Xavier BIOY.
L’enjeu légistique de la formulation et de l’emplacement retenus pour consacrer ou expliciter un droit ou une liberté dans le texte constitutionnel ne doit pas être négligé. De fait, le choix opéré par le constituant français, a été fortement débattu jusqu’au résultat adopté par la loi constitutionnelle du 8 mars 2024[1]. Celle-ci comporte un article unique qui modifie l’article 34 de la Constitution pour y inscrire que : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse ». Cette formulation, adoptée à une écrasante majorité, résulte d’un compromis entre la volonté de la majorité à l’Assemblée, favorable à garantir un droit efficace de recourir à l’IVG, et la majorité sénatoriale qui entendait laisser à la loi un rôle de régulateur d’une « simple » liberté, non opposable aux pouvoirs publics ou à autrui, et se conciliant avec le respect de l’embryon et la liberté de conscience des soignants. L’enjeu était donc d’indiquer, en une seule formule, comment la liberté en cause doit, à l’avenir, se concilier avec d’autres normes et ainsi être mise en œuvre par les textes subséquents.
Le projet de loi, présenté en application de l’article 89 de la Constitution, avait été annoncé par le chef de l’État fin octobre 2023. Il faisait suite au vote par le Parlement en février 2023 d’une proposition de loi constitutionnelle, qui nécessitait l’organisation d’un référendum pour être définitivement adoptée. En 2018 déjà, une tentative avortée d’amendement au projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace, voulait reconnaître « aux personnes qui en font la demande, le droit d’avoir accès à une contraception adaptée et gratuite ainsi que de recourir librement et gratuitement à l’interruption volontaire de grossesse, sans justification, dans un délai de quatorze semaines d’aménorrhée minimum ». En 2019, une proposition de loi constitutionnelle avait aussi projeté d’ériger un droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse.
La procédure a été très classique, bien que le gouvernement ait dû prendre la main pour intégrer et dépasser les débats occasionnés par diverses propositions de lois précédentes émanant des parlementaires[2]. Le point remarquable demeure l’extrême rapidité de l’intervention, puisque la date du Congrès à Versailles était connue avant le dernier votre nécessaire du Sénat. Le gouvernement comptait d’abord ses soutiens (le Président du Sénat, G. Larcher, ayant d’ailleurs fait part de ses réserves), avant qu’un mouvement plus large d’adhésion ne se dessine. Le texte avait été voté sans modification par les députés le 30 janvier 2024 par 493 voix contre 30, puis par les sénateurs le 28 février 2024 par 267 voix contre 50 et 22 abstentions. Le 4 mars 2024, le Congrès, a très largement approuvé le projet de loi par 780 voix contre 72 et 50 abstentions. On a vu ensuite une curieuse « cérémonie » pour sceller le nouveau texte, le 8 mars 2024, journée des droits des femmes. Pour la première fois, elle a eu lieu en extérieur, sur la place Vendôme, devant le ministère de la justice, et en public. D’un côté, le décorum qui entoure l’apposition des sceaux sur le document, en présence du Président de la République, de l’autre des chanteurs de variété entonnant des chansons célébrant la joie de pouvoir avorter. On retiendra l’interprétation revisitée de La Marseillaise par Catherine Ringer qui a remplacé le « sang impur » (qui « abreuve nos sillons ») par « une loi pure dans la Constitution ».
Cependant, toute réflexion de cette nature soulève un nombre impressionnant de questions générales préalables, qui ne font pas consensus, autant parmi les personnels politiques, juridictionnels ou académiques. En voici quelques-unes.
Et d’abord, une question préalable : une constitutionnalisation qui semble réagir à une décision américaine, appelant à une forme de transposition des cadres outre-Atlantique, peut-elle réellement avoir le même sens pour la France ? S’agissant, évidemment, d’une forme d’opportunisme politique, ce point a été discuté par la doctrine. Certains dénonçant une forme de « constitutionnalisation par réaction », laquelle ne conviendrait pas à un acte aussi solennel et banaliserait une procédure qui doit (du point de vue de la « morale constitutionnelle » demeurer exceptionnelle). D’autres, ont insisté sur l’absurdité de comparer la situation française avec le système américain que tout oppose, tant politiquement, socialement que juridiquement[3]. Quoi de commun entre fédéralisme et Etat unitaire, Cour suprême et Conseil constitutionnel, présidentialisme et système parlementaire rationalisé, amendements du bill of Rights et article 34 français ? Presque rien.
Le débat juridique comparatiste n’a pas été audible, balayé par l’agitation des peurs et par la division des « juristes experts » quant aux risques existants en France. Et plus la doctrine expliquait que le « risque juridique », quoique impossible à mesurer, et somme toute faible, n’était pas nul, plus les arguments politiques se déployaient et, paradoxalement, attestaient que le risque politique était encore plus faible que prévu, aucun parti politique n’envisageant une remise en cause de la loi Veil. Certains élus favorables étant réduits à dire que « si cela ne change à rien, raison de plus pour le faire » et de verser dans le « symbolisme juridique ». D’où un repli derrière l’idée d’une nécessité « symbolique » de la réforme ou derrière des craintes relatives aux effets de la formalisation[4].
Quelle est l’autorité effective des normes constitutionnelles sur les décisions du législateur et sur les politiques publiques menées par l’exécutif ? En d’autres termes, la constitution est-elle réellement la norme d’habilitation et d’impulsion politique qui impose une action publique déterminée pouvant être prise en défaut d’exécution ? Ou se conçoit-elle d’abord comme une limite aux excès de celle-ci ? La constitution est-elle le lieu des arbitrages des conflits axiologiques ou seulement celui de l’institutionnalisation des valeurs sociales ? Le fait qu’elle parle de « droit » ou de « liberté », a-t-il une influence ? Le fait de situer une telle formulation à tel ou tel endroit du texte a-t-il un effet ? La mise en lumière d’un droit par son explicitation textuelle lui donne-t-elle une portée, une préséance, voire une primauté sur les autres droits ou libertés ? Si la réponse est positive, est-ce du seul fait de cette rédaction ou du fait du contexte de l’acte constituant et pour une durée variable ?
Les réponses à chacune de ces questions sont elles-mêmes très nombreuses car elles convoquent tout à la fois les conceptions diverses du rôle réel ou souhaité d’une constitution livrées par la philosophie politique et l’histoire du constitutionnalisme. Et, au-delà, au plan des effets normatifs, c’est aussi l’enjeu des théories de l’interprétation constitutionnelle et des débats relatifs au type de raisonnement effectué par les juges de constitutionnalité, qu’il s’agisse du Conseil constitutionnel ou des juges ordinaires, en QPC ou dans la mise en œuvre de l’écran législatif. Les réponses buttent toutes sur l’autonomie des juges, sur leur fidélité à leur raisonnement habituel et à la manière dont ces questions se posent devant eux, selon les types de procédures et leur propre réception de leurs décisions par leurs propres justiciables ; en réalité, selon que l’on adopte un point de vue herméneutique décliné entre les écoles réalistes, exégétiques, ou normativistes.
