Fannie DUVERGER.
Le 14 octobre 2023, une question constitutionnelle appelle les Australiens aux urnes. Un projet de référendum propose la révision du texte fondamental afin de reconnaître les Peuples Premiers d’Australie, reconnaissance rendue effective par la création d’un organe représentatif auprès du Parlement et du Gouvernement fédéral, la « Voix des Aborigènes et des Insulaires du détroit de Torres », dont la composition, les fonctions, et les pouvoirs sont renvoyés à la compétence du Législateur[1].
Ce n’est pas la première fois que l’Australie doit se prononcer directement sur les droits des peuples autochtones. En 1967, déjà, un référendum proposait la révision de la Constitution « afin que les Aborigènes soient comptés dans le recensement de la population »[2]. Un tel changement semble aujourd’hui évident. Pourtant, lorsque la constitution australienne entre en vigueur en 1901, l’article 127 dispose que les Aborigènes du territoire ne sont pas recensés[3], car d’une « race inférieure », ils sont voués à disparaître[4]. L’objectif est alors d’éviter toute distorsion du nombre de sièges au Parlement fédéral, avant que les autochtones « ne cessent d’être un facteur dans les questions de représentation »[5]. Cette discrimination raciale n’est levée que par le référendum de 1967, largement approuvé, qui les intègre dans la répartition des sièges parlementaires, rendant effective la citoyenneté qui leur a été octroyée cinq ans plus tôt.
Outre leur recensement, le référendum de 1967 a un autre effet en faveur de la reconnaissance des peuples autochtones d’Australie. Il modifie l’article 51 de la Constitution qui autorisait le Parlement du Commonwealth à établir des lois concernant « les personnes de toute race, autre que la race aborigène dans tout État, pour lesquelles il est jugé nécessaire d’adopter des lois spéciales »[6]. La révision constitutionnelle supprime l’exclusion des Aborigènes, entrainant le transfert au Parlement fédéral du « power race » ou « pouvoir racial ». En 1967, ce pouvoir se conçoit « comme le fondement de toutes les politiques de discrimination positive »[7]. Toutefois, la lettre de la Constitution ne précise pas si ces lois spéciales doivent être nécessairement bénéfiques aux personnes visées. C’est la raison pour laquelle, en 1997, le gouvernement Howard s’autorise à réduire, par la loi, les droits fonciers aborigènes[8]. Interrogés sur la constitutionnalité d’une telle loi, les juges de la Haute Cour d’Australie ne s’accordent pas unanimement sur la réponse. Dès lors, la seule certitude est que le parlement « peut amender une loi antérieure prise sur le fondement du “race power”», en vertu du principe de souveraineté parlementaire[9]. Encore aujourd’hui, une partie de la doctrine s’inquiète que l’article 51 de la Constitution soit utilisé pour légiférer au détriment des peuples autochtones d’Australie[10]. Cette inquiétude se renforce d’autant plus que la Constitution de 1901 ne mentionne ni les Aborigènes ni les Insulaires du détroit de Torrès. Par conséquent, les garanties constitutionnelles offertes aux Peuples Premiers paraissent très limitées.
Pour pallier ces incertitudes, en 2013, le Parlement fédéral ouvre une réflexion sur l’organisation d’un référendum constitutionnel visant à reconnaître les autochtones comme les premiers habitants de l’Australie[11]. Deux ans plus tard, le Conseil du référendum est institué pour recueillir les attentes des peuples autochtones quant à une éventuelle révision constitutionnelle[12]. Ainsi, en 2017, une convention de trois cents porte-paroles autochtones se tient à Uluru, près de l’immense rocher sacré, au milieu des terres australiennes. Cinquante ans après le référendum de 1967, est publiée la « Déclaration d’Uluru : venue du Cœur de la nation ». Les autochtones demandent « un changement constitutionnel important » afin que leur souveraineté ancienne, qui coexiste avec celle de la Couronne, « puisse retrouver un éclat, selon une expression plus complète de la Nation australienne »[13]. Ils revendiquent la création d’une assemblée représentative de leurs intérêts, autrement dit une « Voix des Peuples Premiers inscrite dans la Constitution »[14]. En 2023, le Gouvernement fédéral accède à cette demande et dépose au Parlement un projet de révision visant à ajouter un 129ème article à la Constitution. Cet amendement vise à « reconnaître les Aborigènes et les Insulaires du détroit de Torres comme les premiers peuples d’Australie » par l’établissement de la « Voix des Aborigènes et des Insulaires du détroit de Torres », organe consultatif sur les questions qui les concernent.
Le référendum a lieu le 14 octobre 2023. Par 60,06 % des suffrages exprimés, les Australiens refusent majoritairement le projet de loi constitutionnelle. Décrit comme un « échec à tous les niveaux »[15], ce référendum montre la cristallisation des positions autour d’enjeux de droit constitutionnel. Ainsi, ce rejet démontre les oppositions qui subsistent entre d’une part, lasouveraineté du peuple australien et l’autodétermination des peuples autochtones (I) et, d’autre part, entre la représentation nationale et la représentativité autochtone (II).
I/Une opposition entre la souveraineté du peuple australien et l’autodétermination autochtone
Si l’autodétermination autochtone a été mise en échec par la souveraineté du peuple australien (A), de nouvelles approches pour dépasser les oppositions sont envisageables (B).
A/ la mise en échec de l’autodétermination autochtone par la souveraineté du peuple australien
Selon la définition onusienne, les communautés, populations ou nations autochtones se caractérisent par « une continuité historique avec les sociétés antérieures à l’invasion […et], s’estiment distinctes des autres segments de la société qui dominent à présent sur leurs territoires ou parties de ces territoires. Elles constituent maintenant des segments non dominants de la société et elles sont déterminées à préserver, développer et transmettre aux futures générations leurs territoires ancestraux et leur identité »[16]. Autrement dit, quatre critères ressortent de cette définition, à savoir la continuité historique entre les autochtones et les premiers habitants d’une région avant sa colonisation, la différence culturelle avec la société dominante, le principe de non-dominance et, enfin, l’auto-identification à la communauté autochtone[17].
