La revalorisation du Sénat sous la présidence d’Emmanuel Macron

Jade MEYRIEU.

Dire que la relation entre le Sénat et le Président Emmanuel Macron n’a pas débuté sous les meilleurs auspices serait un euphémisme. Dans sa lettre adressée aux français en janvier 2018, le Président élu depuis moins d’un an s’interroge quant à une éventuelle réforme de l’institution sénatoriale : « Quel rôle nos assemblées (dont le Sénat et le Conseil Économique Social et Environnemental) doivent-elles jouer ? Faut-il les transformer et comment ? »[1] Pour les sénateurs, cette question est rapidement apparue comme une menace et se présente comme une remise en cause de la légitimité sénatoriale au sein des institutions. Pourtant, si cette défiance n’est pas nouvelle, ces questionnements dénotent particulièrement avec l’évolution du Sénat au sein des institutions depuis 2017.

Depuis quelques années, le Sénat se fraye un chemin et se construit une place notable dans le jeu des institutions. Il est plus visible, plus moderne, plus populaire. Ce constat se déduit d’abord des interventions ponctuelles et remarquées du Sénat dans les débats de sociétés d’ampleur, comme ce fut par exemple le cas de la gestion de la pandémie du Covid-19. Il résulte, ensuite, d’une analyse plus générale, soulignant la permanence du Sénat face à soixante-six ans de contestations. En effet, malgré la place qui lui est accordée dans la Constitution, « le Sénat de la Ve République est aussi méjugé que son rôle méconnu »[2]. Les réflexions du Président Emmanuel ne font alors que poursuivre une remise en question récurrente depuis 1958. Du référendum gaullien de 1969, à l’intervention de Claude Bartolone sur un plateau de télévision le 29 janvier 2015 prônant « la fin du bicamérisme » et plaidant pour un « rapprochement » du Sénat avec le CESE[3], en passant par les propos de Lionel Jospin en 1998 baptisant le Sénat d’« anomalie démocratique »[4], l’histoire du Palais du Luxembourg est jalonnée de ces procès d’intention. La persistance de l’institution dans un contexte continu de défiance ne saurait qu’être soulignée. Plus encore, par-delà cette persistance, l’institution sénatoriale n’a eu de cesse d’éprouver l’importance de sa place et de ses fonctions. Si « la sénatophobie ne date pas d’hier » et qu’elle est, selon certains, « inévitable »[5], la revalorisation progressive de l’action du Sénat sous la Ve République prend le contre-pied de ces discours contestataires.

Le renouveau du Sénat français doit être appréhendé dans une étude plus globale d’une altération profonde de l’architecture politico-institutionnelle. En effet, le contexte politico-juridique qui s’est progressivement installé en France ne répond ni au phénomène d’Assemblée ni au fait majoritaire. Si l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 est confortée par une majorité forte à l’Assemblée nationale, elle entame néanmoins une déstructuration de la configuration de l’Assemblée nationale telle qu’elle existait depuis plusieurs années. Cette déconstruction s’est ainsi poursuivie à la suite des élections de 2022. Le Président perd la majorité absolue à l’Assemblée, qui se structure désormais autour de trois blocs[6]. Ces élections marquent la Ve République puisqu’un tel désaveu de la politique présidentielle n’était pas arrivé depuis la présidence de François Mitterrand en 1988[7]. Le changement est tel que certains auteurs ont pu souligner que « les Français se sont endormis samedi soir dans un régime présidentiel et se sont réveillés ce lundi dans un régime parlementaire »[8]. La déconstruction institutionnelle trouve finalement son paroxysme dans les élections législatives des 29 et 30 juin 2024 et la nomination des Gouvernements Barnier et Bayrou. Le paysage politico-institutionnel français est alors inconnu et il semblerait que le système du « gouvernement minoritaire » ait posé ses valises au sein de la Ve République. Ce paysage exprime et enrichit un tumulte méconnu du régime, caractérisé par une Chambre basse fragmentée, un gouvernement dont la couleur politique diffère de celle du Président et qui ne peut s’appuyer que sur une coalition minoritaire. Au sein de l’Assemblée nationale, le nombre de partis et groupes politiques prenant part aux coalitions et les diversités idéologiques fortes qui les imprègnent n’encouragent pas l’élaboration de compromis. Toutefois, cette déconstruction institutionnelle s’est finalement faite au profit d’une affirmation inédite du Sénat.

Sans nul doute, la nouvelle donne instaurée régénère la place stratégique du Sénat dans le jeu des institutions et actualise l’idée selon laquelle ce dernier « s’adapte aux mouvements des idées et aux changements sociaux, avec toutes les conséquences politiques qui en découlent »[9]. Ainsi, « tout en préservant des valeurs fondamentales avec lesquelles il ne transige pas, le Sénat en module la mise en œuvre et essaie de les faire correspondre aux évolutions de la société, parfois même de les anticiper »[10]. Il s’agit dès lors de déterminer le rôle et le positionnement du Sénat à l’heure où l’Assemblée nationale fait parler d’elle pour ses heurts et ses désaccords, où la popularité présidentielle est grandement affectée, et où l’établissement d’un gouvernement stable à Matignon se fait de plus en plus difficile. Face au désordre et à l’agitation, une position forte et stable du Sénat se dégage. Le « face à face » affirmé en 2018 entre le Président et le Sénat semble se conclure par un renforcement du second, au détriment du premier. Analysé au sein d’un paysage institutionnel brouillon, le Sénat pourrait alors se positionner tel un phare dans la tempête institutionnelle. Cette revalorisation du Sénat depuis 2017 passe alors par deux voies complémentaires : il est d’abord un garant de l’équilibre institutionnel, dont l’importance et l’enjeu ont considérablement été renouvelés (I). Il est, ensuite, un garant affirmé de la qualité de la loi et de la protection des droits et libertés (II).