Sans compter les filtres idéologiques liés à la perception même de ce qu’est une interruption volontaire de grossesse[5], selon que l’acte est conçu de manière plus ou moins neutre d’un point de vue axiologique et politique. Il va de soi que les tropismes académiques ont guidé les analyses, selon que l’on assume une lecture féministe, genrée, partisane d’un minimalisme éthique étatique, ou centrée sur la lutte des minorités ou même encore d’un tropisme plus favorable à la souveraineté populaire qu’à celle de la Nation ; ou bien que l’on considère favorablement la régulation étatique, l’ordre public de protection, la pérennité de valeurs communes tenant compte d’un certain conservatisme. La perception de la signification de l’énoncé constitutionnel dépend donc de tous ces paramètres et toute affirmation selon laquelle il faudrait écrire ceci plutôt que cela pour produire telle ou telle norme devient en elle-même une tentative de performation, pour imposer non seulement un point de vue sur le contexte d’énonciation, mais encore sur le produit de toute lecture qui produirait un processus juridique « non maitrisé »[6]. L’occurrence la plus avancée de ce phénomène se trouve sans doute dans les nombreuses interventions issues des courants féministes, partagées entre l’idée que l’IVG est déjà une réalité juridique constitutionnelle qu’il serait dangereux de minimiser et l’envie d’aller plus loin en renversant les équilibres en place au profit d’un renforcement espéré des prérogatives concrètes attachées à l’IVG et qui ne se trouvent pas dans la Constitution mais dans des textes encore à venir. Quand d’autres ont justement alerté sur l’inutile danger des réformes symboliques[7]. Il ne s’est d’ailleurs pas vraiment trouvé d’auteur ayant assumé un point de vue ouvertement non-féministe ou antiavortement, alors qu’il ne manque pas de plaidoyers en faveur d’une forme d’autonomie absolue de la femme sur la procréation[8]. Chacun n’a joué que sur la corde de l’utilité ou non d’une telle réforme pour mieux garantir qu’il s’agit bien d’un droit et non d’une liberté, voire, comme autrefois d’une « tolérance ».
Les débats académiques ont donc généralement manqué de neutralité technique et de neutralité axiologique[9] ; engageant dans l’arène « épistocratique » les tendances, connues ou voilées, des membres de la doctrine, aux côtés d’un personnel politique lui-même mesuré dans ses oppositions. L’idée n’est pas, pour autant, ici, de verser dans un nihilisme fataliste qui nierait la possibilité d’une base académique commune.
Ainsi, la doctrine a-t-elle tenté de durcir le débat en lisant dans un avenir malgré tout surdéterminé par la marge d’autolimitation que le juge s’octroie sur les questions qu’il juge lui-même « de société »[10], sans qu’aucun critère n’ait jamais été avancé sur ce que recouvre ce domaine[11]. Ainsi, la protection de l’environnement (et les changements de comportement radicaux qu’elle recèle) ou bien les lois de protection sociale, ne relèvent pas des questions de société, mais la santé, l’embryon ou la fin de vie le sont. Feignant de croire que les techniques de contentieux constitutionnels ont quelque chose de neutre, de rassurant, voire de prévisible par une causalité qui n’est accessible qu’aux néo-constitutionnalistes, une part de la doctrine a tenté de dépasser l’indépassable enjeu des préjugés et présupposés axiologiques.
Certains débats ont pris une tournure plus experte, lorsqu’il s’est agi d’anticiper les effets de telle ou telle formule, non pas sur le personnel politique et les politiques publiques, mais sur l’éventuel contrôle que le juge constitutionnel effectuerait soit sur une loi future venant réécrire le régime d’accès à l’IVG ou à l’IMG, soit lors d’une QPC soulevant l’incompétence négative de la loi actuelle prise en défaut de retrait par rapport aux ambitions visibles ou supposées du constituant de 2023[12]. D’autres ont réinvesti et réintroduits dans le débat les labyrinthes des rapports de systèmes, vantant tour à tour les avantages et les limites de la protection constitutionnelle sur le marché comparatif des protections conventionnelles.
L’intérêt d’un tel questionnement relatif à la constitutionnalisation de l’IVG, lui-même doublé d’un enjeu semblable pour le droit de la fin de vie et l’institution de l’aide à mourir, est pourtant bien de soulever toutes ces questions et de vouloir leur apporter des éléments de réponse académiques. Quoique imparfaits et nécessairement frappés par les errances de toute discipline sociale et normative, ces arguments doivent être étudiés et resitués dans leurs contextes théoriques, énonciatifs et stratégiques[13]. Comme dans toute approche herméneutique, ils participent de la construction continue d’une tradition argumentative qui contribue à faire exister des représentations communes, lesquelles acquièrent les qualités attendues des institutions : une forme d’intersubjectivité qui limite le nombre de « vérités » et d’opinions recevables, une forme de performativité qui fait exister le droit comme un réel que chacun peut percevoir. Cela permet de mieux voir ce que chacun tente de montrer et d’imposer et donc que, sous le consensus relatif d’une rédaction de compromis, persistent des représentations diverses du droit, plus spécifiquement de la constitution et de ses juges, de leurs rôles dans le champ politique et de ce qu’il convient d’en dire dans une discipline juridique faiblement homogène du point de vue des méthodes académiques.
Reprenant les termes mêmes de la formule retenue, on peut examiner en quoi la liberté de recourir à l’avortement est « garantie » (I.), en quoi le terme de « liberté » a été objet de consensus parce qu’il signifie pour certains « droit » et pour d’autres, justement pas cela (II.), enfin examiner l’ajout du véhicule de la « loi » comme élément complémentaire conditionnel de l’exigibilité de cette liberté (III.).
I. Une liberté « garantie »
Le concept de « garantie » a présidé à la constitutionnalisation de l’IVG. Mais le terme présente bien sûr deux significations ou deux « imaginaires ». Le premier renvoie à l’idée d’un rehaussement formel de norme et suppose que la garantie soit une contrainte pour les strates inférieures de la hiérarchie ; la garantie révèle donc une suspicion vis-à-vis d’un revirement politique. Le second, tend à rendre efficace la norme sous l’angle, cette fois, de sa concrétisation par les politiques et services publics. Il s’agit, matériellement, de s’assurer que le service sera fourni. A la croisée des deux sens, la plupart des parlementaires ont compris qu’un nouvel élan constitutionnel n’aurait pas seulement la signification d’une « mise hors de portée », mais plutôt celle d’une habilitation à aller plus loin dans l’exercice effectif du droit.
Les vertus de la logique formelle peuvent être explorées d’abord. Celles de l’espoir substantiel ensuite, en envisageant l’isolement de la prérogative « IVG » au sein d’une liberté plus vaste et existante, ce qui convoque une analyse sommaire de la nature même des droits fondamentaux et d’une analyse rudimentaire de ce que certains attendent d’une distinction entre « droit et liberté ».
A. Le processus de constitutionnalisation, vertus de la forme et du fond
Sur le plan constitutionnel, dès 1975[14], le Conseil constitutionnel a donné un fondement constitutionnel à la liberté d’avorter, explicité en 2001[15] : la liberté personnelle, plus spécifiquement la liberté corporelle, que la loi concilie avec le principe de dignité de la personne (plus spécifiquement le principe législatif du respect de l’être humain dès le commencement sa vie et la garantie que la Nation doit à la santé de l’enfant[16]). Il avait aussi conditionné la constitutionnalité de la loi à une forme d’équilibre[17] qui n’a cessé d’être modifié par les lois successives en faveur de l’autonomie de la femme. A cela s’ajoute la déconsidération dont l’embryon fait l’objet dans le cadre des lois de bioéthique de 1994[18].
