Thomas HERRAN.
I. Le jugement des ministres par les juridictions internationales
A. Le jugement des ministres pour leurs crimes passés
B. Le jugement des crimes futurs
II. Le jugement des ministres par les juridictions françaises
A. L’acte de fonctions, critère des privilège et immunité ministériels
B. Le crime international, un acte de fonction ?
Le ministre et le crime contre l’humanité. Le 8 janvier 2024, s’est ouvert en Suisse un procès tout à fait exceptionnel[1] à deux égards : d’une part, était jugé un ancien ministre de l’Intérieur gambien, Ousman Sonko, sur le fondement de la compétence universelle des juridictions helvétiques ; d’autre part, les faits qu’on lui reprochait étaient qualifiés de crimes contre l’humanité. Quelques jours plus tôt, c’était un autre ancien ministre, d’Algérie cette fois, qui était poursuivi pour la même infraction devant les juridictions suisses. Mais le décès de l’accusé mit un terme à la procédure[2]. Ces deux exemples tirés de l’actualité révèlent la « normalité » du ministre auteur de crimes internationaux face à la justice pénale.
Faut-il juger les ministres ? « La responsabilité pénale des ministres est une obligation de justice, autant qu’une nécessité institutionnelle, dès lors qu’en application de la Constitution, la responsabilité politique des gouvernants elle-même est si difficile à engager »[3]. Cette évidence est acquise depuis longtemps puisque la reconnaissance de la responsabilité pénale des ministres était une des doléances des États généraux formulées en réaction au despotisme du Roi jouissant d’une inviolabilité absolue[4] et accueillie par le Constituant. Pourtant, elle n’est pas apparue à cette époque ; dans l’Ancien régime et même avant, des ministres furent condamnés pénalement[5]. Mais le principe de la responsabilité pénale des ministres fut inscrit dans la Constitution des 3 et 4 septembre 1791. Pour autant, le jugement des ministres ne ressemble, de tout temps, à aucun autre.
Juger les ministres hier. Il est de tradition française de soumettre les ministres poursuivis pour la commission d’une infraction à des juridictions d’exception[6]. Avant la Révolution, les ministres condamnés l’ont été par des juridictions extraordinaires : Enguerrand de Marigny, Jacques Cœur[7], Semblançay[8] ou encore Nicolas Fouquet[9] furent tous jugés par des commissions ad hoc. Toutefois, à l’époque, on pouvait se demander si ces juridictions d’exception ne se justifiaient pas davantage par la nature des crimes en cause (crime de lèse-majesté et contre le Royaume) que les fonctions exercées par les accusés. Depuis la Révolution, la tradition s’est installée et les Hautes Cours spéciales chargées de juger les infractions commises par les membres du pouvoir exécutif se sont succédé[10].
Juger les ministres aujourd’hui. Depuis la loi constitutionnelle n°93-952 du 27 juillet 1993, la juridiction répressive compétente pour connaître des crimes et délits commis par des membres du Gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions est la Cour de Justice de la République. Juridiction pénale d’exception, sa composition échevinale – douze parlementaires et trois magistrats du siège de la Cour de cassation – entretient un mélange des genres entre responsabilité politique et responsabilité pénale[11]. Fortement décriée en raison de son apparence de partialité, de l’indulgence de ses décisions[12] et de la dénaturation des incriminations[13], la Cour de justice de la République est accusée d’éroder la confiance dans la Justice[14], de la ridiculiser et même de la salir[15]. Finalement, « la C.J.R., en vingt-cinq ans d’existence, n’est pas parvenue à se construire une légitimité suffisante pour s’inscrire de manière durable dans le paysage institutionnel français. Aux faiblesses d’un statut juridique plus souvent improvisé que véritablement pensé est venue s’ajouter une jurisprudence des plus contestables »[16]. Chaque affaire, et notamment celle de ministre de la Justice Éric Dupont-Moretti, est une nouvelle occasion de remettre en cause son existence. La Cour de justice de la République, malgré tout, demeure et traverse les crises sans encombre.
Le ministre, un justiciable pas comme les autres. La singularité constante du jugement des ministres et le maintien entêté de la Cour de justice de la République révèlent une volonté extrêmement forte de réserver un traitement judiciaire particulier aux titulaires de charges ministérielles. Ces derniers jouissent en effet d’un « privilège de juridiction »[17], c’est-à-dire du « droit […] d’être jugé, pour les infractions à la loi pénale, qui leur sont reprochées par une juridiction à laquelle la loi attribue exceptionnellement compétence »[18]. Mais ce privilège ne s’applique qu’aux ministres nationaux poursuivis en France. Les ministres étrangers pour lesquels on envisagerait des poursuites en France ou des ministres français inquiétés dans des procédures pénales étrangères jouissent d’une immunité de juridiction reposant sur la coutume internationale, en vertu de laquelle les ministres, en tant qu’agent de l’État ne peuvent pas être poursuivis devant les juridictions d’un État étranger[19]. Cette immunité est dite matérielle ou fonctionnelle, car elle couvre les actes accomplis dans l’exercice des fonctions pendant la durée du mandat, mais aussi après la cessation des fonctions. En revanche, certains ministres, le chef du Gouvernement et le ministre des Affaires étrangères[20] jouissent, au même titre que les chefs d’État, d’une protection supérieure puisque, le temps des fonctions, ils bénéficient d’une immunité personnelle qui fait obstacle à toute poursuite, que l’acte en cause soit en lien ou non avec les fonctions[21]. Ce statut ministériel peut être mis en question lorsque les faits en cause sont des crimes internationaux.
Juger les crimes internationaux. Le jugement des crimes internationaux est un également plongé au cœur de l’actualité en raison des événements en cours sur les territoires ukrainien et palestinien. Le traitement de ces infractions est une question épineuse qui a fait l’objet de débats pendant plus d’un siècle à propos de la création d’une juridiction internationale pénale permanente[22]. Mais la nécessité de lutter contre l’impunité des auteurs de ces atrocités a conduit à la mise en œuvre d’un régime parfaitement exorbitant. Toutefois, ces règles dérogatoires ne valent que pour quelques infractions constituant une catégorie à part. Notion galvaudée, les crimes internationaux ne doivent pas être appréhendés trop largement. Dans une première acception, l’infraction peut être considérée comme internationale par sa source. Ce critère formel fait dépendre l’internationalité de l’infraction à l’existence d’une convention sectorielle. Toutefois, ce critère est écarté par la doctrine considérant qu’il fait des crimes internationaux une catégorie particulière évolutive[23], voire instable et qui ne rend pas compte d’un régime propre et homogène. C’est la raison pour laquelle on retient une acception plus stricte de l’infraction internationale, entendue comme celle qui porte atteinte « à une valeur qui intéresse la communauté internationale », à un intérêt universel[24], indépendamment de l’existence d’un lien d’extranéité[25]. On retrouve cette catégorie sous d’autres noms : celui d’« infractions supranationales »[26] ou encore d’« infractions internationales par nature »[27]. Si le nombre des crimes relevant de cette catégorie peut faire l’objet de discussions[28], il y existe un consensus autour de quatre infractions : le génocide, le crime contre l’humanité, le crime de guerre et le crime contre la paix, aujourd’hui remplacé par le crime d’agression. Ces crimes constituent véritablement une catégorie autonome, car ils connaissent de nombreuses spécificités[29], substantielles et procédurales, à commencer par la justiciabilité devant des juridictions pénales internationales. Cette singularité est animée par la volonté de lutter contre toutes les formes d’impunité.