I. Le Sénat, garant renouvelé de l’équilibre institutionnel

La Ve République est marquée par « la médiation institutionnelle du Sénat »[11]. Celle-ci trouve ses fondations dans le bicamérisme qui garantit le fonctionnement harmonieux des pouvoirs publics[12]. En effet, « un Parlement bicaméral […] est intrinsèquement une horlogerie fine destinée à modérer les passions et à préserver la stabilité institutionnelle des embardées auxquelles peut conduire le gouvernement des hommes »[13]. Plus encore, cette médiation sénatoriale a nettement évolué depuis 1958. Le Sénat s’est saisi des mécanismes et processus prévus par la Constitution pour se faire une place dans le triangle institutionnel « Élysée-Matignon-Palais-Bourbon », en développant son pouvoir d’influence et d’obstruction. L’étude de la position du Sénat depuis 2017 est particulièrement révélatrice de cet ajustement institutionnel qui participe à la garantie de l’équilibre des institutions. Dès l’élection du Président Emmanuel Macron en 2017, le Sénat s’est présenté comme le principal contre-pouvoir face à une pratique présidentialiste forte du régime (A). Cette position change néanmoins avec le remaniement profond du paysage politico-institutionnel initié par les élections de 2022 et approfondi en 2024. Ces transformations institutionnelles offrent au Sénat, pour la première fois sous la Ve République, une place centrale dans le jeu des institutions (B).

A. Un contre-pouvoir assumé face au présidentialisme majoritaire d’Emmanuel Macron

Alors qu’en 1958, le bicamérisme est pensé comme un « garde-fou » du pouvoir exécutif face aux dérives de l’Assemblée, le Sénat s’est progressivement délesté de cette mission originelle pour s’émanciper et s’adapter aux contextes institutionnels issus des urnes. Cette construction active ne peut être comprise qu’au travers d’une « marginalisation progressive du Sénat sous la Ve République »[14]. À partir de 1962, le Sénat entre en dissonance et devient une « force d’opposition de l’unidimensionnalité du présidentialisme majoritaire »[15]. Si cette orientation institutionnelle du Sénat avait été décelée lors de présidences passées[16], la position du Sénat pendant le premier mandat d’Emmanuel Macron conforte et renforce nettement cette analyse. En 2017, le Président de la République profite d’une majorité solide et importante à l’Assemblée. Le Sénat, paré d’une composition historiquement conservatrice, se positionne rapidement en opposition, et ce jusqu’aux élections de 2022, date à laquelle le président perd la majorité absolue à l’Assemblée nationale. Alors que le Président remet régulièrement en question la position du Sénat[17] – rappelant par ailleurs la méfiance du Général de Gaulle en son temps – ce dernier réplique et fait part de ses revendications. La lettre de Gérard Larcher adressée au Président de la République relative à l’étude du projet de révision constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace du 17 avril 2018 illustre les désaccords profonds qui opposent ces deux institutions. Gérard Larcher y dévoile son indignation en soulignant que « jamais, depuis 1958, une révision constitutionnelle n’a eu pour objet de faire régresser les droits du Parlement » et qu’il était favorable « à l’aboutissement de cette révision dès lors qu’elle se ferait dans le respect des droits du Parlement et du bicamérisme »[18]. Plus encore, le Président du Sénat n’a pas caché son désaccord face à la décision de dissolution de l’Assemblée nationale du 9 juin 2024. Selon Gérard Larcher, la lettre de la Constitution n’aurait pas été respectée, car le Président du Sénat a été « informé et non consulté »[19] en amont de la dissolution. Il estime par ailleurs que « le Président de la République nous a précipités dans une instabilité politique gravement préjudiciable à la France »[20].

À ces joutes communicationnelles s’ajoute un usage maximisé des missions constitutionnelles du Sénat. Si cette confrontation est visible dans le processus législatif, elle l’est plus encore dans l’exercice plein et entier de sa mission de contrôle[21]. Ce n’est d’ailleurs pas une coïncidence si lors du premier mandat d’Emmanuel Macron le Sénat adopte « un plan d’action pour moderniser ses méthodes de contrôle » qui devait être mis en œuvre dès 2022[22]. Entre 2017 et 2022, la Chambre haute assume pleinement son rôle de « contrôleur ». Les diverses missions d’informations[23] et commissions d’enquêtes[24] entreprises corroborent et valident ce constat. Alors qu’entre 1998 et 2016, vingt-quatre commissions d’enquête ont été constituées, pas moins de vingt-cinq commissions ont été conduites entre 2017 et 2024, soit le même nombre sur une durée réduite de sept ans. Sans prétendre à l’exhaustivité, trois procédures ont nettement marqué cette période. La bruyante commission d’enquête de 2018-2019 relative à « l’affaire Benalla »[25] donne ainsi l’impulsion d’un contrôle soutenu de l’activité de l’exécutif[26]. La commission d’enquête de 2020 sur la gestion de la crise sanitaire est elle aussi révélatrice d’un contrôle continu et assumé[27]. Enfin, la récente mission d’information sur la dégradation des comptes publics initiée par le Sénat à l’autonome 2024 fait état d’une forte sévérité à l’égard du pouvoir exécutif au vu des conclusions accablantes rendues le 19 novembre 2024, alors même que le gouvernement concerné n’était plus au pouvoir[28]. En somme, au travers du premier mandat d’Emmanuel Macron, le Sénat a réaffirmé sa position de contre-pouvoir face à l’hyperprésidentialisme. Cette position renouvelle l’idée selon laquelle, au bout du compte, « ce n’est pas la dictature d’une assemblée unique qu’il faudrait redouter si le Sénat venait à disparaître aujourd’hui, mais le plein épanouissement de la logique présidentialiste de la Ve République »[29].

Cette rivalité institutionnelle entre le Sénat et le Président prend finalement fin à l’issue des élections de 2022, avec la perte de la majorité absolue à l’Assemblée du Président, condamnant le présidentialisme majoritaire[30]. Dès lors, si, comme l’indique Pierre Ouzoulias, vice-président communiste du Sénat, « jusque-là, dans le bras de fer entre Larcher et Macron c’est le président de la République qui gagnait » tout a « changé avec la dissolution »[31].

B. Une institution centrale face à un déséquilibre institutionnel nouveau

Les profonds déséquilibres institutionnels qui marquent les institutions françaises depuis 2022 semblent finalement révéler et élever le rôle de l’institution sénatoriale au-delà d’un simple « rôle de stabilisation et de pondération »[32]. Sans nul doute, le renouvellement du paysage institutionnel profite à l’émancipation du Sénat au sein des institutions de la Ve République. Le Palais du Luxembourg paraît plus que jamais essentiel au maintien d’un équilibre institutionnel devenu précaire.

