Les commissions d’enquête : des juges parlementaires ?

Priscilla JENSEL-MONGE. Audrey de MONTIS.

Dans une tribune publiée dans le journal Le Monde, le 15 septembre 2018, la garde des Sceaux Nicole Belloubet déclarait : « Le Parlement ne peut empiéter sur le domaine judiciaire »[1]. Cette affirmation, rappelant la règle traditionnelle d’irrecevabilité judiciaire selon laquelle une commission d’enquête ne peut porter sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires[2], révèle les relations complexes entre justice et politique, et plus particulièrement entre justice et Parlement. Le sujet – les commissions d’enquête sont-elles des juges parlementaires ? dans un dossier Juger les ministres – soulève en réalité la question de la nature des relations entre le Parlement et le Gouvernement et l’étendue des pouvoirs du premier sur le second dans le cadre de ses pouvoirs d’enquête. Le principe de séparation des pouvoirs, qui interdit historiquement les incursions du Parlement dans les affaires judiciaires, se présente, sous la Ve République, comme un instrument redoutable du parlementarisme rationalisé limitant les pouvoirs du Parlement et l’autonomie parlementaire.

Dénommées jusqu’en 1991 commissions d’enquête et de contrôle, les commissions d’enquête parlementaire ont été introduites à l’article 51-2[3] de la Constitution par la révision du 23 juillet 2008. Elles figuraient toutefois, dès 1958, dans l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ainsi que dans les règlements des deux assemblées[4]. La constitutionnalisation opérée en 2008 valorise cet instrument du contrôle parlementaire et s’inscrit dans une dynamique plus large initiée par le pouvoir constituant, consistant à développer sensiblement la fonction de contrôle de l’action gouvernementale par l’Assemblée nationale et le Sénat. L’article 24 de la Constitution est d’ailleurs réécrit à cette occasion pour insister sur le nécessaire développement de cette fonction, jusque-là insuffisamment mobilisée par les deux assemblées. La disposition indique en effet depuis lors que « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques ». Les commissions d’enquête peuvent alors être définies comme des organes temporaires formés pour recueillir des éléments d’informations soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales (art. 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958). Elles constituent ainsi « un moyen traditionnel à la disposition d’une assemblée afin de rechercher la vérité, d’identifier des dysfonctionnements et de demander des comptes, en sollicitant, d’une part, les membres du Gouvernement et de l’administration afin qu’ils rendent compte de leur (in)action dans le champ de leurs compétences et, d’autre part, le concours de toute personne considérée comme apte à éclairer ses travaux »[5]. La mobilisation des commissions d’enquête par les parlementaires représente aujourd’hui l’un des moyens les plus performants pour contrôler l’action du Gouvernement. Une commission d’enquête est composée de trente-et-un députés ou de vingt-trois sénateurs au plus, désignés de façon à assurer une représentation équilibrée des groupes politiques de l’assemblée dont ils sont membres. La création d’une telle instance, qui résulte du vote d’une proposition de résolution, est donc soumise à la logique majoritaire. Toutefois, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et l’introduction de l’article 51-1[6], chaque groupe parlementaire d’opposition ou minoritaire dispose d’un droit de tirage lui permettant d’obtenir la création d’une commission d’enquête parlementaire par session ordinaire, à condition que sa création satisfasse aux conditions de recevabilité fixées par les textes. À ce titre, l’article 6 alinéa 3 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 affirme qu’« il ne peut être créée de commission d’enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Si une commission a déjà été créée, sa mission prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d’enquêter ». La France a donc choisi d’interdire le cumul des enquêtes parlementaire et judiciaire, au nom du principe de séparation des pouvoirs, alors que dans d’autres États européens, cette concomitance ne semble pas soulever de difficultés au regard dudit principe[7] en raison de la nature profondément différente des contrôles qui sont exercés. En France, le lien entre l’enquête parlementaire et le principe de séparation des pouvoirs, qui justifie l’irrecevabilité judiciaire, est solidement établi. Ainsi, lorsqu’une commission permanente ou spéciale se voit dotée des pouvoirs d’une commission d’enquête, possibilité ouverte par l’article 5 ter de l’ordonnance du 17 novembre 1958[8], les conditions et limites applicables aux commissions d’enquête s’appliquent avec la même force, notamment l’irrecevabilité judiciaire. C’est vrai également pour une autre instance chargée de contrôler l’action du Gouvernement : la mission d’information. Si sa création et son fonctionnement sont beaucoup plus souples que pour une commission d’enquête, dès lors qu’elle se voie confier des pouvoirs d’investigation, ces derniers s’exercent de nouveau dans un temps contraint (six mois) et dans le même périmètre que les autres organes à savoir notamment le respect de la recevabilité judiciaire[9]. Dit autrement, l’irrecevabilité judiciaire joue dès lors qu’un organe du Parlement (commission d’enquête strictement entendue, commission permanente ou mission d’information dotées des prérogatives d’une commission d’enquête) dispose de véritables pouvoirs d’investigation.

