L’universalisme des droits de l’homme malade de la liberté de religion ?

Mustapha AFROUKH.

NB : Ce texte est issu d’une communication au colloque organisé par le Professeur G. Gonzalez 30 ans après Kokkinakis contre Grèce : la construction prétorienne d'un droit européen des religions (Strasbourg, 5 octobre 2023). Les actes seront publiés aux éditions Mare et Martin en 2024. La version longue de ce texte est ici publiée avec l’aimable autorisation de Gérard Gonzalez.

Envisagée sous l’angle de son rapport à l’universalisme, la question des excès, des dérives du droit à la liberté religieuse est éminemment sensible en ce qu’elle met en tension le vivre-ensemble et la liberté fondamentale sans doute la plus passionnelle. Aussi, notre propos n’est pas d’entretenir des querelles sur les dangers de la liberté de religion ou sur l’incompatibilité de tels ou tels préceptes religieux avec les principes universels mais, bien au contraire, de favoriser une meilleure compréhension des liens entre universalisme et liberté de religion. Dans sa formulation, l’intitulé du sujet suggère un certain parti pris, à savoir l’idée que l’universalisme des droits est, pour ainsi dire, menacée par la manière dont la liberté religieuse est invoquée devant les différents organes de protection des droits de l’homme et par certaines solutions adoptées par ces derniers. Il faut en convenir, cette stigmatisation d’une conception extensive, voire outrancière de la liberté religieuse, n’est pas nouvelle. Tel est le sens par exemple de la critique de la « volonté d’hégémonie » de la liberté religieuse naguère formulée par Pierre Lambert, dans sa remarquable contribution aux Mélanges en l’honneur de Gérard Cohen-Jonathan[1]. Dans le même ordre d’idées, Jean-François Flauss écrivait en 2002 que « la valorisation croissante accordée à la défense de la liberté religieuse tant au plan régional qu’au niveau universel » constitue « l’un des défis majeurs de la protection internationale des droits de l’homme »[2].  L’interrogation proposée n’en demeure pas moins stimulante, mêlant des aspects essentiels de la théorie générale des droits et libertés (question de l’universalisme, des limites des droits de l’homme…) et questionnant une fois de plus les liens entre droits de l’homme et fait religieux[3] dans un contexte marqué par la montée en puissance des revendications religieuses dans les sociétés démocratiques[4]. Et plus de trente ans après l’épisode de la Fatwa contre Salma Rushie prononcée à la suite de la publication des Versets sataniques (1989), on ne peut pas dire que le fondamentalisme religieux est en perte de vitesse.

Présenter les usages de la liberté de religion comme une menace à l’universalisme apparaîtra aux uns comme une évidence et aux autres comme un non-sens. D’une part, selon un avis largement partagé, il y a bien en effet depuis quelques années une « offensive » inquiétante des discours religieux contre les principes universels[5]. Loin d’être vecteur d’apaisement, la religion est ici source de conflits[6]. Sans minorer l’importance des stratégies politiques et diplomatiques – on pense à la tentative des pays arabo-musulmans d’imposer dans les années 2000 le concept de diffamation des religions au sein des instances onusiennes – , il est frappant de constater que la défense de cette vision religieuse est également passée par des stratégies juridictionnelles (ou quasi-juridictionnelles : par commodité de langage, on désignera par-là les procédures engagées devant les comités onusiens). Parfois, cette offensive se traduit sur le terrain contentieux comme l’illustre l’affaire relative à l’interdiction du voile intégral dans l’espace public devant le Comité des droits de l’homme des Nations unies[7]. On en arrive alors à se demander si « la liberté religieuse est le cadre approprié pour penser du commun »[8]. Il serait pourtant trompeur de s’arrêter à cette impression première. Car d’un autre côté, la liberté religieuse est de plus en plus fragilisée[9]. En ce sens, il est admis, du moins en Europe, que si l’on pouvait, il y a quelques temps encore, résumer l’importance de liberté religieuse par le passage de l’arrêt Kokkinakis, entré au Panthéon des plus belles formules de la Cour de Strasbourg[10], selon lequel elle « représente l’une des assises d’une société démocratique », cela ne suffit plus désormais[11]. Le constat part d’une observation empirique qu’est la multiplication des conflits de droits entre la liberté religieuse et d’autres droits fondamentaux ou intérêts et donc sa relativisation[12]. Faut-il le rappeler, contrairement à son aspect interne qui revêt un caractère absolu, l’aspect externe, la liberté de manifester ses convictions religieuses peut faire l’objet de mesures restrictives de son exercice sous certaines réserves (Art. 10 et 52 § 1 Charte DFUE ; art. 9 § 2 CEDH ; article 18 PIDCP). Force est de convenir que cette possibilité de restreindre l’exercice de la liberté religieuse est de plus en plus mobilisée. La conciliation fait partie intégrante du régime juridique de la liberté religieuse. Aussi, comme les conclusions des avocats généraux devant la Cour de justice de l’Union européenne le soutiennent de façon convaincante, la liberté de religion « aussi fondamentale soit-elle, ne constitue pas, pour autant, une sorte de « méta-droit fondamental » occupant une position hiérarchiquement supérieure à tous les autres et ne pouvant supporter aucune atteinte. Dès lors, sa conciliation (avec d’autres droits) est non seulement possible mais également nécessaire afin de préserver « la protection des droits et libertés d’autrui » [13] et plus généralement des objectifs d’intérêt général. Il est notable, à cet égard que la Cour de justice de l’Union ait récemment concilié la liberté religieuse avec la protection du bien-être des animaux, simple objectif d’intérêt général reconnu par l’Union (art. 13 TFUE)[14]. Dans cet arrêt, la Cour de justice s’est habilement servie de concepts familiers du juge authentique de la Convention européenne des droits de l’homme (subsidiarité, marge d’appréciation…) pour faire chuter la liberté de religion de son piédestal. On trouve également des exemples de cette relativisation dans les jurisprudences de la Cour de Strasbourg sur le port des signes religieux ou la conciliation entre la liberté d’expression et le droit au respect des sentiments religieux[15] ainsi que des décisions de certaines juridictions nationales[16].