Juger les crimes internationaux des ministres. On perçoit alors les enjeux du jugement des ministres accusés d’avoir commis ou participé à la commission de crimes internationaux. En réalité, les difficultés sont très nombreuses. La première tient à la participation des ministres à ces infractions. Le droit pénal international ne paraît pas tout à fait adapté en l’état : d’une part, en tant qu’organisateur ou instigateur, et non exécutant, le ministre sera puni en qualité de complice du crime international alors que d’un point de vue criminologique, son rôle a été déterminant dans la réalisation de l’infraction[30] ; d’autre part, les modes de participation à l’infraction internationale connaissent des limites que la jurisprudence a tenté de pallier, non sans maladresse[31]. La seconde, qui retiendra notre attention, est celle des logiques parfois difficilement conciliables qui président au jugement des ministres et à celui des crimes internationaux. En effet, le fait que les fonctions ministérielles confèrent à leur titulaire un statut judiciaire dérogatoire peut entrer en contradiction avec la lutte contre l’impunité des auteurs de crimes internationaux. Ce phénomène se trouve exacerbé par la rencontre de deux ordres juridiques – interne et international – animés par leur propre logique. Finalement, entre la singularité personnelle et la singularité matérielle, quelle logique va prévaloir dans le jugement des ministres auteurs de crimes internationaux ?
Le ministre criminel international, un justiciable comme les autres ? La poursuite des ministres pour génocide, crime contre l’humanité, crime de guerre, voire pour crime d’agression, met en confrontation, d’un côté, les privilège et immunité ministériels au fondement des particularités procédurales applicables au jugement des ministres et, de l’autre, le régime propre applicable aux poursuites et aux jugements des crimes internationaux tant au niveau national qu’international. Si la résolution de ce conflit ne repose pas a priori sur la même logique selon que la juridiction en charge du jugement du ministre est une juridiction internationale (I) ou une juridiction française (II), il semblerait que, dans l’ordre international comme dans l’ordre interne, la singularité du statut ministériel cède face à la spécificité des crimes internationaux.
I. Le jugement des ministres par les juridictions internationales
La neutralisation des immunités ministérielles. Les ministres, en tant qu’agents de l’État, jouissent d’une immunité coutumière. Or, la nature des infractions internationales a justifié la création de juridictions pénales internationales dont les ministres, malgré les fonctions qu’ils occupent et les privilège ou immunité qui en résultent, sont justiciables. Cela a été reconnu dès Nuremberg et est aujourd’hui pleinement consacré par le droit international. Finalement, tant pour leurs crimes passés (A) que les crimes futurs (B), les ministres sont, dans l’ordre juridique international, des justiciables comme les autres.
A. Le jugement des ministres pour leurs crimes passés
La neutralisation de l’immunité devant les juridictions ad hoc. Depuis que la justice pénale internationale existe, les ministres ayant participé à la commission de crimes internationaux ont été jugés, sans que leur qualité ministérielle ait été prise en considération.
Le jugement des ministres par les tribunaux militaires internationaux. Déjà en 1945, des ministres furent poursuivies devant les tribunaux militaires internationaux établis après la Seconde Guerre mondiale pour juger « les grands criminels de guerre»[32] ou « the major war criminals »[33]. Ainsi, plusieurs ministres du IIIe Reich ont été jugés par le Tribunal de Nuremberg[34]. Également, plusieurs Premiers ministres[35], des ministres des affaires étrangères[36], des ministres de la guerre[37] et des ministres de la marine[38] ont été poursuivis devant le Tribunal pour l’extrême Orient. Ces procès contre ces dignitaires allemands et japonais ont été rendus possibles grâce à la neutralisation de la qualité officielle des accusés par le statut des tribunaux. L’article 7 du statut de Nuremberg stipulait que « la situation officielle des accusés, soit comme chefs d’État, soit comme hauts fonctionnaires, ne sera considérée ni comme une excuse absolutoire ni comme un motif de réduction de peine »[39]. De cette disposition, qui rejette la qualité officielle comme cause d’exonération de la responsabilité pénale, le tribunal a déduit l’indifférence de l’immunité sur la procédure devant le Tribunal : « le principe du droit international qui, dans certaines circonstances, protège les représentants d’un État ne peut pas s’appliquer aux actes condamnés comme criminels par le droit international. Les auteurs de ces actes ne peuvent invoquer leur qualité́ officielle pour se soustraire à la procédure normale ou se mettre à l’abri du châtiment »[40]. Ainsi, l’immunité coutumière des ministres ne pouvait constituer un obstacle aux poursuites devant les tribunaux militaires. Par ailleurs, la création des tribunaux militaires internationaux pour juger les grands criminels de guerre ne peut s’analyser comme un privilège de juridiction des ministres, car, d’une part, ils ont poursuivi des personnes dépourvues de qualité publique[41] et, d’autre part, d’autres ministres allemands ont été jugés par le tribunal militaire américain en zone d’occupation en Allemagne dans le onzième des douze procès qui se sont tenus devant cette juridiction[42].
Le jugement des ministres par les tribunaux pénaux internationaux. La justiciabilité des ministres a également été reconnue pour les tribunaux pénaux internationaux. Le tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie, en charge des poursuites et du jugement « des personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 »[43], et le tribunal pénal international pour le Rwanda, compétent pour « juger les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés responsables de telles violations commises sur le territoire d’États voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994»[44], ont tous deux jugé des personnes exerçant des fonctions ministérielles. Là encore, les statuts des juridictions excluaient expressément l’effet exonératoire de responsabilité de la qualité officielle[45]. C’est la jurisprudence qui en déduit l’absence d’immunité : le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, dans l’affaire Milosevic, a affirmé qu’un chef d’État ne peut pas mettre en avant sa position officielle pour ne pas répondre des crimes relevant de la compétence du Tribunal[46]. Cette solution fut appliquée naturellement à des ministres qui ont été poursuivis devant le tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie[47] et le tribunal pénal international pour le Rwanda[48]. On peut en conclure que l’immunité de juridiction des ministres a cédé face à la gravité des crimes poursuivis, de sorte que ces derniers sont soumis aux mêmes règles que celles applicables à tout justiciable des TPI.