Si le sujet invite à réfléchir aux rapports entre le Parlement et le Gouvernement, il suppose d’analyser les pouvoirs de la commission d’enquête lorsqu’elle doit « juger » l’action du Gouvernement. Questionner la pertinence de l’expression « juges parlementaires » suppose alors d’analyser la nature, la méthode et la finalité du contrôle exercé par les commissions d’enquête parlementaire pour savoir si celles-ci peuvent être comparées à celles d’un juge (I). S’il apparait ainsi que l’enquête parlementaire peut partiellement emprunter les méthodes de l’enquête judiciaire, elle s’en écarte fondamentalement en raison de la distinction cardinale entre justice et responsabilité politique (II).

I. Des méthodes d’investigation similaires

Une juridiction (quelle qu’elle soit) et une commission d’enquête parlementaire (qu’elle résulte du vote d’une proposition de résolution ou de l’application du droit de tirage exercé par un groupe) semblent poursuivre le même objectif : rechercher la vérité. Pour cela, elles disposent toutes deux d’importants pouvoirs d’enquête, dont les périmètres se rejoignent (A). En revanche, s’agissant des garanties accordées aux personnes entendues devant l’une ou l’autre, de premières différences apparaissent (B). Les droits des personnes auditionnées sont en effet moins protégés devant l’instance parlementaire et révèlent déjà la spécificité du contrôle qu’elle met en œuvre, par nature différent de celui exercé par une juridiction. 

A. Une analogie dans l’étendue des pouvoirs d’investigation

Un juge « chargé de dire le droit puis, à terme, du prononcé de décisions »[10], consacre une part majeure de son travail à identifier la matérialité des faits, avant de déterminer la règle de droit applicable et de trancher le litige. Le juge d’instruction en particulier, grâce à d’importants pouvoirs d’investigation, a pour mission de mettre une affaire en état d’être jugée. Concrètement, il doit rassembler des éléments d’information et des preuves, favorables ou non à l’une des parties. À titre d’illustration, il peut ainsi entendre et interroger les témoins et les parties ainsi que se rendre sur les lieux de l’infraction constatée. La loi reconnaît également ces pouvoirs d’investigation aux commissions d’enquête. En effet, au titre de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958, les rapporteurs exercent leur mission sur pièces et sur place. Ils sont habilités à se faire communiquer tous documents de service, à l’exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l’État, et sous réserve du respect du principe de la séparation de l’autorité judiciaire et des autres pouvoirs. La loi précise clairement que tous les renseignements de nature à faciliter cette mission doivent leur être fournis. Ces différents pouvoirs permettent à l’instance d’enquêter de manière approfondie. Elle peut ainsi, comme un juge d’instruction, rassembler des éléments utiles à la manifestation de la vérité. Le rapport d’enquête de l’affaire Cahuzac[11], en date du 8 octobre 2013, du nom du ministre du budget conduit à démissionner à la suite de la révélation de l’existence d’un compte bancaire caché, est particulièrement illustratif. La quantité et la qualité des informations recueillies par les parlementaires-enquêteurs dans le cadre de leur investigation sont remarquables. Le rapport se distingue par une grande précision : le déroulement des faits est reconstitué en détail grâce à une succession de dates et d’étapes qui s’enchaînent successivement les unes après les autres. Les informations sont exposées simplement, grâce à l’usage du présent de l’indicatif et à un style sobre, ce qui permet de prendre connaissance de la situation, sans que des prises de position particulières puissent être identifiées. Le rapport soulève aussi des questions qui appellent d’autres investigations. Aussi, le rapporteur a pu dire, dans ses propos conclusifs qu’« au terme de ses travaux, la commission d’enquête est parvenue à éclairer les principales zones d’ombre, non pas du fond de l’“affaire Cahuzac”, ce qui n’était pas son objet, mais de la manière dont celle-ci a été gérée par le Gouvernement et les services de l’État, entre les premières révélations de Mediapart, le 4 décembre 2012 et la mise en examen de Jérôme Cahuzac, le 2 avril 2013 »[12].

Dans l’ensemble, rares sont les refus de communication ou les difficultés rencontrées lors des déplacements des parlementaires enquêteurs. D’ailleurs, le refus de communiquer des documents est sanctionné par le code pénal (deux ans d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende). La personne que la commission d’enquête a jugée utile d’entendre est en outre tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission (art. 6 II. ordonnance n° 58-1100), renforçant alors l’effectivité de ses pouvoirs d’investigation.