Toujours est-il qu’on aboutit aujourd’hui à ce paradoxe que les dangers de la liberté religieuse sont pointés du doigt au moment même au celle-ci apparaît menacée. La multiplication des violations graves de la liberté religieuse dans toutes les régions du monde (Sahel, Moyen-Orient, Inde), souvent au nom de la religion, est relevée régulièrement par la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la liberté de religion ou de conviction Nazila Ghanea. Au vu de ce contexte, l’interrogation formulée dans l’intitulé de la présente communication pourrait donc paraître hors de propos. La liberté de religieuse étant de plus en en plus fragilisée, on voit mal comment elle pourrait constituer une menace pour l’universalisme. En réalité, le paradoxe n’est qu’apparent. Il nous semble que la contestation de l’universalisme par une conception de la liberté religieuse a peu à voir avec le contexte européen et se situe plutôt à un niveau plus général, celui du droit international des droits de l’homme. Se placer sur ce terrain semble même aller de soi, puisqu’il a toujours été le théâtre d’une tension entre une conception de la liberté religieuse et l’universalité des droits. Un saut dans le temps permet de constater que la liberté religieuse a souvent donné lieu à des discussions très vives sur son contenu. Lors de l’élaboration de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948), texte pivot de tout le système des droits de l’homme au niveau international, des résistances se sont exprimées au nom de la défense d’une religion. Certes, ce texte a été adopté par 48 États dont l’Afghanistan, l’Égypte, l’Irak, l’Iran, le Liban, le Pakistan, la Syrie… Mais parmi les États abstentionnistes se trouvait l’Arabie saoudite pour un désaccord connu sur la portée de la liberté de conscience et religion[17]. L’examen des travaux préparatoires montre que certains de ces États ont mis en évidence l’incompatibilité entre la conception laïque des droits de l’homme et leur système de valeurs, qu’il s’agisse du refus de prendre en compte les considérations religieuses dans la proclamation du droit au mariage (droits des femmes) ou de la consécration de la liberté de changer de religion (art. 18 sur proposition de M. Malik représentant du Liban) jugée contraire à la Charia[18]. Au regard de ces revendications, la valorisation ultérieure de la Charia dans le corpus arabo islamique de protection des droits (Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en islam 1990 ; Charte arabe des droits de l’homme 2004) n’est guère surprenante et n’a fait que confirmer cette ligne de fracture entre la conception islamique des droits et le principe d’universalité[19]. Pour le dire d’un mot, les droits de l’homme découlent ici de la loi divine et leur exercice est conditionné au respect des règles religieuses[20]. Au-delà, les propositions formulées en 1948 par certains Etats visant à mentionner l’origine divine des droits de l’homme (Brésil, Bolivie…) illustrent également la difficile articulation entre droits de l’homme et religion[21].

Avant de présenter l’hypothèse défendue, une ambiguïté sur le titre de cette communication doit être levée : c’est moins la liberté de religion qui pose ici problème que son instrumentalisation par certains acteurs du droit international des droits de l’homme. Autre préalable, il faut s’entendre sur la définition même de l’universalisme. Et nul mieux que Patrick Wachsmann ne l’a défini en la distinguant soigneusement de l’universalité : « les droits de l’homme sont un universalisme (ils s’adressent à tous les hommes sans distinction), ils ne sont pas universels »[22]. Dans un tout autre registre, l’académicien et romancier à succès Amin Maalouf a très bien pointé du doigt ce qui fait l’alpha et l’omega de l’universalisme : « le sentiment que derrière le vernis des différences, il y a bien une seule communauté humaine liée par des valeurs et un destin communs »[23]. On le sait, l’auteur a beaucoup écrit sur le venin identitaire et l’intégrisme religieux qui le menacent. Mais le terme est lui-même malléable : son contenu est tributaire de ceux qui le manient, chacun a par exemple sa vision de la manière dont il doit être concilié avec les particularismes[24].

Et le rapport à l’universalisme se complexifie lorsqu’on adopte un regard franco-français. En effet, qui veut tenter de saisir ce contexte si singulier doit tenir compte du moment révolutionnaire de 1789, point de départ de l’enracinement de l’individualisme et l’universalisme abstrait dans notre pacte républicain. Sans doute, cela explique-t-il que toute prise de position des organes internationaux de protection des droits de l’homme sur le sujet sensible du port des signes religieux soit regardée avec suspicion, certains y voyant une ouverture vers le libéralisme à l’anglo-saxonne plus favorable aux particularismes. Ainsi, comprend-on qu’il y aurait là un prisme déformant à examiner le sujet à partir de cet universalisme républicain.

Précisons l’hypothèse qui sera soutenue. Le lien indissoluble entre la liberté de conscience et de religion et l’affirmation du caractère irréductible de la personne humaine est une réalité. Dans son dernier rapport d’activités, la rapporteuse spéciale sur la liberté religieuse note ainsi que « le droit à la liberté de religion ou de conviction est peut-être celui qui illustre le mieux l’accent porté, dans la Déclaration et le Programme d’action de Vienne, au fait que les droits de l’homme sont universels, indivisibles, indissociables et interdépendants »[25]. L’idée selon laquelle la liberté religieuse est un point d’entrée stimulant dans la compréhension de l’universalisme des droits[26] conduit alors à deux ensembles de réflexions. La liberté de religion est la faiblesse et la force de l’universalisme des droits. Une faiblesse d’abord parce que la remise en cause de l’universalisme, au nom des droits à la différence, se déploie souvent sous la bannière de la liberté religieuse, ou du moins d’une certaine conception de cette liberté fondamentale (I). Elle constitue également une force car compte tenu de sa place dans l’échelle des droits et libertés, les interprétations sur la portée de la liberté religieuse permettent une discussion riche et fructueuse sur ce le sens qu’il convient de donner à l’universalisme (II). 

I. LA LIBERTE RELIGIEUSE, CHEVAL DE TROIE DU RELATIVISME

Tout d’abord, force est de constater que dans le cadre des mécanismes de contrôles auxquels ils ont accepté de se soumettre au niveau universel, certains Etats n’hésitent pas à mettre en exergue une conception religieuse de la société et du droit très éloignée des standards universels (A). D’autre part, ce sont les particuliers qui peuvent parfois donner l’impression d’instrumentaliser la liberté religieuse, en jouant de l’approche très généreuse retenue par les organes de contrôle du champ d’application de cette liberté (B).

A. Conception religieuse du droit vs règles universelles

L’un des défis majeurs de l’universalisme réside dans sa capacité à faire face à une contestation de ses fondements par la défense d’une conception religieuse de la société et du droit. Comment concilier le respect des prescriptions religieuses et la sauvegarde des droits et libertés ? Or, de plus en plus fréquemment, les Etats n’hésitent à pas à faire valoir devant les organes de contrôle une conception particulière de la liberté de religion ou/respect de règles religieuses pour justifier, expliquer le manquement à leurs obligations conventionnelles. C’est peu dire que cette attitude heurte de front l’universalisme des droits.

Les Etats problématiques sont ceux où la religion musulmane est religion d’Etat. Nous ne reviendrons pas ici sur les spécificités de la proclamation arabo-islamique, cela a déjà été fait[27]. Force est d’admettre que certains de ces Etats se trouvent dans des situations bien délicates lorsqu’ils ratifient des traités internationaux, puisqu’ils doivent concilier le respect de leurs engagements conventionnels avec le statut particulier accordé à la Charia (qui varie d’un Etat à un autre). La formulation de réserves leur permet souvent d’opérer cette conciliation[28]. En pratique cependant, des difficultés surgissent lorsqu’il s’agit de mettre en pratique les standards universels[29].

Que l’on en juge. De l’examen des rapports produits par les Etats, il ressort une volonté des Etats de faire entrer dans la discussion sur le respect de leurs obligations des éléments tirées du statut de la Charia en droit interne.

Irak, 2022, rapport périodique (PIDCP) :

« Les principes et postulats de la charia repris dans la Constitution concernent la dignité de Dieu et sa reconnaissance. Par conséquent, aucune loi ne peut entrer en contradiction avec ces principes ».

