Observations sur une nouvelle prérogative parlementaire : les écritures autorisées par l’article 11 du règlement procédural DC

Merwane BENRAHOU.

Presque deux années séparent cette publication et le 1er juillet 2022, date d’entrée en vigueur du règlement de procédure adopté en mars 2022 par le Conseil constitutionnel dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois a priori. Au sein du discours institutionnel, l’adoption de ce texte a pu être justifiée par le souci de prolonger l’évolution de l’institution de la rue de Montpensier en visant un « objectif de juridictionnalisation »[1]. En revanche, dans ses modalités, ce texte a révélé son caractère peu impératif après la recevabilité d’une saisine blanche[2], malgré la lettre de son article 2 qui semblait imposer la motivation de ces pièces[3]. Si cette actualité mettait en lumière l’incertaine portée d’un document procédural que le Conseil adopte pour lui-même, elle rappelait surtout la primauté de la norme constitutionnelle qui n’impose aucunement la motivation des saisines. Finalement, ce double aspect traduisait la portée symbolique d’un règlement qui se contentait essentiellement de retranscrire des pratiques établies. Ainsi en était-il du recours à des auditions parlementaires (art. 10) déjà admises dans la pratique[4], ou encore de l’officialisation du rôle dévolu aux services du Premier ministre et de la réunion d’instruction organisée avec ces derniers (art. 9).

Pourtant, plus discret, mais plus innovant, l’article 11 de ce document procédural a quant à lui ouvert de nouvelles possibilités dans la procédure DC. D’après ses termes, « [s]ur la demande de députés ou sénateurs autres que les auteurs de la saisine, le rapporteur peut recueillir de leur part des observations écrites », étant entendu qu’en vertu du second alinéa de cet article, de telles observations répondent au même régime de notification que les actes et pièces de procédure. Elles sont donc soumises au principe de contradiction auprès des différentes autorités de saisine. Ce sont ces nouvelles observations qui intéressent le présent écrit. Symptomatiques des oscillations du Conseil, elles sont une arme politique mise au service d’une instance juridictionnelle. La durée qui sépare l’entrée en vigueur du règlement et ce mois de juin 2024 permet de revenir sur ce dispositif qui intronise une nouvelle prérogative parlementaire (I) aux usages divers (II).

I. L’émergence d’une nouvelle prérogative parlementaire

Tout en permettant un élargissement des accès au procès constitutionnel et en s’inscrivant au sein d’un règlement de procédure qui se veut poursuivre une démarche de juridictionnalisation de l’institution (A), ce nouveau mécanisme favorise une politisation du contrôle. En effet, il revalorise le rôle des parlementaires, rappelant ainsi que c’est l’élaboration parlementaire de la norme législative que la procédure DC parachève (B).

A. Un élargissement des accès à la procédure juridictionnelle

Inclus dans un texte que le Conseil constitutionnel rattache à sa quête de juridictionnalisation, l’article 11 du règlement de procédure a permis la création d’une ouverture spécifiquement dédiée aux parlementaires. Si celle-ci permet d’élargir la procédure juridictionnelle qui se déroule devant le Conseil, elle le fait au moyen d’un mécanisme qui se différencie de ceux préexistants. Ce dispositif, qui ne constitue pas une saisine, n’est pas non plus une contribution extérieure[5].

Plus « étroite » qu’une « porte », cette voie est un lucarnon puisqu’elle n’est pas accessible à tous les tiers, mais seulement à ceux qui disposent d’un mandat parlementaire. En revanche, le passage désormais ouvert, moins aléatoire et escarpé que celui qu’offre une porte étroite, garantit à ceux qui l’emprunteront que guidés par le rapporteur, ils accèderont à l’aile Montpensier du Palais-Royal sans se perdre dans les coulisses de l’institution. Tels sont en effet les deux caractéristiques qui différencient les traditionnelles contributions extérieures de ces productions écrites modernes : ces dernières disposent d’une ouverture, qui tout en étant plus resserrée, assure à ceux qui l’utilisent que leurs écritures bénéficieront du même cadre procédural que les actes et pièces de procédure[6].

