Dossier : La constitution sociale

Dans le prolongement des révolutions libérales des XVIIe et XVIIIe siècles, le droit constitutionnel moderne a été pensé, pendant longtemps, comme une technologie normative destinée à répartir et réguler les pouvoirs publics de l’État en veillant à ce que leur exercice demeure compatible avec celui des droits et des libertés des citoyens. À cet égard, la seule dualité qui attirait l’attention des juristes et autour de laquelle se sont d’abord structurés les rapports que le droit constitutionnel organise était celle qui oppose l’individu à l’État. Le droit constitutionnel était conçu comme un droit qui ne porte que sur la dimension politique de la constitution. Puis, à partir du milieu du XIXe siècle, les sciences sociales ont pu démontrer qu’entre l’individu et l’État, se déploie une entité qui ne se réduit ni à l’un ni à l’autre et qu’on appelle la société. Concept qui n’a jamais fait l’objet d’une qualification juridique, la société est pourtant le terreau au sein duquel se nouent tous les conflits humains que le droit a pour vocation d’anticiper et d’arbitrer. L’essor de la sociologie, à la fin du XIXe siècle, a permis à certains constitutionnalistes, comme Maurice Hauriou, Léon Duguit ou Georges Gurvitch, de prendre conscience du fait qu’il était nécessaire de se départir d’une vision strictement atomistique du droit constitutionnel opposant l’État et les individus et de proposer, en guise d’alternative, une approche plus sociale. Est-ce à dire que naissait, parallèlement au concept de constitution déjà ancien, celui de « constitution sociale » ?

Le présent dossier va tenter de répondre à cette question – et d’autres – en donnant la parole à des universitaires venant d’horizons divers. Il reprend sous la forme d’articles et de vidéos les échanges menés à l’occasion du colloque « La constitution sociale » organisé à Montpellier le 22 novembre 2024.

Pierre-Yves Gahdoun et Alexandre Viala