Parmi les arguments des partisans de la constitutionnalisation, l’aspect formel des choses n’a pas manqué d’être évoqué, souvent mêlé de considérations tenant à l’étendue de la prérogative concernée. Les plus juristes des politiques et les plus engagés des juristes de l’académie ont tenté de montrer qu’il fallait mettre la loi de 1975 hors de portée du législateur, voire une version améliorée qui n’aurait pas été « à droit constant ». Le paradoxe étant qu’aucune phalange en France n’entend revenir sur ce droit, il fallut faire « comme si » c’était le cas. C’est-à-dire, envisager une hypothèse où une majorité parlementaire conservatrice arriverait au pouvoir. Il fallait encore imaginer qu’une loi « rétrograde » soit aussi contrôlée par un juge constitutionnel tenté de s’appuyer sur la « nouvelle » disposition. Ce qui amène à lire dans les astres, à nouveaux frais, ce que serait la retenue, ou l’autocensure, traditionnelle du Conseil constitutionnel en matière de mœurs ou de « questions sociétales ». Jusqu’ici, il ne s’estime pas assez armé pour apprécier constitutionnellement les choix politiques effectués, surtout lorsque des connaissances ou techniques médicales évolutives entrent en jeu. Et de parier qu’il en irait-il autrement lorsque la loi revient sur un acquis alors que le juge a abandonné l’effet « cliquet » pour une lecture compréhensive des motifs du législateur. Le pari est que la spécification du droit à l’IVG contraindrait le juge à dépasser ses préventions et à se mêler de choix « moraux ». Il se révèlerait plus féministe face à un législateur conservateur qu’il ne se veut actuellement protecteur de la vie ou du fœtus face à des textes accroissant le périmètre d’autonomie de la femme. On peut y croire, mais, de manière réaliste, cela dépendra de sa composition d’alors et de sa perception de son rôle. Toutes choses qui ne se mesurent guère. Il ne faut pas oublier l’hypothèse, non abordée semble-t-il, d’une loi référendaire qui, certes en méconnaissance du champ de l’article 11, viendrait modifier l’actuel régime. Le Conseil constitutionnel poursuivrait probablement sa jurisprudence refusant d’examiner le texte. La loi « liberticide » se verrait donc confirmée, sans que la constitutionnalisation y change quoi que ce soit. Pour résumer, les vertus formelles n’emportent pas, à elles seules, la conviction d’un changement.
Un autre argument tenait à la nouveauté ; de faire de la France le premier pays à isoler le droit à l’avortement parmi d’autres prérogatives déjà protégées constitutionnellement. Il semble que la France ne soit pas cet Etat précurseur que tous ont vanté, lorsque d’autres disposent de constitutions offrant aussi des assises textuelles, certes plus larges que le seul avortement comme les “droits reproductifs”[19]. Il n’est d’ailleurs pas non plus de ces Etats qui consacrent le droit à la vie au point d’interdire l’avortement ou de refuser de le constitutionnaliser[20].
Ensuite, deux aspects sont à distinguer : d’un côté, la propension à multiplier la liste des droits subjectifs, en réalité en spécifiant l’objet, la prérogative, de droits préexistants (en France la liberté personnelle/corporelle offrait déjà cette possibilité) et, donc en perdant de vue la nature de principes à portée générale (au sens de R. Alexy). D’un autre, la spécification constitutionnelle de l’IVG elle-même.
Sur le premier point, les constitutions qui déploient de longs catalogues de droits subjectifs, aux objets plus ou moins étroits, existent depuis toujours et particulièrement depuis les mouvements de décolonisation (l’Inde ou le Brésil ont des constitutions fleuves et d’importants catalogues de droits). Cela résulte de moments constituants particuliers. Différemment, les ajouts dans des textes plus anciens résultent d’autres considérations comme la méfiance à l’égard du juge constitutionnel, qu’il concentre le contentieux constitutionnel ou que le contrôle soit diffus et laissé à l’appréciation de nombreuses juridictions. Dans le cas français, on a assisté à la conjonction de volontés politiques circonstancielles et d’un mouvement de fond de critique du Conseil constitutionnel. Politiquement, l’absence de majorité politique ferme pour le Président Macron et sa volonté d’apparaître comme réformateur social dans la lignée de V. Giscard-d’Estaing, conduisent à rechercher les sujets de société qui le relient à l’aile gauche en même temps qu’à la droite libérale. Une réforme qui semble ajouter un droit, sans rien coûter à la société, permet de s’offrir une forme de popularité. Ce fût aussi le cas de l’ouverture de la procréation médicalement assistée à “toutes les femmes”, seules ou mariées. La présente réforme a été travaillée par les courants féministes et se trouve sans opposition forte, faute de cohésion d’autres valeurs qui pourraient opérer en sens contraire (il n’y a, par ex., en raison de la laïcisation du politique, pas de portée des mouvements religieux). Les français estiment généralement que les questions de morale sexuelle ou reproductive ne sont plus de la compétence du projet politique porté par l’Etat. En cela, on se trouve peut-être face à une mutation du constitutionnalisme.
Il est d’ailleurs paradoxal de constater qu’en France, l’arrêt Dobbs, qui a redonné du pouvoir aux Etats fédérés, donc à la démocratie de proximité, contre le gouvernement des juges, notamment fédéraux[21], n’a été perçu positivement (mais comme une manœuvre politique des républicains réactionnaires). On a, au contraire, par le choix de la révision constitutionnelle, compté sur le mécanisme juridictionnel, justement en cause aux Etats-Unis.
A cela s’ajoute, la méconnaissance et la méfiance des français vis-à-vis des normes et des juges constitutionnels. Les français connaissent très mal le droit constitutionnel et l’institution qu’est le Conseil constitutionnel offre de nombreux objets de critique et de défiance (sa composition et sa jurisprudence). Dans le débat public préalable à la révision, les “experts” sollicités ont adopté des positions souvent très opposées quant à l’« existence » d’un droit constitutionnel à l’avortement, ce qui n’a fait que révéler l’insécurité dans laquelle ces questions se posent et, finalement, les insuffisances du contrôle de constitutionnalité en France. Certains affirmaient que l’IVG n’était en rien protégée contre un revirement du législateur (ce qui est faux en l’état du droit, mais qui met en lumière que le juge constitutionnel ne voudrait pas ou ne pourrait pas contredire une loi rétrograde), d’autres affirmaient qu’elle l’était, mais que sans que ce soit suffisamment explicite pour qu’il n’y ait aucun risque et d’autres encore, que c’était une réforme “symbolique” nécessaire du point de vue du féminisme. Tout cela convergeait vers une méfiance confuse à l’égard du juge constitutionnel et, in fine, vers un vieux réflexe constitutionnaliste et français : écrire dans le détail, espérant ainsi lier les futurs élus, juges et citoyens par le pacte constitutionnel. Là encore, le paradoxe est frappant car ce sont les mouvements, attachés à la souveraineté populaire, les plus circonspects envers les mécanismes de l’Etat de droit (le texte, l’interprète du texte étant “contre” la spontanéité du peuple) qui ont été les plus fervents acteurs de la réforme constitutionnelle, révélant ainsi le “coup politique” qu’est cette révision. Cette instrumentalisation de la Constitution est plutôt un travers du constitutionnalisme assez classique en France.
B. La surexposition d’une garantie parmi d’autres composantes de la liberté corporelle
Le fait de spécifier et d’isoler l’avortement, surtout en le plaçant comme “excroissance” de l’article 34 dont ce n’est pas l’objet, présente un problème de légistique et un problème de “fondamentalisation”.