La remise en cause de la majorité absolue à la suite des élections de 2022 et l’instauration du « gouvernement minoritaire » suite à la dissolution de 2024 provoquent inévitablement une évolution de la pratique parlementaire au profit, semblerait-il, de l’institution sénatoriale. La revalorisation du Sénat passe, dans un premier temps, par un rapprochement de l’institution avec le pouvoir exécutif, amorcé sous les gouvernements d’Élisabeth Borne et de Gabriel Attal. Ce rapprochement était décelable s’agissant de la délicate question de la réforme des retraites, conduisant d’ailleurs Jean-Jacques Urvoas à affirmer que « jamais […] l’influence du Palais du Luxembourg n’a semblé aussi déterminante qu’en ce début d’année dans la gestion de l’épineuse réforme des retraites »[33]. Ces deux gouvernements avaient, en effet, privilégié les compromis avec la majorité sénatoriale, en séance comme en commission mixte paritaire[34]. Plus encore, le nom de Gérard Larcher comme Premier ministre a un temps été envisagé, en juin 2024. L’entrée en fonction du gouvernement de Michel Barnier le 5 septembre 2024 conduit à une position plus assumée du Sénat. Ainsi, la coalition qui soutenait le gouvernement de Michel Barnier au sein de l’Assemblée nationale était fortement polarisée[35], mais surtout relativement faible puisqu’elle ne représentait que 36,6 % des sièges. Face à lui, deux coalitions fortes présentent elles-mêmes des divergences internes[36]. Comme à son habitude en période de cohabitation[37], le gouvernement recherche l’appui du Sénat. Ainsi, le Premier ministre Michel Barnier s’est rapidement tourné vers la Chambre haute. Preuve de cette main tendue de l’exécutif, il a proposé la nomination de neuf sénateurs au gouvernement sur ses trente-neuf membres. Ces nominations sont particulièrement remarquées et remarquables puisque sous la Ve République seule une cinquantaine de ministres étaient sénateurs lorsqu’ils ont été nommés au gouvernement. Finalement, près d’un quart du gouvernement était rattaché au Sénat, « du jamais vu et de loin »[38]. Faute de majorité à l’Assemblée, le gouvernement disposait donc d’une majorité absolue au Sénat avec 229 voix de la droite et du centre sur 348 voix sénatoriales. Toujours dans une logique de collaboration, le gouvernement choisit, à de nombreuses reprises, de débuter la navette parlementaire par la lecture du Sénat[39]. Face à cet appel de l’exécutif, le Sénat répond favorablement. Dans une interview chez France info du 25 septembre 2024, Gérard Larcher a assuré son soutien au gouvernement Barnier. Cette collaboration était donc nettement assumée et affichée : « Nous avons choisi cet engagement dans l’intérêt du pays » a énoncé l’ancien Premier ministre tout en réitérant son « vrai soutien et en même temps une liberté de ton ». Une reconduction plus timide de cette coopération semble avoir été instruite par le gouvernement de François Bayrou qui nomme sept sénateurs sur les trente-cinq membres du gouvernement, le 23 décembre 2024.

Pourtant, cette association peut être analysée comme un contournement démocratique. En effet, la coopération affichée entre le gouvernement et le Sénat en période de discordance des majorités suppose de passer outre le vote électoral, court-circuitant le choix des électeurs. Ce contournement est d’autant plus critiquable dans le cadre d’un gouvernement minoritaire lorsque le Premier ministre est d’une appartenance politique qui diffère de celle du Président. Ainsi, la main tendue de l’ancien Premier ministre Michel Barnier au Sénat donnait « l’impression d’outrepasser la chambre élue au suffrage universel direct [et] rajouterait au procès déjà instruit un déni de démocratie contre l’exécutif »[40]. Cette alliance se forme au sein d’un bord politique qui ne relève ni de celui du Président ni de celui de l’Assemblée alors même que ces derniers émanent de la souveraineté du peuple. Pour autant, l’adoption d’une motion de censure le 5 décembre 2024, et le maintien inébranlable du pouvoir « du dernier mot » à l’Assemblée nationale attestent des garanties démocratiques prévues par la Constitution de 1958. De plus, si l’appel du pied de l’exécutif témoigne de la position centrale du Sénat dans ce jeu institutionnel méconnu, les nuances apportées au soutien formulent une nouvelle position institutionnelle, celle d’un « arbitre au-dessus de la mêlée » [41]. Il en est ainsi des positions du Sénat lors du vote du Budget 2024 et 2025, notamment concernant la défense des collectivités territoriales, indiquant que ce dernier conserve une liberté de vue. Pour ces raisons, il est possible de soutenir qu’en l’absence d’une légitimité issue d’un suffrage direct, le Sénat ne détermine pas l’échiquier institutionnel, mais contribue, a posteriori, au maintien de son équilibre.

À ce titre, le Sénat se présente aujourd’hui comme un garant de la continuité démocratique des institutions dont l’enjeu doit-être sérieusement apprécié dans ce contexte de gouvernement minoritaire. Selon Russel Peter concernant le cas canadien, « pour qu’un gouvernement minoritaire fonctionne […], la culture politique doit changer de façon spectaculaire afin de déloger le conflit et la partisannerie au profit de la coopération et des compromis »[42]. Le renforcement de cette pratique parlementaire des institutions ne sauraient que trouver un écho favorable face à la désarticulation progressive des autres institutions de la Ve République. En l’absence de majorité stable et établie, la Chambre haute porte alors aujourd’hui bien son nom puisqu’elle se hisse haut dessus des controverses politiques et institutionnelles[43]. La position extérieure du Sénat qui se situe et s’est toujours située en dehors de la logique dominante de la Ve République (Président, Premier ministre, majorité à l’Assemblée nationale)[44] est un atout majeur dans l’architecture politico-institutionnelle actuelle.

En définitive, le renouvellement de la position institutionnelle du Sénat renoue avec une pratique « parlementariste » de la vie politique française que l’on croyait oubliée. Cette réhabilitation s’exprime d’ailleurs pleinement dans l’affirmation majeure du Sénat dans la stabilité législative de l’État depuis 2017.

