Anne PONSEILLE.
Dans son premier rapport annuel d’activité de 2008, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) soulignait déjà que « les cellules de garde à vue (…) sont les lieux les plus médiocres des locaux administratifs les plus médiocres » et ajoutait que « la plupart des lieux de garde à vue restent dans un état indigne pour les personnes qui y séjournent, qu’elles soient interpellées ou qu’elles y exercent leurs fonctions ».
En quinze ans, la situation semble n’avoir guère évolué dans le sens d’une meilleure protection de la dignité des personnes gardées à vue justifiée par leur état de dépendance vis-à-vis de l’Administration à laquelle elles sont confiées[1] : il suffit pour s’en convaincre de parcourir les innombrables rapports de visite rendus depuis sa création par cette autorité administrative indépendante. Dans l’un d’entre eux, publié le 5 octobre 2023, le CGLPL formulait une recommandation en ces termes : « Les geôles doivent être régulièrement nettoyées et équipées d’un bouton d’appel, d’un WC avec muret séparateur, d’un dispositif permettant de se repérer dans le temps. Des couvertures suffisamment chaudes et propres doivent être mises à disposition. Un système de chauffage et d’aération doit maintenir une température adaptée. Les cellules doivent bénéficier d’un éclairage tant naturel qu’artificiel satisfaisant, et l’interrupteur de la lumière doit pouvoir être commandé depuis l’intérieur de la cellule »[2].
Le CGLPL n’est pas le seul à avoir fait de tels constats. Dans son avis sur la réforme de la procédure pénale du 19 juin 2010, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) recommandait que « des mesures adéquates soient prises pour assurer des conditions matérielles de garde à vue conformes aux droits de l’homme » et saluait, dans un avis du 6 janvier 2011 sur le projet de loi relatif à la garde à vue, l’affirmation par le législateur du principe de dignité de la personne gardée à vue, tout en soulignant qu’il risquait de rester lettre morte si les conditions de détention au sein des locaux de garde à vue n’étaient pas améliorées[3].
En 2021, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) rendait un rapport sur sa visite en France[4] par lequel il soulignait que « les conditions matérielles de détention étaient très disparates dans les locaux des forces de l’ordre visités », que la plupart de ces cellules étaient exiguës, ce qui ne permettait pas toujours de s’y allonger. Elles étaient dépourvues de lumière naturelle, présentaient des problèmes de chauffage et d’aération ce qui rendait l’atmosphère pestilentielle[5], elles étaient rarement équipées de point d’eau et de sanitaires praticables. Alors qu’il avait déjà fait à l’occasion de visites précédentes le même constat[6], le CPT recommandait « une nouvelle fois que des mesures soient rapidement prises pour assurer des conditions dignes d’hygiène et de salubrité dans l’ensemble des lieux de privation de liberté des forces de l’ordre ».
Deux mois après la publication du rapport du CPT, le CGLPL prenait des recommandations concernant spécifiquement les conditions de déroulement de cette mesure privative de liberté[7] exécutée dans des locaux parfois inadaptés et sous-dimensionnés, trop peu souvent nettoyés et désinfectés…
Ainsi, comme l’avait pressenti la CNCDH, la modification par la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue[8] de l’article 63-5 du Code de procédure pénale disposant à partir de cette date, en son premier alinéa, que « La garde à vue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne », n’a pas suffi à rendre, en pratique, les conditions d’exécution de cette mesure respectueuses des droits fondamentaux.
C’est dans ce contexte de dénonciation récurrente des conditions matérielles dégradées de la garde à vue que le Conseil d’État[9] a renvoyé au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui a donné lieu à une décision en date du 6 octobre 2023 concernant les conditions d’exécution des mesures de garde à vue[10].
L’Association des avocats pénalistes, requérante, reprochait à plusieurs dispositions du Code de procédure pénale définissant le régime de la garde à vue de permettre le déroulement d’une telle mesure dans des conditions indignes faute de prévoir que la décision de placement ou de maintien en garde à vue soit subordonnée aux capacités d’accueil et aux conditions matérielles des locaux accueillant les personnes qui y sont soumises[11]. Le Syndicat des avocats de France, partie intervenante, observait que les dispositions contestées méconnaissaient le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense des personnes placées en garde à vue[12].
La décision rendue par le Conseil constitutionnel ne peut être que rapprochée de deux précédentes décisions concernant les conditions d’enfermement, d’une part, sous le régime de la détention provisoire[13] et, d’autre part, sous la forme d’une peine privative de liberté[14], par lesquelles le Conseil avait déclaré inconstitutionnelles des dispositions du Code de procédure pénale au motif qu’elles ne prévoyaient pas la possibilité, pour la personne, prévenue ou condamnée, détenue dans des conditions indignes, de saisir un juge de sa situation afin qu’il y soit mis fin. Les dispositions litigieuses méconnaissaient le droit à un recours effectif devant les juridictions tiré de l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (DDHC) disposant que « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». Rendues après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme pour indignité des conditions d’incarcération tenant au surpeuplement carcéral et au défaut de recours effectif[15], ces décisions, censurant pour la première fois des dispositions législatives sur le fondement du principe de la dignité humaine, ont conduit le législateur a créé un recours préventif défini à l’article 803-8 du Code de procédure pénale[16]. La première de ces décisions avait été rendue sur renvoi par la Cour de cassation d’une question prioritaire de constitutionnalité. À cette occasion, la Haute juridiction était en partie revenue sur sa jurisprudence posant le principe selon lequel « une éventuelle atteinte à la dignité de la personne en raison des conditions de détention, si elle est susceptible d’engager la responsabilité de la puissance publique en raison du mauvais fonctionnement du service public, ne saurait constituer un obstacle légal au placement et maintien en détention provisoire »[17]. Elle avait également affirmé qu’ « en tant que gardien de la liberté individuelle, il (…) incombe (au juge judiciaire) de veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s’assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant » et, en cas de constat, d’agir pour y mettre fin[18].
Si ces trois décisions du Conseil ont en commun de porter sur les conditions indignes de privation de liberté, celle du 6 octobre dernier se distingue des deux précédentes en ce que le Conseil a fait le choix, après avoir considéré que la QPC portait sur le premier alinéa de l’article 63-5 précité, de déclarer les dispositions de celui-ci conformes à la Constitution en émettant cependant une réserve d’interprétation. Pour cette raison et bien qu’illustrant elle aussi un redéploiement de la dignité comme l’avait souligné la doctrine à propos des deux précédentes décisions[19], la décision du 6 octobre 2023 a été qualifiée de « victoire en demi-teinte » par l’avocat de l’Association requérante [20]. Il est sans doute possible de partager cet avis : en effet, le Conseil constitutionnel étend certes la protection constitutionnelle de la dignité de la personne à toute mesure privative de liberté au-delà de la seule garde à vue (I), mais il procède à un renforcement du régime de protection de la dignité de la personne gardée à vue qui n’est qu’apparent (II).
I – La reconnaissance opportune d’une protection constitutionnelle de la dignité de la personne soumise à toute mesure privative de liberté
Le Conseil constitutionnel vient confirmer que toute personne placée en garde à vue doit voir sa dignité préservée (A). Plus encore, il affirme que cette protection concerne la personne qui subit une privation de liberté, quelle qu’elle soit (B).
A – La confirmation d’une dignité des conditions matérielles de garde à vue constitutionnellement protégée
Par le passé, le Conseil constitutionnel a rendu de nombreuses décisions portant sur la conformité de dispositions légales définissant le régime de la garde à vue au principe d’égalité devant la loi, sur la préservation par ces dispositions de la liberté individuelle ou encore des droits de la défense.