Arabie-Saoudite, 2016, rapport périodique (Convention des Nations Unies contre la torture) :

« La stratégie contre la torture adoptée par le Royaume s’appuie sur des principes constitutionnels solides qui découlent de la charia islamique ».

La réponse donnée par les Comités est toujours la même : même lorsque ces règles religieuses ont un niveau constitutionnel, elles ne sauraient avoir pour objet d’affaiblir les règles posées par les Conventions internationales. Ainsi, dans ses observations finales sur le troisième rapport périodique de l’Iran, le Comité des droits de l’homme a noté « avec préoccupation que le système juridique de l’État partie fait référence à certains préceptes religieux en tant que normes primaires. L’État partie devrait faire en sorte que toutes les obligations énoncées dans le Pacte soient entièrement respectées et que les dispositions des normes internes ne soient pas invoquées pour justifier la non-exécution des obligations qui lui incombent en vertu du Pacte »[30]. La discussion s’apparente parfois à un dialogue de sourds. En 2002, à l’occasion de l’examen de son rapport initial (Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants), la délégation saoudienne avait souligné que l’application de la Charia islamique « est une question que nous refusons totalement de discuter »[31]. Il est rassurant cependant de constater que certains Etats arabo musulmans tentent de jouer le jeu de ces mécanismes de contrôles en insistant sur la conciliation entre les règles de la Charia et les normes universelles. Par exemple, le Maroc a levé en 2011 les réserves initialement émises aux articles 9 § 2 (nationalité de l’enfant) et 16 de la Convention sur l’élimination des discriminations à l’égard des femmes (les droits et responsabilités au cours du mariage et lors de sa dissolution).

Il n’en demeure pas moins que deux points apparaissent toujours emblématiques de cette tension entre l’affirmation d’une certaine approche de la liberté religieuse et les principes universels.

Apostasie. Comme l’indique l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, la liberté de religion implique la « liberté de changer de religion ou de conviction ». On se souvient que cette formulation avait heurté certains États arabo-musulmans lors de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’Arabie saoudite s’étant même abstenue après avoir tenté de faire supprimer le passage de l’article 18 relatif au changement de religion. On fera cependant remarquer que l’apostasie n’a aucun fondement dans le Coran. Elle est souvent rattachée un hadith (« quiconque change de religion, tuez-le ! ») rapporté par un compagnon du prophète. Le verset 256 de la Sourate La Vache « Point de contrainte en matière de religion » et le verset 29 de la sourate La Caverne « Dis : La vérité vient de Dieu, que celui qui veut croire croie, et que celui qui veut être infidèle, le soit » plaident plutôt en sens inverse. Reste que de nombreux Etats répriment encore aujourd’hui l’apostasie (le fait de renier l’islam) au nom de la Charia et donc d’une certaine idée de la liberté de religion (Mauritanie, Iran, Pakistan…). En novembre 1996, la Ligue des États arabes a même adopté un projet de Code pénal unifié sanctionnant de mort ceux qui abandonnaient la religion musulmane.

Mauritanie, observations finales du Comité des droits de l’homme, , 2ème rapport périodique, PIDCP, 2019

« Le Comité demeure préoccupé par le fait que l’exercice de la liberté de conscience et de religion n’est toujours pas formellement garanti pour les Mauritaniens musulmans dont le changement de religion est incriminé comme apostasie et puni de la peine de mort (art. 2, 6, 18 et 19). L ’ État partie devrait modifier les dispositions législatives qui portent atteinte à la liberté de pensée, de conscience et de religion, ainsi qu » à la liberté d ’ expression, pour satisfaire aux exigences des articles 18 et 19 du Pacte. Il devrait garantir à tous, sans exception, y compris aux non-croyants et à ceux qui changent de religion, le plein exercice de la liberté de pensée, de conscience et de religion. Le crime d ’ apostasie doit être aboli ».

Soudan, observations finales du Comité des droits de l’homme, 5ème rapport périodique, PIDCP, 2018

« Tout en se félicitant des informations sur la grâce présidentielle accordée au travailleur humanitaire chrétien tchèque Petr Jasek, qui avait été condamné pour espionnage, le Comité demeure préoccupé par les restrictions, en droit et en pratique, imposées au droit à la liberté de conscience et de religion, notamment les informations concernant la destruction d’églises. Le Comité est également préoccupé par le délit d’apostasie, qui figure à l’article 126 du Code pénal. Le Comité prend note de l’explication de l’État partie selon laquelle il n’y a eu que quatre cas de poursuites pour apostasie et que seul le prosélytisme est érigé en infraction pénale, mais il rappelle que ces pratiques sont incompatibles avec le Pacte (art. 18 et 19) ».

Diffamation des religions. Apparu à la fin des années 90 au sein de l’OCI, le concept de « diffamation des religions » a été repris puis développé par la Commission des droits de l’homme à partir de 1999 (puis le Conseil des droits de l’homme), opérant un mélange douteux entre, d’une part, lutte contre la diffamation des religions et respect des droits de l’homme et d’autre part, entre la critique des religions ou des convictions et l’incitation à la haine religieuse[32]. Sans aboutir à la consécration d’une définition du blasphème au niveau international, les efforts déployés par certains Etats ne furent pas vains, un droit à la protection contre la diffamation religieuse ayant été consacré au niveau universel dans le droit déclaratoire[33]. Le danger est manifeste puisqu’avec la reconnaissance d’un droit à la protection contre la diffamation religieuse, le logiciel des droits de l’homme se trouve mis au service d’une conception religieuse des droits de l’homme. Comment ne pas y voir une contestation de l’universalisme des droits ?

Là encore, l’inquiétude vient de la persistance des législations pénales sur le blasphème dans certains Etats comme le Pakistan.

Pakistan, observations finales du Comité des droits de l’homme, rapport initial, PIDCP, 2017

« Le Comité est préoccupé par les dispositions législatives relatives au blasphème, en particulier les sections 295 et 298 du Code pénal du Pakistan, qui prévoient des peines sévères, notamment la peine capitale obligatoire (sect. 295 C)) et qui auraient un effet discriminatoire sur les Ahmadis en particulier (sect. 298 B) C)), par le très grand nombre d’affaires de blasphème reposant sur de fausses accusations et les violences dont sont victimes les personnes accusées de blasphème, comme le montre le cas de Mashal Khan, et par les nombreuses informations selon lesquelles les juges qui connaissent des affaires de blasphème font fréquemment l’objet de harcèlement, d’intimidation et de menaces. Le Comité prend note de l’arrêt rendu par la Cour suprême le 19 juin 2014, mais regrette l’absence d’information sur l’exécution de cet arrêt et reste préoccupé par les nombreuses informations faisant état de discours haineux et de crimes motivés par la haine visant des personnes appartenant à des minorités religieuses et leurs lieux de culte, ainsi que par les contenus des manuels et des programmes des écoles publiques et des madrasas qui véhiculent des préjugés religieux (art. 2, 14, 18 et 19). ».