En 2009, l’Australie ratifie la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA). En vertu de ce texte, les peuples autochtones bénéficient du droit à l’autodétermination qui, pour ceux vivant à l’intérieur d’un État, se caractérise par un volet interne[18], c’est-à-dire par le droit de déterminer librement son statut politique et d’être consulté par les autorités étatiques[19]. En effet, selon l’article 19 de la DNUDPA, « les États se concertent et coopèrent de bonne foi avec les peuples autochtones intéressés — par l’intermédiaire de leurs propres institutions représentatives — avant d’adopter et d’appliquer des mesures législatives ou administratives susceptibles de concerner les peuples autochtones »[20]. De la sorte, cet article peut s’analyser comme le droit d’un peuple « d’influer sur l’ordre politique de la région dans laquelle il vit et de sauvegarder son identité culturelle, ethnique, historique ou territoriale »[21]. Toutefois, le droit à l’autonomie gouvernementale n’équivaut pas à un droit à la souveraineté, car c’est encore le droit positif de l’État qui vient donner plein effet aux normes autochtones[22].
Par le référendum de 2023, la reconnaissance constitutionnelle des premiers peuples d’Australie aurait contribué à la mise en œuvre du droit à l’autodétermination. En effet, « dans le contexte australien, la reconnaissance constitutionnelle consiste à accepter comme valide la revendication ou le titre des peuples aborigènes et insulaires du détroit de Torres sur leur patrimoine, leurs terres et, surtout, leur revendication d’autodétermination »[23]. De même, l’organe de la Voix aurait institutionnalisé cette autodétermination. Par une réforme somme toute qualifiée de « modeste »[24], les compétences de la Voix seraient restées strictement délimitées puisqu’il était prévu que ses avis restent consultatifs et sur des domaines limités. Les fonctions de cet organe s’inspirent des Parlements sámi, en Finlande, Norvège et Suède. Ces trois parlements sont institués par la loi en tant qu’organes représentatifs et consultatifs sur les affaires sámi. Formé en 2000, le Conseil sámi regroupe les trois parlements en une institution transnationale et inclut la participation permanente des Sámi de Russie. Ainsi, les Parlements sámi constituent des « mécanismes institutionnels assurant l’autodétermination des Sámi et leurs droits de consultation et de participation à la législation et aux politiques affectant leurs droits »[25]. Bien qu’il ne soit pas mentionné comme modèle d’inspiration pour la Voix, le Sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie fonctionne également selon les mêmes principes[26]. En instituant ainsi un organe représentatif consultatif, la révision constitutionnelle australienne visait un objectif conforme à la DNUDPA, cherchant à mettre en œuvre le droit à l’autodétermination des peuples autochtones[27].
Toutefois, la procédure de révision constitutionnelle n’a pas abouti. Lors du référendum, la décision souveraine du peuple australien est entrée en opposition directe avec l’autodétermination autochtone. Sur le plan formel, un projet de loi constitutionnelle doit d’abord être adopté à la majorité absolue de chaque Chambre du Parlement, puis par un référendum qui doit emporter une double majorité[28] : celle d’une majorité des suffrages au niveau national, mais aussi dans une majorité d’États, c’est-à-dire, dans quatre États sur six[29]. En Australie, le vote est obligatoire. En conséquence, le souverain doit intervenir pour toute modification du texte fondamental et il semble qu’aucune autre procédure n’aurait pu permettre l’adoption de l’amendement constitutionnel. Au demeurant, cette procédure de révision est particulièrement rigide, car sur la quarantaine d’amendements constitutionnels, huit seulement ont été approuvées, le dernier ayant eu lieu en 1977[30].
Le résultat du référendum est donc entré en opposition directe avec la volonté autochtone, mettant en échec la création de la Voix. Dans ce cadre, les principes de souveraineté et d’autodétermination autochtone semblent inconciliables s’ils n’ont pas les mêmes objectifs politiques. Pour autant, des pistes de réflexion existent pour tenter de dépasser ces oppositions.
B/ Dépasser les oppositions
La souveraineté et l’autodétermination se rapportent toutes deux « au pouvoir d’un groupe de diriger ses propres choix politiques »[31]. Toutefois, selon une conception westphalienne, la souveraineté s’apparente au pouvoir, « à une propriété, mieux à un capital, qu’on possède ou pas. Il n’y a pas de milieu entre ces deux possibilités »[32]. En raison du principe de non-dominance, issu de la définition onusienne,les peuples autochtones s’avèrent nécessairement minoritaires au sein de l’État fédéral, ils représentent 3,8% de la population australienne. Dans cette perspective, la souveraineté devient rapidement « un jeu à somme nulle »[33], autrement dit l’autodétermination autochtone est uniquement perçue comme une perte de pouvoir de l’État.
À la veille du référendum, il s’agissait effectivement d’un argument opposé à l’institution d’un organe représentatif. En effet, si de nombreux Aborigènes sont en faveur des réformes « qui leur permettent de prendre leurs propres décisions, celles-ci peuvent susciter la résistance des dirigeants politiques et des électeurs qui considèrent que les modèles d’autonomisation remettent en cause la souveraineté exclusive de l’État »[34]. À ce titre, les opposants à la Voix ont notamment exagéré l’argument selon lequel l’organe donnerait un droit de veto aux autochtones sur la législation[35] ou constituerait une troisième chambre, aux côtés de la Chambre des représentants et du Sénat, altérant ainsi l’autonomie de la décision parlementaire[36]. De même, sur les réseaux sociaux, de fausses informations ont circulé selon lesquelles, par cette réforme, les autochtones « allaient prendre le contrôle du pays »[37].