Par son existence, ce procédé met en outre fin à une incohérence qui existait auparavant. En effet, historiquement, le refus jurisprudentiel d’admettre un mémoire complémentaire d’un député auteur d’une saisine[7] ou d’un sénateur non-signataire d’un tel mémoire[8] pouvait étonner en ce qu’il sous-entendait qu’un parlementaire ne pouvait être à l’origine d’une contribution extérieure[9]. Depuis cette date, une évolution était néanmoins intervenue puisque le Conseil a pu donner le caractère de « contributions extérieures » à des écritures émanant de parlementaires dès lors qu’ils choisissaient de les nommer ainsi, quand bien même ces derniers étaient, comme dans le cas visé, plus de 60 signataires[10]. Dorénavant, le choix est laissé aux acteurs parlementaires : ils peuvent, en toute hypothèse, comme tout un chacun, proposer une contribution extérieure, mais également grâce à leur qualité, contacter le membre rapporteur du Conseil constitutionnel afin de proposer des observations relevant de l’article 11. Cependant, il est à noter que le règlement de procédure précise bien que la mise en œuvre de cet article n’est pas imposée au rapporteur ; elle lui est seulement proposée, celui-ci gardant en la matière un périmètre de liberté dans sa conduite de l’instruction. De ce point de vue, la séparation entre les contributions extérieures et les observations de l’article 11 paraît moins nette : la rencontre entre ces différentes écritures et le Conseil dépend dans les deux cas d’un choix discrétionnaire de l’institution. Une différence notable perdure toutefois. Elle concerne le régime de notification qui accompagne ces productions instituées en 2022. Contrairement aux « portes étroites », les documents répondant aux critères de l’article 11 doivent en principe être obligatoirement notifiés et soumis à la contradiction dès lors qu’ils ont été recueillis par le rapporteur, ce qui autorise un potentiel approfondissement du débat contradictoire tranché par le Conseil constitutionnel.

Malgré tout, le cadre fixé par le pouvoir constituant se maintient : seuls « le Président de la République, le Premier ministre, le Président de l’Assemblée nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou soixante sénateurs » peuvent être à l’origine d’une saisine déclenchant le contrôle d’une loi ordinaire[11]. D’ailleurs, compte tenu de ce texte constitutionnel, et dans une moindre mesure de la rédaction de l’article 11 du règlement de procédure qui oppose la qualité des auteurs des observations à celles des saisissants, il peut être déduit que de tels documents seraient irrecevables en l’absence de saisine. Il reste que ce dispositif permet assurément un élargissement profitable aux élus parlementaires.

B. Une revalorisation des acteurs politiques de l’instance parlementaire

Indirectement, l’article 11 procède à un rappel élémentaire de droit constitutionnel : il met en lumière la distinction entre les organes et les fonctions dans l’étude de la séparation des pouvoirs. La fonction législative n’est pas l’exclusivité du Parlement. En France, sous la Vème République, elle se prolonge auprès du Conseil constitutionnel qui peut notamment agir négativement sur la législation[12]. Dans cette optique, ce sont les parlementaires qui bénéficient de prérogatives propres devant cet autre organe participant de la fonction législative. Un nouvel « instrument »[13] est alors à leur disposition. Au-delà d’une possible saisine, acquise depuis 1974 et conditionnée à l’existence d’un agrégat de 60 sénateurs ou députés, chaque parlementaire peut dorénavant présenter des observations, en son nom ou en commun avec autant d’autres élus qui le souhaitent.

Cet article 11 s’inscrit ainsi dans une perspective parlementaire en offrant une nouvelle voie d’expression aux membres des assemblées afin qu’ils puissent prendre part à un débat juridique, y compris dans l’hypothèse où leur nombre est insuffisant pour former une saisine. Ce faisant, en plus du droit d’amendement dont disposent tous les élus des assemblées au stade de l’élaboration de la loi[14], c’est désormais un droit de participation au contrôle qui s’ajoute aux outils dont bénéficient l’ensemble des acteurs parlementaires.