Indonésie, observations finales du Comité des droits de l’homme, rapport initial, observations finales, PIDCP, 2013

« Le Comité regrette que la loi no 1 de 1965 relative à la diffamation des religions, qui interdit les interprétations des doctrines religieuses considérées comme s’écartant des enseignements des religions protégées et reconnues, le décret émis en 2005 par le Conseil des oulémas indonésiens et le décret conjoint de 2008 du Ministère des affaires religieuses et d’autres entités apportent des restrictions injustifiées à la liberté de religion et d’expression des minorités religieuses comme la communauté Ahmadiyya. Le Comité s’inquiète aussi des informations faisant état de la persécution d’autres minorités religieuses comme les chiites et les chrétiens qui subissent la violence d’autres groupes religieux et de membres des forces de l’ordre (art. 18, 19, 21 et 22) »[34].

Il serait naïf de croire que les systèmes régionaux sont à l’abri de ces remises en cause de l’universalisme. Primo, si l’on part de l’idée que l’universalisme implique une approche globale des droits, force est de convenir que sur la question de la critique des religions, la jurisprudence européenne a longtemps été sur ces questions marquée par une protection excessive du droit au respect des sentiments religieux au détriment de la liberté d’expression[35]. L’arrêt E.S. Autriche (25 octobre 2018), si décrié, en témoigne de façon paroxystique. Aussi, si la Cour accepte une législation sur le blasphème pour les propos les plus injurieux, aucune obligation n’impose aux Etats d’adopter une législation spécifique pénalisant la liberté d’expression contre le respect des convictions religieuses. Sensible, semble-t-il, à la critique devenue récurrente, l’accusant de retenir une conception timorée de la liberté d’expression[36], la Cour européenne se livre désormais à un contrôle plus pointilleux de la mise en balance des intérêts en présence par les juridictions internes. L’arrêt Tagiyev et Huseynov c. Azerbaïdjan du 5 décembre 2019 (n°13274/08) était topique à cet égard. En l’occurrence, saisie par requérants condamnés pour avoir incité à la haine religieuse à la suite de la publication d’un article (« L’Europe et nous ») sur la comparaison entre les valeurs occidentales et les valeurs orientales qui comportait des remarques sévères sur l’islam et le Prophète, la Cour avait souligné qu’un « groupe religieux doit tolérer le rejet par autrui de ses croyances et même la propagation par autrui de doctrines hostiles à sa foi dès lors que les déclarations en cause n’incitent pas à la haine ou à l’intolérance religieuse », concluant en l’espèce à la violation de l’article 10 de la Convention. La solution retenue dans l’affaire Rabczewska c. Pologne du 15 septembre 2022 (n° 8257/13) s’inscrit dans la même veine. Secundo, il arrive que les organes de contrôle doivent rappeler les limites du relativisme culturel ou religieux. À la faveur de l’arrêt Molla Sali c. Grèce de 2018, l’hypothèse de l’application de règles religieuses à certaines minorités nationales au nom du respect de leur liberté religieuse a été découverte ou redécouverte. Ainsi, en application des Traité de Sèvres (1920) et de Lausanne (1923), la Grèce a adopté plusieurs textes reconnaissant le rôle des muftis et permettant l’application de la coutume musulmane en matière de statut personnel à la minorité musulmane de Thrace occidentale. La difficulté est que certaines de ces règles, discriminatoires, s’appliquaient obligatoirement : la Cour européenne a dû rappeler ici les limites du relativisme au nom des certaines valeurs universelles (principe d’égalité ; primat de l’individu même lorsqu’il est membre d’une minorité)[37]. C’est ce dont témoigne encore l’arrêt APDF & IHRDA c. République du Mali de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples dans lequel était en cause la conventionnalité d’une réforme du code de la famille adoptée par le Mali et inspirée par la Charia (âge du mariage, consentement au mariage…). La Cour a notamment fait droit à l’argument des requérants selon lequel les dispositions de cette loi violent l’article 1(3) de la Charte africaine des droits et bien-être de l’enfant qui dispose que « toute coutume, tradition, pratique culturelle ou religieuse incompatible avec les droits, devoirs et obligations énoncés dans la présente Charte doit être découragée dans la mesure de cette incompatibilité[38] ». Où l’on voit le relativisme absolu écarté au nom de l’universalisme, matérialisé ici par le respect des standards internationaux.

L’application de règles d’inspiration religieuse entre souvent en conflit avec les normes universelles. A cela s’ajoute parfois une « invocation de pure opportunité »[39] de la liberté religieuse par les particuliers. Mais le sujet est sans doute plus délicat, car se pose inévitablement la question de savoir si l’on peut abuser de la liberté de religion[40].

B. L’instrumentalisation du droit  

Comment en est-on arrivé à ce que le Comité des droits de l’homme et la Cour européenne estiment que l’interdiction du port du voile intégral dans l’espace public pose des questions au regard de la liberté religieuse, alors que le port de ce vêtement, signe d’asservissement de la femme, n’a rien de religieux ? Ces dérives sont entretenues par une approche généreuse des organes de contrôle du champ d’application de la liberté religieuse. Les articles 9§1 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), 10§1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union ou 18§1 du Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP), se rejoignent pour définir la liberté de religion par « la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites »[41]. Dans le cadre de la Convention européenne, il est acquis que l’applicabilité de l’article 9 peut tenir au seul fait que le requérant invoque une pratique religieuse, aussi radicale soit-elle. Peu importe « l’aspect religieux (au sens de conformité à un dogme connu et établi) »[42]. « Ce qui se traduit par une présomption au profit des requérants à se réclamer de la liberté de religion »[43], une présomption simple pouvant être renversée[44]. L’approche consiste tout bonnement à s’en tenir à la force et sincérité des convictions. Aussi, le rôle du juge n’est pas de vérifier si la pratique invoquée est bien dictée par les prescriptions d’une religion déterminée ou si elle est radicale. Une logique identique est mise en œuvre par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies[45], laquelle a par exemple conduit à reconnaître que le rastafarisme entre dans le champ de l’article 18 du Pacte, le requérant ayant été condamné en l’espèce pour avoir consommé du cannabis. Le Comité a pris acte de ce que l’utilisation du cannabis était admise comme faisant partie intégrante de cette religion et comme élément fondamental de sa pratique[46]. L’assimilation presque automatique de l’invocabilité et de l’applicabilité de la liberté religieuse clôt péremptoirement le débat[47].