Devant les parlementaires ou devant des juges, la personne qui est entendue doit prêter serment. Elle est, en principe, tenue de déposer et le droit pénal s’assure du respect de ces obligations en sanctionnant la personne récalcitrante. Le faux témoignage est puni dans les deux cas par les articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal. Précisément, il appartient au président de la commission d’enquête ou au Bureau de l’assemblée intéressée lorsque le rapport d’enquête a été publié, d’exercer des poursuites. En 2017, une condamnation pour faux témoignage a été prononcée pour la première fois par les juridictions judiciaires, à la suite d’un témoignage insincère devant une commission d’enquête[13]. Dès lors, la commission d’enquête parlementaire du fait des pouvoirs d’investigation qui lui sont confiés, permet véritablement aux députés comme aux sénateurs, de rechercher la matérialité des faits à l’origine des dysfonctionnements constatés.

En principe, dans les deux enceintes, la publicité des audiences et des auditions est mise en œuvre. La publicité des audiences est en effet un principe cardinal de la justice française, qui permet à la fois de favoriser la transparence du système juridictionnel mais aussi de faire en sorte que les citoyens soient informés et comprennent le fonctionnement de la justice, celle-ci étant rendue au nom du peuple. D’une certaine manière, les raisons qui motivent la publicité des travaux des commissions d’enquête parlementaire poursuivent les mêmes finalités. Même dans le cadre de leurs missions d’enquête, les élus s’inscrivent dans le cadre du régime représentatif, qui implique un certain contrôle de leurs activités. Les citoyens peuvent ainsi suivre les auditions qui sont généralement publiques, lire les comptes rendus des auditions ainsi que le rapport. L’ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 précise que les commissions d’enquête organisent la publicité par les moyens de leur choix. De ce fait, les informations récoltées par les parlementaires sont alors diffusées au plus grand nombre et peuvent nourrir aussi bien leurs propres travaux que des enquêtes administratives et judiciaires qui pourraient être en cours ou même qui pourraient être initiées à la suite de l’initiative parlementaire[14].

Enfin, malgré le silence des textes régissant sur ce point le déroulement d’une commission d’enquête parlementaire, une personne auditionnée peut être assistée par le conseil de son choix, même s’il est d’usage qu’il demeure relativement silencieux tout au long de l’audition[15]. L’accompagnement par un professionnel du droit est essentiel pour protéger les droits des personnes auditionnées. Sur ce point toutefois, des différences plus importantes entre les enquêtes parlementaire et judiciaire peuvent finalement être observées. 

B. Une différence dans le périmètre des droits garantis au cours de l’enquête

Les garanties de la personne auditionnée devant une commission d’enquête parlementaire sont dans l’ensemble plus limitées, révélant la nature différente du contrôle qu’elle exerce. Si l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme ne s’applique pas uniquement devant des juridictions entendues au sens strict, il bute tout de même sur le principe de séparation des pouvoirs et en particulier sur le principe d’autonomie parlementaire. Ce sont les parlementaires, seuls, dans le cadre tracé par le législateur, qui décident de l’organisation de leurs travaux. Les fondamentaux d’une audience juridictionnelle n’apparaissent pas.  

Ainsi, la notion de parties, qui est identifiée au cours d’un procès civil (un demandeur et un défendeur se font face) et pénal (l’auteur présumé des faits est présenté face au ministère public), est sans objet devant une commission d’enquête. De manière indépendante et en quelque sorte, unilatéralement, les députés et les sénateurs enquêtent de leur côté, en entendant toutes les personnes qu’ils jugent utiles pour faire émerger la vérité, sans organiser de quelconque contradiction.

Sur ce point précis, le principe du contradictoire, structurant lui aussi le fonctionnement de la justice, n’est pas mis en œuvre devant une commission d’enquête parlementaire. Au titre de l’article 6. IV. de l’ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958, la personne entendue par une commission d’enquête peut simplement prendre connaissance du compte-rendu de son audition. Elle ne peut y apporter de correction. Elle est limitée à émettre, si elle le souhaite, des observations écrites. Il appartient à la seule commission d’enquête d’en faire état ou non, dans son rapport.

D’ailleurs, si la personne auditionnée peut être accompagnée de l’avocat de son choix, ce dernier a déjà un rôle déterminé a priori qui est particulièrement limité[16], ce qui n’est pas le cas au cours d’une audience juridictionnelle. De plus, en dehors de l’audition parlementaire, le conseil ne remplit aucune autre mission auprès de la personne concernée. Aussi, les droits des personnes auditionnées devant une commission d’enquête parlementaire sont bien plus restreints que ceux exercés devant une juridiction.