D’abord quant au choix de consécration. Plusieurs propositions d’emplacement ont été avancées. Chacune révélatrice d’ambitions et de contraintes différentes, dans un texte baroque (“bloc de constitutionnalité”) qui ne comporte toujours pas de catalogue unique de droits, en dépit de nombreux projets en ce sens. Ainsi, pour certains, la nécessité de l’inscrire dans la Déclaration des doits de 1789 ou le Préambule de 1946, parties de nos textes constitutionnels finalement jugées intangibles; pour d’autres, dans le corps même du texte de la Constitution de 1958, dans les premiers articles, qui sont les seuls à présenter des principes politiques qui sont aussi des droits (laïcité, caractère social de la République, principe de non-discrimination…), mais là encore l’IVG n’est pas un principe mais une prérogative d’accès à un acte médical, les portées étaient trop différentes. D’où l’idée d’incorporer la modification au titre relatif à l’autorité judiciaire qui, pour de complexes raisons historiques et peu logiques, a déjà accueilli la liberté individuelle et l’interdiction de la peine de mort… mais cela aurait donner l’impression d’une consécration minimale et confiée à la seule protection des magistrats judiciaires (en contradiction avec notre système de répartition des compétences avec le juge administratif). Le choix de l’article 34 a alors été retenu, parce qu’il évoque le rôle de l’instrument législatif par opposition aux règlements qui émanent de l’exécutif. L’alinéa 4 sur l’IVG se trouve donc entre la liste des principes sociaux relevant de la loi et le rôle des lois de finances. Et, ainsi, l’avortement devient un élément de la séparation des pouvoirs. Cette seule incongruité, issue de telles hésitations, montre que le droit à l’IVG a vraiment du mal à être une question constitutionnelle.
Ensuite, quant au fait d’identifier l’IVG seul. Cette révision se focalise sur cette seule prérogative, jusqu’ici incluse dans le champ plus large de la liberté personnelle, quand d’autres droits ou libertés frappent à la porte du texte constitutionnel depuis bien longtemps, parfois avec bien plus d’ampleur[22]. En effet, et ce fût le travail opéré par au moins trois commissions (Comités “Vedel”, “Balladur” et “Veil”) affectées à cette tâche de recension des normes n’étant pas explicitement inscrites dans la Constitution, quoique nécessaires dans un Etat de droit. Ainsi le Comité présidé en 2007-2008 par Simone Veil elle-même (alors ministre porteuse de la loi IVG de 1975) devait déterminer s’il était nécessaire et souhaitable de rédiger une nouvelle déclaration des droits, et a estimé les droits convenablement protégés[23]. Pourtant le droit à la vie privée, à la protection des données, du domicile, ou tout simplement le droit à la vie et l’interdiction de l’esclavage, ni même le principe de dignité, ne sont consacrés textuellement mais seulement par le bon vouloir du juge constitutionnel. En vertu de quoi l’avortement est-il passé politiquement avant ces grands ensembles ? Politiquement, en raison d’un emballement médiatique et d’un hubris parlementaire rêvant “d’entrer dans l’histoire” (et le répétant à l’envie).
Juridiquement, et plus sérieusement, certains ont mis en avant le fait que les droits européens, la Convention européenne et son juge de Strasbourg, autant que la Charte des droits fondamentaux de l’Union et le sien, ne protègent pas assez l’IVG, ce qui ne serait pas le cas des autres droits cités comme exclus de l’écrit constitutionnel français. D’ailleurs, à peine votée la révision française, Emmanuel Macron s’est donné mandat médiatique (et ambitieux) de faire inscrire l’IVG dans la Charte de l’Union européenne ! Nos élus considèrent toujours la France comme “la lumière du monde” en dépit de toutes affirmations du relativisme culturel et du respect des souverainetés … [24] On regrettera donc que l’occasion n’ait pas été saisie d’adapter plus largement notre texte à d’autres enjeux sociaux, et modernisé plus largement son contenu par d’autres droits, par ailleurs souvent plus consensuels. En ce sens, l’esprit du constitutionnalisme s’est retrouvé étriqué, négligé, privatisé et finalement loin de l’ambition gonflant l’orgueil de nos députés. Le projet a pourtant été compromissoire et en deçà- des garanties législatives actuelles[25].
C. La présupposition collective d’une distinction entre droit et liberté, synonyme d’opposabilité et résultant des obligations d’action de l’Etat
Le débat théorique concernant l’usage de “liberté” ou de “droit” pourrait être sans fin[26]. Il dépend d’un ensemble d’éléments épistémologiques. La compréhension de ce que serait une distinction entre « droit » et « liberté » dépend, en effet, de ce que la doctrine envisage comme « relation de droit fondamental » et rôle de l’Etat dans la mise en œuvre d’obligations positives ou négatives (« respecter, protéger, promouvoir »[27]). Trois positions à examiner rapidement[28].
Ainsi, une première approche, en deux branches, propose, non pas de séparer, mais de distinguer : la « liberté » désigne toute prérogative accessible au sujet mais on peut parler de « droit » si des garanties de concrétisation doivent être apportées. Le droit objectif permet une action que le sujet peut opposer à des tiers, ce qu’on peut appeler un « droit subjectif ». Dans cette même approche, deux variantes existent. L’une fondée sur le contenu, sur l’objet de la norme (plus il est identifiable, plus il serait un “droit”), l’autre sur le sujet de droit (plus le titulaire est libre de définir ce qu’il veut y mettre, plus il s’agit d’un droit).
Pour une seconde approche, celle de l’assimilation, d’un point de vue analytique, aucune distinction pertinente n’est possible, ni même souhaitable, entre droit et liberté. Ainsi, en France, les libertés sont pensées généralement comme des droits subjectifs. Il y a toujours une part de choix dans un droit et une opposabilité dans la liberté[29]. La formulation en « droit » ou « liberté » semble d’ailleurs, en France, indifférente aux textes et aux juges qui les intègrent tous dans leur contrôle et se positionnent davantage en fonction de leur propre office, selon les types de procédures ouvertes et les pouvoirs dont ils disposent pour contraindre. Le débat est donc très byzantin.
A bien des égards, le « droit » ou la « liberté » de l’interruption de grossesse a déjà donné lieu à de tels débats : la dépénalisation crée-t-elle un droit ou une simple « tolérance » ? Pour les uns l’interdit demeure la base et la dépénalisation crée une liberté sans droit ; pour les autres, l’accumulation de garanties d’accès à l’acte en fait un droit (le fondement « positif » dans un des droits fondamentaux, le droit au respect de la vie privée ou la liberté personnelle, la qualification de « soin », la prise en charge par l’assurance maladie, les délits d’entrave, la responsabilité de l’Etat en cas de risque pour la femme… en font un droit[30]). Il s’agit donc, dans les conditions légales, d’un droit, concrétisation d’une liberté fondamentale, mais qui demeure en tension avec la protection du fœtus. Son opposabilité à tous dépend, in fine, de la possibilité pour les tiers de refuser (donc de la clause de conscience des professionnels de santé).
II. Les éléments d’un « droit »
La majorité sénatoriale a entendu s’opposer dans un premier temps à l’idée que la constitutionnalisation puisse accroitre les prérogatives de la femme en allégeant les conditions ou en imposant des prestations à l’Etat ou aux tiers, faisant de l’avortement un droit opposable et exigible aux effets horizontaux marqués. A l’inverse, une partie des tenants de la réforme pensaient trouver un ancrage dans le caractère « social » de ce droit. Finalement, l’accumulation des items « par la loi », « conditions » et « liberté », ont réaffirmé la conditionnalité de la garantie.