Étant donné les contours très incertains de la liberté religieuse, il n’est pas du tout étonnant que cette jurisprudence ait été instrumentalisée pour défendre une pratique qui n’a aucun fondement religieux. Le lecteur de la constatation du Comité des droits de l’homme dans l’affaire Sonia Yaker est bien en peine de trouver une explication détaillée de l’assertion selon laquelle « le port du voile intégral relève d’une coutume d’une frange de la religion musulmane et qu’il s’agit de l’accomplissement d’un rite et de la pratique d’une religion ». Dans son opinion individuelle, Yadh Ben Achour évoque ainsi « (une) mystérieuse transfiguration d’une coutume en une obligation religieuse à caractère cultuel, au sens de l’article 18 du Pacte ». A ses yeux, si la liberté religieuse est bien en cause, la signification qui y est attachée heurte certains principes de la société démocratique (égalité des sexes, …). La Cour européenne a été confrontée à la même difficulté en 2014[48]. Aussi, a-t-elle immédiatement tué dans l’œuf le débat sur l’existence d’une pratique radicale en considérant que « la circonstance que cette pratique est minoritaire et apparaît contestée est sans pertinence (pour apprécier l’applicabilité de l’article 9) ». La difficulté du juge se comprend aisément : « (il ne peut lui-même) donner une portée à un signe religieux et se lancer dans le périlleux exercice qu’est l’interprétation du sens des religions et de leur contenu[49] ». À propos de la question de savoir si la pratique de l’étourdissement réversible des animaux est compatible avec les préceptes religieux, la Cour européenne a récemment affirmé qu’elle « n’est guère équipée pour se livrer à un débat sur la nature et l’importance de convictions individuelles. En effet, ce qu’une personne peut tenir pour sacré paraîtra peut-être absurde ou hérétique aux yeux d’une autre, et aucun argument d’ordre juridique ou logique ne peut être opposé à l’assertion du croyant faisant de telle ou telle conviction ou pratique un élément important de ses prescriptions religieuses (…). Il n’appartient donc pas à la Cour de trancher la question de savoir si l’étourdissement préalable à l’abattage est conforme avec les préceptes alimentaires des croyants musulmans et juifs »[50]. La solution proposée par J. Guilbert de considérer que certaines pratiques pourraient être constitutives d’un abus de droit[51] conduirait inévitablement le juge à s’immiscer dans des débats qui ne relèvent pas de son office.

L’Etat n’est pas démuni pour faire face à des revendications qui mettraient en péril la société démocratique. Peut-il « au nom d’une identité qui lui est propre, (…) brider l’instrumentalisation d’une liberté conventionnelle utilisée au service d’une posture communautariste ou, sans relever de l’article 17 de la Convention, incompatible avec des valeurs attachées à la notion de « société démocratique » telle que la Cour la conçoit »[52] ? Il n’y a qu’un pas qui est parfois franchi comme l’illustre l’arrêt Refah Partisi dont les principes paraissent applicables à tous les droits ayant « un pouvoir causal liberticide »[53], y compris la liberté religieuse[54].

Autre phénomène important : une « hégémonie de certaines conceptions de la liberté religieuse »[55] par des associations religieuses organisées au niveau international, qui se matérialise par exemple à l’occasion de tierces-interventions[56]. Dans l’affaire S.A.S. précitée, tous les tiers-intervenants à l’exception du gouvernement belge ont défendu le port du voile intégral. On sait par exemple que le Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ) est très actif devant la Cour européenne des droits de l’homme. L’ONG fondée en 1998 par l’avocat nord-américain Jay Alan Sekulow et Thomas Patrick Monaghan, rassemble des « juristes chrétiens attachés à la défense des droits de l’homme, en particulier la liberté de conscience et religion ainsi que le respect de la vie humaine innocente »[57]. A la lecture de ce passage, il est aisé de deviner la posture idéologique de cet ONG. Selon Greggor Puppinck, il s’agit de promouvoir une juste compréhension du droit, qui doit être fondé sur la loi naturelle[58]. Les valeurs religieuses sont défendues bec et ongle. Devant la Cour européenne, les exemples sont légion. Elle ne s’intéresse pas seulement à des affaires portant directement sur l’article 9 ou l’article 2 du protocole n° 1 (affaires, Lautsi [59], Fernandez Martinez…), mais intervient aussi dans des affaires sur des questions de société comme la fin de vie, les débuts de la vie pour défendre sa conception de la liberté religieuse. C’est également particulièrement manifeste devant les instances onusiennes comme le Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Entre autres exemples, sa contribution à la révision de l’observation générale n° 36 relative à l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques sur « le droit à la vie », qui développe, sous-couvert de neutralité, une conception très traditionnelle et religieuse de la vie[60]. Le même constat peut être dressé à propos de l’Alliance Defending Freedom, ONG fondée en 1993 par plusieurs personnalités évangélistes, et qui intervient, pour sa part, devant les Cours interaméricaine et européenne des droits de l’homme.

Sans doute dira-t-on que le même activisme est le fait d’ONG libérales qui défendent également une conception très orientée de la liberté religieuse et des autres droits garantis par les différents instruments conventionnels. L’un serait le clone de l’autre mouvement. Il nous semble justement que les deux stratégies ne peuvent pas être placées sur le plan du point de vue du sujet qui nous intéresse, celui de la liberté religieuse. Les ONG libérales défendent une interprétation progressiste des droits qui ne prend pas appui sur des valeurs religieuses ou sur l’existence d’une loi naturelle.

Source de conflit, la liberté religion l’est assurément. Mais son interprétation par les organes de contrôle peut s’envisager de façon positive.

II. LIBERTE RELIGIEUSE, VECTEUR D’ENRICHISSEMENT DE L’UNIVERSALISME

En prenant comme point de départ une approche comparative des droits, il est difficile de nier que l’interprétation du droit à la liberté religieuse enrichit l’universalisme des droits. En ce sens, la thèse souvent défendue selon laquelle les contradictions jurisprudentielles entre la Cour européenne et le Comité des droits de l’homme sur la question du port des signes religieux minent l’universalisme, mérite d’être nuancée (A). Ces conflits, qui restent exceptionnels, doivent en effet être dédramatisés. Par ailleurs, chacun sait que l’indivisibilité est au cœur de l’universalisme. Or, il est intéressant de voir comment les organes de contrôle concilient l’autonomie de la liberté religieuse avec cette réalité de droits fortement imbriqués et interconnectés (B).

A. L’universalisme, fruit d’une intersubjectivité

Lors d’un récent séminaire organisé à Montpellier sur la montée en puissance du fait religieux devant la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, Sébastien Van Drooghenbroeck a montré que s’il existait bien une « communauté de sources de la liberté de religion », celle-ci devait être cependant interprétée à la lumière de ce qu’en disent les juges[61]. En d’autres termes, il faut prêter attention au droit international des droits l’homme tel que développé par ses interprètes. Or l’examen des jurisprudences montre que l’idée de « fertilisation croisée »[62], d’interactions normatives ne se retrouve pas au stade de l’interprétation de la liberté religieuse, l’auteur relevant notamment une marginalisation des sources onusiennes dans les jurisprudences européennes (et la réciproque est également vraie : les sources externes occupent une place marginale dans la jurisprudence du Comité). L’impératif de cohérence n’est pas toujours au rendez-vous, ce qui fragiliserait de prime abord l’universalisme juridique.