II. Le Sénat, garant affirmé de la stabilité législative

L’ancien garde des sceaux Jean-Jacques Urvoas affirmait le 9 mars 2023 que « le Sénat n’a jamais été aussi influent, la loi s’écrit au Sénat. Elle ne s’écrit pas à l’Assemblée »[45]. Face au désarroi institutionnel qui s’est progressivement implanté en France, le Sénat répond par la voie du droit et renforce ses fonctions parlementaires. Le bicamérisme est aujourd’hui plus vivant que jamais. L’étude de l’activité législative du Sénat depuis 2017 révèle une empreinte nouvelle et ancre plus profondément le rôle sénatorial de « vigie législative traditionnelle »[46]. La présidence Macron est marquée par une progression substantielle de l’influence législative du Sénat dans l’État (A). Cette influence est confortée par l’amplification de ses missions en matière de garantie des droits et libertés (B).

A. Une progression substantielle de l’influence législative du Sénat

Le désordre institutionnel installé depuis 2022 est compensé par la continuité et l’efficacité de l’activisme législatif sénatorial. L’étude de l’activité parlementaire de la seconde chambre depuis 2017 reconduit et approfondit la « qualité de législateur impliqué et avisé »[47] du Sénat. Les conditions sociologiques qui entourent l’institution et l’activisme législatif développés éprouvent l’influence grandissante du Sénat dans l’État.

Parce que le Sénat se voit délester des poids électoraux qui alourdissent le rôle de l’Assemblée nationale et du Président, il développe une approche technique et approfondie de son travail législatif. Selon Benjamin Morel le Sénat est un « modérateur technique »[48]. À l’heure où l’Assemblée nationale est marquée par des divisions et querelles politiques, la technicité apportée par le Sénat ne peut qu’être saluée. La navette parlementaire semble ainsi compenser les débats passionnés qui se logent au sein de la Chambre basse, puisque « le Sénat peut modérer les emportements de la première Chambre même si cette dernière, comme émanation directe du suffrage populaire, conserve par les lois ordinaires le pouvoir du dernier mot »[49]. Ces atouts institutionnels sont amplement concrétisés par l’usage approfondi des procédés législatifs à la disposition du Sénat. Tout comme Pauline Türk il est possible de reconnaître qu’« au-delà du volontarisme […] le Sénat se donne de peser sur la qualité des lois, aménageant ses procédures, utilisant ses prérogatives pour améliorer les conditions du débat, luttant contre certaines dérives du processus législatif afin de débarrasser de la loi plusieurs vices »[50]. D’une part, depuis plusieurs années le Sénat fortifie et enrichit considérablement son travail en commission[51]. D’ailleurs, « le travail en commission est beaucoup plus pour le Sénat qu’une phase technique de l’élaboration de la loi. Il est un élément constitutif de sa culture institutionnelle »[52]. L’enrichissement du travail législatif par la voie des commissions est assurément un des « traits significatifs de l’organisation et de la pratique du Sénat »[53]. Cet approfondissement technique de l’élaboration de la loi ne peut être que salué face aux querelles politiques qui se multiplient à l’Assemblée nationale qui se concrétisent par diverses obstructions parlementaires nécessairement défavorables à l’élaboration qualitative de la loi[54]. En outre, les procédés employés lors de l’étude d’un texte devant une commission – notamment l’usage intensif des auditions ou encore l’accroissement régulier des initiatives en amont des débats législatifs sous des formes diversifiées – matérialisent la technicité du travail sénatorial. Pour s’en persuader, il suffit de consulter les récentes et nombreuses auditions retranscrites sur le site du Sénat relatives à l’étude du Budget de 2025 par la Commission des lois. D’autre part, l’utilisation du droit d’amendement[55] par le Sénat constitue la seconde voie démonstrative de son activisme législatif. Le droit d’amendement a en effet été très utilisé ces dernières années. L’année 2022-2023 marque d’ailleurs un record en la matière avec 18 561 amendements déposés en séance publique, et plus de 22 000 si l’on intègre ceux déposés en commission. Ainsi, l’année 2022-2023 a été particulièrement révélatrice de l’influence des amendements dans la contribution du Sénat à l’élaboration de la loi puisque 72 % des amendements qui ont été adoptés par la Chambre haute ont été repris par les députés. Ce chiffre est de six points plus élevé par rapport à la session précédente où 66 % des amendements ont été adoptés. Ces données doivent néanmoins toujours être mises en perspective avec le paysage politique du moment. En effet, si le taux de reprise par l’Assemblée nationale des amendements adoptés par le Sénat est en moyenne de 90 % lorsque les majorités des deux chambres concordent, cette réception et nettement plus nuancée dans le cas inverse puisque, abaissant le taux à 50 %[56].

Quoi qu’il en soit, si les procédés législatifs ne se limitent pas au travail en commission et à l’exercice du droit d’amendement, l’usage sérieux et accru de ces deux procédures ces dernières années, éclaire quant à la saisie par le Sénat des dispositifs qui lui ont été offerts par les textes, pour se forger une place essentielle non seulement dans l’élaboration quantitative des lois, mais surtout dans la garantie de leur qualité. C’est ainsi que durant l’année 2022-2023, près de 30 % des lois définitivement adoptées sont issues de propositions de sénateurs, ce qui constitue un record depuis le début de la Ve République[57].  Il est donc possible d’établir une corrélation inversée entre la déconstruction progressive d’une majorité stable au sein de l’État et l’influence croissante du Sénat dans l’élaboration globale des lois. Mais surtout, cet activisme législatif ne peut aujourd’hui que rassurer face à une Assemblée nationale morcelée. Il en est de même de son rôle de garant des droits et libertés.

B. Une amplification constructive des missions de garantie des droits et libertés

En 2008 Gérard Larcher rappelait que « la mission historique [du Sénat] est d’être le protecteur des libertés publiques »[58]. Alors, que la Constitution de la Ve République n’attribue pas explicitement de compétences au Sénat en matière de droits et libertés[59], la Chambre haute s’est très tôt saisie de cette mission. Assurément, « cet office procède de la nature même du Sénat, deuxième chambre du Parlement qui, dans son dialogue institutionnel avec le Gouvernement et l’Assemblée nationale, est la plus à même d’exercer un rôle modérateur propice à la préservation et au renforcement des libertés et des droits fondamentaux »[60]. Depuis 2017, cette compétence du Sénat s’est pleinement exprimée à diverses reprises et de multiples manières.