Cette affirmation ne peut qu’être constatée à partir d’un nouvel élément d’opposition : le droit au silence. Ce droit permet à une personne accusée de ne pas répondre aux questions qui lui sont posées par un juge mais aussi par toutes les personnes qui pourraient l’incriminer, comme des officiers de police judiciaire par exemple. De ce fait, la personne est protégée de toute forme de pression et préservée de l’obtention de preuves sous la contrainte. Ce droit, qui s’inscrit donc directement dans le cadre des exigences d’un droit au procès équitable, n’est pas non plus mis en œuvre devant une commission d’enquête parlementaire. Faut-il comprendre que le refus de répondre aux questions posées par les parlementaires n’est alors tout simplement pas envisagé ? Cette situation s’est pourtant présentée dans le cadre de l’affaire Benalla, l’intéressé ayant plusieurs fois refusé de répondre aux questions posées par les sénateurs[17]. Pour le justifier, il invoqua que des informations judiciaires étaient en cours, permettant alors de contourner l’absence de reconnaissance de ce droit au silence. Cette situation peut soulever d’importants problèmes lorsque des déclarations faites devant une commission d’enquête parlementaire sont utilisées, ensuite, dans le cadre d’une procédure pénale. Dans un arrêt du 19 mars 2015 Corbet et autres c/ France, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé à ce sujet que l’utilisation par l’autorité judiciaire de propos tenus devant une commission d’enquête qui tendent à incriminer une personne et qui ont eu une incidence sur la décision de condamnation de la juridiction pénale,  est susceptible de contrevenir au droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination, garanti par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme[18]. En revanche, la personne qui dépose devant une commission d’enquête parlementaire est en principe protégée contre les actions en diffamation sauf si les propos tenus sont étrangers à l’enquête en cours.

Enfin, alors qu’une personne condamnée devant une juridiction de première instance peut demander à ce que son affaire soit jugée une seconde fois en fait et en droit, ce droit n’existe évidemment pas devant une commission d’enquête parlementaire, qui livre à une reprise, à un moment précis, son appréciation des faits dans le cadre de travaux conduits dans une durée contrainte et préalablement déterminée. Les conclusions de ses travaux ne peuvent pas non plus faire l’objet d’un recours en annulation[19]. Cela ne doit pas étonner : lesdits travaux sont conduits par un organe créé au sein d’une institution qui est avant tout politique : le Parlement.

Si certaines similitudes ont pu être observées et particulièrement en termes de déroulement des deux enquêtes parlementaire et judiciaire, la commission d’enquête et la juridiction conduisent tout de même spécifiquement leurs investigations et poursuivent, en définitive, des finalités bien distinctes.

II. Des finalités de l’investigation différentes

« La fonction judiciaire et la mission de contrôle parlementaire ne sont pas du même ordre ni de même nature et elles n’ont ni la même portée ni les mêmes conséquences. Elles reposent toutes deux sur des exigences constitutionnelles essentielles au bon fonctionnement de la démocratie »[20]. Cet extrait du rapport d’enquête de la commission des lois du Sénat dans l’affaire Benalla souligne que les enquêtes parlementaire et judiciaire, dont la nature est profondément différente (A), n’emportent pas les mêmes conséquences (B) et, sans se concurrencer, se complètent et apparaissent essentielles dans une démocratie.

A. Une différence dans la nature du contrôle exercé

La distinction entre l’enquête judiciaire et l’enquête parlementaire réside essentiellement dans la nature profondément différente des contrôles qui sont exercés. La Cour constitutionnelle italienne, État dans lequel le cumul des enquêtes parlementaire et judiciaire est autorisé par l’article 82 de la Constitution, a ainsi affirmé : « La tâche des commissions d’enquête parlementaire n’est pas de “juger” mais uniquement de recueillir les informations et les données nécessaires à l’exercice des fonctions des chambres. L’activité d’enquête – relevant, en somme, de la notion plus large de fonction de contrôle des chambres – est motivée par des causes et des finalités politiques »[21]. Cet extrait suffit à renoncer à qualifier de juges parlementaires les commissions d’enquête. Le contrôle exercé, aux moyens des pouvoirs d’enquête, est de nature juridictionnelle dans un cas, de nature politique dans l’autre.

La différence de nature du contrôle s’apprécie en premier lieu au regard des organes investis du pouvoir d’enquête. Dans le cadre de l’enquête judiciaire, l’organe chargé d’investiguer est un organe juridictionnel. C’est donc un « organe institué par l’État [qui] dit le droit (…) au nom du peuple français [dont] la sentence rendue a autorité de la chose jugée ou encore force de vérité légale : la juridiction dit ce qui doit être tenu pour vrai et ce qui a été jugé ne peut être ni contesté ni méconnu »[22]. La juridiction est tenue par un principe cardinal du procès équitable : celui de l’impartialité, cette « exigence universellement partagée [qui] traduit l’aptitude d’un juge à traiter les parties de manière égalitaire, sans opinion préconçue, sans préjugement »[23]. Le comportement impartial s’observe alors lorsqu’une personne ou un organe « agit sans entrer [lui]-même en considération dans l’action »[24]. Ce principe ne s’applique pas, par définition, à une commission d’enquête et, par conséquent, à son office. Le Parlement est, historiquement, le lieu naturel des affrontements politiques. De cette enceinte collégiale doit émerger, à travers la délibération – en théorie au moins – la loi, expression de la volonté générale. L’impartialité laisse donc sa place à la partialité, traduction du principe représentatif cardinal de pluralisme politique. La structuration du fonctionnement et du travail des assemblées autour des groupes politiques a encore renforcé la logique politique notamment dans les travaux de contrôle. Par conséquent, si le pluralisme politique est respecté pour les commissions d’enquête parlementaire, tant au niveau de l’initiative que de la composition, l’impartialité, telle que définie plus haut, n’y trouve aucune place.