On admettra volontiers que l’arrêt Bayatyan c. Arménie sur l’objection de conscience est une des rares affaires où la Cour de Strasbourg a pris appui sur la position du Comité des droits de l’homme des Nations Unies[63]. Afin de surmonter l’interprétation restrictive de l’article 9 garantissant la liberté de conscience au regard du statut des objecteurs de conscience au service militaire, la Grande chambre a fait état d’un large consensus européen et international en faveur de la reconnaissance du droit à l’objection de conscience. C’est pour asseoir ce revirement de jurisprudence que la Cour s’est référée à l’interprétation par le Comité de l’article 18 du PIDCP. Rien de tel dans les affaires sur le port des signes religieux, alors que les prises de position du Comité ont été nombreuses dans ce domaine. En vérité, le dialogue n’est pas totalement absent entre les organes de protection des droits de l’homme. A titre d’illustration, dans une affaire portant sur les droits des populations autochtones (affaire de la Communauté des Ogieks), la Cour d’Arusha reprit la définition très large de la liberté religieuse par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies[64]. Pareillement, dans les rares affaires où elle a été amenée à se prononcer sur la liberté religieuse, la Cour de San José s’est référée à la jurisprudence strasbourgeoise comme en atteste son arrêt Pavez c. Chili [65]. Et il semble évident que la qualification de la liberté religieuse comme « un des fondements de la société démocratique » est inspirée de la formule de l’arrêt Kokkinakis. L’universalisme de formulation rejoint ainsi l’universalisme d’interprétation.

Il n’empêche, la Cour européenne a bien raison de souligner que « même lorsque des dispositions de la Convention et du PIDCP sont presque identiques, les interprétations que le CDH et la Cour font d’un même droit fondamental peuvent ne pas toujours correspondre »[66]. Et pour cause, ni les interprètes, ni le contexte ne sont comparables. Globalement, ces interprétations se rejoignent et rares sont les conflits entre ces deux organes. La seule question qui donne lieu à des divergences de points de vue concerne le port des signes religieux.

A trois reprises au moins, le Comité et la Cour se sont opposés : à propos de  l’obligation faite à un sikh de retirer son turban pour figurer tête nue sur des photos d’identité pour des documents officiels ; de l’interdiction du port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics et de l’interdiction du voile intégral dans l’esprit public, le Comité ayant adopté une position plus favorable à la liberté religieuse en raison notamment de l’inexistence dans ses méthodes de contrôle de la théorie de la marge nationale d’appréciation. Il est intéressant de noter que ces prises de position ont été immédiatement critiquées comme encourageant au relativisme culturel et partant au relativisme juridique. Ainsi, Gérard Gonzalez écrit-t-il que « la remise en question des valeurs communes de l’idéal républicain, de la laïcité, de l’égalité des sexes oblige à dépasser cette dimension strictement juridique et à promouvoir, plus qu’hier, l’image d’une démocratie fondée sur ces valeurs, apte à se défendre, quitte à saper quelques-uns de ses fondements juridiques les plus classiques et à passer pour promouvoir un universalisme des droits humains ethnocentré. La Cour européenne a choisi cette voie d’une façon qui peut paraître laborieuse sur le strict plan du discours de la méthode juridique. Le Comité tient ferme la voie du classicisme d’une conception individualiste des droits humains pourtant éloignée de la conception théocratique de ceux qui s’en réclament. Une nouvelle quadrature du cercle en quelque sorte dont l’universalisme des droits humains ne sort pas indemne, mais dont il faut bien tenir compte »[67]. Dans la même veine, Emmanuel Decaux regrette « des contradictions qui minent l’universalité des droits de l’homme. Faute de quoi, le seul vainqueur serait un relativisme juridique, étayé par le forum-shopping, venant relayer le relativisme culturel »[68]

Sans nier que ces désaccords interrogent la notion d’universalisme, l’impression qui domine est que nos réactions sont la marque d’un tropisme français sur ces questions. Les positions du Comité sont jugées négativement car elles heurtent de front la spécificité de notre modèle républicain hostile aux particularismes, quoi que l’on pourrait estimer, s’agissant de la séquence sur l’interdiction du voile intégral, que le « vivre ensemble » a une portée plus générale que les frontières d’un Etat. Reste qu’en matière de liberté religieuse, la France occupe une place à part qui s’explique par le rôle dévolu au principe de laïcité depuis 1905 (et qui ne se retrouve pas dans d’autres Etats occidentaux)[69]. « Se protéger des excès religieux dans l’espace public »[70] n’est pas une préoccupation pour tous les Etats. Plus qu’un tropisme français, peut-être pourrions-nous parler d’un tropisme européen : le contentieux européen du port des signes religieux marqué par l’idée de modestie du juge et de déférence à l’égard des choix effectués par les Etats serait « la norme »[71], le reste « l’aberration ». Assurément, les constatations du Comité des droits de l’homme détonnent par rapport à cette grille de contrôle tout à fait spécifique.

Pourtant, il nous semble que ce débat sur ce désaccord peut être placé sous un autre éclairage[72], du point de vue du rapport à l’universalisme des droits. Plutôt que d’accuser le Comité d’avoir succombé aux sirènes du relativisme et d’affaiblir l’universalisme des droits de l’homme, ne serait-il pas envisageable de voir dans ses constatations, notamment celles sur le port des signes religieux dans les écoles et au travail, une contribution au débat sur ce qu’est l’universalisme ? L’universalisme n’est pas un donné. La prétention des droits à l’universalité est le fruit d’un dialogue[73], d’une « intersubjectivité » pour paraphraser J. Harbermas[74]. En ce sens, il convient de laisser « à chaque (juge) le droit de converser dans sa propre langue, avec ses propres mots, avec ses propres raisonnements juridiques, pourvu qu’ils se rejoignent sur les objectifs à atteindre. Le dialogue des juges est aussi et avant tout un dialogue des cultures juridiques »[75]. Chaque organe est dans son rôle. Pour la Cour et le Comité, l’objectif reste bien celui de préserver l’effectivité de la liberté religieuse dans une société démocratique. Mais l’examen de la mise en balance d’intérêts contradictoires s’effectue dans des contextes différents. Aussi, Olivier de Frouville écrit-il que « les approches de la Cour et du Comité se séparent quand on en vient à la place qui doit être accordée aux éthicités dans l’appréciation de la légitimité des restrictions aux droits. À partir d’un noyau éthique commun, les attitudes des deux organes divergent »[76]. Il faut donc prendre au sérieux ce que dit le Comité.

Déterminer la portée de la liberté religieuse, réfléchir sur les limites de l’exercice de cette liberté lorsqu’elle concerne la réglementation des signes religieux dans les écoles ou dans l’espace public, aborder de front la question de la discrimination dans l’exercice de cette liberté participent de cette intersubjectivité. Sur ce dernier point d’ailleurs, force est de relever que le Comité a clairement reconnu dans plusieurs constatations une discrimination intersectionnelle fondée sur le genre et la religion (dans le monde du travail ou de l’enseignement). Chemin faisant, il renouvelle la réflexion sur les potentialités du principe de non-discrimination comme réponse aux nouvelles formes de restriction de la liberté religieuse. Cette solution est d’autant plus remarquable qu’elle contraste avec la relative timidité des deux Cours européennes sur le sujet. Surtout, preuve de l’enrichissement de l’universalisme, on n’a peut-être jamais autant parlé de l’autorité des constatations des comités onusiens que depuis le double rappel à l’ordre adressé par Comité des droits de l’homme à la France en 2018 sur la question du port des signes religieux[77].