À notre connaissance, avant celle du 6 octobre dernier, une seule décision avait été rendue par le Conseil aux termes de laquelle il avait considéré que les dispositions législatives modifiées portant sur le déroulement et les modalités de la garde à vue, quand bien même elles avaient pour conséquence de « banaliser le recours à la garde à vue » ne portaient pas en elles-mêmes atteinte à la dignité de la personne humaine. Par une décision du 30 juillet 2010, il avait en effet décidé que « la méconnaissance éventuelle de cette exigence dans l’application des dispositions législatives précitées n’a pas, en elle-même, pour effet d’entacher ces dispositions d’inconstitutionnalité » et que « par suite, s’il est loisible au législateur de les modifier, les dispositions soumises à l’examen du Conseil constitutionnel ne portent pas atteinte à la dignité de la personne »[21]. Alors que l’article 63-5 du Code de procédure pénale ne comprenait pas encore de référence à la dignité de la personne gardée à vue, les Sages avaient déduit du principe de dignité à valeur constitutionnelle qu’« il appartient aux autorités judiciaires et aux autorités de police judiciaire compétentes de veiller à ce que la garde à vue soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne »[22].
Dans sa décision du 6 octobre 2023, le Conseil constitutionnel rappelle les obligations découlant de cette exigence constitutionnelle en reprenant la même formule[23], tout en précisant – ce qu’il ne pouvait faire en 2010 – que « les dispositions contestées de l’article 63-5 du même code prévoient que la garde à vue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne »[24] après avoir indiqué qu’elle était une mesure de contrainte permettant de maintenir une personne soupçonnée d’avoir commis une infraction à la disposition des enquêteurs[25].
Cependant, le Conseil se veut plus précis et explique de quelle manière notamment doit se traduire l’obligation « de veiller à ce que la garde à vue soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne ». Il ajoute en effet que les autorités judiciaires et policières « doivent s’assurer que les locaux dans lesquels les personnes sont gardées à vue sont effectivement aménagés et entretenus dans des conditions qui garantissent le respect de ce principe ». Par là-même, le Conseil considère implicitement qu’en cas de défaillance ou d’inertie de l’État à assurer une exécution de la garde à vue dans des conditions dignes, il appartient aux magistrats et aux personnels de la police et de la gendarmerie nationales qu’elle le soit, faisant ainsi de ces autorités des garantes de la dignité des conditions d’exécution de la garde à vue.
Et ce n’est pas tout : les juges du la rue de Montpensier étendent cette protection constitutionnelle à toute autre mesure privative de liberté.
B – L’affirmation de la protection constitutionnelle de la dignité étendue aux conditions matérielles de toute mesure privative de liberté
Comme il l’a fait dans de précédentes décisions statuant sur une éventuelle méconnaissance du principe de la dignité humaine par des dispositions légales, le Conseil rappelle dans la décision du 6 octobre 2023 qu’il ressort du premier alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 que « la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme d’asservissement et de dégradation est un principe à valeur constitutionnelle »[26]. Toutefois, dans cette dernière décision, le Conseil constitutionnel tire de cette assertion une conséquence : « par suite, toute mesure privative de libertédoit être mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne humaine ». Ni la décision du 30 juillet 2010 précitée, ni celles des 2 octobre 2020 et 16 avril 2021 relatives aux conditions indignes d’incarcération en établissements pénitentiaires, ne portent mention d’une telle affirmation générale. Ainsi, au-delà de la garde à vue, les juges étendent cette protection constitutionnelle à toute mesure privative de liberté quelle que soit sa nature (1), quelle que soit sa durée (2).
1) Toute mesure quelle que soit sa nature
En utilisant cette formule, le Conseil vise les conditions d’exécution de toute mesure privative de liberté, la garde à vue certes[27], mais également la détention provisoire et la peine privative de liberté. Concernant la détention préventive, il avait indiqué dans la décision du 2 octobre 2020 que la privation de liberté des personnes placées en détention provisoire devait être « en toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne »[28]. À propos de la peine privative de liberté, le Conseil avait déclaré qu’il appartenait « au législateur, compétent en application de l’article 34 de la Constitution pour fixer les règles concernant le droit pénal et la procédure pénale, de déterminer les conditions et les modalités d’exécution des peines privatives de liberté dans le respect de la dignité de la personne »[29] avant d’affirmer plus récemment, dans la décision du 16 avril 2021, qu’ « il appartient aux autorités judiciaires ainsi qu’aux autorités administratives de veiller à ce que la privation de liberté des personnes condamnées soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne »[30].
La formule plus générale retenue par le Conseil dans la décision du 6 octobre conduit à penser que la protection constitutionnelle s’étend également à d’autres mesures de privation de liberté, de nature pénale mais également de nature non pénale.
En matière pénale, la personne subissant une retenue douanière fait donc également l’objet d’une telle garantie constitutionnelle, les articles 323-5 et 323-7 du Code des douanes imposant d’ailleurs l’application des dispositions qui régissent la garde à vue dont les celles de l’article 63-5 du Code de procédure pénale, ce depuis la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 promulguée après une décision de censure de l’article 323 du Code des douanes[31].
Cette protection semble devoir s’étendre également à la retenue judiciaire applicable aux mineurs délinquants de dix à treize ans, quand bien même l’article L. 413-1 du Code de justice pénale des mineurs la définissant renvoie à l’article 803-6 du Code de procédure pénale qui, s’il énonce les droits bénéficiant à toute personne suspectée ou poursuivie, ne prévoit pas que l’exécution de la mesure doit se dérouler dans des conditions préservant la dignité de la personne concernée.
Elle s’impose également dans le cadre des rétentions policières aux fins de vérification de l’identité et de vérification de la situation, prévues respectivement aux articles 78-3 et 78-3-1 du Code de procédure pénale, ainsi que pour l’exécution de la rétention de l’article 709-1-1 du Code de procédure pénale à laquelle peut être soumise la personne qui n’a pas respecté les obligations et interdictions liées à une condamnation : cette reconnaissance vient pallier le défaut de prévision d’une telle garantie par les dispositions qui en définissent le déroulement.
La retenue de l’article 803-3 du Code de procédure pénale dans les locaux de la juridiction d’une personne aux fins de la faire comparaître devant un magistrat dans un délai de vingt heures à partir de la levée de sa garde à vue ou de sa retenue, est possible si cette comparution n’a pas pu avoir lieu immédiatement à l’issue de ces mesures : aucune disposition de cet article ne fait mention d’une quelconque protection de la dignité de la personne retenue. Le Conseil étend la garantie constitutionnelle à cette forme de privation de liberté également.
On notera cependant que si les dispositions qui prévoient ces différentes mesures, à l’exception de celles qui définissent la retenue douanière, ne font pas référence expressément à la préservation de la dignité de la personne qui les subit, l’article préliminaire du Code de procédure pénale dispose que « les mesures de contrainte dont la personne suspectée ou poursuivi peut faire l’objet (…) (ne doivent pas) porter atteinte à la dignité de la personne ». Par sa décision du 6 octobre dernier, le Conseil constitutionnel vient le rappeler solennellement.
La protection offerte par le Conseil bénéficie également aux personnes auxquelles s’appliquent des mesures privatives de liberté en dehors du champ pénal. Ainsi, en est-il de la personne trouvée en état d’ivresse dans les lieux publics qui fait l’objet d’un placement en cellule de dégrisement[32]. Après avoir qualifié cette privation de liberté de mesure de police administrative, le Conseil a considéré que l’absence d’intervention de l’autorité judiciaire ne méconnaissait pas les exigences de l’article 66 de la Constitution[33]. Cependant, aux termes de la décision du 6 octobre, ce placement doit se dérouler dans le respect de la dignité de la personne retenue.