A. Rattachement aux « droits sociaux » et à leur opposabilité[31]
La volonté affichée d’utiliser le terme de « droit » à l’avortement pouvait couvrir deux intentions distinctes : soit tirer la qualification correspondant à l’état du droit législatif déjà ainsi consolidé, soit tenter d’en accroitre l’efficacité en poussant la loi à multiplier les obligations de ses débiteurs, publics ou privés. Pour ce faire, un rapprochement avec la catégorie des « droits sociaux » a été avancé, par le prisme du droit à la santé. Certains auteurs, les libéraux, se sont inquiétés de voir un droit social être ainsi constitutionnalisé, créant un précédent « fâcheux ». Il est vrai que la prise en charge totale par l’assurance maladie présente un coût. Cependant, il est déjà couvert par le droit à la santé et la plupart des auteurs l’ont ainsi admis.
Certes, en 1975, le Conseil n’a pas fondé la liberté de recourir à l’IVG sur le droit d’accès à des soins, et ce en dépit du fait que cela relevait tout de même des motifs de la loi, laquelle tendait à éviter les avortements clandestins dangereux. Il a simplement indiqué, à l’inverse et en creux, « qu’aucune des dérogations prévues par cette loi n’est, en l’état, contraire à l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, ni ne méconnaît le principe énoncé dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, selon lequel la nation garantit à l’enfant la protection de la santé ». Cette mention renvoie-t-elle à la santé de la femme et confirme-t-elle que la santé est un enjeu de la loi ? Ou celle du fœtus qui pourrait être ainsi méconnue ? La première sans doute… mais il n’en est plus question dans les décisions ultérieures. En 1994, les requérants rapprochent le diagnostic prénatal, de santé publique, de sa conséquence possible, l’interruption de la grossesse ; mais le juge coupe court : « le diagnostic prénatal in utero n’autorise aucun cas nouveau d’interruption de grossesse. En 2014, il n’est plus question que de convenance[32]. La décision de 2021 ne mentionne pas la santé[33].
L’IVG, médicamenteuse ou chirurgicale n’en demeure pas moins un acte médical, un soin, pris en charge par l’assurance maladie et donc un élément législatif rattachable à l’objectif constitutionnel de la protection de la santé, susceptible de fonder certains arbitrages entre liberté et ordre public[34], entre droits de la femme/patiente et autres acteurs de la santé. A l’intérieur de la protection de la santé, l’aspect « accès aux soins », même lorsqu’il n’est pas question de pathologie mais de convenance comme dans c’est le cas de l’IVG, peut emporter des obligations positives d’action (disponibilité de personnels formés et qualifiés, délais d’accès raisonnables au vu des contraintes temporelles imposées par la loi, répartition territoriale permettant l’accès, …). Cependant, de manière générale et pour la santé en particulier, les droits sociaux ne paraissent pas les plus opposables ou exigibles[35]. Non pas qu’ils souffriraient d’une malfaçon congénitale ou fatale mais sans doute le juge se montre-t-il souvent hésitant à imposer une charge financière ou un processus concret de mise en œuvre à la puissance publique. Le mécanisme de contrôle de l’incompétence négative concerne d’abord les normes de fond elles-mêmes et non le contrôle de l’action de l’exécutif. Le traitement contentieux de la santé n’est guère favorable à la réalisation d’un droit, encore moins d’une liberté à disposer de soi[36]. Il n’est donc pas certain que le choix du mot « droit » plutôt que « liberté » aurait permis au juge constitutionnel d’imposer plus que ce que le législateur a déjà institué, ni empêcher que le service public de santé ne réduise l’offre de soins en la matière. A l’inverse, on peut penser que la formule aurait un impact dans l’argumentaire des parlementaires ou du gouvernement, mais en l’état, c’est bien de « liberté » dont il est question.
B. La conditionnalité de la garantie
La formulation retenue appelle la loi pour déterminer « les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie ». Cette précision implique qu’il ne s’agit donc pas d’un droit inconditionnel constitutionnellement et que seule la loi pourrait les assouplir ou les supprimer. La formule confirme aussi le droit positif actuel qui a réduit les conditions requises en 1975.
Sur le plan législatif, il n’a pourtant pas cessé d’être facilité depuis. Entre 1975 et 2000, disparaissent les conditions d’accès et freins à l’interruption volontaire de grossesse : le remboursement des frais de l’intervention par la Sécurité sociale[37] et l’érosion progressive des réticences des chefs de service qui s’abritaient derrière « la clause de conscience ». La loi dite « Aubry-Guigou », du 4 juillet 2001, complète le dispositif. Depuis cette loi, l’IVG était pratiquée jusqu’à douze semaines. L’allongement de ce délai a été validé par le Conseil constitutionnel. La justification s’appuyait alors sur la « situation de détresse ». Or, cette condition de détresse a été également abrogée par la loi du 4 août 2014 relative à l’égalité des femmes et des hommes. La loi du 2 mars 2022 a allongé de deux semaines le délai légal de l’IVG chirurgicale, porté à quatorze semaines de grossesse (soit seize semaines après le début des dernières règles). Les sage-femmes peuvent réaliser des IVG par voie chirurgicale jusqu’à la fin de la dixième semaine de grossesse dans les hôpitaux (et non plus seulement des IVG médicamenteuses). La loi supprime le délai de réflexion de deux jours avant de confirmer par écrit son souhait de recourir à une IVG après l’entretien psychosocial (obligatoire pour mineures non émancipées). Un répertoire recensant, avec leur accord, les professionnels et les structures pratiquant l’IVG devra être publié par les agences régionales de santé. Une loi du 20 mars 2017 a étendu de délit d’entrave à l’IVG aux hypothèses de « désinformation » de sites internet qui dissuaderaient de recourir à l’IVG[38]. Deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende sont promis à celui qui tente d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur une interruption volontaire de grossesse ou les actes préalables notamment par la diffusion ou la transmission d’allégations ou d’indications de nature à induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif, sur les caractéristiques ou les conséquences médicales d’une interruption volontaire de grossesse. En deuxième lieu, la loi réprime également les pressions morales et psychologiques, menaces et actes d’intimidation exercés à l’encontre des personnels des établissements habilités, des femmes venues y recourir à une interruption volontaire de grossesse ou de leur entourage, ainsi que des personnes venues s’y informer. On est ici loin de la conception de la liberté d’expression qui tient les individus pour des êtres capables de s’orienter et de confronter les points de vue. Le Conseil constitutionnel a pourtant également vu dans les comportements ainsi réprimés des « abus de la liberté d’expression » et jugé proportionnée l’atteinte à cette liberté[39].
Une dernière condition tient à la mention de la « femme » comme bénéficiaire ou titulaire de la liberté garantie. L’inscription dans une perspective de genre et de refondation féministe de l’ordre social est claire[40]. D’apparence évidente (de fait, seules les femmes peuvent avorter et, de droit, décider de le faire puisqu’aucune autre personne n’aurait à faire valoir ses intérêts) et conforme au discours féministe, elle peut s’interpréter comme excluant les hommes transsexuels qui auraient conservé leurs facultés reproductives. Cette exclusion, sans doute comparable à celle que met en place la loi relative à l’accès à la procréation médicalement assistée, est parfois présentée comme une discrimination. Le Conseil constitutionnel n’a pourtant pas jugé que le motif du sexe soit étranger à l’objet de la loi, ce qui lui permet d’accepter la différence de traitement[41].