Le jugement des ministres par les juridictions hybrides. La neutralisation des immunités et privilèges des ministres s’observe également dans le droit des juridictions hybrides. Ces dernières, présentées comme la troisième génération des juridictions pénales internationales, sont créées spécialement pour connaître de situations déterminées et pour lesquelles la Cour pénale internationale n’est pas compétente. Même si ces tribunaux se caractérisent notamment par la mixité du droit applicable devant eux – droit national et droit international –, la règle de l’immunité coutumière ne leur est pas opposable. Le tribunal spécial pour la Sierra Leone a réitéré la position de ses prédécesseurs, considérant que « la position officielle du requérant en tant que chef d’État en exercice au moment où la procédure pénale a été engagée contre lui n’est pas un obstacle à sa poursuite par cette juridiction »[49]. Dans le même ordre d’idée, les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens ont été mises en place pour connaître des crimes commis par les hauts dirigeants khmers rouges entre 1975 et 1979, parmi lesquels se trouvaient deux anciens ministres du Régime.
Les ministres, des justiciables comme les autres devant les juridictions ad hoc. Il ressort des expériences passées de la justice pénale internationale que le ministre est un justiciable comme les autres. S’il n’est certes pas jugé par une juridiction ordinaire, le caractère d’exception de cette dernière s’explique moins par la qualité de l’accusé que la singularité des infractions en cause. Forte de cette tradition, la règle a été généralisée et pérennisée pour l’avenir.
B. Le jugement des crimes futurs
La Cour pénale internationale, juridiction des crimes présents et futurs. L’avenir de la justice pénale internationale est en principe la Cour pénale internationale. Créée en 1998, cette juridiction est, contrairement aux autres, permanente et dotée d’une compétence « à vocation universelle »[50]. Contrairement aux autres, elle n’a pas été créée pour connaître d’une situation déterminée. Elle est compétente pour connaître des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des génocides et des crimes d’agression commis sur le territoire d’un État partie ou par l’un de ses ressortissants à compter du 1er juillet 2002, date d’entrée en vigueur du Statut. Sauf dans les hypothèses où la Cour n’est pas compétente pour des raisons personnelles, territoriales ou encore temporelles, elle est susceptible d’exercer sa compétence pour tous les crimes internationaux à venir. Cette ambition universelle la destine donc à connaître de nombreux crimes internationaux, indépendamment de la qualité de leur auteur.
Le jugement des ministres par la Cour pénale internationale. Dans la droite ligne des précédentes juridictions, le statut de Rome pose l’indifférence de la qualité officielle sur la responsabilité pénale[51]. Mais le texte vient combler une lacune existant dans les autres statuts en consacrant la solution dégagée par les juridictions internationales : le second alinéa de l’article 27 du Statut de Rome stipule que « les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s’attacher à la qualité officielle d’une personne, en vertu du droit interne ou du droit international, n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence à l’égard de cette personne »[52].
La généralisation de la neutralisation de la qualité officielle devant les juridictions internationales. L’échec de l’immunité devant les juridictions pénales internationales a d’ailleurs été élevé au rang de coutume internationale. Déjà, le tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie avait reconnu le caractère coutumier de l’absence d’effet exonératoire ou d’atténuation de la responsabilité pénale en raison de la qualité officielle des accusés[53]. Ensuite, la Cour internationale de justice, dans l’arrêt Yérodia de 2002, avait également reconnu une exception au fait que les immunités ne constituaient pas un obstacle aux poursuites et aux jugements devant certaines juridictions pénales internationales[54], laissant ainsi entrevoir l’existence d’une coutume internationale sans pour autant l’affirmer clairement. Mais la reconnaissance d’une règle coutumière de portée générale d’absence d’immunité devant les juridictions pénales internationales a été faite par la Cour pénale internationale[55]. La Chambre d’appel notamment, après avoir relevé que de nombreux textes – Confirmation des principes de droit international reconnus par le statut de la Cour de Nuremberg, Résolution 95 (I) du 11 décembre 1946 ; principes du droit international consacrés par le statut du Tribunal de Nuremberg et dans le jugement de ce tribunal, principe III, Annuaire de la Commission du droit international, 1950, vol. II ; projet de code des infractions contre la paix et la sécurité de l’humanité de 1954 ; convention pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948 ; les statuts des tribunaux pénaux internationaux – et plusieurs juridictions ont affirmé que les immunités ne constituent pas un obstacle devant les juridictions nationales, conclut qu’ « il n’y a pas de règle de droit international coutumier qui aurait octroyé une immunité à Omar Al Bashir et aurait empêché son arrestation et sa remise à la CPI par la Jordanie. Il s’ensuit que rien ne permettait à la Jordanie de ne pas exécuter la demande d’arrestation et de remise, ce qui implique qu’elle n’a pas exécuté l’obligation de coopérer prévue aux articles 86 et suivants du Statut de Rome »[56].
Les ministres, des justiciables comme les autres devant la CPI. Irrémédiablement, le droit international fait des ministres des justiciables comme les autres en neutralisant l’immunité coutumière et en ne leur reconnaissant aucun privilège de juridiction. Cette neutralisation demeure en réalité limitée, car la Cour pénale internationale est une juridiction complémentaire dont la compétence ne sera exercée qu’en cas d’inaction étatique. Alors, c’est au niveau interne que l’on peut véritablement mesurer si l’exigence de lutter contre l’impunité prévaut sur les privilège et immunité des ministres.
II. Le jugement des ministres par les juridictions françaises
Deux problèmes, une solution. La question du jugement des ministres par les juridictions françaises ne se pose pas dans les mêmes termes si le ministre est français ou étranger. S’agissant des ministres français, l’enjeu est celui de la détermination de la juridiction compétente dans l’ordre interne : est-ce la Cour de justice de la République ou l’accusé est-il renvoyé vers les juridictions de droit commun[57] ? S’agissant des ministres étrangers, le problème porte sur la compétence même des juridictions françaises : les ministres étrangers, auteurs d’une infraction internationale peut-il être attrait devant les juridictions françaises ? Si les questions diffèrent, la réponse dépend du même critère : celui du lien entre le crime international et les fonctions ministérielles. Il convient alors de revenir sur le critère même des privilège et immunité (A) avant de l’appliquer aux infractions internationales (B).
