proposition de loi organique tendant à modifier la loi organique n°93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de Justice de la République, op. cit.

[136] E. Dailly, H. Haenel et Ch. Jolibois, Rapport sur le projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VII, VIII, IX et X, op. cit., p. 136.

[137] Ibid., p. 136.

[138] Ibid., p. 137.

[139] Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, Pour un renouveau démocratique, op. cit, p. 78.

[140] Pierre Méhaignerie, JO, Sén., 20 oct. 1993, p. 3257.

[141] E. Dailly, H. Haenel et Ch. Jolibois, Rapport sur le projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VII, VIII, IX et X, op. cit., p. 136.

[142] E. Houlette, Compte-rendu de la Commission d’enquête sur les obstacles à l’indépendance du pouvoir judiciaire, 10 juin 2020, n°29, www.assemblée-nationale.fr

[143] Projet de loi constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique, op. cit., p. 13.

[144] V. la contribution du Professeur Olivier Beaud dans ce même dossier de Questions constitutionnelles, O. Beaud, « Pourquoi faudrait-il absolument juger les ministres ? »

[145] Cass. ass. Plén. 23 déc. 1999, Royal, n°99-86298.

[146] C. Guérin-Bargues, « Cour de justice de la République : pour qui sonne le glas ? », art. cit., p. 14.

[147] Art. 14 de la Loi organique n°93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

[148] V. les propos de la Présidente de la Commission des requêtes, Nicole Planchon, lors de la table ronde « La Cour de Justice de la République vue de l’intérieur » publiée dans ce numéro de Questions constitutionnelles.

[149] Jean-Jacques Hyest, Proposition de loi organique tendant à modifier la loi organique n°93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, op. cit. ; Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Dreyfus-Schmidt, Proposition de loi constitutionnelle portant suppression de la Cour de justice de la République, op. cit., et Proposition de loi organique déterminant les conditions d’application de l’article 68-2 de la Constitution, op. cit.

[150] CC n°93-327 DC du 19 nov. 1993.

[151] Ibid.

[152] E. Dailly, H. Haenel et Ch. Jolibois, Rapport sur le projet de loi constitutionnelle portant révision de la Constitution du 4 octobre 1958 et modifiant ses titres VII, VIII, IX et X, op. cit., p. 136.

[153] Richard Ferrand, Yaël Braun-Pivet et Marc Fesneau, Rapport  fait au nom de la Commission des lois sur le Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace (n°911), t. 1, op. cit., p. 161.

[154] Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, Pour un renouveau démocratique, op. cit, p. 79.

[155] Voir les chiffres donnés par la Présidente de la Commission des requêtes, Nicole Planchon, lors de la table ronde « La Cour de Justice de la République vue de l’intérieur » publiée dans ce numéro de Questions constitutionnelles.

[156] Projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, op. cit., p. 11.

[157] Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, Pour un renouveau démocratique, op. cit., p. 79.

[158] Jean-Jacques Hyest, Proposition de loi organique tendant à modifier la loi organique n°93-1252 du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République, op. cit

[159] CC n°93-327 DC du 19 nov. 1993.

[160] Cass. Plén., 2I juin 1999, n°9881927.