B. La synergie des droits

L’exigence d’indivisibilité des droits est au cœur de l’universalisme juridique. Cela signifie l’absence de hiérarchie entre les droits protégés par le droit international des droits de l’homme mais également leur étroite imbrication. Là encore, il nous semble que l’interprétation de la liberté religieuse développée par les organes de contrôle invite à la réflexion sur ce qu’est l’universalisme des droits. Chacun sait que la liberté religieuse, dans son volet externe, est une liberté relative dont l’exercice est susceptible de limitations. Or la différenciation du régime juridique des droits (droits absolus/droits relatifs) explique, pour partie, l’approche sélective de la Cour européenne lorsque se pose la question de savoir quels droits sont invocables par un étranger, sous le coup d’une mesure d’éloignement, qui fait valoir un risque de violation de la Convention dans le pays de destination. À la suite de l’arrêt Soering, il apparaissait que l’effet extraterritorial de la Convention n’était pas sans limites. Exceptionnel, il ne devait concerner que certains droits garantis. Selon la juge Tulkens, « lorsque l’État tiers n’est lui-même pas partie à la Convention, seules les violations du noyau dur des droits et libertés conventionnels commises par celui-ci sont susceptibles d’engager la responsabilité des États membres »[78]. Cette idée d’un « noyau dur » de droits est reprise par Maurice Kamto dans son cinquième rapport sur l’expulsion des étrangers : « Selon le Rapporteur spécial, il paraît irréaliste de prescrire qu’une personne en cours d’expulsion peut bénéficier de l’ensemble des droits de l’homme garantis par les instruments internationaux et par la législation nationale de l’État expulsant. […] Il semble plus en résonance avec la réalité et la pratique des États de circonscrire les droits garantis durant l’expulsion aux droits fondamentaux de la personne humaine »[79]

A la question de savoir si la liberté religieuse est invocable per se dans cette configuration, la Cour de Strasbourg répond par la négative. Si un risque de persécution religieuse est invoqué, elle s’en tient à un contrôle sur le terrain des articles 2 et 3, et refuse pour l’heure de conférer à l’article 9 une portée autonome (effet extraterritorial). Son approche dans ce domaine a été précisée dans une décision Z et T c. Royaume-Uni [80], passée inaperçue :

« La jurisprudence de la Cour souligne en effet que la liberté de pensée, de religion et de conscience représente l’une des assises d’une société démocratique et que manifester sa religion, y compris en cherchant à convaincre son prochain, est une part essentielle de cette liberté (Kokkinakis, précité, § 31). Toutefois, il s’agit là avant tout de la norme appliquée au sein des Etats contractants, lesquels sont attachés aux idéaux démocratiques, à la prééminence du droit et des droits de l’homme. Les Etats contractants ont néanmoins des obligations envers les personnes relevant d’autres juridictions, obligations diversement imposées par la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés et par les articles 2 et 3 de la Convention. Une protection est donc offerte aux personnes ayant un grief fondé selon lequel soit elles seront persécutées, notamment pour des motifs religieux, soit elles seront exposées à un risque réel de mourir ou de subir de graves mauvais traitements, et éventuellement un déni de justice flagrant ou une détention arbitraire, en raison de leur affiliation religieuse (ou pour toute autre raison). Lorsqu’un individu affirme qu’à son retour dans son propre pays il sera entravé dans son culte religieux, mais d’une manière qui se situe en deçà de ces niveaux prohibés, la Cour estime que l’article 9 en soi n’est guère, voire pas du tout, d’un grand secours. Dans le cas contraire, cette disposition obligerait en pratique les Etats contractants à agir comme des garants indirects de la liberté de culte pour le reste du monde. Si par exemple un pays non couvert par la Convention interdisait une religion, sans pour autant rien faire pour persécuter, poursuivre, priver de liberté ou infliger des mauvais traitements aux personnes concernées, la Cour doute que la Convention pourrait être interprétée comme exigeant d’un Etat contractant qu’il donne aux adhérents de ce courant religieux banni la possibilité de pratiquer leur religion librement et ouvertement sur leur propre territoire. La Cour n’écarte pas la possibilité que la responsabilité de l’Etat qui renvoie un individu puisse à titre exceptionnel être engagée en vertu de l’article 9 de la Convention si l’intéressé court un risque réel de violation flagrante de cet article dans le pays de destination ; elle partage cependant l’opinion formulée par la Chambre des lords dans l’affaire Ullah selon laquelle il est difficile d’imaginer une affaire dans laquelle une violation suffisamment flagrante de l’article 9 n’impliquerait pas également un traitement contraire à l’article 3 de la Convention ».

Tout se passe comme si la Cour faisait sienne la formule précitée de Patrick Wachsmann selon laquelle : « les droits de l’homme sont un universalisme (ils s’adressent à tous les hommes sans distinction), ils ne sont pas universels ». La liberté religieuse est une norme universelle mais elle n’est pas appliquée par tous les Etats. L’idée essentielle ici est qu’élargir l’invocabilité de la liberté religieuse imposerait des charges trop lourdes aux Etats, qui seraient alors tenus par « une obligation d’agir effectivement en tant que garants indirects de la liberté de religion et de culte pour le reste du monde ». C’est ici que le principe d’indivisibilité des droits joue un rôle important. En effet, l’approche de la Cour ne revient pas à se désintéresser totalement des violations de la liberté de religion dans le pays de destination. Si cette violation expose l’intéressé à un risque réel, notamment d’être poursuivi ou d’être soumis à des traitements ou à des peines inhumains ou dégradants ou d’un risque de traitements contraires au droit à la vie, l’Etat sera tenu par une obligation de non-éloignement. La Cour de justice partage une approche identique dans le contentieux de l’asile. Il appert d’un arrêt Y. et Z. du 5 septembre 2012[81] que toute restriction du droit de vivre et de manifester sa foi ne saurait s’analyser comme un acte de persécution, dès lors que le degré de gravité requis par cette notion, au sens de l’article 9 de la directive « Qualification », suppose des atteintes d’un niveau tel qu’il serait équivalent à celui de la violation des droits indérogeables en vertu de l’article 15, paragraphe 2, de la CEDH. En d’autres termes, une violation de la liberté de religion dans le pays d’origine n’est constitutive d’une persécution, ouvrant droit au statut de réfugié, que si elle expose l’intéressé à « un risque réel, notamment, d’être poursuivi ou d’être soumis à des traitements ou à des peines inhumains ou dégradants émanant » soit des autorités de l’Etat, soit d’une autorité de fait qui contrôle une partie du territoire, soit de personnes privées contre les agissements desquelles les autorités internes n’assurent pas de protection effective. La violation de la liberté de religion doit être suffisamment grave pour affecter un droit considéré comme indérogeable au sens de l’article 15 § 2 de la Convention.