III. Une liberté « garantie par la loi »
Selon une formule qui apparaît inutile, à la fois parce qu’elle est redondante avec le contexte de l’article 34 (dont le but est d’affermir le rôle de la loi) et parce qu’elle ne fait que rappeler que chaque degré de la hiérarchie remplit un rôle. Dans la tradition démocratique française, celui de la loi est d’établir la teneur des principes constitutionnels et d’arbitrer leurs conflits[42]. Alors qu’il avait été envisagé de placer le droit à l’IVG près de l’abolition de la peine de mort, ou à l’article premier, le choix de l’article 34 pourrait confirmer que la constitutionnalisation est vide de contenu pour s’en remettre au bon vouloir de la loi ; sans même garantie d’un droit constant, un peu comme fit la consécration constitutionnelle du principe de précaution, moins exigeante que celle de la loi Barnier dix années plus tôt.
A. La teneur des obligations positives constitutionnelles[43]
C’est un réel risque que de vouloir déterminer les usages qui seront faits de la « nouvelle » disposition. On a vu que certains la jugent « platonique ». Si on l’on admet, avec réalisme, que c’est assez largement l’interprète qui fait la signification et donc la norme portée par un énoncé, il faut ajouter à la seule lecture du texte et des débats parlementaires, la posture habituelle du juge constitutionnel. Il va de soi que certains partis vont vite mobiliser le nouveau texte et la notion de « garantie » pour exiger à la fois des éléments de financement et de politiques publiques en faveur de l’accès à l’avortement et des garanties juridiques d’opposabilité. Elles étaient déjà en débat en 2001 et en 2021 dans le cadre de la loi de bioéthique. On pense d’abord à un nouvel allongement du délai de recours à l’IVG, au financement de services sur tout le territoire, puis à la suppression des clauses de consciences des personnels de santé.
Sur le premier point, pour quelques centaines de cas par an dans lesquels les femmes se rendent à l’étranger, le souhait de certains est d’encore modifier le délai, voire de le supprimer en fusionnant avec le régime de l’interruption médicale de grossesse qui ne connaît pas de délai. L’argument a été déjà discuté de considérer l’état de détresse de la femme comme une pathologie justifiant de supprimer tout délai. La question n’est pas tant de savoir si une majorité parlementaire s’y résoudrait, mais de savoir si le juge constitutionnel y verrait une rupture de l’équilibre entre dignité et liberté qu’il a constaté et érigé en condition de constitutionnalité en 1975 et 2001. La prédiction est d’autant plus difficile que l’irruption d’un droit précis à avorter ne permet peut-être pas de raisonner à droit constant, puisque les valeurs opposées à l’IVG n’ont, elles, pas été précisées par le texte, même si elles ont été consacrées par ce « même juge » qui ne sera jamais tout à fait le même, ni un autre. La considération accordée à l’embryon ou au fœtus, pourrait ne pas faire le poids désormais. Non pas que le texte donne toute latitude au législateur ou au juge, mais qu’il lui donne un appui certain dans sa motivation.
Sur le second point, les clauses de conscience n’en sont pas moins politiquement menacées dans les débats entourant la modification des conditions de recours à l’IVG, ceux de la loi de bioéthique et de la recherche sur l’embryon, enfin ceux qui précèdent la légalisation de l’aide active à mourir. D’ailleurs, le chef de service ne peut plus s’opposer au nom de l’objection de conscience, à la pratique des IVG dans son service depuis la loi du 7 juillet 2001. Chaque « avancée » des libertés individuelles dans la société contribue à y voir un droit dont le système de santé se trouve être le débiteur et les soignants les prestataires. La médecine ne se limite plus à la thérapie et recouvre tous les « actes » effectués par les médecins, y compris des actes de convenance personnelle. L’article R2212-4 du code de la santé publique dispose d’ailleurs que les hôpitaux publics ou associés au service public ne peuvent refuser de pratiquer des IVG. Or, plus le service est petit, plus l’objection peut perturber le service et accroître les pressions sur le personnel objecteur. L’assise constitutionnelle demeure fragile. Saisi au titre de la violation de la liberté du praticien, le Conseil constitutionnel a donné à la clause de conscience une certaine assise constitutionnelle à travers la mise en parallèle de la liberté de conscience personnelle et de l’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme. Dans sa première décision IVG I[44] portant sur la loi relative à l’interruption volontaire de la grossesse, à l’appui de l’établissement de la constitutionnalité de la loi, le Conseil a relevé que celle-ci « respecte la liberté des personnes appelées à recourir ou à participer (nous soulignons) à une interruption de grossesse (…) que, dès lors, elle ne porte pas atteinte au principe de liberté posé à l’article 2 de la DDHC ». La décision IVG II[45], malgré la suppression de la clause de conscience du chef de service, a souligné le maintien de la clause personnelle[46]. Ces formules semblent constitutionnaliser le principe des clauses mais la chose demeure très implicite. Le juge regarde ses éléments, choisis par la loi, comme des éléments du contrôle de proportionnalité du dispositif et non comme principe à part entière. Sa politique de « retenue » traditionnelle en ces domaines hypothèque largement l’idée d’une censure de la suppression éventuelle des clauses par la loi.
La Cour européenne ne garantit pas de telles clauses. Certes, elle considère que « les États sont tenus d’organiser leur système de santé de manière à garantir que l’exercice effectif de la liberté de conscience des professionnels de la santé dans le contexte de leurs fonctions n’empêche pas les patients d’accéder aux services auxquels ils ont droit en vertu de la législation applicable »[47]. Mais elle déclare irrecevable une requête contre le refus d’embaucher des sage-femmes refusant de pratiquer des IVG[48].
B. Les effets de la réforme sur les catégories légales
Un dernier aspect concerne les effets de la réforme sur la distinction qu’opère notre droit entre IVG et IMG. L’une relève de la convenance personnelle, l’autre fournit un cadre à un double risque alternatif pour la santé de la femme ou celle de l’enfant potentiel. L’Interruption médicale (autrefois « thérapeutique »), dépend d’une appréciation par l’institution médicale de la réalité des risques encourus et des difficultés à s’en prémunir ultérieurement. Elle est possible lorsque la grossesse met en péril grave la santé de la femme (avant il fallait qu’elle mette sa vie en danger) ou lorsqu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une infection incurable. La loi n’impose pas de délai pour cette catégorie d’avortement. Le corps médical conserve ici un pouvoir, sur le papier, un pouvoir d’appréciation de la qualité de vie liée à la pathologie dont souffre le fœtus. L’affection incurable doit être attestée par deux médecins qualifiés de deux services différents. Si le médecin estime que c’est une affection incurable mais qu’on peut vivre avec, il essayera de convaincre la femme de l’accepter. Néanmoins, la Cour de cassation admit qu’il s’agissait d’un droit subjectif conditionné de la femme à disposer de son corps et de sa maternité lors de l’affaire Perruche[49]. Il en est de même pour le juge administratif[50]. Hors urgence médicale, la femme se voit proposer un délai de réflexion d’au moins une semaine avant de décider d’interrompre ou de poursuivre sa grossesse. En pratique, l’interprétation des dispositions par le corps médical semble intégrer les situations de grande détresse psychologique dans le motif sanitaire. Cette même condition de détresse a été supprimée pour le dispositif d’interruption volontaire. Une partie des parlementaires s’est dite favorable à une IMG lorsque la femme invoque une détresse jugée pathologique. Les deux mécanismes tendent donc à se rapprocher, dans les faits et dans les représentations, jusqu’à se confondre. Il va de soi que les médecins compatissants peuvent attester de détresses « pathologiques ». On peut y voir un glissement et l’abolition de la distinction des deux sortes d’interruption de grossesse. La nouvelle disposition constitutionnelle, qui ne distingue pas entre les deux, pourrait s’interpréter dans ce sens.