La différence dans la nature de l’investigation s’observe également s’agissant de l’objet de l’enquête judiciaire et de l’enquête parlementaire. L’enquête judiciaire a pour principal objet le recueil d’informations, la constatation et la vérification des faits afin que le juge puisse « dire le droit » en qualifiant matériellement les éléments de l’infraction. Comme le souligne le sénateur Philippe Bas, « l’action pénale à l’encontre des auteurs de faits délictueux n’a ni le même objet ni les mêmes conséquences que le contrôle exercé par le Parlement sur le fonctionnement des services publics. Une enquête judiciaire vise à établir la matérialité de délits ou de crimes. Une enquête parlementaire a pour objet de faire la lumière sur le fonctionnement de services de l’État »[25]. In fine, l’objet de l’enquête judiciaire est de se prononcer sur la culpabilité alors que l’enquête parlementaire vise, éventuellement, à mettre en lumière la ou les responsabilité(s).

La différence de nature s’apprécie enfin au regard de la temporalité de l’action pénale et de l’enquête parlementaire. Si l’on observe une tendance à la proximité temporelle dans la création des commissions d’enquête, révélant une tendance réactive ou évènementielle à l’ouverture d’informations judiciaires[26], le temps politique n’est pas le temps judiciaire. Les organes des assemblées parlementaires, dès lors qu’ils sont dotés de pouvoirs d’enquête, sont enfermés dans un délai relativement bref qui ne peut excéder six mois. Il s’agit donc pour le Parlement de faire la lumière sur des faits déterminés ou sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales. La commission d’enquête n’est tenue ni par l’impartialité, ni même par l’exhaustivité des informations. Elle n’est tenue que par l’objectif qu’elle s’impose dans le temps qui lui est imposé. À ce titre, elle fait notamment des choix quant aux personnes qu’elle souhaite auditionner. Bien que les actions judiciaires soient contraintes par la notion de « délais raisonnables », les délais en matière judiciaire apparaissent bien plus longs. Ainsi, par exemple, en 2021, en matière criminelle et en première instance, le délai moyen entre le début de l’instruction et le prononcé de la condamnation était de 49,4 mois[27]. Bien que ce délai puisse objectivement apparaître comme déraisonnablement long, il s’explique en raison des enjeux et des atteintes qu’ils sont susceptibles de porter à la liberté physique des individus, révélant dès lors, compte tenu de la nature profondément différente des contrôles exercés, des conséquences différentes du travail d’enquête judicaire et parlementaire.

B. Une opposition dans les conséquences de l’investigation  

Si une proximité des pouvoirs des enquêteurs judiciaire et parlementaire a pu être mise en avant, leur pouvoir de décision est très différent. Le travail du juge, qui est un travail de constatation des éléments matériels d’une infraction et de qualification juridique, se conclut par une sentence revêtue de l’autorité de la chose jugée, c’est-à-dire du fait « que ce qui a été jugé, sous réserve des voies de recours, ne peut plus être remis en question et s’impose de façon définitive à toutes les parties en cause »[28]. Le juge, notamment pénal, peut sanctionner un individu qui est tenu de se soumettre à la sentence. Le travail d’une commission d’enquête s’achève par un rapport d’enquête dans lequel figurent les conclusions de son investigation. Il s’agit donc d’un acte politique, qui bénéficie, tout au plus, de l’autorité de la chose décidée. Alors que la dissidence ne s’exprime pas dans les décisions judiciaires, le rapport d’une commission d’enquête peut comporter des contributions des groupes ou des membres qui souhaitent se détacher de l’opinion majoritaire exprimée dans les conclusions du rapport. Ces dernières peuvent être présentées en séance et faire l’objet d’un débat avec les membres de la représentation nationale. À l’autorité et à l’unité de la chose jugée s’oppose donc, devant les commissions d’enquête, la pluralité des opinions politiques et l’expression de la dissidence. Les commissions d’enquête parlementaire proposent parfois des évolutions législatives démontrant la nature éminemment politique de leur office. L’exemple topique est l’affaire Cahuzac[29] qui a donné lieu à une série de lois dans la perspective de provoquer « un choc de confiance »[30] et d’instaurer, ou peut-être de forcer, « une sorte de morale publique » portant sur la conduite des acteurs politiques[31]. Le travail essentiel d’une commission d’enquête réside donc dans sa capacité à recueillir des informations dans une double perspective de contrôle et d’amélioration de la loi, qui sont les deux fonctions essentielles du Parlement. Les résultats des travaux des commissions d’enquête ne sont pas contraignants en eux-mêmes. Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs rappelé que les « conclusions [des commissions d’enquête parlementaire] sont dépourvues de tout caractère obligatoire, le rapport présenté ne saurait en aucun cas adresser une injonction au Gouvernement »[32]. Ils peuvent certes conduire à une activation des mécanismes de responsabilité formelle reconnus par la Constitution et susceptible d’aboutir à un renversement du Gouvernement (articles 49 et 50 de la Constitution) mais l’hypothèse reste marginale et, en tout état de cause, ne s’est jamais produite sous la Ve République. En revanche, la commission d’enquête qui a connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs, en application de l’article 40 du code de procédure pénale[33]. À défaut de pouvoir qualifier juridiquement les faits délictueux dont elle a connaissance ou de se prononcer sur la sanction applicable, elle peut également transmettre les informations recueillies au ministère de la Justice.