Au lendemain du référendum, ces arguments ont eu un effet sur le résultat. Une étude menée par l’Université nationale d’Australie rapporte que ceux qui ont voté « non » au référendum étaient inquiets des divisions que l’amendement constitutionnel susciterait[38]. Inexorablement, ce résultat négatif du référendum a aussi sensiblement renforcé les divisions au sein de la population, confirmant l’idée selon laquelle le référendum « constitue la méthode de prise de décision la plus majoritaire qui soit », laquelle ne permet pas l’exercice du consensus, mais renforce plutôt les clivages[39]. Ces oppositions restent fréquentes dans les États où la diversité des groupes sociaux est issue de la colonisation. Les difficultés résultent de la coexistence d’ordres juridiques, entraînant des « revendications de souveraineté concurrentes de plusieurs peuples vivant et affirmant leur autorité politique au sein d’espaces géographiques partagés »[40]. De la sorte, il apparaît que la conception westphalienne et indivisible de la souveraineté permet difficilement de penser le principe d’une autodétermination autochtone dans l’État.
Pourtant, loin d’être seulement opposée, l’autodétermination peut enrichir le concept de souveraineté. À ce titre, de nouvelles approches ont été proposées. Il en est ainsi de l’idée de « souveraineté partagée ». Inscrit en France dans l’accord de Nouméa du 5 mai 1998[41], la souveraineté partagée s’apparente à une forme plus négociée des pouvoirs et une manière plus adaptée ou réaliste pour l’État de se maintenir[42]. Ainsi, en suivant les réflexions de Félicien Lemaire, il est possible de considérer que la souveraineté partagée « accroît la souveraineté plutôt qu’elle ne la réduit, en contribuant à résoudre les problèmes nationaux en termes de sécurité et de stabilité, de réduction des dépenses et de coopération économique et technique »[43]. De même, les travaux de James Tully avancent l’idée selon laquelle de multiples souverainetés de diverses formes peuvent coexister sur un seul territoire[44]. Face aux limites du concept « absolutiste » de souveraineté dans les sociétés divisées, il soutient que la « souveraineté signifie le pouvoir d’un peuple ou d’une association de peuples culturellement divers de se gouverner suivant leurs propres lois et coutumes, à l’abri de toute subordination étrangère »[45]. Ce concept met ainsi l’accent sur « les superpositions et les dépendances réciproques » des différents groupes et organes dans un État fédéral[46]. De la sorte, l’exercice d’une souveraineté autochtone, notamment par l’autodétermination, permet la redéfinition et la relégitimation du contrat social. Les termes de souveraineté autochtone sont d’ailleurs employés au Canada : dans les affaires Nation Haïda et Taku River de 2004, la Cour suprême déclare que les traités « permettent de concilier la souveraineté autochtone préexistante et la souveraineté proclamée de la Couronne »[47]. En France, les termes de souveraineté autochtone sont aussi employés par les Kanak. La Charte du peuple kanak dispose que « l’Assemblée du peuple Kanak est chargée d’exercer les attributs de la souveraineté autochtone Kanak jusqu’à ce qu’un nouveau Contrat social soit fondé avec les autres composantes de la Nouvelle-Calédonie »[48]. Dans ces exemples, la souveraineté s’entend plutôt comme un pouvoir de négocier et comme l’attribut essentiel pour fonder un contrat social avec les autres composantes de la société.
Plus fondamentalement, la conception autochtone de la souveraineté est aussi différente de sa conception westphalienne. Dans les théories autochtones, la souveraineté « n’est pas un pouvoir absolu, mais l’art subtil d’engendrer et de maintenir des relations »[49]. Le juge de la Cour Internationale de Justice, Fouad Ammoun, explique encore que « le lien ancestral entre la terre, ou la mère nature, et l’homme qui en est issu, qui y reste attaché, et qui doit y retourner un jour pour s’unir à ses ascendants […] fonde la propriété du sol ou, mieux encore, la souveraineté »[50]. Cette conception spirituelle de la souveraineté est expressément reprise dans la Déclaration d’Uluru, en 2017. Conçue ainsi, la souveraineté autochtone pourrait bien coexister avec la souveraineté de l’État australien sans risquer l’affaiblissement de celui-ci. À l’inverse, loin d’ébranler sa souveraineté, la contribution de l’État envers une meilleure coexistence de toutes les composantes de sa populationconduit à renforcer son unité et lui confère une nouvelle légitimité.
Outre l’antagonisme dépassable entre la souveraineté du peuple australien et l’autodétermination des peuples autochtones, c’est aussi l’opposition entre la représentation nationale et la représentativité autochtone qui permet de comprendre les résultats du référendum constitutionnel.
II/ Une opposition entre la représentation nationale et la représentativité autochtone
Si la représentativité autochtone a été mise en échec par la représentation nationale (A), de nouvelles approches pour dépasser les oppositions sont envisageables (B).
A/ La mise en échec de la représentativité autochtone par la représentation nationale.
Au-delà de l’autodétermination autochtone, la Voix aurait aussi instauré une véritable représentativité autochtone. La représentativité peut se définir comme « la conformité ou la concordance entre les opinions, les positions et les attitudes exprimées par le représentant avec celles de ceux qu’il représente »[51]. Ainsi, « de la ressemblance est implicitement tirée une présomption de solidarité »[52]. Dans ce cadre, la Voix est un organe représentatif, au sens de représentativité, puisqu’il s’agit d’instituer un organe dont les membres « ressemblent », et surtout, sont issus des Premières Nations, pour porter leurs revendications dans la conception des programmes et des politiques publiques australiennes[53]. Ainsi conçu, la représentativité repose sur une conception comptable du peuple, autrement définit comme « une série d’individus juxtaposés », concrets et dotés d’une volonté politique[54]. Au sein de l’organe consultatif autochtone, cette représentativité aurait été renforcée par plusieurs mécanismes. Premièrement, ses membres auraient été désignés par les Aborigènes et les Insulaires du détroit de Torres selon des procédures choisis par eux-mêmes. Deuxièmement, il était prévu que la composition de l’organe soit « équilibrée en termes de genre et comprendra des jeunes »[55]. Troisièmement, la Voix aurait dû être « responsable et transparente » [56]. Ces éléments, énoncés avant toute éventuelle précision par la voie législative, soulignent le caractère représentatif, au sens de représentativité, de la Voix.
