Pour une stabilité à la tête de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Philippe BLACHER.

Jean Maïa, conseiller d’État, a été nommé président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) par décret du Président de la République en date du 26 mars 2025. Ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel, il accède ainsi à la tête de l’institution centrale du dispositif déontologique mise en place par les lois du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique. Cette nomination s’inscrit toutefois dans un cadre singulier : en application des textes, le remplacement de Didier Migaud, qui avait quitté ses fonctions pour rentrer au sein du Gouvernement de Michel Barnier, ne vaut que pour la durée restant à courir du mandat initialement fixé à six ans.

La présidence qu’exerce aujourd’hui Jean Maïa est donc à durée limitée. Son mandat s’achève le 30 janvier prochain. L’intéressé en a d’ailleurs lui-même parfaitement conscience, comme il l’a indiqué lors de son audition devant la commission des lois de l’Assemblée nationale : « Je me présente à vous pour exercer la fin du mandat qu’avait entamé M. Migaud à la tête de la HATVP. À l’issue de cette période, il appartiendra au Président de la République de concevoir un nouveau projet de nomination, qui appellera votre consultation. Pour l’heure, je nourris l’espoir de pouvoir être utile à la présidence de la HATVP ».

Cette situation transitoire n’en soulève pas moins un problème institutionnel de fond : peut-on durablement confier la direction d’une autorité chargée de la transparence et de la probité publiques à un président dont le mandat est, dès l’origine, placé sous le signe de la brièveté ?

On ne peut que déplorer que Jean Maïa n’ait pas été nommé pour un mandat fixe de six ans. La situation actuelle, qui le conduit à n’exercer ses fonctions que pour la durée résiduelle du mandat de son prédécesseur, est juridiquement possible, mais contestable sur le plan des principes. Les autorités chargées de la déontologie et de la transparence ont besoin de stabilité si l’on entend prendre au sérieux la mission qui leur est confiée. Elles ne sont pas de simples organes techniques ; elles participent pleinement de l’État de droit. Or, l’indépendance d’une autorité administrative indépendante ne se résume pas à l’absence d’instructions hiérarchiques : elle repose aussi sur la durée du mandat de son dirigeant, sur sa capacité de mettre en place une stratégie pour les différentes missions de la HATVP (dernièrement, la loi du 25 juillet 2024 lui confie le répertoire de l’influence étrangère). Un président nommé pour une période courte, sans certitude d’être renommé, se trouve placé dans une situation de fragilité peu compatible avec l’exigence d’autorité.

La transparence de la vie publique s’inscrit dans le temps long. Elle suppose l’élaboration progressive d’une doctrine de contrôle, la construction de relations de confiance avec les responsables publics comme avec les juridictions et les administrations nationales et locales. Cette continuité ne peut être assurée que par une direction pleinement investie.  À cet égard, la brièveté du mandat fragilise l’autorité même de la HATVP. Elle affaiblit la portée préventive de son action et brouille le message adressé aux responsables publics : celui d’un contrôle durable, impartial et pleinement assumé. Même si la Haute Autorité exerce ses missions collégialement, la présidence joue un rôle crucial pour donner une direction claire à ce collège. À l’inverse, un mandat plein permet de renforcer la crédibilité du dispositif et d’inscrire l’action de la HATVP dans une temporalité cohérente avec l’ampleur de ses missions.

Le renouvellement de Jean Maïa pour un mandat complet de six ans permettrait d’ailleurs de rétablir une cohérence institutionnelle. La plupart des autorités administratives indépendantes sont dirigées par des présidents nommés pour des mandats longs, précisément afin de garantir leur indépendance et leur continuité. Il serait paradoxal que l’autorité chargée de veiller à la probité de la vie publique fasse exception à cette règle de bon sens institutionnel.

Renouveler l’actuel président de la HATVP ne relèverait ni d’un geste personnel ni d’une logique de circonstance. Ce serait un choix de maturité institutionnelle. Il traduirait la volonté de considérer la déontologie publique non comme une variable d’ajustement politique, mais comme une exigence structurelle de l’État de droit. À l’heure où la confiance dans les institutions demeure fragile, la stabilité et l’incarnation de celles qui veillent à l’exemplarité publique ne peuvent être traitées comme des questions secondaires.

Philippe BLACHER,

Professeur à l’Université Jean Moulin Lyon 3