En premier lieu, l’amplification des missions du Sénat en matière de protection des droits et libertés s’est pleinement révélée lors de la pandémie du Covid-19. Si ce rôle n’est pas nouveau, il devient reconnu auprès des institutions comme des citoyens au travers des conditions de la gestion étatique de la crise sanitaire. La modification substantielle par le Sénat du projet de loi relatif au passe vaccinal tel que présenté par l’exécutif lors de son examen en commission le lundi 10 janvier 2022[61] est particulièrement éclairante en la matière. La commission saisie au fond n’adopte que trente-deux amendements sur les 135 examinés. Les débats ont ainsi été musclés entre la commission et l’exécutif notamment concernant les conditions « d’extinction du passe vaccinal » ou encore s’agissant des sanctions administratives qui s’adressaient aux entreprises qui ne respecteraient pas l’obligation de télétravail[62]. Ces controverses sont une illustration du positionnement général, assumé et assuré par le Sénat, tout au long de la crise sanitaire, qui s’applique à limiter la portée des mesures de restrictions sur les libertés publiques.

En second lieu, l’amplification des missions de garantie des droits et libertés du Sénat passe par l’usage intensif de certains de ses procédés parlementaires. Depuis 1971[63], le Sénat utilise la procédure des motions tendant à opposer une question préalable pour affirmer son rôle en matière de protection des droits et libertés. Les « voies austères »[64] de l’article 44 alinéa 3 du Règlement du Sénat – qui pose les conditions quant à l’adoption de cette motion au sein de la navette parlementaire[65] – font montre de sa détermination. En effet, le vote d’une motion opposant une question préalable manifeste un rejet sur le fond comme sur la forme du texte débattu, affirmant ainsi solennellement l’opposition de l’assemblée au texte. Ces dernières années, le Sénat n’a pas fait l’économie de cette procédure. Le 26 juillet 2018 et le 6 novembre 2018 deux motions ont par exemple été opposées lors du vote de la loi de lutte contre la manipulation de l’information. Le rapport sénatorial en première lecture soulignait qu’« en matière de libertés publiques, un consensus minimal est nécessaire pour que les meilleures intentions ne suscitent pas de suspicions de nature à altérer la confiance envers les pouvoirs publics »[66]. Plus récemment, une motion a été votée le 29 mars 2024 concernant la loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et améliorer l’accompagnement des victimes aux motifs notamment que les risques en matière de liberté d’expression étaient trop importants[67]. Cet activisme du Sénat en matière de droits et libertés se fait, alors, en collaboration avec le Conseil constitutionnel puisque le texte est systématiquement renvoyé aux juges de la rue Montpensier qui ont la tâche de trancher la question[68].

Enfin, l’influence du Sénat s’est indéniablement manifestée à l’occasion de procédures de révision de la Constitution. Le Sénat fait par exemple valoir son opposition en réécrivant le texte du projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement[69]. Dans son avis du 15 janvier 2021, le Conseil d’État avait estimé que « compte tenu des effets potentiellement puissants et largement indéterminés résultant de l’emploi du terme “garantit” […], le Conseil d’État suggère de lui préférer le terme “préserve” » [70]. Le Sénat prend acte de la réserve soulevée par le Conseil d’État et propose une reformulation, en première comme en seconde lecture, du texte initial[71]. Par ailleurs, le Palais du Luxembourg a marqué de son sceau l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution. Le 19 octobre 2022, le Sénat avait rejeté une proposition de loi constitutionnelle consacrant un droit fondamental à l’IVG et à la contraception. Selon ce dernier, cette consécration ne serait pas justifiée par la situation française. Néanmoins, sur une proposition de loi constitutionnelle plus récente transmise par l’Assemblée nationale, le Sénat a adopté un compromis en la réécrivant[72]. Le Sénat propose finalement d’ajouter à l’article 34 de la Constitution l’alinéa suivant : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse. » Selon ce dernier, si la consécration d’un « droit » engendre une relation particulière entre l’individu et l’État en créant de véritables obligations pour ce dernier, la liberté est déterminée par le législateur indépendamment de l’existence de réelles garanties. Le passage de la consécration d’un « droit à l’IVG » à « la liberté de mettre fin à sa grossesse » atteste de l’importance que le Sénat donne à ses missions en la matière. Si certains ont pu reprocher ces interventions tatillonnes[73], elles font toutefois état de l’importance de la voix du Sénat dans les débats de société actuels. Partant, les missions de garanties des droits et libertés accompagnent et contribuent à l’autorité de l’intervention sénatoriale dans l’écriture du droit.

En tout état de cause, l’environnement politico-institutionnel tel qu’il s’est développé sous la présidence d’Emmanuel Macron ne saurait se résumer à une désarticulation croissante des institutions, mais dévoile également une revalorisation sans précédent du Sénat sous la Ve République. À n’en pas douter, depuis 2017 le Sénat est une institution « à la mode »[74] voire une « institution d’avenir »[75].

Jade MEYRIEU,

Docteur en droit public de l’Université de Montpellier, CERCOP


[1] Lettre aux français, 13 janvier 2018, [En ligne : consulté le 09/01/2025], https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/01/13/lettre-aux-francais

[2] J. BENETTI, « Et si le Sénat n’existait pas ? », in Le Sénat pour quoi faire ?, Pouvoirs 2016/4, (n°159), p.  5.

[3] La réponse du président du Sénat ne se fit par attendre puisque ce dernier mit fin à leur collaboration dans le cadre d’une mission qui venait de leur être confiée par le chef de l’État à la suite des attentats du début janvier sur « l’engagement républicain et le sentiment d’appartenance à la nation ». Chronique in Constitutions, Revue du droit constitutionnel appliqué (n°1), 2015, p. 47-48.