A. L’acte de fonctions, critère des privilège et immunité ministériels
Le lien avec les fonctions, condition du privilège des ministres français. Aux termes de l’article 68-1 de la Constitution, « les membres du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés de crimes ou délits au moment où ils ont été commis ». Le privilège de juridiction n’est donc applicable que pour les infractions qui sont accomplies dans l’exercice de leurs fonctions. Ce critère, particulièrement imprécis[58], a fait l’objet d’une appréciation évolutive par la Cour de cassation[59]. Avant même la révision constitutionnelle qui a remplacé la Haute Cour de justice par la Cour de justice de la République, la Cour de cassation embrassait une conception large reposant sur un critère temporel[60], consistant à considérer que les actes accomplis dans les fonctions sont ceux accomplis à l’occasion des fonctions ministérielles[61]. Il en résultait que « la Haute Cour est seule compétente pour connaître des actes délictueux de toute nature commis par les ministres enfonction »[62]. Mais la réforme constitutionnelle a été l’occasion pour la Cour de cassation d’initier un revirement alors que la lettre de l’article 68-1 ne l’y invitait pas nécessairement. Dans l’arrêt Carignon, la Cour considère que « les actes commis par un ministre dans l’exercice de ses fonctions sont ceux qui ont un rapport direct avec la conduite des affaires de l’État à l’exclusion des comportements concernant la vie privée ou les mandats électifs locaux »[63]. En l’espèce, la Cour de cassation approuvait la chambre d’accusation de Lyon qui avait reconnu sa compétence au motif que les faits qualifiés de recel d’abus de biens sociaux et de corruption n’étaient pas liés à sa participation, à la détermination et à la conduite de la politique de la Nation, mais qu’ils étaient liés à l’attribution du service de distribution d’eau de la ville de Grenoble dont il est le maire. Dans l’arrêt Toubon, la Cour vise « un lien direct avec la détermination de la conduite des affaires de l’État »[64]. Sur la base de cette motivation, elle censure la chambre d’accusation qui avait accueilli l’exception d’incompétence du juge d’instruction pour des faits de complicité de prise illégale d’intérêt reproché à un ministre de la Justice, pour avoir fait pression par l’intermédiaire d’un préfet sur une SAFER pour qu’elle n’exerce pas son droit de préemption sur un bien et permettant ainsi à la société de l’auteur principal de l’infraction de l’obtenir. En somme, pour la Cour, l’utilisation des moyens mis à disposition par les fonctions ne permet pas d’établir un lien direct avec celles-ci. La Cour fait alors application de la théorie de l’acte détachable des fonctions[65]. Toutefois, la mise en œuvre de critère peut présenter parfois un certain aléa[66].
Le lien avec les fonctions, condition de l’immunité des ministres étrangers. Le critère du lien avec les fonctions semble analogue en droit international[67]. Mais il faut préalablement opérer une distinction entre les titulaires d’une immunité personnelle et une immunité fonctionnelle[68]. Pour les premiers, à savoir les membres de la Troïka, la question ne se pose pas véritablement en ces termes, car l’immunité se justifie moins par le lien qui existe entre l’acte délictueux et les fonctions que par la nécessité de protéger « l’intéressé contre tout acte d’autorité́ de la part d’un autre État qui ferait obstacle à l’exercice de ses fonctions »[69]. C’est la raison pour laquelle les chefs d’État, les chefs du Gouvernement et les ministres des Affaires étrangères ne peuvent en aucun cas être poursuivis pendant l’exercice de leur fonction que l’acte soit en commis à titre officiel ou privé, ou avant ou pendant ses fonctions[70]. Quant aux autres, leur immunité est liée à leurs fonctions. La Cour de cassation a pu affirmer à plusieurs reprises que des ministres étrangers ne pouvaient être poursuivis en France dès lors que les actes reprochés « relèvent de la souveraineté de l’État concerné»[71]. En revanche, lorsque les actes reprochés sont commis à des fins personnelles, il est possible de poursuivre un ministre étranger[72]. Cette immunité fait obstacle à des poursuites devant des juridictions étrangères. Toutefois, elle ne rime pas avec impunité, car le ministre auteur d’infractions dans l’exercice de ses fonctions peut toujours être jugé par les juridictions de son État[73].
L’identité de critère du statut judiciaire des ministres. Il résulte de la jurisprudence que l’immunité pénale reconnue aux ministres étrangers et le privilège de juridiction reconnu aux ministres nationaux reposent sur une logique et un critère communs. Par conséquent, la détermination de la juridiction compétente pour connaître des crimes internationaux, qu’ils soient commis par un ministre français ou étranger, dépend du point de savoir si ces infractions constituent un acte en lien avec les fonctions.
B. Le crime international, un acte de fonction ?
Les enjeux de la question. La qualification d’acte de fonction est déterminante pour répondre la question de la compétence de la Cour de justice de la république pour juger les ministres français et celle de la compétence des juridictions françaises pour connaître une infraction commise par un ministre étranger.
La notion d’acte de fonction en droit interne : contentieux du privilège. La notion d’acte commis dans l’exercice de ses fonctions ministérielles en droit interne est plutôt obscure[74], depuis que la Cour de cassation retient une conception plus stricte qu’auparavant. L’on sait que désormais, sont exclus les actes « qui ne sont commis, par des ministres, qu’à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions »[75] et que « les actes commis par un ministre dans l’exercice de ses fonctions sont ceux qui ont un rapport direct avec la conduite des affaires de l’État relevant de ses attributions, à l’exclusion des comportements concernant la vie privée ou les mandats électifs locaux »[76]. Le critère n’est donc pas temporel (la concomitance de l’acte et de l’exercice des fonctions) et l’acte doit donc présenter un lien direct avec les fonctions ministérielles et non avec d’autres[77]. Toutefois, la notion de rapport direct n’est pas pour autant définie. À en croire les applications passées, il semblerait que le critère matériel soit satisfait dès lors que les fonctions ont donné les moyens au ministre de commettre l’infraction[78].
Le crime international, un acte de fonction en droit interne : contentieux du privilège. Si la question de la commission d’un crime d’un génocide, d’un crime de guerre ou d’un crime contre l’humanité par un ministre ne s’est pas posée, tout laisse à penser que le crime international serait qualifié d’acte de fonction. En effet, ces infractions sont souvent présentées comme des crimes d’État ; cela s’explique par le fait que, historiquement, la commission de tels crimes impliquait l’existence d’une organisation étatique. Si depuis la notion d’infractions internationales a été étendue à des organisations privées[79], il n’en demeure pas moins que les moyens nécessaires pour la commission d’un crime international supposent bien souvent l’exercice de fonctions étatiques[80]. On voit alors apparaître, presque par nature, le lien entre les crimes et les fonctions étatiques. Par conséquent, la compétence de la Cour de justice de la République semble s’imposer avec la force de l’évidence, et ce d’autant plus qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la Haute Cour de justice, a été spécialement créée par une ordonnance du 18 novembre 1944, pour juger les ministres du gouvernement de Vichy. Pourtant, une telle analyse peut pourtant être démentie par celle menée en matière d’immunité au niveau du droit international.