Pourtant, cette représentativité a été mise en échec par la représentation nationale. La représentation nationale se définit comme « la création d’une volonté, celle du souverain, qui ne peut exister ou, plus exactement s’actualiser en droit qu’à travers elle, au point que représenter et légiférer ne sont qu’une seule et même chose »[57]. Ainsi, le représentant est celui qui est chargé de « vouloir pourla nation »[58], en produisant une volonté « initiale et inconditionnée »[59]. De la sorte, la représentation politique repose sur une conception différente, c’est-à-dire abstraite, mais unie du peuple, analogue à la Nation[60]. En l’espèce, dans la procédure de révision constitutionnelle, la représentation nationale est intervenue par deux fois. Dans un premier temps, le Parlement, à qui il revient de « vouloir pour » ou de « tenir lieu » pour le peuple en adoptant une première fois le projet de révision. Dans un second temps, le corps électoral, où c’est toujours le peuple qui est représenté, mais cette fois par les électeurs eux-mêmes[61]. Selon la procédure australienne, le corps électoral ne peut être écarté de la révision constitutionnelle : il intervient de manière automatique et approuve l’amendement par référendum. De surcroît, le vote est obligatoire. Par conséquent, le taux de participation pour le 14 octobre 2023 avoisine les 90%. L’abstention est donc faible et le résultat sans équivoque.
Par conséquent, le résultat du référendum est entré en opposition directe avec le souhait autochtone, mettant en échec la création de la Voix. Dans ce cadre, la représentation nationale et la représentativité autochtone semblent inconciliables. Pour autant, là encore, des pistes de réflexion existent pour tenter de dépasser ces oppositions.
B/ Dépasser les oppositions
La représentation nationale et l’exigence de représentativité autochtone semblent inconciliables tant ils ne reposent pas sur la même conception du peuple. La représentation nationale favorise l’expression unitaire du peuple quand la représentativité est accusée de la diviser et de favoriser certains groupes sociaux. En effet, les opposants au projet ont avancé que ce droit de regard, garanti par la Constitution, même non contraignant, sur les lois et les politiques relatives aux affaires autochtones « serait contraire au principe d’égalité »[62]. Dans ce cadre, les divisions ressortent entre « ceux qui prônent l’insertion dans la Constitution de droits substantiels à l’égalité afin de se protéger contre les lois discriminatoires sur le plan racial, et ceux qui recherchent une réforme structurelle donnant aux Premières Nations une voix politique dans le système constitutionnel »[63]. Illustrant ces oppositions, l’ancien député aborigène Warren Mundine accuse cette réforme d’« inscrire dans la Constitution une division entre les Australiens selon leur race » lui rappelant la ségrégation raciale qu’il a connue dans les années 1950 et 1960[64]. De même, certains ont pu affirmer dans les médias que cette réforme créerait un « État de type apartheid »[65], ou que les Australiens allaient perdre la propriété de leur maison[66]. Ces interprétations ont sûrement eu raison de la réforme, puisque l’étude menée par l’Université nationale d’Australie rapporte que les électeurs ont jugé la réforme trop risquée[67].
Pourtant, il est possible de répondre à ces objections point par point. Le premier élément de réponse consiste à préciser que le principe d’égalité n’est pas inscrit dans la Constitution australienne, puisque le texte fondamental lui-même contient, en son article 51, des dispositions démontrant l’inégalité sur le fondement de la « race »[68]. De la même façon, la Haute cour ne garantit pas le principe d’égalité devant la loi, car « la Constitution est en contradiction avec la doctrine de l’égalité juridique […] et ne contient aucune garantie générale d’application régulière de la loi ou d’égalité juridique devant ou en vertu de la loi » [69]. Par conséquent, l’institution de l’organe représentatif, même consacrée dans la Constitution de 1901, ne peut être contraire au principe d’égalité.
Le deuxième élément de réponse consiste à soutenir que, loin de s’opposer, la représentation nationale et la représentativité coexistent et sont complémentaires. À ce titre, selon le professeur Jean-Marie Denquin, les trois sens de la représentation politique ne sont pas nécessairement incompatibles : « tel représentant au sens juridique de tenir lieu, c’est-à-dire qui vote les lois applicables à ceux qu’il représente, peut être le porte-parole de ceux-ci, c’est-à-dire défendre leurs intérêts, tout en leur ressemblant »[70]. Ainsi, loin d’être contradictoires, les différentes conceptions de la représentation politique s’équilibrent et peuvent constituer des correctifs l’une envers l’autre. De la sorte, la représentativité de la Voix œuvre à l’enrichissement de la représentation nationale australienne, en apportant une autre perspective lors de la délibération et en relégitimant la décision parlementaire. Il faut d’ailleurs rappeler que « la conception d’institutions démocratiques et délibératives ne vise pas à créer des institutions pour instrumentaliser le pouvoir formel, mais à générer des décisions qui doivent leur légitimité à un processus démocratiquement inclusif, ainsi qu’à la rigueur délibérative et à l’équité de ce processus »[71]. Le processus délibératif doit ainsi promouvoir une légitimité à la décision parlementaire, « y compris au-delà des lignes de division entre les groupes »[72]. Dès lors, la Voix aurait permis de renforcer la légitimité des actes pris par la Chambre des Représentants et le Sénat. Cet organe aurait été d’autant plus important dans le cas où il s’agit d’appliquer des lois concernant des groupes sociaux particuliers, victime de la colonisation, et toujours particulièrement défavorisés[73]. Cette révision constitutionnelle était donc essentielle à l’application de la DNUDPA et à l’objectif de « réconciliation » prôné par le Gouvernement australien.