[4] En 1998 Lionel JOSPIN fait valoir que « si on y réfléchit bien, et sans passion, une chambre comme le Sénat avec autant de pouvoirs, où l’alternance n’est jamais possible, qui n’est pas élue au suffrage universel direct et qui n’a même pas la caractéristique d’être une chambre fédérale – puisque nous sommes un État unitaire –, c’est une anomalie parmi les démocraties. », Le Monde, 21 avril 1998.

[5] P. SMITH, « Le Sénat de la Cinquième République : Évolution d’une chambre de contestation », in Transgression et contestation ; Essais sur la littérature française et francophone II, Actes de la Journée d’études Nottingham/Strasbourg 2000, p. 97.

[6] V. en ce sens J.-M. SALVATOR, « La guerre des trois blocs », sur leparisien.fr, 25 avril 2022 ; B. GORCE, « Présidentielle 2022, la France des trois blocs », La Croix,‎ 11 avril 2022 ; J-Y. DORMAGEN, S. FOURNIER, G. TRICARD, « Présidentielle : trois blocs et deux perdants », Le Monde diplomatique, 1er mai 2022.

[7] Ces résultats s’expliquaient par l’utilisation de la dissolution par F. MITTERRAND, afin de mettre fin à la cohabitation établie depuis 1986. Si l’objectif avait été atteint, le président n’a pas réussi à réunir une majorité absolue.

[8] W. THAY, « Macron : comment gouverner avec une majorité relative ? », Les Échos, Paris, 21 juin 2022.

[9] F. PILLET, Sénat, gardien des libertés, Mare & Martin, 2017, p. 19.

[10] Ibid.

[11] J. DE SAINT SERNIN, « La majorité sénatoriale sous la Vème République. Les différentes configurations à l’égard du pouvoir exécutif », Pouvoirs 2016/4, (n°159), p. 53.

[12] Le souci de la modération était d’ailleurs à l’origine du rétablissement du bicamérisme en 1795. Avec la Constitution du 5 fructidor an III (22 août 1795) confiant le pouvoir législatif, d’une part, au Conseil des Cinq-cents, la chambre basse et, d’autre part, au Conseil des Anciens, la chambre haute. Cette seconde chambre s’inscrivait dans un schéma très rigide de séparation des pouvoirs. Sa vocation principale était de participer à l’exercice du pouvoir législatif et de nommer les Directeurs. Les deux premières constitutions françaises, celle du 3 septembre 1791 et la Constitution du 24 juin 1793, jamais appliquée, ne prévoyaient pas de seconde chambre.

[13] J.-J. URVOAS, Le Sénat, Que sais-je ?, 2019, p. 4-5.

[14] J. DE SAINT SERNIN, « La majorité sénatoriale sous la Vème République. Les différentes configurations à l’égard du pouvoir exécutif », op. cit., p.55.

[15] J. BENETTI, « Et si le Sénat n’existait pas ? », op. cit., p. 13.

[16] J. DE SAINT SERNIN, Système majoritaire et bicamérisme sous la Vème République, Dalloz, 2019.

[17] V. en ce sens Lettre aux français, 13 janvier 2018, [En ligne : consulté le 09/01/2025], https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2019/01/13/lettre-aux-francais

[18] Lettre de Gérard LARCHER à Emmanuel MACRON, Paris, 17 avril 2018. Le Sénat reprochait notamment à la révision constitutionnelle de porter atteinte au droit d’amendement (Art. 3 du projet). Plus encore, il condamne la réforme de la procédure suivant les commissions mixtes paritaires qui conduirait à évincer une lecture des députés après le Sénat, et le réduirait ainsi à un « rôle quasi consultatif » (Art. 5 du Projet).

[19] L’article 12 de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que « le Président de la République peut, après consultation du Premier ministre et des Présidents des Assemblées, prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale ». Selon la légende, les consultations gaulliennes avant la dissolution de 1962 auraient été encore plus brèves, tout particulièrement celle avec la Sénat qui se serait résumée à : « Monnerville, je dois vous consulter – Oui. – C’est chose faite ». V. en ce sens, G. BATICLE, « Gérard Larcher estime que la dissolution de l’Assemblée nationale n’était pas conforme à la Constitution », Les surligneurs, 11 juillet 2024, [En ligne : consulté le 13 janvier 2025].

[20] A. GRAILLOT, « Législatives 2024 : “Le Président de la République nous a précipités dans une instabilité politique gravement préjudiciable à la France”, tance Gérard Larcher », Public Sénat, 8 juillet 2024. V. également, S. DE ROYER, « L’avertissement de Gérard Larcher à Emmanuel Macron : “on ne joue pas avec la France” », Le Monde, 11 juillet 2024.

[21] Art. 24 de la Constitution du 4 octobre 1958 et Art. 19 bis A, alinéa 1 Règlement du Sénat.

[22] Comme l’indique Gérard LARCHER, « en se mobilisant pour moderniser ses méthodes de contrôle, le Sénat exerce son rôle de contrepouvoir. Nos missions de contrôle doivent être encore plus réactives face à l’actualité, tout en maintenant leur qualité et l’autonomie des groupes politiques, commissions et délégations ». Groupe sur les méthodes de travail du Sénat, mission « Renforcer le contrôle parlementaire : une priorité du Sénat », Présentation de la mission de réflexion sur le site du Sénat [En ligne : consulter le 31/12/2024] https://www.senat.fr/travaux-parlementaires/controle-et-evaluation/renforcer-le-controle-parlementaire.html

[23] Art. 20 et 21du Règlement du Sénat.

[24] L’article 51-2 de la Constitution issu de la révision du 23 juillet 2008 a constitutionnalisé les commissions d’enquête dans le cadre du contrôle de l’action du gouvernement et de l’évaluation des politiques publiques.

[25] Mission d’information ayant débuté le 23 juillet 2018. Rapport d’information n°324 (2018-2019) Tome II, de Mme Muriel JOURDA et M. Jean-Pierre SUEUR, fait au nom de la commission des lois, déposé le 20 février 2019.

[26] Dans le même sens V. O. BEAUD, « Affaire Benalla : “Le Sénat apparaît comme le principal contre-pouvoir de notre système présidentialiste” », Le Monde, 18 septembre 2018.

[27] Deux rapports sont nés de cette enquête : Rapport n° 199 (2020-2021), tome I, déposé le 8 décembre 2020 et Rapport n° 199 (2020-2021), tome II, déposé le 8 décembre 2020.