Toutefois, comme le droit d’amendement, la nouvelle prérogative du règlement de procédure reste limitée. Pour les raisons précédemment expliquées, le sort de cette faculté reste à la discrétion du rapporteur : rien n’impose au Conseil de prendre en considération les écritures d’un parlementaire rédigées en vertu de l’article 11. Du reste, même lorsque le membre rapporteur se décide à collecter ces observations, un écart demeure entre la soumission formelle au principe de contradiction de ces pièces et leur incidence réelle sur le processus décisionnel, ce qui se rapporte à la symbolique qui charge les procédures de confection de la norme législative. Plus encore qu’au Parlement qui offre une égalité théorique aux élus[15], même si celle-ci ne se traduit pas véritablement dans la pratique des institutions, les acteurs parlementaires en tant qu’individus sont affaiblis face au procès constitutionnel. Le nombre fait la force et seul celui fixé par le constituant en 1974 garantit une prise en compte aux acteurs parlementaires plus à même d’influencer les décisions du Conseil. Le poids de cette nouvelle pratique pourra être progressivement analysé. Sans doute l’opposition, lorsqu’elle est isolée car insuffisamment nombreuse, parviendra difficilement à peser substantiellement sur la décision du Conseil constitutionnel, comme c’est le cas dans le débat parlementaire. De manière plus générale, au sein des assemblées, « la parole parlementaire» a déjà montré sa tendance à relever « plus du rituel que de l’échange argumenté »[16]. Aussi, en parallèle d’une revalorisation du Parlement par le constituant en 2008 qui a pu apparaître, au moins en partie, symbolique et insuffisante[17], celle entreprise dans le règlement de procédure prolonge cette logique.

En pratique, depuis l’entrée en vigueur du règlement procédural le 1er juillet 2022, parmi les 25 décisions DC rendues relatives à des lois ordinaires, les dernières en date étant celles du 17 mai 2024 (n° 2024-866 DC ; n° 2024-868 DC), huit contiennent au total onze observations parlementaires qui relèvent de l’article 11 du règlement procédural, et traduisent une pluralité d’usages pour les parlementaires.

II. Les usages d’une nouvelle prérogative parlementaire

L’étude des différentes occurrences des observations parlementaires autorisées depuis l’entrée en vigueur de l’article 11 du règlement procédural dépend méthodologiquement de leur publicité. À partir de ce postulat, l’examen révèle schématiquement deux usages qui sont l’un comme l’autre conformes à l’exercice du débat parlementaire, puisqu’ils favorisent aussi bien l’opposition à la loi (A) que sa défense (B).

A. Élargir le champ des requêtes parlementaires : s’opposer à la loi sans répondre aux critères de la saisine parlementaire

Le premier usage des observations parlementaires introduites en 2022, le plus attendu sans doute, consiste à permettre aux parlementaires de s’opposer à une loi en contournant la limite fixée par le constituant de 1974. En ce sens, six observations dans cinq décisions ont pu être recensées. Sans recueillir les 60 signatures, certains parlementaires peuvent donc participer à la contestation d’une loi déférée devant le Conseil.

Il est toutefois permis d’interroger l’apport de ces écritures au contrôle de constitutionnalité. Celles-ci peuvent aussi viser d’autres finalités, l’accès juridictionnel pouvant devenir un canal de communication politique qui ferait écho à des querelles internes aux assemblées. À ce titre, empiriquement, cinq observations contenues dans quatre décisions sont concernées. Il s’agit de viser des groupes parlementaires qui ont adressé des observations en contestation d’une loi : 30, puis 31 députés socialistes (n° 2023-846 DC ; n° 2023-855 DC ; n° 2024-866 DC) ainsi que 22 députés du groupe écologiste (n° 2023-855 DC). De plus, un usage singulier peut être relevé : il a consisté, pour les 31 députés du groupe socialiste, à formuler des observations ne visant pas à contester véritablement la constitutionnalité d’une loi. Il s’agissait plutôt de demander au Conseil de formuler un obiter dictum qui « permettrait de renforcer la prévisibilité de [sa] jurisprudence », tout en admettant que cette question ne soit « pas directement utile à la décision» que le Conseil avait à rendre (n° 2023-857 DC). Il reste que cette demande avait pour objectif d’encadrer l’utilisation de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution par la Première ministre, ce qui peut correspondre à une démarche d’opposition parlementaire. Ces exemples traduisent tant des usages stratégiques des écritures parlementaires adressées au Conseil constitutionnel, que des luttes politiques internes aux chambres parlementaires. Les deux groupes de députés précités n’ont en effet pas la possibilité de produire des saisines en leur nom propre, mais doivent s’en remettre à l’alliance « Nupes ». Les contributions de l’article 11 leur offrent ainsi une autonomie relative dans la contestation des lois.