Enfin, le troisième élément de réponse consiste à expliquer en quoi la Voix aurait permis d’éviter tout effet inverse, en faveur d’une « représentativité » trop importante. Pour éviter ce déséquilibre, les mesures instaurant une représentativité « doivent être proportionnelles aux besoins réels du groupe minoritaire concerné »[74]. Le professeur Stéphane Pierré-Caps soutient notamment que « la représentation politique des minorités ne peut remettre en cause la notion même de représentation. Elle s’entend nécessairement d’un aménagement de cette dernière en vue de permettre la participation politique des minorités ès qualités, mais certainement pas d’une substitution d’une représentation de nature différente de celle découlant de la démocratie libérale »[75]. Autrement dit, l’instauration d’une représentativité ne vise qu’à remédier aux limites inhérentes de tout gouvernement représentatif sans déstructurer la décision parlementaire, ni renier l’expression de la volonté générale. C’était l’objectif de la Voix, puisque cet organe n’aurait été que consultatif, bien loin du rôle de troisième chambre que certains ont voulu lui conférer.
Auparavant, d’autres organes consultatifs avaient déjà été mis en place par la loi fédérale australienne pour la représentativité autochtone. Il en est ainsi du Comité consultatif national des Aborigènes entre 1973 et 1977, de la Commission des aborigènes et des insulaires du détroit de Torres entre 1989 et 2005 ou du Congrès national des peuples premiers d’Australie entre 2009 et 2019[76]. Toutefois, la seule consécration législative ne permettait pas de perpétuer ces organes au fil des législatures, supprimés en fonction des majorités au pouvoir. C’est la raison pour laquelle, l’inscription de la Voix dans la Constitution a été proposée. Ce dernier élément, peut-être, a été considéré comme disproportionné par le corps électoral puisque l’étude menée par l’Université nationale d’Australie a finalement révélé que « le référendum aurait probablement été adopté s’il avait été organisé sur la base de la seule reconnaissance des peuples autochtones »[77].
Depuis plusieurs décennies, l’Australie semble bloquée sur la reconnaissance des peuples autochtones et les enjeux constitutionnels qu’elle comporte. Le référendum du 14 octobre 2023 n’a pas permis de trouver une solution. Les mêmes enjeux continueront de se faire face entre la souveraineté du peuple australien et l’autodétermination des peuples autochtones, entre la représentation nationale et la représentativité autochtone. Dans le cadre du phénomène « d’internationalisation des droits des peuples autochtones »[78], ces enjeux sont loin de se limiter à l’Australie. En Nouvelle-Calédonie notamment, l’élargissement du corps électoral cristallise les oppositions entre les loyalistes et les indépendantistes. Critère de la citoyenneté calédonienne, le gel du corps électoral permettait de limiter les votants lors des élections provinciales ou des référendums d’indépendance et pourrait désormais être étendu. De la même façon qu’en Australie, cette question aborde des problématiques liées à l’autodétermination et à la représentation politique kanak. En Océanie particulièrement, il semble qu’il faudra imaginer de nouvelles façons de coexister.
Fannie DUVERGER
Docteur en droit de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et de l’Université de Montréal
Enseignante contractuelle à l’Université de Rouen
[1] Projet de révision constitutionnelle. Source non traduite : « Chapter IX Recognition of Aboriginal and Torres Strait Islander Peoples. 129 Aboriginal and Torres Strait Islander Voice. In recognition of Aboriginal and Torres Strait Islander peoples as the First Peoples of Australia: I. There shall be a body, to be called the Aboriginal and Torres Strait Islander Voice; II. The Aboriginal and Torres Strait Islander Voice may make representations to the Parliament and the Executive Government of the Commonwealth on matters relating to Aboriginal and Torres Strait Islander peoples; III. The Parliament shall, subject to this Constitution, have power to make laws with respect to matters relating to the Aboriginal and Torres Strait Islander Voice, including its composition, functions, powers and procedures. »
[2] Question posée lors du référendum constitutionnel australien de 1967. Source non traduite : « Do you approve the proposed law for the alteration of the Constitution entitled “An Act to alter the Constitution so as to omit certain words relating to the people of the Aboriginal race in any state so that Aboriginals are to be counted in reckoning the population” ? ».
[3] Constitution australienne de 1901, article 127. Source non traduite : « 127. In reckoning the numbers of the people of the Commonwealth, or of a State or other part of the Commonwealth, aboriginal natives shall not be counted ».
[4] Scott Bennett, « The 1967 Aborigines Referendum », dans Dennis Trewin (dir.), Year Book Australia, Canberra, Australian Bureau of Statistics, 2004, p. 41-50, spé. p. 41.
[5] Ibid. Source non traduite : « On a practical level there was a concern that to include Aboriginal people in a census might distort the number of House of Representatives seats to be allocated to the different states. A second factor was the widely-held belief that Aboriginal people were “dying out” and, hence, would soon cease to be a factor in questions of representation ».
[6] Constitution australienne de 1901, art. 51.
[7] Régis Lafargue, « La révolution Mabo et l’Australie face à la tentation d’un nouvel apartheid », Journal of Legal Pluralism, n° 43, 1999, p. 89-134, spé. p. 127.