[28] D’ailleurs, certains se sont interrogés quant aux incidences de cette enquête sur les nouvelles alliances en place : « La colère de l’ex-majorité, vis-à-vis notamment du rapporteur général LR, laisse augurer des secousses dans l’actuel “socle” censé soutenir le gouvernement Barnier ». S. DUMOULIN, S. LOIGNON, « Dérapage budgétaire : le Sénat accable les gouvernements Borne et Attal », Les Echos, mercredi 20 novembre 2024, p. 3.

[29] J. BENETTI, « Et si le Sénat n’existait pas ? », op. cit., p.  7.

[30] B. DAUGERON, « Élections législatives de 2022 : la fin du présidentialisme majoritaire ? » in JP blog [blog de Jus Politicum], publié le 28 mars 2022.

[31] M. DARAME, R. GARRAT-VALCAREL, « Le Sénat, place forte du gouvernement Barnier », Le Monde, 24 septembre 2024.

[32] A. DELCAMP, « La place du Sénat dans l’évolution de la Vème République », in La Vème République au Parlement, Journée d’études organisée au Sénat en partenariat avec le Comité d’Histoire Parlementaire et Politique, 15 mai 2008.

[33] J.-J. URVOAS, « Hier simplement utile, le Sénat est aujourd’hui devenu indispensable au pouvoir exécutif », Le Monde, 9 mars 2023. Ce soutien résulte toutefois d’une position assumée par le Sénat en faveur du passage à l’âge de soixante-quatre ans depuis plusieurs années.

[34] Pour l’année 2022-2023 plus de 93 % des textes ont été adoptés dans les mêmes termes par les deux chambres, soit par le biais de la navette parlementaire (41 %), soit en commission mixte paritaire (52 %) en cas de désaccord entre les deux chambres. Selon Alexis GRAILLOT « il s’agit du plus faible taux de “dernier mot” depuis 1958 en l’absence de concordance des majorités entre les assemblées », « L’activité parlementaire du Sénat 2022-2023 : une année de (quasiment) tous les records », 13 février 2024, [En ligne : consulté le 23/12/2024], https://www.publicsenat.fr/actualites/parlementaire/lactivite-parlementaire-du-senat-2022-2023-une-annee-de-quasiment-tous-les-records

[35] Renaissance, Le Mouvement démocrate, Horizons, Les Républicains, allant du centre de gauche à la droite.

[36] La première coalition alternative se compose du Nouveau Front populaire, du groupe La France insoumise, du Parti socialiste, du parti communiste et des écologistes allant de la gauche à l’extrême gauche. Enfin la seconde coalition est relative au Rassemblement national associé au nouveau parti dirigé par Éric CIOTTI.

[37] Notamment entre 1981 et 1986, période de cohabitation au sein de laquelle « conformément à l’esprit du constituant, le Sénat devient alors un élément d’équilibre et la force supplémentaire de sa majorité est recherchée par l’exécutif » et entre 1997 et 2002 où le Sénat fait non seulement contrepoids à la majorité de l’Assemblée nationale, mais il devient également l’allié objectif du Président de la République, compliquant singulièrement la tâche du gouvernement. C’est ainsi qu’il est possible de comprendre l’expression du Premier ministre de l’époque, qualifiant le Sénat d’« anomalie dans les démocraties ». Pour une analyse de la position du Sénat lors de ces périodes V. not. J. DE SAINT SERNIN, « La majorité sénatoriale sous la Vème République. Les différentes configurations à l’égard du pouvoir exécutif », op. cit.

[38] M. DARAME, R. GARRAT-VALCAREL, op. cit.

[39] Entre le 1er octobre 2024 et le 8 décembre 2024, trois projets sur huit ont été déposés en première lecture devant le Sénat (soit 37,5 %) contre trois sur dix sur la même période en 2023 (soit 30 %), https://www.senat.fr/fileadmin/Seance/Statistiques/Tableaux_de_bord/Tableau_de_bord.pdf

[40] M. DARAME, R. GARRAT-VALCAREL, op. cit.

[41] Ce rôle d’arbitrage était initialement celui du Président selon l’article 5 de la Constitution du 4 octobre 1958. Pourtant, avec l’élection du Président au suffrage universel direct, c’est bien le Sénat qui semble aujourd’hui détenir de facto cette mission essentielle.

[42] P. H. RUSSEL, « Gouvernement minoritaire et convention constitutionnelle », Revue parlementaire canadienne, vol. 33 (n°2), 2010.

[43] Pour une analyse similaire V. S. DUGUET, « Législatives 2024 : “le Sénat peut apparaître comme un pouvoir clé dans cette période chahutée que nous allons vivre” », [En ligne : consulté le 24/12/2024], 26/06/2024, https://www.publicsenat.fr/actualites/politique/legislatives-2024-le-senat-peut-apparaitre-comme-un-pouvoir-cle-dans-cette-periode-chahutee-que-nous-allons-vivre

[44] A. DELCAMP, « La place du Sénat dans l’évolution de la Vème République », op. cit.

[45] J.-J URVOAS, « Hier simplement utile, le Sénat est aujourd’hui devenu indispensable au pouvoir exécutif », Le Monde, 9 mars 2023.

[46] J. BENETTI, « Et si le Sénat n’existait pas ? », op. cit., p. 14.

[47] P. TÜRK, « Le Sénat : une assemblée de bons légistes ? », in Le Sénat pour quoi faire ?, Pouvoirs 2016/4, (n°159), p. 77.

[48] B. MOREL, Le Sénat et sa légitimité. L’institution interprète de son rôle constitutionnel, Dalloz, 2018, p. 266.

[49] J. BENETTI, « Et si le Sénat n’existait pas ? », op. cit., p.  9.

[50] P. TÜRK, « Le Sénat : une assemblée de bons légistes ? », op. cit., p. 70.

[51] Art. 43 Constitution 4 octobre 1958. Pour le reste, l’article 5 de l’ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires renvoie au règlement de celles-ci le soin de fixer la composition, le mode de désignation et les règles de fonctionnement des commissions.