Et on ne parlera pas des effets de la réforme sur la représentation sociale du fœtus. Si l’absence de mention d’un « droit » évite en partie qu’il ne soit perçu comme l’objet de la disposition de la volonté de la femme, la constitutionnalisation sans la mention de l’être humain, telle que l’avait relevé le juge constitutionnel a pour effet de déséquilibrer les choses et d’occulter la figure de l’enfant à naître.
On le voit, la révision constitutionnelle est grosse de potentialités mais rien n’indique leur avènement. On juge un arbre à ses fruits et il est trop tôt pour le faire.
Xavier BIOY
Professeur, Université Toulouse Capitole
Vice-Doyen de la Faculté de droit
Codirecteur du Master « Droit des libertés »
[1] Marie Lamarche, « IVG et Constitution : protéger l’une et l’autre, l’une par l’autre ; les affres du débat », Revue Droit de la famille, 01-03-2024, n°3, p. 3-4
[2] Florence Chaltiel, Chronique d’une constitutionnalisation attendue : l’adoption d’une nouvelle liberté constitutionnelle par le Congrès le 4 mars 2024, Revue Les Petites Affiches, 01-05-2024, n°5, p. 5-10
[3] Ou, au contraire validé trop vite (Malcolm Biga, « Droit à l’avortement : un demi-siècle de féminisme franco-américain », Recueil Dalloz, 02-02-2023, n°4, p. 186-187).
[4] Stéphane Mouton, Sophie Paricard, « La constitutionnalisation de l’avortement : une fausse bonne idée », Recueil Dalloz, 01-09-2022, N°29, p. 1475-1476
[5] Chacun discréditant l’autre pour son manque de neutralité axiologique : Albane Frambourt, Robin Lenseigne, « L’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution française », Les Petites Affiches, 01-10-2022, n°10 – p. 6-7.
[6] Clotilde Brunetti-Pons, « A propos de la question d’une constitutionnalisation de l’interruption volontaire de grossesse », Revue Juridique Personnes et Famille (RJPF), 01-01-2023, n°1 – p. 27-31
[7] Anne Levade, « IVG, une constitutionnalisation tout en symboles ! », La Semaine juridique – édition générale (JCP G), 11-03-2024, n°10 – p. 460 ; Anne Levade, « Réviser, mais pour quoi faire ? », Revue La Semaine juridique – édition générale (JCP G), 16-10-2023, n° 41 – p. 1814.
[8] Marie Mathieu, « L’avortement en France : du droit formel aux limites concrètes à l’autonomie des femmes », Droit et société, 01-10-2022, n° 111 – p. 334-355
[9] Anne-Marie Le Pourhiet, « Inscrire l’IVG dans la Constitution est inutile et insensé », Marianne, 27 juin 2022. URL : https://www.marianne.net/agora/entretiens-et-debats/inscrire-livg-dans-la-constitution-est-inutile-et-insense; contra : Stéphanie Hennette-Vauchez, Diane Roman et Serge Slama, « Pourquoi et comment constitutionnaliser le droit à l’avortement », La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 07 juillet 2022, consulté le 24 juillet 2024. URL : http://journals.openedition.org/revdh/14979 ; DOI : https://doi.org/10.4000/revdh.14979 ; Diane Roman, « L’avortement, un droit qui n’a toujours pas de nom », La Semaine juridique – édition générale (JCP G), 08-03-2021, n°10 – p. 430-432 ; Stéphanie Hennette-Vauchez, Laurie Marguet, « Chron. Bioéthique », Cahiers Droit, sciences & technologies, 01-12-2023, n°17, p. 63-86 ; Marie Lamarche, « Avortement : rien n’est jamais définitivement acquis », Revue Droit de la famille, 01-09-2022, n°9, p. 2. ; Amandine Cayol, Tatiana Gründler, Camille Bourdaire-Mignot, Chron. « Éthique et droit du vivant », Revue Revue générale de droit médical, 01-12-2023, n° 89, p. 153-182 ; Marie-Xavière Catto, « La Constitution, la famille et la procréation : la société ou l’égalité ? », Revue Titre VII, 01-10-2023, Numéro 11 ; Marie Mesnil, « Variations autour de la constitutionnalisation du droit à l’IVG », La Semaine juridique – édition générale (JCP G), 05-12-2022, n°48 – p. 2192-2193.
[10] Isabelle Corpart, « La liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse s’inscrit dans la Constitution », Revue Juridique Personnes et Famille (RJPF), 01-04-2024, n°288, p. 20-21
[11] Anne-Laure Youhnovski Sagon, « Liberté d’avorter, j’écris ton nom », Revue La Semaine juridique – Administrations et collectivités territoriales (JCPA), 11-03-2024, n°10-11 – p. 2-3
[12] Valérie Goesel-Le Bihan, « IVG, réflexions d’une constitutionnaliste », AJDA 2023 p.745
[13] M. Koskas, Faut-il tout mettre dans la Constitution ?, Pouvoirs 2023, n° 187, p. 55 ; Michel Verpeaux, « Constitutionnalisation et Constitution », Revue Française de Droit Administratif (RFDA), 01-09-2018, n° 5, p. 966-975 ; M.-L. Michalik, « Inscription du droit à l’IVG dans la Constitution : “Le recours au droit comme solution à tout est une illusion dangereuse” », Le Figaro, 28 juin 2022
[14] CC, 15 janv. 1975, déc. n° 74-54 DC, IVG I.: « la loi relative à l’interruption volontaire de la grossesse respecte la liberté des personnes appelées à recourir ou à participer à une interruption de grossesse, qu’il s’agisse d’une situation de détresse ou d’un motif thérapeutique ; que, dès lors, elle ne porte pas atteinte au principe de liberté posé à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen »
[15] CC, 4 juillet 2001, déc. n° 2001-449 DC, IVG II.
[16] déc. n° 74-54 DC :« 10. Considérant qu’aucune des dérogations prévues par cette loi n’est, en l’état, contraire à l’un des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ni ne méconnaît le principe énoncé dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, selon lequel la nation garantit à l’enfant la protection de la santé »
[17] déc. n° 74-54 DC : « 9. Considérant que la loi déférée au Conseil constitutionnel n’admet qu’il soit porté atteinte au principe du respect de tout être humain dès le commencement de la vie, rappelé dans son article 1er, qu’en cas de nécessité et selon les conditions et limitations qu’elle définit »
[18] CC, 27 juill. 1994, déc. n° 94-343/344 DC, Bioéthique I.
[19] D. Borrillo et Th. Perroud, « Dans certains Etats américains, c’est la liberté reproductive de chaque individu qui est constitutionnalisée », Le Monde, Publié le 19 avril 2024, https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/04/19/dans-certains-etats-americains-c-est-la-liberte-reproductive-de-chaque-individu-qui-est-constitutionnalisee_6228609_3232.html
[20] Guillaume Rousset, « Constitutionnalisation du droit à l’interruption de grossesse : le chili dit non ! », La Semaine juridique – édition générale (JCP G), 19-09-2022, n° 37 – p. 1686
[21] Elisabeth Zoller, « La fin du droit national à l’interruption volontaire de grossesse aux États-Unis : quels enseignements pour l’étude comparative des droits ? », Revue Française de Droit Constitutionnel (RFD Const), 01-03-2024, n°137 – p. 245-256 ; Anne-Laure Youhnovski Sagon, « De la démocratie en Amérique ? », La Semaine juridique – édition générale (JCP G), 04-07-2022, n°26, p. 1290-1291 ; Floriane Volt, Caroline Leroy Blanvillain, Yseline Fourtic-Dutarde, « Avortement aux États-Unis. Pour les droits des femmes, l’enfer est pavé de bonnes intentions », La Semaine juridique – édition générale (JCP G), 13-03-2023, n°10, p. 509-515.