La formule générale employée par le Conseil permet aussi de viser la rétention administrative des étrangers qu’il a considérée comme étant une mesure privative de liberté[34] dont les conditions matérielles ont pu être à plusieurs reprises jugées indignes par le CGLPL[35] ou dont le déroulement a parfois été assimilé à un traitement inhumain et dégradant[36]. Le patient soumis à une hospitalisation sans consentement, mesure privative de liberté définie aux articles L. 3212-1 et suivants du Code de la santé publique et à propos de laquelle le Conseil a rendu de nombreuses décisions, doit également voir sa dignité préservée, exigence rappelée d’ailleurs l’article L. 3211-3 alinéa 1er du même Code[37]. Il en est de même de celui qui fait l’objet de mesures d’isolement et de contention décidées dans le cadre d’une hospitalisation complète dont le caractère privatif de liberté a été rappelé par Conseil à plusieurs reprises[38].
2) Toute mesure quelle que soit sa durée
L’affirmation du Conseil constitutionnel selon laquelle « toute mesure privative de libertédoit être mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne humaine » implique de surcroît qu’il ne soit pas non plus fait de distinction quant à la durée de la mesure considérée.
Ainsi, la durée de la mesure ne constituerait pas un élément central d’appréciation de la dignité. Le Conseil rejoint ici la Cour européenne des droits de l’Homme qui a estimé, dans un arrêt du 2 octobre 2014, Fakailo et autres c/ France[39],que si le temps pendant lequel un individu a été détenu dans des conditions indignes constitue un facteur important à considérer[40], une durée extrêmement brève de détention n’interdit pas un constat de violation de l’article 3 de la Convention « si les conditions de détention sont à ce point graves qu’elle portent atteinte au sens même de la dignité humaine »[41]. Le Conseil d’État a adopté une position proche depuis une décision du 13 janvier 2017 par laquelle il a considéré que constituait une erreur de droit le fait pour le tribunal administratif d’avoir exclu la réparation du préjudice subi en raison d’une durée d’incarcération jugée trop courte [42].
Alors que le Conseil a pu considérer que l’absence d’intervention de l’autorité judiciaire ne méconnaissait pas les exigences de l’article 66 de la Constitution en raison de la brièveté de la privation de liberté, telle que celle engendrée par le placement en cellule de dégrisement[43], la généralité de la formule retenue fait penser qu’en revanche, l’impératif de préservation de la dignité humaine s’impose pour toutes les mesures privatives de liberté quelle que soit leur durée, de la peine privative de liberté de plusieurs mois ou années à la rétention pour vérification d’identité de quatre heures maximum, en passant par la garde à vue pouvant aller de quelques heures à plusieurs jours.
Même si le législateur prévoit pour la très grande majorité des mesures privatives de liberté que leur déroulement ou exécution doit préserver la dignité de la personne qui les subit, le Conseil affirme que la protection constitutionnelle dont celle-ci jouit n’est pas fonction du cadre légal dans lequel la privation de liberté intervient. Dans le même temps et par le choix de la réserve d’interprétation, les juges procèdent à un renforcement du régime de protection de la dignité de la personne gardée à vue, un renforcement qui n’est semble-t-il qu’apparent.
II – Le renforcement de façade du régime de protection constitutionnelle de la dignité de la personne gardée à vue
Usant d’une formule semblable mais plus détaillée que celles retenues dans ses décisions de 2020 et 2021 relatives à l’indignité des conditions d’incarcération des personnes prévenues et condamnées, le Conseil constitutionnel affirme dans la décision du 6 octobre 2023 qu’ « il appartient (…) aux autorités judiciaires compétentes, dans le cadre des pouvoirs qui leur sont reconnus par le code de procédure pénale et, le cas échéant, sur le fondement des infractions pénales prévues à cette fin, de prévenir et de réprimer les agissements portant atteinte à la dignité de la personne gardée à vue et d’ordonner la réparation des préjudices subis »[44].
Cependant, comme souligné précédemment, ces deux décisions présentent une différence majeure avec celle d’octobre dernier puisque le Conseil a fait le choix dans cette dernière de formuler une réserve d’interprétation plutôt que de procéder à une déclaration d’inconstitutionnalité, considérant que les dispositions contestées ne méconnaissaient pas le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, ni même le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense, ni aucun autre droit ou liberté constitutionnellement garanti.
Le Conseil constitutionnel énumère les dispositifs existants propres à assurer un déroulement de la garde à vue préservant la dignité de la personne retenue : l’intervention du médecin au cours de cette mesures, les mentions portées dans les procès-verbaux rédigés par les OPJ (officier de police judiciaire)[45], le contrôle de cette mesure par l’autorité judiciaire, le droit reconnu à la personne gardée à vue de présenter des observations au magistrat[46], le contrôle qu’opère le procureur de la République sur les locaux de garde à vue et la possibilité pour le magistrat compétent d’ordonner à tout moment que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise en liberté[47]. Ce rappel fait, il considère qu’ « en cas d’atteinte à la dignité de la personne résultant des conditions de sa garde à vue, les dispositions contestées ne sauraient s’interpréter, sauf à méconnaître les exigences constitutionnelles précitées, que comme imposant au magistrat compétent de prendre immédiatement toute mesure permettant de mettre fin à cette atteinte ou, si aucune mesure ne le permet, d’ordonner sa remise en liberté. À défaut, la personne gardée à vue dans des conditions indignes peut engager la responsabilité de l’État afin d’obtenir réparation du préjudice en résultant ».
Ainsi, le Conseil considère, d’une part, que les dispositions légales critiquées doivent être interprétées comme imposant à l’autorité judiciaire de prendre des mesures adéquates préservant la dignité de la personne gardée à vue dont l’effectivité apparait cependant incertaine (A) et rappelle, d’autre part, les recours subsidiaires classiques dont l’exercice semble toutefois limité (B).
A – L’effectivité incertaine des mesures préventives judiciaires
Procédant à un revirement de jurisprudence, le Cour de cassation avait affirmé en 2020 qu’« en tant que gardien de la liberté individuelle, il (…) incombe (au juge judiciaire) de veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s’assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant »[48]. Le Conseil ne fait que rappeler, dans sa décision du 6 octobre 2023, ce rôle des magistrats de l’ordre judiciaire nouvellement consacré et revendiqué par la Cour de cassation, en étendant cette protection judiciaire à la garde à vue notamment.
L’association requérante reprochait aux dispositions définissant la garde à vue de permettre sa mise en œuvre dans des conditions indignes, faute de prévoir que la décision de placement ou de maintien en garde à vue soit subordonnée aux capacités d’accueil et aux conditions matérielles des locaux dans lesquels cette mesure doit se dérouler. Le Conseil ne la suit pas dans ce raisonnement : les dispositions litigieuses doivent être interprétées selon lui comme posant l’obligation pour les autorités judiciaires de prendre les mesures tendant à mettre finà l’indignité subie, des mesures très inspirées de celles pouvant être décidées dans le cadre du recours préventif issu de la loi du 8 avril 2021 (2). Cependant, la prise de telles mesures propres à empêcher l’indignité des conditions de garde à vue suppose en premier lieu que soit constatée cette indignité (1).