La question des pouvoirs du juge et des commissions d’enquête affleure finalement la question centrale de la responsabilité. Dans le cadre d’une enquête judiciaire, il s’agit de qualifier juridiquement des faits pour dégager une éventuelle responsabilité pénale. Cette dernière est nécessairement de nature individuelle. Dans le cadre d’une enquête parlementaire, et lorsque celle-ci porte sur des faits révélant d’éventuels dysfonctionnements dans l’action du Gouvernement, c’est la responsabilité politique du Gouvernement qui est recherchée. À l’inverse de la responsabilité pénale, et conformément au régime politique de la Ve République, il s’agit, en principe, d’une responsabilité collective qui peut le cas échéant être mise en jeu par les mécanismes des articles 49 et 50 de la Constitution. Cette séparation entre responsabilité pénale individuelle, d’un côté, et responsabilité politique collective, de l’autre, est aujourd’hui remise en cause par un double phénomène : la pénalisation de la responsabilité politique des ministres[34] et la politisation de leur responsabilité pénale. Dans ce contexte, il apparait fondamental que les commissions d’enquête demeurent dans le périmètre d’intervention et dans les finalités qui sont les siens. La commission d’enquête sur l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre[35], atteste de ce glissement. Lors de l’audition de la ministre de la Culture, Rachida Dati, le 21 mars 2024 devant ladite commission, cette dernière a rappelé le rapporteur à sa fonction : « Vos propos vont trop loin, soit en accusant, soit en soupçonnant, vous dépassez votre cadre de député », affirmant également que l’Exécutif est là pour « rendre des comptes » mais qu’il ne doit le faire qu’« en fonction de l’objet de la commission »[36]. Il est en effet essentiel que les commissions d’enquête ne cherchent pas à se substituer au juge judiciaire au risque, dans ce cas, de méconnaître le principe de séparation des pouvoirs.

En réalisant une comparaison des pouvoirs d’investigation d’une juridiction et d’une commission d’enquête ainsi que de leurs méthodes de travail, certaines similitudes ont pu être observées, ce qui a permis d’interroger, plus en profondeur, la question qui paraissait si simple au départ, à savoir « Les commissions d’enquête sont-elles des juges parlementaires ? ». Après analyse, les commissions ne peuvent pas être assimilées à des juridictions, car elles ne sont pas chargées de dire le droit. Elles n’offrent pas non plus les garanties du droit à un procès équitable aux personnes qu’elles auditionnent. La limite ratione materiae, consistant à empêcher les instances parlementaires de s’immiscer dans les affaires dont est saisie la justice semblait initialement renforcer l’opposition entre les deux. Cette irrecevabilité judiciaire repose sur la conception française du principe de séparation des pouvoirs, organique, consistant à laisser chaque pouvoir dans sa sphère d’action, en toute autonomie. Toutefois, en pratique, l’interdiction est d’application relativement souple et dépend, assez largementde considérations d’opportunité politique[37]. En raison de l’évolution contemporaine de la conception de la séparation des pouvoirs et des résultats observés en Europe dans des États ne reconnaissant pas cette interdiction, la superposition des enquêtes parlementaires et judiciaires ne peut qu’être encouragée et la suppression de l’irrecevabilité judiciaire qu’être mise en œuvre. Rien à craindre, en effet, de la part des commissions d’enquête, dès le moment où, une fois de plus, tout ou presque les oppose. La commission d’enquête n’est pas une juridiction et n’a pas vocation à endosser ce rôle, parce que justement, de leurs différences naissent leurs complémentarités au service de la démocratie.