[8] La Loi sur le pont de l’île Hindmarsh a été adoptée, restreignant la portée de la Loi sur la protection du patrimoine des Aborigènes et des insulaires du détroit de Torres afin de construire un pont sur un domaine coutumier auparavant protégé.
[9] Régis Lafargue, « La révolution Mabo et l’Australie face à la tentation d’un nouvel apartheid », Journal of Legal Pluralism, n° 43, 1999, p. 89-134, spé. p. 127.
[10] Voir not., George Williams, « Race and the Australian Constitution: From Federation to Reconciliation », Osgoode Hall Law Journal, vol. 38, n° 4, 2000, p. 643-665, spé. p. 653.
[11] An Act to provide for the recognition of Aboriginal and Torres Strait Islander peoples, and for related purposes, Act n° 18 of 2013.
[12] Voir le rapport final, Conseil du referendum, Final Report of the Referendum Council, Commonwealth of Australia, 30 juin 2017.
[13] Déclaration d’Uluru : venue du Cœur de la nation, 2017. Pour la traduction en français et en langues autochtones, Voir le site dédié : https://ulurustatement.org/the-statement/translations/ (consulté le 29.11.2023)
[14] Ibid.
[15] Benjamin Delille, « L’histoire attendra. L’Australie vote « non » au référendum sur les droits des Aborigènes », Libération, le 14 octobre 2023, en ligne : https://www.liberation.fr/international/asie-pacifique/laustralie-vote-non-au-referendum-sur-les-droits-des-aborigenes-20231014_2VPYF3W3SVAWBIT3ANFIHO2EC4/ (consulté le 29.11.2023).
[16] José Martinez Cobo, Étude du problème de la discrimination à l’encontre des populations autochtones, vol. 5 : conclusions, propositions et recommandations, New York, Nation Unies, 1987, E/CN.4/Sub.2/1986/7/Add.4, p. 31, para. 379.
[17] Conseil économique et Social des Nations Unies, Preliminary Report of the Problem of Discrimination Against Indigenous Populations. Nations Unies, 1982, E/CN.4/ Sub.2/L.566, Chap. 11.
[18] Par opposition à son volet externe, pouvant conduire à l’indépendance. Il s’agit d’éviter le démembrement interne des États et de garantir la continuité territoriale.
[19] L’octroi de ce droit n’est pas nouveau et se retrouve dans l’article 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) et dans la Résolution 1514 relative à la décolonisation. Cependant, devant les réticences des États, l’article 3 doit se lire en combinaison avec l’article 46 (1) de la DNUDPA, précisant que : « Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un peuple, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte contraire à la Charte des Nations unies, ni considérée comme autorisant ou encourageant aucun acte ayant pour effet de détruire ou d’amoindrir, totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou l’unité politique d’un État souverain et indépendant ».
[20] Assemblée générale des Nations unies, Résolution 61/295, Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, 13 septembre 2007, A/RES/61/295, art. 19.
[21] Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités des Nations Unies, Note explicative concernant le projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones, Établie par Erica-Irene A. Daes, Présidente du Groupe de travail sur les populations autochtones, 19 juillet 1993, E/CN.4/Sub.2/1993/26/Add.1, para. 17-19.
[22] Ghislain Otis, « Élection, gouvernance traditionnelle et droits fondamentaux chez les peuples autochtones du Canada », McGill Law Journal, vol. 49, 2004, p. 393-417, spé. p. 412.
[23] Benjamen Franklen Gussen, « A Comparative Analysis of Constitutional Recognition of Aboriginal Peoples », Melbourne University Law Review, vol. 40, n° 3, 2017, p. 867-904, spé. p. 872. Source non traduite : « When the qualifier “constitutional” is added to the act of “recognising”, legal authority is accepted and approved through political power, a paradigm which heightens the division between the “recogniser” and the “recognised”. In the Australian context, constitutional recognition is about accepting as valid the claim or title of Aboriginal and Torres Strait Islander peoples to their heritage, their traditional lands, and, most importantly, their claim for self-determination ».
[24] Amy Maguire, « Australia has voted against an Indigenous Voice to Parliament », The Conversation, 15 octobre 2023, en ligne : https://theconversation.com/explainer-australia-has-voted-against-an-indigenous-voice-to-parliament-heres-what-happened-215155 (consulté le 29.11.2023).
[25] Shireen Morris, A First Nations Voice in the Australian Constitution, New York, Hart Publishing, 2020, p. 207. Source non traduite : « Institutionnal mechanisms enabling Sámi self-determination and related rights of consultation and participation in law and policies affecting their rights ».
[26] Qu’il soit permis de renvoyer à, Fannie Duverger, La coexistence des conceptions étatiques et coutumières de la représentation politique en droit constitutionnel canadien et français, Thèse de doctorat en droit public, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Université de Montréal, th. dactyl. disponible en ligne, 2023, para. 688-694.
[27] Gabrielle Appleby, Ron Levy et Helen Whalan, « Voice versus rights: The first nations voice and the Australian constitutional legitimacy crisis », University of New South Wales Law Journal, vol. 46, n° 3, p. 761-790, spé. p. 770. Source non traduite : « A First Nations Voice, while it is focused on the rights of First Nations, is also a structural mechanism through which First Nations can exercise their sovereignty and self-determination ».
[28] La révision de la Constitution australienne est prévue à son chapitre VIII. C’est par cette procédure que l’adoption d’un 129e article est prévue, afin d’instituer un organe représentatif pour les autochtones.
[29] L’Australie comprend aussi deux territoires dont les populations participent au vote global mais les territoires ne comptent pas dans le vote de la majorité des États.
[30] Australia’s Constitution with Overview and Notes by the Australian Government Solicitor, Parliamentary Education Office, 2023, p. 2.