1) Le difficile constat de l’indignité des conditions de garde à vue
L’indignité des conditions de garde à vue ayant des causes structurelles (délabrement et insalubrité des locaux, défaut d’aération, de luminosité naturelle, WC non isolés…) est censée être parfaitement connue du procureur de la République, magistrat contrôlant la garde à vue, puisqu’il visite les locaux de garde à vue « chaque fois qu’il l’estime nécessaire et au moins une fois par an » comme imposé par l’article 41 alinéa 4ème du Code de procédure – ce que rappelle d’ailleurs le Conseil. C’est sans doute pour cette raison que les juges indiquent que les autorités judiciaires notamment doivent s’assurer que ces locaux sont « effectivement aménagés et entretenus dans des conditions qui garantissent le respect de ce principe »[49]. Une telle connaissance devrait en réalité conduire à exclure un placement en garde à vue afin d’éviter tout risque d’indignité, mais l’interprétation que fait le Conseil des dispositions de l’article 63-5 du Code de procédure pénale ne va pas jusque-là. L’article 41 précité prévoit que le rapport rédigé par le procureur, comprenant notamment ses remarques sur l’état des locaux, est transmis au ministre de la Justice par l’intermédiaire du procureur général, l’ensemble des informations recueillies figurant in fine dans un rapport annuel publié par le Ministère : ainsi, lorsque le procureur de la République constate des conditions matérielles de détention indignes, il n’est pas le seul à détenir cette information.
Si le magistrat n’a pas été amené à faire de telles constatations, les rapports de visite nombreux rendus par le CGLPL peuvent le renseigner sur l’état des locaux de garde à vue de son ressort et l’indignité des conditions matérielles subie par les personnes qui y sont hébergées. Les comptes rendus des visites des locaux de police réalisées par les Bâtonniers depuis que la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 les autorise à visiter à tout moment les lieux privatifs de liberté, dont les locaux de garde à vue, sont également une source d’informations.
Il est cependant peu probable que ce magistrat relève de sa propre initiative une telle indignité puisque, malgré cette connaissance, des placements en garde à vue continuent à être décidés dans des locaux inadaptés. Même si l’obligation faite au magistrat compétent de prendre les mesures adéquates pour mettre fin à l’indignité du déroulement de la garde à vue ne semble pas être conditionnée par le Conseil à une demande de la personne retenue, on peut penser qu’il n’interviendra que sur dénonciation par la personne gardée à vue (ou par son conseil) à laquelle il appartiendra de fournir des éléments évoquant une indignité de ses conditions matérielles de privation de liberté.
Le choix d’une réserve d’interprétation laisse place à des questionnements auxquels il n’est pas aisé d’apporter des réponses, notamment celui de la preuve de l’indignité subie.
Les mesures judiciaires imposées étant proches de celles pouvant être décidées dans le cadre du recours préventif créé par la loi du 8 avril 2021, les modalités d’administration de la preuve devraient être identiques à celles prévues à l’article 803-8 du Code de procédure pénale. Dans le cadre du recours bénéficiant aux personnes incarcérées, le législateur a prévu que les allégations de la personne détenue, prévenue ou condamnée, devaient être « circonstanciées, personnelles et actuelles, de sorte qu’elles constituent un commencement de preuve que les conditions de détention de la personne ne respectent pas la dignité de la personne »[50] et la Cour de cassation a ajouté qu’elles devaient être « crédibles »[51]. S’agissant d’une personne gardée à vue entendue dans ses observations, il semble impossible d’exiger un mode de preuve plus contraignant. Il appartiendra ainsi au magistrat sous l’autorité duquel la garde à vue se déroule de procéder aux vérifications de telles allégations, notamment lorsque l’indignité dénoncée a des causes non structurelles telles que la sur-occupation des cellules de garde à vue, l’absence d’accès aux WC et douches, de matelas et couverture propres… À cette fin, il pourra interroger les OPJ en charge de la mesure ou se déplacer si nécessaire, ce qui peut s’avérer difficile en raison des effectifs du Parquet et de locaux de garde à vue parfois éloignés du tribunal judiciaire. Il pourra les faire vérifier, par exemple en réquisitionnant un médecin, prérogative qu’il tient de l’article 63-3 alinéa 2 du Code de procédure pénale.
Quant aux garanties légales rappelées par le Conseil constitutionnel, il n’est pas certain qu’elles puissent toujours permettre d’étayer les déclarations de la personne gardée à vue.
Prenons l’exemple de l’intervention en garde à vue d’un médecin rappelée par le Conseil. D’une part, l’article 63-3 du Code de procédure pénale ne pose pas d’obligation à l’intervention d’un médecin[52] et, d’autre part, il est chargé par la loi de vérifier à titre principal si l’état de santé de la personne gardée à vue est compatible avec la mesure de garde à vue[53] et non si l’état des locaux permet un maintien en garde à vue[54]. Même si la loi précise qu’il procède « à toutes constatations qu’il juge utiles », sans autre précision sur leur contenu, il peut lui être difficile de décrire l’état de la cellule quand la visite médicale a lieu soit à l’hôpital, soit à l’hôtel de police ou à la brigade de gendarmerie mais en dehors de la cellule. Il n’est pas certain non plus que la personne gardée à vue évoque de son propre chef le traitement qu’elle subit. La Haute autorité à la Santé (HAS) a proposé en 2004 un guide à destination des médecins requis pour intervenir en garde à vue[55]. Parmi les recommandations qui y sont formulées, il apparait souhaitable que la visite se déroule sur place chaque fois que cela est possible afin qu’il puisse être vérifié que les conditions matérielles de détention sont conformes à la dignité de la personne humaine. En cas d’absence de problème de santé et si les conditions de rétention sont indignes, l’HAS recommande que le médecin signale ses observations sur les conditions de la garde à vue à l’OPJ et les fasse inscrire sur le registre de garde à vue, refuse de se prononcer sur l’aptitude à la garde à vue et fasse mentionner ce refus sur ce registre ou, enfin, dénonce par courrier au procureur de la République les situations qu’il estime porter atteinte à la dignité des personnes gardées[56]. Il s’agit là d’une vision optimiste de l’intervention du médecin en garde à vue si l’on en croit ce qu’a pu constater le CPT lors de visites réalisées en France[57]. Il serait souhaitable que de telles recommandations soient systématiquement suivies par les médecins intervenant en garde à vue et que le législateur ajoute expressément à la mission du médecin de vérifier si les conditions de garde à vue sont conformes à l’exigence de dignité. La loi d’orientation et de programmation du ministre de la justice 2023-2027 définitivement adoptée et renvoyée devant le Conseil constitutionnel le 16 octobre dernier ne s’engage pas dans cette voie : il y est prévu la possibilité, sur autorisation du procureur de la République et en cas de prolongation de garde à vue, d’un examen médical réalisé par vidéotransmission ou toute autre moyen de communication audiovisuelle, qui ne permettra assurément pas une telle vérification [58].
Les juges constitutionnels visent également l’article 64 I 2° du Code de procédure pénale qui impose aux OPJ de mentionner dans les procès-verbaux la durée des auditions, les périodes de repos et les heures de repas de la personne gardée à vue[59]. Ces éléments doivent en outre apparaitre dans le registre de garde à vue[60]. Cependant, la loi ne fait pas obligation aux OPJ de noter le taux d’occupation de la cellule collective dans laquelle la personne est retenue, l’accès aux toilettes, à un point d’eau, à une douche, dont a bénéficié cette personne dès que cela a été nécessaire, pas plus qu’elle ne leur fait obligation d’indiquer la distribution d’un kit d’hygiène, d’une couverture propre et de préciser l’état de salubrité des locaux au moment où la personne était retenue (Par exemple en mentionnant les date et heure du dernier nettoyage). Il n’est pas non plus exigé des OPJ qu’ils notent que l’information relative à ces droits lui a été délivrée. De telles renseignements devraient figurer sur les procès-verbaux de garde à vue et être reportés sur le registre de garde à vue.