Un acte détachable des fonctions en droit international : contentieux des immunités. À en croire la doctrine, le droit international considère que le crime international ne peut être qualifié d’acte de fonction[81]. Cette conclusion trouve son assise sur plusieurs arguments. Le premier est issu de la jurisprudence des juridictions pénales internationales. Le tribunal militaire de Nuremberg suggérait que ces crimes constituent des abus de fonctions et donc insusceptibles de relever des fonctions[82]. Le TPIY se prononçait dans le même sens considérant que « les responsables de ces crimes ne peuvent invoquer l’immunité à l’égard des juridictions nationales ou internationales, même s’ils ont commis ces crimes dans le cadre de leurs fonctions officielles »[83]. Le deuxième argument réside dans les travaux de la Commission du droit international qui affirme que « il serait paradoxal que les individus qui sont, à certains égards, les plus responsables des crimes visés par le code puissent invoquer la souveraineté de l’État et se retrancher derrière l’immunité que leur confèrent leurs fonctions »[84]. Un troisième argument consiste à dire que les crimes internationaux « relèvent du jus cogens » et que « [c]e statut supérieur entraîne pour les États, entre autres conséquences, les obligations suivantes : […] l’exclusion de toute forme d’immunité, jusque et y compris au niveau des chefs d’État »[85]. Certes, l’on pourrait opposer que ces affirmations sont énoncées par des organes et juridictions internationales et qu’elles ne valent alors que pour les poursuites devant les juridictions pénales internationales[86], comme le laisse entendre la Cour pénale internationale[87]. Mais cette relativisation peut être combattue. La qualification d’actes de fonction ne saurait dépendre de la nature internationale ou non de la juridiction compétente : l’acte relève ou non des fonctions, quelle que soit la juridiction susceptible d’en connaître. Alors, l’affirmation de l’absence de lien entre le crime et les fonctions s’applique tant au niveau international qu’au niveau national[88], comme l’ont affirmé les TPI[89].
Un acte détachable en droit étranger : contentieux des immunités. Cette position semble confortée par certaines juridictions nationales[90]. Hier d’abord : des ministres nazis ont été jugés par la juridiction militaire américaine[91]. Aujourd’hui ensuite : la Chambre des Lords, dans le cadre de l’affaire Pinochet, a pu affirmer que certains actes et notamment des actes de torture ne peuvent entrer dans l’exercice des fonctions[92] ; les juridictions grecques et italiennes ont avancé, dans un contentieux non pénal, qu’un État ne pouvait avancer l’immunité lorsque la prohibition de violations attribuée à celui-ci a la valeur de jus cogens[93] ; la Cour d’appel d’Amsterdam a estimé les crimes graves comme la torture, les crimes de guerre, et les crimes contre l’humanité ne faisaient pas partie des actes officiels d’un chef d’État[94]. En revanche, alors que le droit belge prévoyait une exception à l’immunité internationale pour les infractions internationales[95], elle a été remise en cause par la loi relative aux violations graves du droit international humanitaire du 5 août 2003.
Un acte de fonction en droit international : contentieux des immunités. Ce changement de la législation belge peut s’expliquer par la jurisprudence de la Cour internationale de justice. Celle-ci a pris le contrepied en considérant que les crimes internationaux ne constituent nullement une exception au principe de l’immunité, y compris pour des faits qualifiables de crimes contre l’humanité[96]. Selon elle, il ne ressort pas de la pratique des États « l’existence en droit international coutumier d’une exception quelconque à la règle consacrant l’immunité́ de juridiction pénale et l’inviolabilité́ des ministres des Affaires étrangères en exercice, lorsqu’ils sont soupçonnés d’avoir commis des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité́ »[97]. Si cet obstacle est de taille, il n’est pas certain qu’il soit déterminant. D’une part, on pourrait minimiser la portée de la décision considérant que, malgré la généralité du propos, la décision peut se justifier pour les seuls titulaires d’une immunité personnelle[98], à savoir les chefs d’États, les chefs de Gouvernement et les ministres des Affaires étrangères, pour lesquels l’immunité s’explique plus par la nécessité d’exercer en toute liberté les fonctions de représentation de l’État que la reconnaissance d’une immunité fondée sur le lien entre les fonctions et l’acte litigieux. D’autre part, cette décision n’a pas remis en question les droits nationaux semblant admettre une exception à l’immunité coutumière.
Un acte détachable en droit français : contentieux des immunités. Malgré tout, la jurisprudence française laisse entrevoir la possibilité de l’éviction de l’immunité pour des faits qualifiables de crimes internationaux. Dans l’arrêt Kadhafi, à propos de poursuites du chef d’État libyen de l’époque pour terrorisme, la Cour avait affirmé « qu’en l’état du droit international, le crime dénoncé, quelle qu’en soit la gravité, ne relève pas des exceptions au principe de l’immunité de juridiction des chefs d’État étrangers en exercice »[99]. Cette exception a été confirmée par la suite[100] et étendue à d’autres représentants de l’État, notamment des ministres[101]. Si la Cour de cassation n’a pas eu pour l’heure l’occasion de se prononcer sur les infractions qui relèvent de ces exceptions, il semble fort probable que soient visés les crimes internationaux. Cette hypothèse est corroborée par l’émission d’un mandat d’arrêt international contre Bachar al-Assad, Président syrien, pour des faits de complicité de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre[102].
Identité de nature, identité de régime. Si le crime international ne peut être qualifié d’acte de fonction en matière d’immunité des agents étrangers, il ne doit pouvoir recevoir une telle qualification lorsqu’il est commis par des ministres français. La nature même des infractions en cause fait qu’ils ne peuvent en aucun être qualifiés d’actes en rapport direct avec les fonctions. La compétence de la Cour de justice de la République serait alors un contresens. Plusieurs éléments viennent appuyer cette thèse. D’abord, la création de la Haute Cour de justice, juridiction spéciale pour connaître des crimes commis pendant la Deuxième Guerre mondiale chargée du juger les ministres de Vichy, ne confirme pas la thèse d’un privilège de juridiction pour les ministres accusés de crimes internationaux, car les accusés étaient poursuivis pour des infractions politiques, à savoir le complot contre la sûreté extérieure de l’État, la trahison[103], qui par nature présente un lien avec les fonctions ministérielles. Ensuite, le jugement des ministres par leurs pairs et la dimension politique de la juridiction pourraient, dans certaines circonstances, s’analyser comme traduisant une absence de volonté de traduire en justice les auteurs d’infractions internationales. Un tel constat inviterait alors la Cour pénale internationale a exercé sa compétence en raison du principe de complémentarité[104].
Les ministres, des « criminels internationaux » comme les autres. Faut-il juger les ministres comme n’importe quel « criminel international » ? Cette question complexe confronte, d’un côté, le statut judiciaire des ministres, impliquant un privilège ou une immunité, et, de l’autre, le droit international pénal qui s’accommode mal à de telles spécificités en ce qu’elles peuvent favoriser l’impunité. Finalement, la comparaison des solutions augurées en droit international et de celles pressenties en droit interne fait resurgir l’idée selon laquelle les privilège et immunité de juridiction des ministres doivent être neutralisés afin qu’ils soient jugés comme le serait n’importe quelle personne ayant commis de tels crimes. La seule singularité acceptable est celle du régime applicable aux infractions internationales en raison de leur complexité et leur gravité.