Priscilla JENSEL-MONGE,

Maîtresse de conférences en droit public à Aix Marseille Université,

CNRS, DICE, ILF, Aix-en-Provence, France

Audrey de MONTIS,

Maîtresse de conférences en droit public à l’Université de Rennes,

IDPSP


[1] N. Belloubet, « Le Parlement ne peut pas empiéter sur le domaine judiciaire », Le Monde, 15 sept. 2018. URL : https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/09/15/nicole-belloubet-le-parlement-ne- peut-pas-empieter-sur-le-domaine-judiciaire_ 5355370_3232.html (consulté le 28 mars 2024).

[2] Article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

[3] Article 51-2 de la Constitution : « Pour l’exercice des missions de contrôle et d’évaluation définies au premier alinéa de l’article 24, des commissions d’enquête peuvent être créées au sein de chaque assemblée pour recueillir, dans les conditions prévues par la loi, des éléments d’information. La loi détermine leurs règles d’organisation et de fonctionnement. Leurs conditions de création sont fixées par le règlement de chaque assemblée ».

[4] Il faut remonter à la IIIe République et à la loi du 25 mars 1914 pour trouver les premières dispositions écrites relatives aux commissions d’enquête. Pour une analyse historique des commissions d’enquête parlementaire, v. not. P.-J. Marini, « Sisyphe et le Parlement. Considérations sur le cumul des enquêtes parlementaires et judiciaires en France », Les Cahiers Portalis, 2022/1, n°9, p. 217-230.

[5] J.-É. Gicquel, « Commissions d’enquête », in J.-F. Kerléo (dir.), Règlement de l’Assemblée nationale commenté, LGDJ, 2022, p. 273.

[6] Art. 51-1 de la Constitution : « Le règlement de chaque assemblée détermine les droits des groupes parlementaires constitués en son sein. Il reconnaît des droits spécifiques aux groupes d’opposition de l’assemblée intéressée ainsi qu’aux groupes minoritaires ».

[7] E. Pavy, Committees of Inquiry in National Parliaments: Comparative Survey, Policy Department for Citizens’ Rights and Constitutional Affairs, European Parliament, Bruxelles, mars 2020. Ainsi, sur les vingt pays interrogés, sept seulement, dont la France, interdisent le cumul des enquêtes parlementaire et judiciaire.

[8] À titre d’exemple, en novembre 2015, la commission des lois de l’Assemblée nationale a été dotée pendant six mois des pouvoirs d’une commission d’enquête pour le plein exercice de la mission de suivi de contrôle et d’évaluation des mesures prises pendant l’état d’urgence. Autre exemple, le 23 juillet 2018, le Sénat a conféré à la commission des lois les prérogatives attribuées aux commissions d’enquête, pour une durée de six mois, afin de mener sa mission d’information sur « les conditions dans lesquelles des personnes n’appartenant pas aux forces de sécurité intérieure ont pu ou peuvent être associées à l’exercice de leurs missions de maintien de l’ordre et de protection des hautes personnalités et le régime des sanctions applicables en cas de sanction ».

[9] En juin 2020, la mission d’information « sur l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de coronavirus-Covid 19 en France », créée à l’initiative de la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale s’est vue attribuer, pour une durée maximale de six mois, les pouvoirs d’une commission d’enquête.

[10] M. Touzeil-Divina, Institutions juridictionnelles, Paris, Dalloz, coll. « Séquences », 2022, p. 5. 

[11] Rapport fait au nom de la commission d’enquête relative aux éventuels dysfonctionnements dans l’action du Gouvernement et des services de l’État, notamment ceux des ministères de l’économie et des finances, de l’intérieur et de la justice, entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013, dans la gestion d’une affaire qui a conduit à la démission d’un membre du Gouvernement, A.N., n° 1408, 8 oct. 2013.

[12] Ibid., p. 93.

[13] P. Avril, J. Gicquel et J.-É. Gicquel, Droit parlementaire, 7e éd., LGDJ, coll. « Domat droit public », 2023, p. 492. 

[14] V. infra.

[15] N. Coutrot-Cielinski, « Vademecum du fonctionnement des commissions d’enquête parlementaires, des droits des personnes qui y sont entendues et des risques juridiques afférents, 2ème partie », Dalloz actualité, 23 juin 2023 [en ligne]. L’auteur indique dans son écrit que l’affaire d’Outreau a dessiné un cadre de l’intervention de l’avocat au cours d’une audition. Il peut accompagner la personne auditionnée à la condition qu’il « soit “taisant” et que sa présence soit fonction “de la spécificité de la situation et sous réserve de la définition de règles préalables à l’audition concernée” ».

[16] V. supra.

[17] Voir P.-J. Marini, « Sisyphe et le Parlement. Considérations sur le cumul des enquêtes parlementaires et judiciaires en France », art. cit., p. 224.