En revanche, les décisions récentes rendues en référé par les juridictions administratives concernant les conditions matérielles de la garde à vue, qui pourraient se multiplier à l’avenir, permettent de rendre crédibles les allégations de la personne gardée à vue. Pour exemple, dans le contexte de la crise sanitaire et quelques mois après la publication des recommandations relatives à la garde à vue faites par le CGLPL[61], sur saisine des instances représentatives de la profession d’avocat, le Conseil d’État a rendu une décision enjoignant au ministre de l’Intérieur de faire en sorte à brefs délais que des kits d’hygiène soient disponibles et systématiquement proposés aux personnes gardées à vue et que celles-ci soient informées de la possibilité de demander le renouvellement de leur masque de protection toutes les quatre heures, et d’accéder, sur simple demande, à du gel hydroalcoolique ou à tout autre dispositif permettant de se désinfecter les mains[62]. Plus récemment, saisis par des Ordres d’avocats ou des associations d’avocats du recours en référé de l’article L. 512-3 du Code de justice administrative et après des visites de locaux de garde à vue effectuées par des Bâtonniers, plusieurs tribunaux administratifs, comme ceux de Nice[63] et de Nîmes[64] ont condamné l’État à prendre des mesures non structurelles afin qu’il soit mis un terme à l’indignité des conditions matérielles dans certains locaux de garde à vue.
Reste que la qualification d’indigne de la situation dénoncée par la personne gardée à vue relèvera de l’appréciation du magistrat chargé de contrôler la garde à vue. S’agissant d’une condition déterminant la mise en œuvre des mesures préventives pouvant conduire à une libération, il n’est pas déraisonnable de penser que ce magistrat aura quelques réticences à la retenir. Les rapports du CGLPL ainsi que les décisions des juridictions administratives seront en ce domaine des éléments utiles à la discussion sur la caractérisation de l’indignité[65].
Il ne fait pas de doute que l’intervention de l’avocat en garde à vue, dont on rappellera le caractère cependant non obligatoire, sauf en matière de garde à vue des mineurs, revêt en ce domaine une grande utilité. Il lui appartient de questionner son client sur le déroulement de sa garde à vue et de l’inciter à faire au magistrat compétent des observations relatives à l’indignité de ses conditions de retenue, le Conseil ayant d’ailleurs présenté la possibilité de formuler des observations au magistrat pour qu’il soit mis fin à la mesure de garde à vue comme une garantie propre à assurer le respect de l’exigence de dignité[66]. La décision du 6 octobre 2023 fait plus que jamais de l’avocat une vigie des conditions matérielles de la garde à vue et l’on peut penser que les avocats intervenant au cours de cette mesure privative de liberté ne manqueront pas de solliciter l’une des mesures préventives indiquées par le Conseil constitutionnel, avec cependant un résultat incertain.
2) Le recours douteux aux mesures préventives judiciaires
Dans le cas où une atteinte à la dignité serait constatée, admise par le magistrat chargé de contrôler la garde à vue, le Conseil constitutionnel prévoit que les dispositions de l’article 63-5 du Code de procédure pénale doivent être comprises « comme imposant au magistrat compétent de prendre immédiatement toute mesure permettant de mettre fin à cette atteinte ou, si aucune mesure ne le permet, d’ordonner sa remise en liberté ». Par la réserve d’interprétation qu’il émet, le Conseil considère implicitement qu’il n’est nul besoin d’instituer un recours préventif sur le modèle de celui existant pour contester l’indignité des conditions de détention. Le magistrat doit, à titre principal, prendre sur-le-champ des mesures permettant de mettre fin à l’atteinte à la dignité de la personne gardée à vue et, à titre alternatif, libérer celle-ci.
Le Conseil fait de la prise immédiate de toute mesure permettant de mettre fin à l’atteinte à la dignité de la personne gardée à vue une obligation judiciaire de principe. Cependant, de telles mesures ne sont pas légion. Elles ne peuvent bien évidemment pas être des mesures d’ordre structurel. Elles peuvent consister dans le fait pour le magistrat de rappeler aux OPJ les obligations qu’impose le respect de la dignité de la personne se trouvant retenue dans les locaux de garde à vue et l’information qu’ils lui doivent concernant notamment son droit d’accès à un kit d’hygiène, aux sanitaires… La mise en œuvre a priori aisée de certaines de ces mesures, telles que permettre un accès aux points d’eau, toilettes et douches dès que nécessaire, ou assurer une désinfection des locaux, pourra s’avérer en pratique difficile pour des raisons tenant à l’indisponibilité du personnel empêchant l’accompagnement des personnes gardées à vue ou encore l’occupation en continue des cellules ne permettant pas leur nettoyage.
Une autre mesure, plus radicale, est le transfert dans d’autres locaux de garde à vue, notamment en cas de locaux sous-dimensionnés par rapport au nombre de personnes gardées à vue. Si elle parait être très efficace, cette solution pourrait aussi s’avérer difficile à mettre en application : cela suppose en effet qu’existent d’autres locaux plus adaptés pour accueillir dans des conditions dignes la personne transférée, qu’ils soient situés à une distance raisonnable et qu’un équipage soit disponible pour assurer ce transfert, ce qui ne sera pas toujours le cas dans le délai contraint de la garde à vue.
Dans le cas où aucune de ces mesures ne seraient envisageables, le Conseil prévoit qu’il revient au magistrat d’ordonner la remise en libertéde la personne, ce qui constitue dès lors une obligationjudiciaire alternative(§ 21). Sans doute le Conseil s’est-il ici inspiré de l’une des issues du recours préventif créé par la loi du 8 avril 2021 et de la suggestion faite par le CGLPL qui indiquait in fine de ses recommandations relatives aux conditions matérielles de garde à vue du 21 septembre 2021 que « Nul ne doit rester enfermé dans un local et dans des conditions non conformes aux présentes recommandations. Le cas échéant, les autorités judiciaires doivent ordonner le transfert en un autre lieu de la personne gardée à vue ou la levée de la mesure ».
En tout état de cause, cette exigence de libération posée par le Conseil constitutionnel évoque le caractère absolu du principe de respect de la dignité de la personne humaine.
S’appuyant sur l’article 62-3 du Code de procédure pénale disposant que le magistrat compétent « assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue » et qu’ « il peut ordonner à tout moment que la personne gardée à vue soit présentée devant lui ou remise en liberté », le Conseil transforme par la réserve d’interprétation qu’il prend, une simple faculté pour le magistrat en une obligation s’imposant à lui.
Toutefois, en pratique, il parait difficilement envisageable qu’une personne soupçonnée d’avoir participé à une infraction ou plusieurs infractions, graves ou moins graves, placée en garde à vue pour les besoins de l’enquête, puisse être libérée sur le seul motif qu’aucune autre mesure n’est envisageable pour mettre fin à des conditions de retenue indignes. Cela conduirait à mettre en péril la recherche de preuves et d’autres participants à l’infraction, la prévention des atteintes à l’ordre public… d’autant qu’une telle remise en liberté ne pourrait être assortie d’aucune mesure de sûreté à défaut de prévision par la loi. Ceci pourrait conduire le procureur de la République à recourir à des « solutions alternatives » afin d’éviter une telle remise en liberté, par exemple en requérant l’ouverture d’une information[67], en envisageant une convocation par procès-verbal[68] ou une comparution différée[69], pour que, selon le cadre procédural retenu, un mesure de contrôle judiciaire, une assignation à résidence avec surveillance électronique ou une détention à domicile puisse être décidée.