Thomas HERRAN,
Maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’Université de Bordeaux
Institut de sciences criminelles et de la Justice
[1] P. Lepidi, « Ousman Sonko, « tête pensante » de l’ex-dictature gambienne, devant la justice suisse », Le Monde, 9 janv. 2024.
[2] « Khaled Nezzar, ancien ministre algérien poursuivi en Suisse pour des crimes contre l’humanité, est mort », Le Monde, 29 déc. 2023
[3] Ph. Conte, « Les bulletins dans la balance », Dr. Pén. 2021, repère 12.
[4] G. Glénard, L’exécutif et la Constitution de 1971, PUF, 2010, p. 427 et s.
[5] P.-O. Caille, « Cour de justice de la République », JurisClasseur droit administratif, fasc. 40, n°1.
[6] H.-C. Le Gall, « Cour de justice de la République », Jurisclasseur procédure pénale, n°1 et s.
[7] K. Reyerson, « Le procès de Jacques Cœur », in Y.M. Bercé (dir.), Les procès politiques (XIVe-XVIIe siècle), Ecole française de Rome, 2007, p. 123.
[8] Ph. Hamon, « Semblancay, homme de finances et de Conseil », in C. Michon (dir.), Les conseillers de François 1er, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 117 et s.
[9] Ch. Amson et alii, « Nicolas Fouquet, ou le procès de l’opulence » in Ch. Amson et alii, Les grands procès, PUF, 2007, p. 269
[10] J.-F. Dreuille, « Haute Cour », Rép. Pén. Dalloz, 2014, n°1 et s. ; H.-C. Le Gall, « Cour de justice de la République », art. cit., n°2-9.
[11] P.-O. Caille, « Cour de justice de la République », art. cit., n°2.
[12] C. Guérin-Bargues, « De la nécessité de supprimer la C.J.R. », in C. Guérin-Bargues, Juger les politiques ? La Cour de Justice de la République, Dalloz, 2017 ; Albert Marion, « Bâtards et mal fichus », Dr. pén. 2023, repère 11 ; Ph. Conte, « Justice politique sur fonds de règlements de comptes », Dr. pén. 2024, comm. 3.
[13] M. Segonds, « Le déni d’une intention par l’arrêt du 29 novembre 2023 de la CJR ou l’art de noyer l’intention », JCP G 2024, act. 182.
[14] T. S. Renoux, « Commission d’enquête parlementaire « sur l’indépendance du pouvoir judiciaire ». – À la bonne heure ? », JCP G 2020, act. 1064.
[15] Ph. Conte, « Les bulletins dans la balance », préc.
[16] C. Guérin-Bargues, « De la nécessité de supprimer la C.J.R. », art. cit., p. 62.
[17] P. Truche, Dr. pén. 1993, p. 2 ; C. Guérin-Bargues, « Quand le principe d’indivisibilité des procédures cède la place à un privilège de juridiction. – À propos de l’arrêt Balladur – Léotard », JCP G 2021, act. 345.
[18] G. Cornu, Vocabulaire Juridique, PUF, p. 529.
[19] CIJ, 3 février 2006, Affaires des activités armées sur le territoire du Congo, République démocratique du Congo c/ Rwanda, Rec. CIJ, 2006, p. 6 : AFDI 2007, p. 328, comm. F. Dopagne : « il est de plus en plus fréquent, dans les relations internationales modernes, que d’autres personnes [que le chef de l’Etat, le chef du gouvernement ou le Ministre des Affaires étrangères] représentant un Etat dans des domaines déterminés soient autorisées par cet Etat à engager celui-ci, par leurs déclarations, dans les matières relevant de leur compétence. Il peut en être ainsi des titulaires de portefeuilles ministériels techniques exerçant, dans les relations extérieures, des pouvoirs dans leur domaine de compétence, voire même de certains fonctionnaires ».
[20] CIJ, 14 février 2002, Mandat d’arrêt du 11 avril 2000, République démocratique du Congo c/ Belgique : Rec. CIJ, 2002, p. 3, §54 : RSC 2002, p. 479, A. Cassesse ; LPA 2002, n° 137, p. 4, obs. B. Okiemy, §55 : « il n’est pas possible d’opérer de distinction entre les actes accomplis par un ministre des affaires étrangères à titre « officiel » et ceux qui l’auraient été à titre « privé », pas plus qu’entre les actes accomplis par l’intéressé avant qu’il n’occupe les fonctions de ministre des Affaires étrangères et ceux accomplis durant l’exercice de ces fonctions » ; Cass. crim., 15 décembre 2015, n° 15-83.153 : JCP G, 2016, p. 255, note L. Saenko ; D. 2016, p. 2424, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, L. Miniato et S. Mirabail ; AJ pénal 2016, p. 74, obs. L. Chercheneff et D. Ventura.
[21] Sur la distinction entre l’immunité personnelle et fonctionnelle, v. par ex. I. Fouchard, Crimes internationaux, Bruylant, 2014, p. 332.
[22] T. Herran, « La Cour pénale internationale entre passé et avenir », AJ Pénal 2018, p. 440.
[23] D. Rebut, Droit pénal international, Dalloz, 2022, n° 4.
[24] J. Dautricourt, « Nature et fondement du droit pénal universel », Revue de droit pénal et de criminologie, 1949-1950, n°10, pp. 1024-1061.
[25] V. Malabat et alii, La dimension internationale de la justice pénale, Rapport en ligne, mission droit et justice, p. 22 : http://www.gip-recherche-justice.fr/wp-content/uploads/2014/07/08-31-RF.pdf
[26] F. Bellivier, I. Fouchard et M. Eudes, Droit des crimes internationaux, 1ère éd., PUF, 2018, 500 p.
[27] C. Lombois, Droit pénal international, Dalloz, 1979, n°147.
[28] F. Bellivier, I. Fouchard et M. Eudes, op. cit.
[29] M. Bardet, La notion d’infraction internationale par nature, NBT, Dalloz, 2022 ; V. Malabat, « La participation à l’infraction internationale », in T. Herran, Les 20 du statut de Rome : bilan et perspectives de la Cour pénale internationale, Pedone, 2020, pp. 181 et s.
[30] M. Duffourc, La participation à l’infraction internationale, thèse, université de Bordeaux, 2013 ; V. Malabat, « La participation à l’infraction internationale », in T. Herran, Les 20 du statut de Rome : bilan et perspectives de la Cour pénale internationale, Pedone, 2020, pp. 181 et s ; T. Herran et I. Moulier, « Les nouvelles formes de responsabilité collective », in A.-L. Chaumette et R. Parizot, Les nouvelles formes de criminalité internationale, Pédone, 2021, pp. 106-107.