[31] Gabrielle Appleby, Ron Levy et Helen Whalan, « Voice versus rights: The first nations voice and the Australian constitutional legitimacy crisis », University of New South Wales Law Journal, vol. 46, n° 3, p. 761-790, spé. p. 784. Source non traduite : « Sovereignty and self-determination each broadly denote political authority; yet each also relates more specifically to the powers of a group to direct its own myriad policy choices »
[32] Jean Leclair, « Le fédéralisme, un terreau fertile pour gérer un monde incertain », dans Ghislain Otis et Martin Papillon (dir.), Fédéralisme et gouvernance autochtone, Québec, Presses de l’Université Laval, 2013, p. 21-50, spé. p. 39-40.
[33] Ibid.
[34] Gabrielle Appleby, Ron Levy et Helen Whalan, « Voice versus rights: The first nations voice and the Australian constitutional legitimacy crisis », art. cit., p. 775. Source non traduite : « While many Aboriginal and Torres Strait Islander people favour models of reform that empower their own decision-making, these models may engender resistance among those political leaders and voters who see empowerment models as challenging the exclusive sovereignty of the settler state ».
[35] Shireen Morris, A First Nations Voice in the Australian Constitution, op. cit., p. 298.
[36] Ibid., p. 292.
[37] Benjamin Delille, « L’histoire attendra. L’Australie vote « non » au référendum sur les droits des Aborigènes », art. cit.
[38] Les résultats de l’étude sont repris et présentés par The Guardian. Voir, Josh Nicholas, « How the Indigenous voice referendum could have passed with bipartisan support – in charts », The Guardian, le 28 novembre 2023, en ligne : https://www.theguardian.com/australia-news/datablog/2023/nov/29/indigenous-voice-referendum-failure-why-bipartisan-support (consulté le 30.11.2023). Les résultats sont aussi directement disponibles en ligne : https://dataverse.ada.edu.au/dataset.xhtml?persistentId=doi:10.26193/13NPGQ
[39] Arend Lijphart, « La négociation dans les démocraties majoritaires et de consensus », Négociations, n° 21, 2014, p. 13-19, spé. p. 16.
[40] Gabrielle Appleby, Ron Levy et Helen Whalan, « Voice versus rights: The first nations voice and the Australian constitutional legitimacy crisis », art. cit., p. 764. Source non traduite : « The competing sovereignty claims of multiple peoples living and asserting political authority within shared geographic spaces ».
[41] Pour une réflexion sur le concept de souveraineté dans les relations avec la Nouvelle-Calédonie, Voir, Séverine Blaise, Carine David, Gerard Prinsen, « Pour un réexamen des concepts de“décolonisation, indépendance et souveraineté” au prisme de l’expérience néocalédonienne », Journal de la Société des Océanistes, vol. 2, n° 155, 2022, p. 327-344.
[42] Félicien Lemaire, « Propos sur la notion de “souveraineté partagée” ou sur l’apparence de remise en cause du paradigme de la souveraineté », Revue française de droit constitutionnel, vol. 4, n° 92, 2012, p. 821-850, spé. p. 849.
[43] Ibid.
[44] James Tully, Une étrange multiplicité : le constitutionnalisme à une époque de diversité, trad. Jude Des Chênes, Pessac, Québec, Presses universitaires de Laval et de Bordeaux, 1999, p. 190.
[45] Ibid., p. 190-191.
[46] Ibid., p. 191.
[47] Nation haïda c. Colombie-Britannique (ministre des Forêts), [2004] 3 R.C.S. 511, para. 20 ; Première nation Tlingit de Taku River c. Colombie-Britannique (Directeur d’évaluation de projet), [2004] 3 R.C.S. 550, para. 42.
[48] Charte du peuple kanak, 2014, chapitre III.
[49] James Youngblood Henderson, « Constitutionnal Vision and Judicial Commitment : Aboriginal and Treaty Rights in Canada », Australian Indigenous Law Review, vol. 14, n° 2, 2010, p. 24 – 48, spé, p. 30. Source non traduite : « Sovereignty is not about absolute power, but the subtle art of generating and sustaining relationships ».
[50] Il se fonde alors sur la définition donnée par M. Bayona-ba-Meya, premier président de la Cour suprême du Zaïre, qui s’oppose à la doctrine de la terra nullius. Avis de la Cour internationale de justice, Western Sahara, 1975, Avis consultatif du 16 octobre 1975, Opinion de F. Ammoun, p. 85-86. Cité également dans Mabo v. Queensland [N° 2] (1992) 175 CLR 1 [40].
[51] Bruno Daugeron, Droit constitutionnel, Paris, PUF, 2023, p. 155.
[52] Jean-Marie Denquin, « Pour en finir avec la crise de la représentation », Jus Politicum, n° 4, 2010, p. 10-38, spé. p. 11.
[53] Gabrielle Appleby, Ron Levy et Helen Whalan, « Voice versus rights: The first nations voice and the Australian constitutional legitimacy crisis », University of New South Wales Law Journal, vol. 46, n° 3, p. 761-790, spé. p. 770. Source non traduite : « a First Nations Voice would not have guaranteed a different outcome, but that it would have given political power to First Nations Peoples in the design of the programs ».
[54] Jean-Marie Denquin, « Pour en finir avec la crise de la représentation », art. cit., p. 1.
[55] Catie McLeod, Ellen Ransley et Courtney Gould, « Anthony Albanese announces final wording for Voice to parliament referendum », News.com, le 23 mars 2023, en ligne : https://www.news.com.au/national/politics/anthony-albanese-announces-final-wording-for-voice-to-parliament-referendum/news-story/03759ccfb21eb10146cc5ba559b61e06 (consulté le 30.11.2023).
[56] Ibid.
[57] Bruno Daugeron, Droit constitutionnel, op. cit., p. 139.