Enfin, en l’absence de déclaration d’inconstitutionnalité, le législateur n’est pas contraint de prévoir un recours préventif spécifique à la garde à vue. Y aurait-il un intérêt à prévoir un recours en miroir de celui de l’article 803-8 du Code de procédure pénale. Peut-être. Nonobstant les difficultés techniques tenant dans les délais extrêmement brefs qu’il faudrait prévoir, tant pour l’exercer que pour rendre la décision judiciaire, la faculté reconnue à la personne gardée à vue de formuler des observations, présentée comme une garantie par le Conseil, ne peut être assimilée à la saisine d’un magistrat. De plus, ces observations présentées au magistrat compétent interviennent tardivement puisque ce droit, formulé au 3° de l’article 63-1, qui permet de solliciter la levée de la garde à vue, ne peut être exercé que lorsque le magistrat se prononce sur l’éventuelle prolongation de cette mesure. Il se peut même qu’il ne puisse jamais l’être si une libération est décidée avant le terme de la durée initiale de garde à vue. Il conviendrait que le législateur prévoit, à défaut de créer un recours préventif, la possibilité pour la personne en garde à vue de présenter, à tout moment au cours de cette mesure, des observations, directement ou par l’intermédiaire de son avocat, par écrit ou oralement, afin de dénoncer les traitements inhumains et dégradants qu’elle estime subir. De plus, il n’est pas certain que le magistrat qui contrôle la garde à vue soit le mieux à même pour prendre des mesures préventives[70]. Pour finir, le refus du magistrat de qualifier la situation d’indigne et, par suite, d’envisager l’une ou l’autre des options énoncées par le Conseil, ne peut être contestée.
Il reste pour la personne gardée à vue la possibilité d’exercer un recours compensatoire qui apparait dans la décision du 6 octobre comme une réponse par défaut.
B – L’exercice limité des recours subsidiaires classiques
Dans les § 14 et § 22 de sa décision, le Conseil évoque les recours subsidiaires pouvant être exercées par la personne ayant subi des conditions de garde à vue indignes : au recours indemnitaire (1) s’ajoutent les recours susceptibles d’être exercés en matière pénale (2), dont l’exercice paraît pour en tout ou partie limité.
1) Le recours compensatoire
La réparation des préjudices découlant de l’indignité des conditions matérielles de garde à vue est présentée par le Conseil tout à la fois comme une prérogative des autorités judiciaires[71] et la conséquence de l’engagement de la responsabilité de l’État sollicité par la personne soumise à une telle situation[72].
Les juges constitutionnels qualifient expressément ce recours compensatoire de subsidiaire qui ne semble pouvoir être actionné que s’il n’a pas été mis fin aux conditions matérielles indignes de garde à vue, soit par la prise immédiate d’une mesure adéquate, soit par une remise en liberté. Cette présentation peut étonner dans la mesure où l’interruption de l’atteinte à la dignité ne devrait pas empêcher d’obtenir la réparation des conditions indignes d’enfermement subis pour le temps écoulé entre le placement en garde à vue et la décision mettant fin l’indignité.
Concernant les juridictions compétentes pour statuer sur une demande d’indemnisation en ce domaine, il semble que ce soit celles de l’ordre judiciaire comme le suggère le Conseil. En effet, le recours tendant à la réparation de préjudices subis pendant la garde à vue doit être exercé devant les juridictions de l’ordre judiciaire comme l’a rappelé le Tribunal des conflits[73], s’agissant d’une opération de police judiciaire[74]. Si l’on peut comprendre une telle compétence en ce qui concerne une situation d’indignité qui serait le résultat de manquements des autorités de police judiciaire, elle paraît plus étonnante quand elle a des causes d’ordre structurel.
Ceci étant, ce recours en responsabilité de l’État est prévu à l’article L. 141-1 du Code de l’organisation judiciaire et il est fondé sur « le fonctionnement défectueux du service de la justice ». De plus, « sauf dispositions particulières, cette responsabilité n’est engagée que par une faute lourde ou par déni de justice ». La responsabilité de l’État a par exemple pu être recherchée pour non-respect du délai raisonnable pour rendre une décision[75] ou pour la faire exécuter[76]. S’agissant de préjudices découlant de l’exécution d’une garde à vue, il conviendra, pour que la responsabilité de l’État soit engagée, que le demandeur démontre que les conditions de garde à vue subies sont constitutives d’une faute lourde définie comme « toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi »[77]. En effet, si la loi prévoit un régime de responsabilité sans faute de l’État en matière d’erreurs judiciaires[78] et de détentions provisoires injustifiées[79], rien de tel n’est prévu en matière de préjudices survenus en garde à vue. La première chambre civile de la Cour de cassation a déjà été amenée à se prononcer sur la responsabilité de l’État à la suite du suicide d’une personne pendant sa garde à vue et l’a rejetée pour la raison qu’une faute lourde n’était pas caractérisée[80]. Un tel régime de responsabilité est bien moins favorable à la personne gardée à vue que ne l’est celui mis en œuvre devant le juge administratif pour la recherche de la responsabilité de l’Administration pénitentiaire pour conditions d’incarcération indignes : en effet, depuis une décision du Conseil d’État de 2013 l’exigence d’une faute simple a remplacé celle de la faute lourde en domaine ([81]).
En ce qui concerne l’administration de la preuve, la Cour de cassation devrait admettre au titre du commencement de preuve de l’indignité les allégations du demandeur suffisamment crédibles, actuelles et précises, à l’instar du Conseil d’État qui a procédé, par un arrêt du 21 mars 2022, à un assouplissement de la charge de la preuve pour la recherche de la responsabilité de l’État pour conditions de détention indignes[82]. Il n’est cependant pas certain que cela permette d’obtenir plus facilement une indemnisation comme la doctrine l’a démontré concernant la procédure administrative[83].
Le Conseil mentionne expressément la possibilité d’un engagement de la responsabilité de l’État en raison de conditions de garde à vue indignes mais il fait une référence plus discrète aux procédures relevant de la matière pénale.
2) Les recours en matière pénale
En indiquant qu’il appartient « aux autorités judiciaires compétentes, dans le cadre des pouvoirs qui leur sont reconnus par le code de procédure pénale et, le cas échéant, sur le fondement des infractions pénales prévues à cette fin, de prévenir et de réprimer les agissements portant atteinte à la dignité de la personne gardée à vue » (§ 14), le Conseil évoque la possibilité de recours en matière répressive mais cette voie semble également bien étroite.
Il est ainsi possible de penser à d’éventuelles poursuites, pénales et/ou disciplinaires, contre les personnels de la police et de la gendarmerie en raison de comportements constitutifs de traitements inhumains et dégradants pouvant être sanctionnés sous la qualification pénale de violences par exemple. Concernant l’indignité liée à l’état des locaux, la Cour de cassation a déjà jugé que les faits tenant dans des conditions de détention indignes en maison d’arrêt n’entraient pas dans les prévisions de l’article 225-14 du Code pénal qui incrimine les conditions indignes d’hébergement et ne pouvaient admettre aucune qualification pénale[84]. Il ne pourrait en être décidé autrement pour les conditions matérielles de garde à vue dans des locaux insalubres, sans aération, ni éclairage naturel…. Le second obstacle juridique tient dans le fait qu’en application de l’article 121-2 du Code pénal, l’État ne peut en aucun cas engager sa responsabilité pénale[85].