[22] Agnès Vidot, La codification constitutionnelle des droits fondamentaux – Recherche sur l’absence de catalogue formel de droits fondamentaux dans la Constitution française du 4 octobre 1958, Université de La Réunion, le 11 décembre 2023.
[23] Redécouvrir le préambule de la Constitution – Rapport du comité présidé par Simone Veil, La Doc. française, 2008.
[24] Yaël Braun-Pivet, Présidente de l’Assemblée nationale évoquant « un rendez-vous avec l’histoire parce que la France renoue avec sa tradition universaliste ».
[25] Sacha Sydoryk, « Quelle révision constitutionnelle pour quelle liberté de recourir à l’IVG ? », Actualité Juridique Droit Administratif (AJDA), 22-04-2024, n°15, p. 845-851
[26] Bertrand Mathieu, « L’avortement n’est pas un droit fondamental, mais une liberté fondamentale », La Croix, 27 juin 2022. URL : https://www.la-croix.com/Debats/Lavortement-nest-pas-droit-fondamental-liberte-fondamentale-2022-06-27-1201222238
[27] Not. Conseil de l’Europe, Manuel pour la pratique de l’éducation aux droits de l’homme avec les jeunes.
[28] Cf. M. Têtu, La catégorie juridique des droits et libertés, thèse Lyon III, 2020.
[29] C. Roulhac, L’opposabilité des droits et libertés, Institut Universitaire Varenne, Thèses, 2018.
[30] CEDH, 20 mars 2007, Tysiac c. Pologne, req. n° 5410/03.
[31] P.-Y. Verkindt, « L’appel aux droits fondamentaux en matière sociale », Droit social 22 juin 2019. 503.
Ph. Warin, Agir contre le non-recours aux droits sociaux : Scènes et enjeux politiques, Presses universitaires de Grenoble, coll. Libres cours Politique, 2019.
[32] Xavier Bioy, « IVG III », la convenance plutôt que la détresse. A propos de la décision du Conseil constitutionnel, n° 2014-700 DC du 31 juillet 2014, Loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, Février 2015, N° 5 du Journal de médecine légale, Vol. 57 et N° 3 de la série « E » Droit, Santé et Société, Vol. 1, p. 7.
[33] CC, 4 juillet 2001, déc. n° 2001-449 DC
[34] Xavier Bioy, « Santé et liberté, duo ou duel ? », RDSS, 2023, p. 455-468.
[35] Carlos-Miguel Herrera, Les droits sociaux, PUF, coll. Que sais-je ?, 2009 ; Gerjc-Ilf, Constitution et droits sociaux, Annuaire international de justice constitutionnelle, 2016 ; Diane Roman, « La justiciabilité des droits sociaux ou les enjeux de l’édification d’un État de droit social », La Revue des droits de l’homme [En ligne], 1 | 2012, mis en ligne le 27 mars 2014, consulté le 22 juillet 2024. URL : http://journals.openedition.org/revdh/635 ; DOI : https://doi.org/10.4000/revdh.63
[36] Xavier Bioy, « A propos du positionnement du Conseil constitutionnel dans les domaines de la santé et de la bioéthique », Titre VII, N° 11 – octobre 2023 ; « Le traitement contentieux de la santé en droit constitutionnel », in Constitutions et Santé – Actes du colloque du 14 juin 2013, RDSS, n° hors-série 2013, pp. 45-67.
[37] Loi du 31 déc. 1982 puis du 20 déc. 2002 qui transfère la charge de l’État vers les organismes de Sécurité sociale. En octobre 2012 le législateur a porté à 100 % le remboursement des frais.
[38] Céline Castets-Renard, Caroline Lequesne, « Avorter à l’ère numérique : l’exercice d’un droit en peine », Recueil Dalloz, 08-02-2024, n°5, p. 221-227
[39] CC, 16 mars 2017, n° 2017-747 DC, Loi relative à l’extension du délit d’entrave à l’interruption volontaire de grossesse.
[40] Stéphanie Hennette-Vauchez, Diane Roman et Serge Slama, « Pourquoi et comment constitutionnaliser le droit à l’avortement », préc.,: « celle du sens profond qu’il faudrait conférer à une telle proclamation, celui d’une nouvelle ère du constitutionnalisme libéral » « inaugurer l’ère de la constitutionnalisation du droit à l’avortement serait un geste éminemment pionnier. En prendre la mesure suppose de s’interroger sur le sens profond du silence des textes constitutionnels sur les questions reproductives. Car ce silence est, en effet, bien paradoxal : alors même que le texte constitutionnel fait figure, à bien des égards, de formalisation juridique du contrat social qui donne naissance à la communauté politique, il néglige et reste muet sur les questions de reproduction et de perpétuation de ladite communauté. »
[41] Décision n° 2022-1003 QPC du 8 juillet 2022 ; X. Bioy, « La loi de bioéthique 2021, plus sociétale que jamais », 27-09-2021, AJDA, N° 32 – p. 1826-1836 ; Marie Mesnil « Homme, Femme, Personne : qui a vocation à porter un enfant ? », Dalloz, Le droit en débats, 22 Avril 2024 (https://www.dalloz-actualite.fr/node/homme-femme-personne-qui-vocation-porter-un-enfant).
[42] Carolina Cerda-Guzman, Codification et constitutionnalisation, Fondation Varenne ; diff. LGDJ , 2011. – (Collection des thèses ; n° 44) ; Michel Verpeaux, « Brèves considérations sur la constitutionnalisation des branches du droit », RFDA, 2015-01 (6) ; La constitutionnalisation des branches du droit : actes de l’atelier du IIIe Congrès de l’Association française des constitutionnalistes, Dijon, 14-16 juin 1996, sous la direction de Bertrand Matthieu et Michel Verpeaux ; avec la collaboration de Thierry di Manno, Louis Favoreu, Richard Ghevontian… et al. ; Presses universitaires d’Aix-Marseille ; Economica, Collection Droit public positif, Travaux de l’Association française des constitutionnalistes, 1998 ; Stéphane Mouton, La constitutionnalisation du droit en France, Thèse droit Toulouse, 1998.
[43] Christian Byk, « Réflexions juridiques sur un sujet politique : l’avenir constitutionnel de l’IVG », Revue générale de droit médical, 01-12-2022, n°85, p. 141-166
[44] Déc. n° 74-54 DC, 15 janvier 1975.
[45] Déc. n° 2001-446 DC, 27 juin 2001, cons. 15.
[46] « qu’est ainsi sauvegardée sa liberté, laquelle relève de sa conscience personnelle et ne saurait s’exercer aux dépens de celle des autres médecins et membres du personnel hospitalier qui travaillent dans son service ».
[47] CEDH, 26 mai 2011, R.R. c. Pologne, n° 27617/04, § 206.
[48] CEDH, déc., 11 févr. 2020, Grimmark et Steen c. Suède (déc.), no 18724/05.
[49] Cass. ass. plén., 17 nov. 2000 : la volonté réitérée de la mère de recourir à l’ITG en cas de diagnostic défavorable était évidente et la Cour de cassation a admis que l’absence de ce diagnostic, à l’origine de la naissance, était une faute.
[50] CE, 14 févr. 1997, CHR de Nice c. Époux Q.