[31] M. Bardet, La notion d’infraction internationale par nature, op. cit., n° 593 et s. ; V. Malabat, « La participation à l’infraction internationale », art. cit.; T. Herran et I. Moulier, « Les nouvelles formes de responsabilité collective », art. cit.
[32] Le texte portant création du tribunal de Nuremberg est dénommé : Accord concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des Puissances européennes de l’Axe et Statut du tribunal international militaire. Londres, 8 août 1945.
[33] Statut du tribunal pour l’Extrême-Orient, art. 1er.
[34] Not. Göring, ministre de l’Air et ministre-président de Prusse ; von Ribbentrop, ministre des Affaires étrangères ; Speer, ministre de l’Armement ; Rosenberg, ministre des Territoires occupés de l’est.
[35] Tojo, Hiranuma, Hirota et Koiso.
[36] Matsuoka, Shigemitsu et Togo.
[37] Araki, Hata, Itagaki et Minami.
[38] Nagano et Shimada.
[39] L’article 6 du statut du tribunal de Tokyo stipulait la même règle en des termes sensiblement différents : “Neither the official position, at any time, of an accused, nor the fact that an accused acted pursuant to order of his government or of a superior shall, of itself, be sufficient to free such accused from responsibility for any crime with which he is charged, but such circumstances may be considered in mitigation of punishment if the Tribunal determines that justice so requires”.
[40] Procès des grands criminels de guerre devant le tribunal militaire international, Nuremberg, 14 novembre 1945 – 1er octobre 1946, textes officiels en langue française, tome I, Documents officiels édités à Nuremberg, Allemagne, 1947, p. 235.
[41] Les tribunaux militaires internationaux ont jugé plusieurs militaires ainsi que quelques industriels (Gustav Krupp, industriel allemand, était initialement visé par l’acte d’accusation, mais fut écarté en raison de son âge et de son état de santé).
[42] C’est ce que l’on appelle le procès des ministères.
[43] Statut du TPIY, art. 1er.
[44] Statut du TPIR, art. 1er.
[45] Statut du TPIY, art. 7 ; statut TPIR, art. 6.
[46] TPIY, 8 nov. 2001, aff. Slobodan Milosevic, Décision relative aux exceptions préjudicielles, §§ 26-34.
[47] Sainović, Vice-Premier Ministre de RFY ; Stojiljkovic, ministre de l’Intérieur de Serbie ; Stanisic, ex-ministre des Serbes de Bosnie ; Haradinaj ancien premier ministre du Kosovo.
[48] Ngirabatware, ex-ministre du Plan ; Kamuhanda, ministre de l’Enseignement supérieur…
[49] TSSL, 31 mai 2004, aff. Charles taylor, Decision on immunity from jurisdiction.
[50] H. Ascencio, « L’immunité du chef d’État devant les juridictions pénalesinternationales », Annuaire français de droit international, 2019, vol. 65, pp. 395-413.
[51] Statut de Rome, art. 27§1.
[52] Statut de Rome, art. 27§2.
[53] TPIY, 8 nov. 2001, aff. Slobodan Milosevic, préc. ; §§ 28 et s.
[54] CIJ, 14 fév. 2002, Mandat d’arrêt du 11 avril 2000, République démocratique du Congo c/ Belgique, préc.
[55] CPI, ch. Prelim. 13 déc. 2011, Corrigendum to the Decision Pursuant to Article 87(7) of the Rome Statute on the Failure by the Republic of Malawi to Comply with the Cooperation Requests Issued by the Court with Respect to the Arrest and Surrender of Omar Hassan Ahmad Al Bashir, §36 ; CPI, ch. Appel, 9 mai 2019, Le procureur c. Omar Hassan Ahmad Al-Bashir, situation au Darfour-Soudan, §§ 103 et s. : AJ pénal 2019, p. 553, obs. B. Drevet.
[56] CPI, ch. Appel, 9 mai 2019, Le procureur c. Omar Hassan Ahmad Al-Bashir, situation au Darfour-Soudan, §§ 107 et s.
[57] Il convient de relever qu’il y a une spécialisation des acteurs de la procédure pénale en matière de crimes internationaux avec la création de l’Office centre de lutte contre les crimes contre l’humanité et les crimes de haine, le procureur national antiterroriste qui a une compétence en matière de crimes internationaux, le juge d’instruction et la Cour d’assises de Paris. V. CPP, art. 628 et s.
[58] C. Guérin-Bargues, « De la nécessité de supprimer la C.J.R. », art. cit., p. 42.
[59] O. Beaud, « La renaissance de la compétence concurrente pour juger pénalement des ministres », D. 98, p. 177.
[60] C. Guérin-Bargues, « De la nécessité de supprimer la C.J.R. », art. cit., p. 42.
[61] O. Beaud, « La renaissance de la compétence concurrente pour juger pénalement des ministres », art. cit.
[62] M. Kamto, « La responsabilité pénale des ministres », RDP,1991, p. 127.
[63] Cass. crim., 26 juin 1995, n° 95-82.333, bull. n° 235.
[64] Cass. crim., 13 déc. 2000, n° 00-82.617, bull. n° 375.
[65] O. Beaud, « La renaissance de la compétence concurrente pour juger pénalement des ministres », art. cit.
[66] En ce sens v. C. Guérin-Bargues, « De la nécessité de supprimer la C.J.R. », art. cit., p. 42 et s.
[67] Sur la question des immunités des agents étrangers, v. T. Herran, « Les politiques étrangers devant les juridictions pénales françaises », Lexbase pénal 2018.
[68] Sur la distinction, v. supra.
[69] CIJ, 14 février 2002, Mandat d’arrêt du 11 avril 2000, République démocratique du Congo c/ Belgique, préc.
[70] Ibid §55 ; Cass. crim., 15 déc. 2015, n° 15-83.13, préc..
[71] Cass. crim., 19 janvier 2010, n° 09-84.818, Bull. n° 9 : Revue de droit des transports 2010, n° 3, p. 24, obs. M. Ndendé ; RGDIP 2011, p. 593, obs. M. Cornard et Y. Nouvel. ; Cass. crim., 16 octobre 2018, n° 16-84.436 : Lexbase pénal novembre 2018, obs. C. Lacroix.
[72] Cass. crim., 15 déc. 2015, préc.
[73] Voy. Not. CIJ, 14 fév. 2002 préc.
[74] C. Guérin-Bargues, « De la nécessité de supprimer la C.J.R. », art. cit., p. 42.
[75] Cass. crim., 6 févr. 1997, n° 96-80.615 ; Bull. 1997, n° 48 ; D. 1997, jurispr. p. 334, note Renucci ; RSC 1997, p. 667 , obs. Dintilhac ; Dr. pén. 1997, comm. 70 , obs. A. Maron ; JCP G 1997, II, 22823, note M. Pralus.