[18] N. Coutrot-Cielinski, « Vademecum du fonctionnement des commissions d’enquête parlementaires, des droits des personnes qui y sont entendues et des risques juridiques afférents, 2ème partie », art. cit.

[19] P. Avril, J. Gicquel et J.-É. Gicquel, Droit parlementaire, op.cit., p. 496.   

[20] Rapport d’information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur la mission d’information sur les conditions dans lesquelles des personnes n’appartenant pas aux forces de sécurité intérieure ont pu ou peuvent être associées à l’exercice de leurs missions de maintien de l’ordre et de protection des hautes personnalités et le régime des sanctions applicables en cas de manquements, Sén., n°324, t. I, 20 fév. 2019.

[21] Sentenza della Corte Costitutionale n. 231/1975, 22.10.1975.

[22] M. de Villiers, et A. Le Divellec, Dictionnaire du droit constitutionnel, Paris, Sirey, 2022, p. 212.

[23] N. Fricero, « Récusation et abstention des juges : analyse comparative de l’exigence commune d’impartialité », NCCC, n° 40 [en ligne].

[24] M. Revault d’Allones, « L’impartialité du juge. Une problématique de tous les temps : d’Aristote à Hannah Arendt », in L’éthique des gens de justice, Entretiens d’Aguesseau, Limoges, PULIM, 2001, p. 183.

[25] Rapport d’information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale sur la mission d’information sur les conditions dans lesquelles des personnes n’appartenant pas aux forces de sécurité intérieure ont pu ou peuvent être associées à l’exercice de leurs missions de maintien de l’ordre et de protection des hautes personnalités et le régime des sanctions applicables en cas de manquements, op. cit.

[26] « La justice est-elle trop lente ? », vie-publique.fr, 9 mai 2023 [en ligne].

[27] N. Coutrot-Cielinski, « Vademecum du fonctionnement des commissions d’enquête parlementaires, des droits des personnes qui y sont entendues et des risques juridiques afférents, 2ème partie », art. cit.

[28] M. Waline, cité in M. de Villiers et A. Le Divellec, Dictionnaire du droit constitutionnel, op. cit., p. 212.

[29] Dans le rapport d’enquête, on peut lire : « Depuis l’ouverture d’une information judiciaire, puis les mises en examen de Jérôme Cahuzac, le Gouvernement et le législateur ont eu à cœur de faire en sorte qu’une telle affaire ne soit plus possible. Deux séries de réformes ont été accélérées : l’une visant à renforcer la transparence de la vie publique, l’autre à améliorer la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière. Les différents projets de loi viennent d’être adoptés définitivement par le Parlement. Ils ont été enrichis de nombreux amendements, parmi lesquels certains faisaient directement écho aux travaux, alors en cours, de la commission d’enquête. C’est le cas, en particulier, des précisions apportées, sur proposition de son Président, à l’article donnant une existence législative à l’examen de la situation fiscale des ministres récemment nommés, ainsi que des mesures prises pour mieux articuler le travail de la Justice et celui de l’administration fiscale en matière de lutte contre la fraude fiscale. Parallèlement, le Gouvernement a négocié une modification du droit franco-suisse applicable à l’échange de renseignements en matière fiscale afin de lever certaines des conditions qui le restreignent », Rapport fait au nom de la commission d’enquête relative aux éventuels dysfonctionnements dans l’action du Gouvernement et des services de l’État, notamment ceux des ministères de l’économie et des finances, de l’intérieur et de la justice, entre le 4 décembre 2012 et le 2 avril 2013, dans la gestion d’une affaire qui a conduit à la démission d’un membre du Gouvernement, op. cit.,  p. 96.

[30] Conseil des ministres, Communiqué de presse sur le projet de loi rétablissant la confiance dans l’action publique, 14 juin 2017.

[31] P. Blachèr, « Moraliser la politique par la loi ? Observations sur les lois “confiance dans la vie politique” », RDP, 2018, n° 3, p. 339.

[32] CC n° 2009-581 DC du 25 juin 2009, § 55.

[33] « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ».

[34] J. Padovani, « Responsable, mais pas coupable : maxime du régime politique français ? À propos de la pénalisation malvenue de la gestion gouvernementale de la crise sanitaire », in E. Brosset, T. Renoux, È. Truilhé et A. Vidal-Naquet, Justice, responsabilité et contrôle de la décision publique. Leçons de la crise sanitaire, DICE éd., 2022, pp. 121-137.

[35] Cette commission d’enquête parlementaire est issue d’une proposition de résolution déposée le 13 octobre 2023 par M. Aurélien Saintoul et les membres du groupe La France insoumise – Nouvelle Union Populaire écologique et sociale (LFI-NUPES).

[36] Audition de Mme Rachida Dati, ministre de la Culture, le 21 mars 2024.

[37] P. Avril, J. Gicquel, J.-É. Gicquel, Droit parlementaire, op. cit., p. 489.