[52] A. DELCAMP, « L’importance du travail en commission au Sénat », in Mélanges Patrice Gélard, Paris, LGDJ, 1999, p. 176.

[53] Idem, p. 172. V. également la thèse de H. MICHON-DEVILLIERS, Les réformes appropriées pour réhabiliter le Sénat, Paris X, 2003.

[54] On pense alors au dépôt abusif d’amendements, à la multiplication des prises de paroles ou aux suspensions de séances pour faire traîner les débats.

[55] Art. 44 al. 1er de la Constitution du 4 octobre 1958.

[56] Chiffre établi en 2021, https://www.senat.fr/connaitre-le-senat/role-et-fonctionnement/le-droit-damendement.html

[57] Ce chiffre est supérieur de dix points à celui de l’année 2021-2022, année d’élection présidentielle, et six fois plus élevé que lors de la dernière session post-élection (2017-2018), https://www.publicsenat.fr/actualites/parlementaire/lactivite-parlementaire-du-senat-2022-2023-une-annee-de-quasiment-tous-les-records

[58] G. LARCHER, Rapportée in La Croix, 24 septembre 2008.

[59] Il n’en demeure pas moins qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution, le législateur, dans son travail d’élaboration des lois, a pour impératif de respecter et de faire respecter les droits et libertés.

[60] F. PILLET, Sénat, gardien des libertés, op. cit., p. 14.

[61] Loi n°2022-46 du 22 janvier 2022 renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire modifiant le code de la santé publique, JORF n°0019 du 23 janvier 2022. Décision n°2022-835 DC du 21 janvier 2022, Loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique [non-conformité partielle – réserve], JORF n°0019 du 23 janvier 2022. 

[62] M. DARAME, « Covid-19 : le Sénat corrige la copie du gouvernement sur le pass vaccinal », Le Monde, 11 janvier 2022.

[63] Si la fameuse décision « liberté d’association » du 16 juillet 1971 est régulièrement invoquée comme consacrant le bloc de constitutionnalité et, incidemment, comme offrant au juge constitutionnel l’opportunité d’affirmer son rôle de gardien des droits et libertés, il est souvent omis de souligner que cette décision fait suite à un renvoi sénatorial après l’adoption d’une question préalable. D’aucuns diront même qu’« heureusement qu’il y eut un Sénat pour se dresser face au gouvernement quand la liberté d’association fut menacée en 1971 ». V. en ce sens J. BENETTI, « Et si le Sénat n’existait pas ? », op. cit., p. 9

[64] F. PILLET, Sénat, gardien des libertés, op. cit., p. 14.

[65] « La question préalable, dont l’objet est de faire décider soit que le Sénat s’oppose à l’ensemble du texte, soit qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération […] », Art. 44 al. 3. Une procédure équivalente nommée « motion de rejet préalable » existe devant l’Assemblée nationale prévue par l’article 91 alinéas 5 du Règlement de l’Assemblée nationale. Les députés peuvent voter une telle motion avant le début de la discussion d’un texte en séance publique. L’adoption de cette motion entraine le rejet du texte.

[66] Citation page 39 rapport 1ère lecture Sénat.

[67] Était ainsi soutenu que les dispositions du texte issues de la Commission mixte paritaire « n’atteignent manifestement pas un équilibre satisfaisant dans la conciliation entre l’exercice de la liberté d’expression et la liberté de choisir et de refuser des soins, et l’objectif de protection de la santé publique ». Motion présentée par Mme JOSENDE au nom de la Commission des lois (n°455, 477), le 29 mars 2024.

[68] Pour une analyse du dialogue entre la Rue Vaugirard et la Rue Montpensier V. not. J. CLUZEL, Le Sénat dans la société française, Economica, 1990, p. 164-165-166.

[69] Projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement, n° 3787, déposé le mercredi 20 janvier 2021.

[70] CE, avis sur un projet de loi constitutionnelle complétant l’article 1er de la Constitution et relatif à la préservation de l’environnement, 15 janvier 2021, n°401868 : « En prévoyant que la France “garantit” la préservation de la biodiversité et de l’environnement, le projet imposerait aux pouvoirs publics une quasi-obligation de résultat dont les conséquences sur leur action et leur responsabilité risquent d’être plus lourdes et imprévisibles que celles issues du devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement résultant de l’article 2 de la Charte de l’environnement. », p. 3.

[71] En première lecture le Sénat vote le texte suivant : « Elle préserve l’environnement ainsi que la diversité biologique et agit contre le dérèglement climatique, dans les conditions prévues par la Charte de l’environnement de 2004 » : Sénat, Texte, n° 105 (2020-2021) modifié par le Sénat le 10 mai 2021. En seconde lecture le Sénat propose la formulation suivante : « Elle agit pour la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et contre le dérèglement climatique […] », Sénat, Texte, n° 133 (2020-2021) modifié par le Sénat le 5 juillet 2021.Ce changement terminologique est loin d’être anecdotique puisque le projet ne peut être soumis au référendum en l’absence d’adoption du texte en terme identique entre les députés et les sénateurs.

[72] Le texte initial de la proposition de loi visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse prévoyait d’ajouter un article 66-2 de la Constitution en ces termes : « La loi garantit l’effectivité et l’égal accès au droit à l’interruption volontaire de grossesse. » Cette proposition était elle-même reprise d’une proposition de loi plus ancienne qui prévoyait d’ajouter à l’article 1er de la Constitution  que « nul ne peut porter atteinte au droit à l’interruption volontaire de grossesse ».

[73] Le Sénat a ainsi essuyé de nombreuses critiques à la suite de ce débat sémantique. Alors que Gérard LARCHER avait pu souligner que « la Constitution ne doit pas être un catalogue de droits sociaux et sociétaux », la présidente de l’Assemblée nationale Yaël BRAUN-PIVET estimait qu’il s’agissait d’une « erreur » dans la mesure où le rôle de la Constitution est  justement de « consacrer les droits et libertés fondamentaux » tel celui de recourir à l’IVG.

[74] Reportage télévisé du Quotidien, « Pourquoi le Sénat est-il à la mode ? », 1er juin 2023.

[75] J.-J URVOAS, « Hier simplement utile, le Sénat est aujourd’hui devenu indispensable au pouvoir exécutif », op. cit.