[76] Cass. crim., 26 juin 1995, n° 95-82.333.
[77] Dans l’affaire Dumas, les faits de corruption reprochés au ministre présentaient des liens avec son mandat de maire et non ses fonctions étatiques. V. ibid.
[78] V. Cour de justice de la République, 30 sept. 2019, affaire Urvoas.
[79] M. Bardet, La notion d’infraction internationale par nature, op. cit., n°226 et s.
[80] V. not. I. Fouchard, Crimes internationaux, Bruylant, 2014, pp. 344-345.
[81] H. Ascencio, « L’immunité du chef d’État devant les juridictions pénales internationales », Annuaire français de droit international, 2019, voL. 65, pp. 395-413 ; A. Cassese, « Peut-on poursuivre des hauts dirigeants des États pour des crimes internationaux ? À propos de l’affaire Congo c/ Belgique », RSC, 2002, p. 479 ; M. Delmas-Marty, « La responsabilité pénale en échec (prescription, amnistie, immunités) », in A. Cassesse et M. Delmas-Marty (dir.), op. cit., n° 107.
[82] Tribunal de Nuremberg : « Le principe du droit international, qui dans certaines circonstances, protège les représentants d’un État, ne peut pas s’appliquer aux actes condamnés comme criminels par le Droit international », Procès des grands criminels de guerre devant le tribunal militaire international, art. cit., p. 235. Sur la position du Tribunal pour l’extrême orient dans le même sens, v. H. Ascencio, « L’immunité du chef d’État devant les juridictions pénales internationales », art. cit., p. 402.
[83] TPIY, Le Procureur c. Tihomir Blaskic, IT-95-14, arrêt relatif à la requête de la République de Croatie aux fins d’examen de la Déc. de la Ch. 1ère inst. II rendue le 18 juill. 1997, 29 oct. 1997, § 41.
[84] Commentaire sous l’article 7 du Projet de code des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité, Rapport CDI sur les travaux de sa quarante-huitième session, A/51/10, Ann. CDI, 1996, vol. II-2, p. 27.
[85] C. Bassiouni, « Réprimer les crimes internationaux : jus cogens et obligatio erga omnes », in Répression internationale des violations du droit international humanitaire – réunion d’experts, Edit. CICR, Genève, mars 2000, p. 29 et s., cité par G. Doucet, « La responsabilité pénale des dirigeants en exercice » RIDI, janv. 2001, p. 8 ; sur l’argument du jus cogens, v. également E. Castellarin, « L’immunité de juridiction des organes d’Etat en cas de crimes internationaux », in D. Simon (dir.), Questions d’actualité autour des immunités, Pedone, 2015, pp. 51-82.
[86] Cf. partie 1.
[87] CPI, ch. d’appel, préc.
[88] H. Ascencio, « L’immunité du chef d’État devant les juridictions pénales internationales », art. cit. p. 403.
[89] En ce sens, TPIY, Le Procureur c. Tihomir Blaskic, préc. ; TPIY, jug. Furundzija, Le Procureur c. Anto Furundzija, IT-95-17/1-T, jug. du 10 déc. 1998, § 155 : « les tortionnaires exécutants ou bénéficiaires de cesmesures nationales peuvent néanmoins être tenus pour pénalement responsables de la torture que ce soit dans un État étranger ou dans leur propre État sous un régime ultérieur ».
[90] D. Rezai Shaghaji, « Les crimes de jus cogens, le refus de l’immunité des hauts représentants des États étrangers et l’exercice de la compétence universelle », Revue québécoise de droit international, 2015, p. 156 et s.
[91] Il s’agit du « procès des ministères » qui a eu lieu entre 1947 et 1949.
[92] John. R.W.D. Jones, « Droit anglais, in A. Cassese et M. Delmas-Marty (dir.), Juridictions nationales et crimes internationaux, PUF, 2002, pp. 31 et s.
[93] The redress Trust, Immunité c. responsabilité : Étude de la relation entre l’immunité des États et la responsabilité pour torture et autres graves crimes internationaux, déc. 2005
[94] Cour d’appel, 20 nov. 2000, Prosecutor-General of the Supreme Court c Désiré Delano Bouterse. Voy. J. K., Kleffner, « Droit Néerlandais », », in A. Cassese et M. Delmas-Marty (dir.), Juridictions nationales et crimes internationaux, op. cit., p. 217 et s.
[95] D. Vandermeersh, « Droit Belge », in A. Cassese et M. Delmas-Marty (dir.), Juridictions nationales et crimes internationaux, op. cit., pp. 31 et s.
[96] M. Henzelin, « L’immunité pénale des ministres selon la Cour internationale de justice », Revue pénale suisse 2002, p. 252.
[97] CIJ, 14 février 2002, Mandat d’arrêt du 11 avril 2000, République démocratique du Congo c/ Belgique, préc.
[98] Institut de droit international, Résolution sur l’immunité de juridiction de l’État et de ses agents en cas de crimes internationaux, art. III : « Hors l’immunité personnelle dont un individu bénéficierait en vertu du droit international, aucune immunité n’est applicable en cas de crimes internationaux ».
[99] Cass. crim., 13 mars 2001, n° 00-87.215, Bull. crim. n° 64 : D. 2001, p. 2631, note J.-F. Roulot ; ibid. 2001, Somm. 2355, obs. M.-H. Gozzi ; Gaz. Pal. 2001, n° 1. 772, concl. Launay ; RSC 2003, p. 894, obs. M. Massé.
[100] Cass. crim. 13 janv. 2021, n° 20-80.511 ; Cass. crim. 2 sept. 2020, n° 18-84.682.
[101] Cass. crim. 16 oct. 2018, n° 16-84.436 : Lexbase pénal novembre 2018, obs. C. Lacroix : « en l’état du droit international, les infractions susvisées, quelle qu’en soit la gravité, ne relèvent pas des exceptions au principe de l’immunité des représentants de l’État dans l’expression de sa souveraineté ».
[102] Contra : D. Rebut, « Quelle portée pour le mandat d’arrêt international visant Bachar al-Assad ? », blog Club des juristes, 17 nov. 2023.
[103] Ch. Amson et alii, « Laval, ou le procès de la collaboration », in Ch. Amson et alii, Les grands procès, PUF, 2007, pp. 303 et s.
[104] Il ressort de l’article 20 du statut de Rome que la CPI peut juger à nouveau une personne déjà jugée par une juridiction nationale lorsque la procédure « avait pour but de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale » ou « n’a pas été au demeurant menée de manière indépendante ou impartiale, dans le respect des garanties d’un procès équitable prévues par le droit international, mais d’une manière qui, dans les circonstances, était incompatible avec l’intention de traduire l’intéressé en justice », I. Fouchard, Crimes internationaux, op. cit., p. 352.