En marge des cas précités, un autre usage semble aussi être apparu. Il s’agissait moins de se démarquer en tant que groupe politique insuffisamment nombreux que de revendiquer une position particulière au soutien d’un groupe de saisissants. La sénatrice Catherine Déroche, en sa qualité de présidente de la commission des affaires sociales, a pu initier cette pratique en appuyant une saisine formée par les sénateurs du groupe « Les Républicains » (n° 2023-845 DC).

Au-delà de ce premier mécanisme qui consiste à élargir le champ des requêtes, prolongeant ainsi une utilisation du droit d’amendement par les parlementaires à des fins d’opposition, les dispositions de l’article 11 permettent également aux acteurs de l’instance parlementaire de défendre ce qu’ils ont souhaité inscrire dans un texte législatif.

B. Atténuer les paradoxes du contrôle DC : défendre la loi tout en étant parlementaire

L’emploi du terme « paradoxe »[18] est justifié par le fait que la pratique, au moins depuis les années 1970, a fait du Premier ministre et de ses services les défenseurs attitrés de la loi alors même que ceux-ci peuvent, par hypothèse, être en désaccord avec un texte adopté par l’organe parlementaire. La configuration consistant à faire d’un organe gouvernemental le défenseur d’un texte issu d’une proposition de loi, potentiellement de l’opposition, ou d’une partie de cette norme résultant d’un amendement parlementaire, peut étonner. La réalité est que la procédure DC s’est conformée à la pratique de la Vème République. Le fait majoritaire[19] est généralement acquis et les lois sont principalement issues de projets gouvernementaux[20].

Le plus souvent, le paradoxe ne serait ainsi qu’apparent. Néanmoins, par exception, lorsque celui-ci se montre, la pratique des observations parlementaires de l’article 11 peut l’atténuer. À cet égard, la procédure mise en œuvre dans le cadre de l’examen de la loi dite « immigration » est particulièrement éclairante. Comme le rappelait la présidente de l’Assemblée nationale, Madame Yaël Braun-Pivet, dans sa saisine, plusieurs mesures ajoutées par le Sénat étaient absentes du projet initial. Ces modifications, qui ne font que traduire la réalité institutionnelle du moment, celle d’un Gouvernement sans majorité absolue, ravivent les paradoxes évoqués. C’est alors assez logiquement que le public trouvera deux observations parlementaires accompagnant la décision n° 2023-863 DC signées par les députés du groupe Les Républicains pour la première et par Mesdames et Messieurs François-Noël Buffet, Muriel Jourda et Philippe Bonnecarrère, respectivement président de la commission des lois du Sénat et rapporteurs du texte au Sénat, pour la seconde. Ainsi, par l’intermédiaire des observations de l’article 11, la procédure DC tempère ses particularités et trouve des défenseurs de la loi au sein de l’instance parlementaire qui ont bel et bien intérêt à ce que celle-ci soit déclarée conforme à la Constitution.

Plus largement, trois autres observations contenues dans trois décisions illustrent également l’hypothèse dans laquelle des parlementaires produisent des observations en défense d’une loi. Le cas le plus récent est celui dans lequel Catherine Morin-Desailly et Loic Hervé respectivement présidente et rapporteur de la Commission spéciale sur le projet de loi visant à sécuriser et réguler l‘espace numérique ont produit des observations en défense d’une disposition contestée par les saisines parlementaires (n° 2023-866 DC). Avant ces derniers exemples, l’examen des autres décisions DC préalables portant sur des lois ordinaires révèle l’existence de deux autres illustrations. La première permettait à Catherine Déroche, présidente de commission, de défendre la loi relative à la réforme des retraites (n° 2023-849 DC) ; la seconde offrait la possibilité au sénateur Vincent Capo-Canellas de présenter des observations en défense en son seul nom (n° 2023-859 DC).

Par le passé, des acteurs parlementaires avaient déjà pu défendre une loi. Tel était par exemple le cas des rapporteurs Alain Lambert et Didier Migaud en 2001 à propos de la LOLF [21], obligeant alors le Secrétariat général du Gouvernement, défenseur habituel de la loi, à « adopter, en la circonstance, un profil bas »[22]. La différence notable tient toutefois aux modalités de cette défense. Elle est à présent officiellement admise par l’intermédiaire d’un règlement et peut ainsi être utilisée par tous les parlementaires, sous réserve du bon vouloir du rapporteur. Effectivement, pour rappel, le règlement de procédure précise bien que la mise en œuvre de l’article 11 est dépendante des choix du rapporteur. Cette précision qui rapproche ces documents des contributions extérieures ne résiste pas au fait que les nouvelles observations, dès lors qu’elles sont acceptées par le rapporteur, peuvent participer du débat contradictoire comme l’illustre la réponse des sénateurs aux observations de Catherine Déroche[23]. Une dernière réserve persiste tout de même : elle porte sur le caractère obligatoire des dispositions d’un règlement dont la nature est incertaine[24],même si la pratique établie des observations de parlementaire depuis 2022 plaide au soutien de cet article 11.