L’autre recours en matière pénale serait le recours en nullité de procédure : dans sa décision n° 2010-14/21 du 30 juillet 2010, le Conseil avait déjà utilisé la formule précitée et le commentaire officiel de cette décision citait, au nombre des moyens permettant de sanctionner les éventuels manquements à l’exigence de dignité que l’autorité judiciaire tenait du Code de procédure pénale, le régime des nullités. Pourtant, la Cour de cassation avait jugé quelques semaines plus tôt que le recours en nullité était voué à l’échec en ce domaine en considérant qu’« une éventuelle violation des dispositions de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 10 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l’article préliminaire du code de procédure pénale (pendant la garde à vue), si elle est susceptible d’engager la responsabilité de la puissance publique en raison du mauvais fonctionnement du service public, ne saurait constituer une cause de nullité de procédure »[86]. Peut-être que la décision du Conseil constitutionnel conduira la Cour de cassation à infléchir sa jurisprudence dès lors que la gravité de l’indignité subie a porté atteinte aux intérêts de la personne gardée à vue.
* * *
S’il n’est pas certain que les mesures judiciaires préventives imposées par le Conseil dans le cadre de sa réserve d’interprétation et les recours subsidiaires classiques qu’il rappelle soient d’une grande efficacité pour prévenir, sanctionner et/ou réparer les atteintes portées à la dignité de la personne gardée à vue, il est en revanche certain qu’ils ne règleront pas, s’ils sont mis en œuvre, un phénomène systémique dénoncé à maintes reprises qui concerne depuis malheureusement trop longtemps nombre de locaux de garde à vue en France. Comment espérer que l’implication des magistrats de l’ordre judiciaire dans la préservation de la dignité de la personne gardée à vue puisse pallier l’inertie de l’État plus prompt à construire de nouveaux établissements pénitentiaires qu’à rénover les cellules de garde à vue.
Il est à craindre que la garde à vue demeure encore à l’avenir « cette incongruité indigne de notre procédure pénale » que dénonçait déjà il y a presque quinze ans Maître Henri Leclerc[87].
Anne PONSEILLE
Maître de conférences HDR, Droit privé et sciences criminelles,
Faculté de droit de l’Université de Montpellier
CERCOP
[1] V. CE, réf., 22 novembre 2021, n° 456924.
[2] Rapport de visite du 13 au 16 mars 2023 du tribunal judiciaire de Beauvais et des locaux de garde à vue de son ressort, Recommandation n° 6.
[3] Cet avis, § 34.
[4] Rapport au Gouvernement de la République française relatif à la visite effectuée par le CPT du 4 au 18 décembre 2019, CPT/Inf (2021)14, 24 juin 2021.
[5] Ibid., § 31.
[6] V. Rapport du 19 juillet 2001 du CPT/Inf (2001)10 relatif à la visite du CPT en France du 14 au 26 mai 2000.
[7] JORF du 21 septembre 2021, texte n° 32 ; elles sont très similaires à celles formulées vingt ans plus tôt par le Comité des Ministres aux États membres sur le Code européen d’éthique de la police, Recommandation Rec (2001)10 du 19 septembre 2001, spécialement § 54 et s.
[8] JORF n°0089 du 15 avril 2011, texte n° 1.
[9] CE, 10ème – 9ème chambres réunies, 13 juillet 2023, n° 461605, Inédit au Recueil Lebon.
[10] Cons. const., 6 octobre 2023, n° 2023-1064 QPC, JORF n°0233 du 7 octobre 2023, texte n° 69.
[11] Ibid., § 7.
[12] Ibid., § 11.
[13] Cons. cons., 2 octobre 2020, QPC n° 2020-858/859, JORF n° 0241 du 3 octobre 2020, texte n° 106.
[14] Cons. cons., 16 avril 2021, QPC n° 2021-898, JORF n° 0091 du 17 avril 2021, texte n° 68.
[15] CEDH, 30 janvier 2020, req. n° 9671/15, J.M.B. et autres c/ France.
[16] Loi n° 2021-403 du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention, JORF n° 0084 du 9 avril 2021, texte n° 3.
[17] Cass. crim., 18 septembre 2019, n° 19-83950, publié au Bull. crim.
[18] Cass. crim., 8 juillet 2020, n° 20-81731, inédit.
[19] Mustapha Afroukh, Jean-Pierre Marguénaud, « Le redéploiement de la dignité », RDLF 2021 chron. n° 19.
[20] Le Monde, « Le gardé à vue dans des « conditions indignes » peut être remis en liberté, estime le Conseil constitutionnel », par Abdel MESTRE, https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/10/06/le-garde-a-vue-dans-des-conditions-indignes-peut-etre-remis-en-liberte-estime-le-conseil-constitutionnel_6192777_3224.html
[21] Cons. const., 30 juillet 2010, QPC n° 2010-14/22, JORF du 31 juillet 2010, p. 14198, texte n° 105, § 18 et 20.
[22] Ibid., § 20.
[23] Cons. const., 6 octobre 2023, n° 2023-1064 QPC, § 13.
[24] Ibid., § 16.
[25] Ibid., § 15.
[26] V. pour la reconnaissance de la valeur constitutionnelle de ce principe, Cons. const., 27 juillet 1994, DC n° 94-343/344, JORF du 29 juillet 1994, p. 11024.
[27] Celle des majeurs comme celles des mineurs : l’article L. 413-6 du Code de justice pénale des mineurs renvoie aux dispositions du Code de procédure pénale dont celles de l’article 63-5.
[28] Cette décision, § 14.
[29] Cons. const., 19 novembre 2009, DC n° 2009-593, JORF du 25 novembre 2009, p. 20222, texte n° 3 ; 25 avril 2014, QPC n° 2014-393, JORF du 27 avril 2014 p. 7362, texte n° 22.
[30] Cette décision, § 12.
[31] Cons. const., 22 septembre 2010, QPC n° 2010-32, JORF n° 0221 du 23 septembre 2010, texte n° 40.
[32] Article L. 3341-1 du Code de la santé publique.
[33] Cons. const., 8 juin 2012, QPC n° 2012-253, JORF n° 0133 du 9 juin 2012, p. 9796, texte n° 41.
[34] Cons. const., 9 janvier 1980, DC n° 79-109, JORF du 11 janvier 1980, p. 84 ; cette qualification a été rappelée plus récemment par la Cour de justice de l’Union européenne dans son arrêt du 14 mai 2020, n° C-924/ 19 et C-925/19.
[35] V. Notamment les dernières recommandations rendues le 19 mai 2023 concernant quatre centres de rétention administrative, JORF n° 0143 du 22 juin 2023, texte n° 146, § 1.
[36] V. Pour une récente condamnation de la France par le Cour européenne, CEDH, 4 mai 2023, A.C. et M.C. c/ France, n° 4289/21.
[37] « En toutes circonstances, la dignité de la personne doit être respectée et sa réinsertion recherchée ».
[38] Cons. const., 19 juin 2020, QPC n° 2020-844, JORF n° 0150 du 20 juin 2020, § 4 ; 4 juin 2021, QPC n° 2021-912/913/914 QPC, Revue Droit & Santé 2021, n° 104, p. 935-939, note A. Ponseille ; 31 mars 2023, QPC n° 2023-1040/1041, JORF n° 0078 du 1er avril 2023, texte n° 80 ; le CGLPL a recommandé une diminution du recours à de telles pratiques en raison de leur caractère privatif de liberté : V. CGLPL, Rapport d’activité 2015, Dalloz 2016 et « Isolement et contention dans mes établissement de santé mentale », Dalloz 2016, p. 103.