[58] États Généraux, séance du 10 août 1791, Archives parlementaires, 1re série, t. VIII, p. 331. Selon la conception défendue par Barnave. Voir aussi, Voir, Pierre Brunet, Vouloir pour la nation. Le concept de représentation dans la théorie de l’État, Paris, LGDJ, 2004.
[59] Pierre Brunet, « Les grands principes justificatifs : La représentation », dans Michel Troper et Dominique Chagnollaud, Traité international de droit constitutionnel, t. I., Paris, Dalloz, 2012, p. 608-641, spé. p. 637 : « le représentant est celui qui veut pour la nation, de façon initiale et inconditionnée ».
[60] Jean-Marie Denquin, « Pour en finir avec la crise de la représentation », art. cit., p. 1.
[61] Bruno Daugeron, Droit constitutionnel, op. cit., p. 314.
[62] Shireen Morris, A First Nations Voice in the Australian Constitution, op. cit., p. 294. Source non traduite : « The assertion seems to be that affording Indigenous people a constitutionally guaranteed, non-binding say in laws and policies made about Indigenous affairs would be contrary to the principle of equality ».
[63] Gabrielle Appleby, Ron Levy et Helen Whalan, « Voice versus rights: The first nations voice and the Australian constitutional legitimacy crisis », art.cit., p. 762. Source non traduite : « The divisions between those advocating for substantive equality rights to be inserted into the Constitution to protect against racially discriminatory laws, and those seeking structural reform giving First Nations a political voice in the constitutional system ».
[64] Samantha Maiden, « Warren Mundine accuses Anthony Albanese of dividing nation on race over the Voice », News.com, le 30 aout 2023, en ligne : https://www.news.com.au/national/politics/warren-mundine-accuses-anthony-albanese-of-dividing-nation-on-race-over-the-voice/news-story/3776815377c88d58862650092485bad1 (consulté le 30.11.2023).
[65] Lucy Dayman, « Ignorance sank Australia’s Indigenous Voice referendum », The Japan Times, Le 17 octobre 2023, en ligne : https://www.japantimes.co.jp/commentary/2023/10/17/world/voice-australia-misinformation-campaign/ (consulté le 30.11.2023). Il s’agissait de Cory Bernardi, un ancien sénateur conservateur, dorénavant commentateur à la télévision.
[66] Ariel Bogle et Josh Taylor, « Voice pamphlets : false claims and conspiracy theories distributed across Australia », The Guardian, le 21 septembre 2023, en ligne : https://www.theguardian.com/australia-news/2023/sep/21/indigenous-voice-to-parliament-referendum-fake-pamphlets (consulté le 30.11.2023).
[67] Josh Nicholas, « How the Indigenous voice referendum could have passed with bipartisan support – in charts », art. cit.
[68] Shireen Morris, A First Nations Voice in the Australian Constitution, op. cit., p. 294.
[69] Kruger v. The Commonwealth of Australia (1997) HCA 27, 190 CLR 1., p. 32. « the Constitution is inconsistent with a doctrine of legal equality […] and contains no general guarantee of due process of law or of legal equality before or under the law ».
[70] Jean-Marie Denquin, « Pour en finir avec la crise de la représentation », art. cit., p. 16-17. Voir aussi, Jean-Marie Denquin, « Démocratie participative et démocratie semi-directe », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 23, 2007, p. 95-98, spé. p. 96.
[71] Gabrielle Appleby, Ron Levy et Helen Whalan, « Voice versus rights: The first nations voice and the Australian constitutional legitimacy crisis », art.cit., p. 776. Source non traduite : « Deliberative democratic institutional design focuses not on creating institutions to instrumentalise formal power, but on generating decisions that owe their legitimacy to a democratically inclusive process, and equally to the deliberative rigour and fairness of that process ».
[72] Ibid., p. 764. Source non traduite : « Deliberative democratic bodies, when they were inclusive, reflexive and informed, and when they met a host of other criteria for democracy and deliberation, were able in practice to promote social legitimacy – including across lines of marked inter-group division ».
[73] En effet, la Déclaration d’Uluru explicite en ces termes les problématiques rencontrées par les autochtones : « Nous sommes, proportionnellement, le peuple le plus incarcéré de la planète. Nous ne sommes pas par nature un peuple criminel. Nos enfants sont arrachés de leur familles à un rythme sans précèdent. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas d’amour pour eux. Et nos jeunes dépérissent en détention en nombre scandaleux. Ils devraient être notre espoir pour l’avenir. Ces dimensions de notre crise montrent pleinement la nature structurelle de notre problème ».
[74] Commission européenne pour la démocratie par le droit, Rapport sur les règles électorales et les actions positives en faveur de la participation des minorités nationales aux processus de décision dans les pays européens, Venise, 11-12 mars 2005, CDL-AD (2005) 009, p. 5.
[75] Stéphane Pierré-Caps, « Les minorités et la notion de représentation », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 23, 2007, p. 86-90, spé. p. 88.
[76] James Haughton et Apolline Kohen, Aboriginal and Torres Strait Islander treaties, constitutional and legal recognition and representation in Australia: a chronology, Parliamentary Library, 2022, p. 42.
[77] Josh Nicholas, « How the Indigenous voice referendum could have passed with bipartisan support – in charts », art. cit. Source non traduite : « the referendum was likely to have passed if it had been conducted on the basis of recognition alone »
[78] Zérah Brémond, « Australie : donner une « Voix » aux peuples autochtones ? Retour sur les origines et les enjeux du référendum constitutionnel du 14 octobre 2023 », Jus Politicum Blog, 12 octobre 2023, en ligne : https://blog.juspoliticum.com/2023/10/12/australie-donner-une-%E2%80%89voix%E2%80%89-aux-peuples-autochtones-retour-sur-les-origines-et-les-enjeux-du-referendum-constitutionnel-du-14-octobre-2023-par-zerah-brem/#_ftn15 (consulté le 30.11.2023).