Au demeurant, une autre mutation pourrait elle aussi intervenir aussi bien en défense qu’en contestation des lois. Puisque l’attrait des contributions extérieures peut être estompé par la confirmation officialisée par un règlement du fait qu’elles ne constituent pas des pièces de procédure, et que celui des observations parlementaires est inversement renforcé, il se pourrait que la pratique des portes étroites connaisse une transformation. Elle consisterait pour les auteurs de ces contributions à obtenir l’accord d’un parlementaire afin que ce dernier signe en son nom une contribution qui sera, pour sa part et contrairement aux contributions extérieures, implicitement assimilée aux « actes et pièces de procédure » et versée et au débat contradictoire.

Cette conjecture, qui est d’ailleurs peut-être déjà une réalité, ne peut être vérifiée du fait des différents obstacles méthodologiques qui ne permettent pas d’accéder pleinement aux pratiques internes et aux relations entretenues par les différents parlementaires avec le monde extérieur. En définitive, la pratique officielle des observations parlementaires de l’article 11 du règlement interne suffit à alimenter cet écrit. Telles qu’elles sont maniées, les observations autorisées par ce texte procédural renforcent, au moins symboliquement, la dimension parlementaire de la procédure DC, œuvrant ainsi en faveur d’un élargissement de l’échange contradictoire mis en place dans le cadre de ce singulier procès.

Merwane BENRAHOU,

Doctorant en droit public,

Université Paris I Panthéon Sorbonne, ISJPS.


[1] Communiqué de presse associé à la décision n° 2022-152 ORGA du 11 mars 2022

[2] La Première ministre avait pu être à l’origine d’une saisine blanche lors de la décision portant sur la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023, ou loi relative à la réforme des retraites (décision n° 2023-849 DC), tout comme, plus récemment, le Président de la République dans le cadre du contrôle de la loi dite « immigration » (décision n° 2023-863 DC).

[3] CC, n° 2022-152 ORGA, 11 mars 2022, art. 2 « Sauf dans les cas où le Conseil constitutionnel est saisi en application du premier alinéa de l’article 61 de la Constitution, la saisine mentionne les dispositions législatives ou les clauses de l’engagement international sur lesquelles il est invité à se prononcer, ainsi que les exigences constitutionnelles qu’elles sont susceptibles de méconnaître ».

[4] À titre d’illustration : V. Massieu, « L’audition par le Conseil constitutionnel de parlementaires saisissants », in S. De cacqueray et al., « Jurisprudence du Conseil constitutionnel (1er janvier – 31 mars 2004) », RFDC, 2004, n° 58, p. 364.

[5] Les contributions extérieures, aussi appelées « portes étroites », sont les documents qui peuvent être adressés au Conseil constitutionnel par toutes personnes : v. G. Vedel, « L’accès des citoyens au juge constitutionnel, La porte étroite », La vie judiciaire, 11-17 mars 1991, pp. 12-14.

[6] Et ce, à la différence d’une contribution extérieure qui, d’après le règlement procédural, «n’a pas le caractère d’une pièce de procédure », la rendant « sans effet sur la saisine du Conseil constitutionnel, qui n’est pas tenu d’y répondre » (art. 13). Cette information n’est pas une nouveauté, mais une confirmation. Les communiqués de presse publiés par le Conseil constitutionnel le 23 février 2017 et le 24 mai 2019 relatifs à la publicité des contributions extérieures indiquaient par exemple que ces documents n’avaient pas le caractère de pièces de procédure. En revanche, le fait que les contributions extérieures ne soient pas des pièces de procédure ne signifie pas qu’elles ne peuvent pas parvenir jusqu’aux membres du Conseil. Seulement, cette possibilité dépend de plusieurs facteurs occultes tels que la qualité des auteurs des contributions et les choix discrétionnaires des membres, notamment du rapporteur.