[39] Req. n° 2871/11.
[40] Ibid., § 39 et 43.
[41] Ibid., § 43 : en l’espèce, les personnes avaient été placées dans des cellules de garde à vue sous-dimensionnées, pendant une durée de quarante-huit heures, sans éclairage adéquat, avec une aération quasi inexistante.
[42] N° 389711.
[43] Cons. const., 8 juin 2012, n° 2012-253 QPC, précitée.
[44] Cette décision, § 14.
[45] Ibid, § 19.
[46] Ibid, § 20.
[47] Ibid, § 21.
[48] Cass. crim., 8 juillet 2020, précité, § 22.
[49] § 13.
[50] Article 803-8 I du Code de procédure pénale.
[51] Cass. crim., 8 juillet 2020, précitée ; Cass. crim., 20 octobre 2021, n° 21-84498, § 17.
[52] Sauf dans l’hypothèse où la personne gardée à vue est un mineur ou que sa famille en fait la demande.
[53] Il se « prononce sur l’aptitude du maintien en garde à vue ».
[54] L’article R.15-33-78 1° g) du Code de procédure pénale prévoit que doit figurer dans le registre (dématérialisé) de la garde à vue seulement l’avis du médecin sur la compatibilité ou l’incompatibilité de l’état de santé de la personne avec la mesure privative de liberté.
[55] « Intervention du médecin auprès des personnes en garde à vue » issu d’une conférence de consensus des 2 et 3 décembre 2004, https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/Garde_vue_long.pdf
[56] Ibid. p. 20.
[57] Les consultations étaient souvent très sommaires, peu respectueuses des règles de la déontologie médicale : Rapport CPT de 2020, précité, § 25.
[58] Dans le cadre de la saisine du Conseil, les requérants estiment que cette disposition méconnaitrait les droits de la défense
[59] Le Conseil avait précédemment été interrogé sur la constitutionnalité des dispositions de cet article et il avait répondu que celles-ci, « qui se bornent à imposer à l’officier de police judiciaire de dresser procès-verbal des conditions de déroulement de la garde à vue, ne méconnaissent aucun droit ou liberté que la Constitution garantit » (Cons. const., 6 août 2010 QPC n° 2010-30/34/35/47/48/49/50).
[60] Article R. 15-33-78 3°k) du Code de procédure pénale.
[61] « La persistance de l’indignité des conditions d’accueil dans les locaux de garde à vue », entretien avec Anne Ponseille et Mustapha Afroukh, Recueil Dalloz, 21 octobre 2021, p. 1912.
[62] CE, réf., 22 novembre 2021, n° 456924.
[63] le Tribunal administratif de Nice a enjoint au ministre de l’intérieur et des outre-mer, sous astreinte, de faire procéder à des travaux de réfection des cellules de garde à vue de la caserne Auvare de nature à améliorer les conditions matérielles d’installation des personnes gardées à vue dans l’attente du déménagement du service des gardes à vue, de prendre toutes les dispositions de nature à assurer le nettoyage quotidien des cellules de gardes à vue et de leurs sanitaires et à assurer le contrôle de ce nettoyage, de faire procéder à une système d’alarme dans chacune des cellules, de garantir la mise à disposition d’un matelas dans un état satisfaisant, d’une couverture à usage unique, d’un kit d’hygiène et d’une quantité adaptée d’eau potable dans des récipients appropriés aux exigences de sécurité : TA Nice ord. réf., 18 avril 2023, n° 2301388.
[64] le Tribunal de Nîmes a enjoint au ministre de l’intérieur et des outre-mer d’engager les travaux de réfection des locaux de garde à vue du commissariat central de Nîmes dans un délai plus court que celui qui était prévu et de faire procéder, ainsi que de faire procéder, à bref délai, à un nettoyage renforcé et effectif des cellules de garde à vue du même commissariat : TA Nîmes, ord. réf., 28 juillet 2023, n° 2302447.
[65] Le juge administratif a considéré que l’absence de nettoyage quotidien des cellules participait à l’indignité des conditions de garde à vue (TA Nice, ord. réf., 18 avril 2023, précitée) ; en revanche, le fait qu’aucun oreiller ne soit mis à disposition des gardés à vue ou qu’il soit recouru à un couchage au sol dans une cellule collective n’était pas constitutif d’une atteinte à la dignité de la personne gardée à vue (TA Nîmes, ord. réf., 28 juillet 2023, précitée).
[66] La décision du 6 octobre 2023, § 20.
[67] Article 80 du Code de procédure pénale.
[68] Article 394 du Code de procédure pénale.
[69] Article 397-1-1 du Code de procédure pénale.
[70] Il y a presque dix ans la CNCDH avait suggéré la création d’un recours devant un magistrat du siège, pour apprécier, non pas la dignité de l’exécution de la garde à vue, mais la légalité et l’opportunité de cette mesure de contrainte : Avis sur le projet de loi relatif à la garde à vue; 6 janvier 2011, § 21.
[71] La décision du 6 octobre 2023, § 14 : « Il appartient, en outre, aux autorités judiciaires compétentes, dans le cadre des pouvoirs qui leur sont reconnus (…) d’ordonner la réparation des préjudices subis ».
[72] Ibid., § 22.
[73] Tr. confl., 22 mars 2004, n° C3390.
[74] Tr. confl., 9 mars 2015, n° C3990 ; 11 avril 2022, n° C4243.
[75] Par exemple, Civ. 1ère, 22 mars 2005, n° 03-10355, Bull. civ. I, n° 149.
[76] Par exemple, Civ. 1ère, 17 mai 2017, n° 16-14637.
[77] Ass. plén., 23 février 2001, n° 99-16165, AJDA 2001, p. 788, note S. Petit.
[78] Loi n° 2000-1354 du 30 décembre 2000 tendant à faciliter l’indemnisation des condamnés reconnus innocents, JORF n° 303 du 31 décembre 2000, texte n° 3.
[79] Loi n° 70-643 du 17 juillet 1970 tendant à renforcer la garantie des droits individuels des citoyens, JORF du 19 juillet 1970.
[80] Civ. 1ère, 9 mars 2011, n° 10-14.697 ; plus récemment, Civ. 1ère, 18 janvier 2023, n° 21-20029, Dalloz Actualité, 16 février 2023, note Anaïs Hacène-Kebir.
[81] CE, sect., 6 décembre 2013, n° 363290, AJ Pénal 2014, p. 143, obs. É Péchillon ; V. également Julia Schmitz, « Responsabilité de l’État en raison de conditions de détention », AJDA 2017, p. 637 et s.
[82] N° 443986.
[83] Anne Jannequin, « Prouver l’indignité des conditions d’indignité dans le contentieux de la responsabilité : une gageure ? », RDLF 2022, chron. n° 24.
[84] Cass. crim., 20 janvier 2009, n° 08-82.807, Bull. crim. n° 18.
[85] Alinéa 1er : « Les personnes morales, à l’exclusion de l’Etat, sont responsables pénalement, selon les distinctions des articles 121-4 à 121-7, des infractions commises, pour leur compte, par leurs organes ou représentants ».
[86] Cass. crim. 22 juin 2010, n° 09-86658, inédit.
[87] Henri Leclerc, « La garde à vue », Après-demain 2010/3, p. 28 et s.