[7] CC, n° 99-419 DC, 9 novembre 1999, Loi relative au pacte civil de solidarité.

[8] CC, n° 2008-571 DC, 11 décembre 2008, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

[9] Le Professeur Thomas Perroud s’étonnait de cette situation à propos de la jurisprudence précitée de 1999 et le mémoire complémentaire de M. Claude Goasguen, signataire de la saisine initiale (T. Perroud, « Pour la publication des portes étroites devant le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État », D., 2015, n° 42, pp. 2511-2512).

[10] CC, n° 2019-787 DC, 25 juillet 2019, Loi pour une école de la confiance (v. l’onglet « contributions extérieures » au sein duquel figure une contribution émanant de députés « des groupes de la Gauche démocrate et républicaine, la France insoumise et Socialistes et apparentés » et les tables analytiques de l’année 2019 expliquant cette situation).

[11] Constitution du 4 octobre 1958, art. 61, al. 2.

[12] H. Kelsen, « La garantie juridictionnelle de la Constitution », RDP, 1928, p. 226. L’auteur distingue l’activité du législateur de celle du législateur négatif qui est attribuée à la juridiction constitutionnelle.

[13] L’expression est employée par Hans Kelsen et traduit la « menace du recours au tribunal constitutionnel » pour la minorité : Ibid., p. 253.

[14] Constitution du 4 octobre 1958, art. 44, al. 1er.

[15] En droit, l’égalité, se traduit notamment depuis 1958 par le droit d’amendement. C’est bien l’intégralité des « membres du Parlement » qui en dispose, sans restriction numérique ou exigence d’une appartenance à un groupe (Constitution du 4 octobre 1958, art. 44, al. 1er). Surtout, la recherche de davantage d’égalité entre l’opposition et la majorité par la revalorisation de la première était très présente dans les travaux de la révision constitutionnelle de 2008, v. E. Balladur (dir.), Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République. Une Ve République plus démocratique, La Documentation française, 2007, pp. 65-67 ; Assemblée nationale, Rapport n° 892 sur le projet de loi constitutionnelle n° 820 de modernisation des institutions de la Ve République, par M. J.-L. Warsmann, 2008, not. pp. 105-108. D’ailleurs, c’est également par le prisme d’une dérogation à ce principe d’égalité concrétisée par un mécanisme de « discrimination positive » que peut être analysé le statut de l’opposition institué en 2008 : P. Avril, « Le statut de l’opposition : un feuilleton inachevé ? (Les articles 4 et 51-1 de la Constitution) », LPA, 2008, n° 254, p. 9.

[16] M.-C. Ponthoreau, « L’opposition comme garantie constitutionnelle », RDP, 2002, n° 4, p. 1139.

[17] V. not. A. Vidal-Naquet, « Le renouveau de l’opposition », Pouvoirs, 2013, n° 146, pp. 134, 136-141.

[18] À propos de ce terme, v. D. Connil, « La défense de la loi déférée au Conseil constitutionnel – analyse d’un paradoxe », RFDC, 2013, n° 96, pp. 813-833.

[19] Le fait majoritaire renvoie à la concordance institutionnelle entre le pouvoir législatif et le gouvernement, phénomène accentué lorsqu’il concerne également le Président de la République. Il s’agit de viser la « relation symbiotique qui unit le gouvernement à sa majorité parlementaire » : J. Benetti, « L’impact du fait majoritaire sur la nature du régime (réflexions sur le régime parlementaire de la Ve République) », LPA, 2008, n° 138, p. 21.

[20] V. not. P. Avril, J. Gicquel, J.-É. Gicquel, Droit parlementaire, LGDJ, 7e éd., 2023, pp. 254-256.

[21] CC, n° 2001-448 DC, 25 juillet 2001, Loi organique relative aux lois de finance.

[22] P. Avril, J. Gicquel, « Chronique constitutionnelle française (1er juillet – 30 septembre 2001) », Pouvoirs, 2001, n° 100, p. 195.

[23] CC, n° 2023-849 DC, 14 avril 2023, Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

[24] À ce propos, il peut être fait référence à une précédente contribution visant notamment à interroger la portée du règlement de procédure compte tenu de la recevabilité d’une saisine non motivée : M. Benrahou, « Une saisine blanche n’est définitivement pas irrecevable », JP blog, 9 juin 2023.