La complémentarité des droits s’exprime avec force. Où l’on voit que la dignité humaine et la liberté de religieuse entretiennent des liens étroits. Cette jurisprudence est intéressante car elle donne à réfléchir sur la signification de l’universalisme en lien avec la question délicate de la hiérarchisation des droits et libertés. Des interrogations demeurent. La justification donnée par le juge européen est-elle vraiment convaincante ? L’importance de la liberté religieuse n’exige-t-elle pas d’adopter une approche autonome de l’invocabilité de l’article 9 [82] ?  Dans un contexte international marqué par la multiplication des persécutions religieuses (Chrétiens d’Irak et de Syrie, massacres perpétrés par Boko Haram au Sahel ; persécutions des Rohingyas en Birmanie et des Ouighours en Chine …), la question se pose de savoir s’il ne faudrait pas affirmer purement et simplement l’interdiction de tout renvoi d’une personne vers un Etat où il existe des motifs réels et sérieux de violation de sa liberté religieuse. Car la liberté religieuse est censée être une norme appliquée par l’ensemble des Etats. Mais c’est peut-être faire la preuve de trop d’idéalisme…

Mustapha AFROUKH

Maître de conférences HDR en droit public à l’Université de Montpellier

IDEDH, UR_UM205


[1] P. Lambert, « Le XXIe siècle sera religieux ou ne sera(-t-il) pas ? », In Libertés, justice et tolérance. Mélanges en hommage au Doyen Gérard Cohen-Jonathan, Bruylant, 2004, p. 1079. L’auteur évoquait surtout la jurisprudence déséquilibrée de la Cour européenne en ce qui concerne la conciliation entre la liberté d’expression et le droit au respect des sentiments religieux.

[2] J.-F. Flauss, « La diffamation religieuse en droit international », LPA, 2002, n° 146, p. 5.

[3] Le manuel de Michel Levinet Théorie générale des droits et libertés (Anthemis, 2012) est très riche sur ces questions cruciales. Voir également son essai Réfléchir sur les droits et libertés, Anthémis, 2021, p. 135 et s. ; « Droits de l’homme et religion », Questions constitutionnelles, 2024, à paraître.

[4] En France, on songe aux débats passionnés suscités par les récentes affaires sur le port du burkini dans les piscines municipales (CE, 21 juin 2022, Commune de Grenoble, n° 464648 : le maire de Grenoble, Éric Piolle, avait justifié le port du Burkini dans les piscines municipales par la volonté de respecter la liberté religieuse, ce qui lui sera reproché ensuite par le Conseil d’Etat) ou le port du hijab lors des compétitions sportives (CE, 29 juin 2023, n°58088, 459547, 463408). Preuve du climat délétère qui sévit, le rapporteur public sur cette dernière affaire (Clément Malverti) a fait l’objet d’une campagne de dénigrement ignoble sur certains plateaux TV et réseaux sociaux évoquant son adhésion aux thèses islamistes, au point que le Conseil d’État a publié un communiqué de presse pour « dénonce[r] avec la plus grande fermeté l les attaques ayant visé la juridiction administrative et tout particulièrement le rapporteur public ». Aux Etats-Unis, on pourra citer la proposition très controversée du gouverneur de l’Indiana M. Pence d’adopter une loi qui permettrait à des entreprises ou à des commerçants de ne pas employer ou servir des clients homosexuels au nom de leur liberté religieuse (2015).  Surtout, Outre-Atlantique, la défense des libertés religieuses prend une place de plus en plus importance avec la présence de juges conservateurs à la Cour suprême. En Tunisie, il suffit de citer l’article 5 de la nouvelle Constitution (2022) portée par le Président Kais Saïed qui ouvre la porte à la prise en compte des objectifs ultimes de l’islam vrai (maqâsid al islâm al hanîf) et qui confie à l’État seul leur mise en application, formulation qui revient sur le compromis obtenu en 2014 d’un Etat « protecteur du sacré » et protecteur de la liberté de conscience (art. 6 de la Constitution de 2014 adoptée à la suite de la révolution de Jasmin). Les grands juristes tunisiens, dont Yadh Ben Achour, ont sévèrement critiqué ce retour en arrière, susceptible par exemple de remettre en cause à terme les droits acquis par les femmes pendant la présidence d’Habib Bourguiba. Au Maroc, la réforme du code de la famille reste d’actualité pour compléter la modification de la Moudawana (Droit de la famille) en 2004, toujours en lien avec la Charia mobilisée par certains pour faire avancer les droits des femmes, par d’autres pour maintenir l’inégalité avec les hommes. Voir sur ce point les travaux pleins d’audace d’A. Lamrabet, Islam et femmes – Les questions qui fâchent, Folios Essais, 2018. Enfin, le retour envisagé du délit de blasphème au Danemark, après son abrogation il y a six années, a de quoi inquiéter. 

[5] Voir notamment L. Burgorgue-Larsen, « Le basculement de l’histoire. Les attaques contre l’universalisme des droits de l’homme », ADHDSS, vol. XXI, 2021, p. 21 (texte également publié à la RDLF, 2021, chron. n° 06) ; G. Gonzalez, « Les constatations du Comité des droits de l’homme des Nations unies en 2018 relatives à la liberté de religion en France », Revue du droit des religions [En ligne], 9 | 2020, mis en ligne le 18 mai 2020, consulté le 01 août 2023 ; http://journals.openedition.org/rdr/1157 ; J.-F. Flauss (dir.), La protection internationale de la liberté religieuse, Bruylant, 2002 (en particulier les textes de J.-F. Collange et S. Evans). On pourra également se reporter aux nombreux commentaires de R. Letteron sur son blog Libertéschéries à propos des affaires examinées par le Comité des droits de l’homme des Nations Unies concernant la réglementation du port des signes religieux. En langue anglaise, voir H. Bielefeldt, « Misperceptions of Freedom of Religion or Belief », Human Rights Quarterly, Vol. 35, 2013, p. 33 ; M. Perry, « A Right to Religious Freedom ? The Universality of Human Rights, The Relativity of Culture », University Law Review, 2005, Vol. 10, p. 385 ; P. Cumper, « Religion, belief and international human rights in the twenty-first century », in S. Joseph et A. Mc Beth, Research Handbook on international human rights law, Edward Elgar, 2010, p. 467.

[6] Un ouvrage récent tente de réconcilier religions et droit international : E. Lagrange, R. Uerpmann et S. Oeter (dir.), Religion and international law : living together, Brill Nijhoff, 2018.

[7] Sonia Yaker, 17 juillet 2018, communication n°2747/2016 ; Miriana Hebbadj, communication n°2807/2016.

[8] C. Bossard, « La liberté religieuse, entre principe universel et objet de concurrence internationale », Annuaire français de relations internationales, 2023, 2023, p. 977.

[9] Voir D. Avon, La liberté de conscience Histoire d’une notion et d’un droit, Presses universitaires de Rennes, 2020 (notre recension publiée dans le numéro 5 de la Revue de droit international d’Assas).

[10] CEDH, 25 mai 1993, Kokkinakis c. Grèce, § 31, n°14307/88.

[11] Qu’il soit permis de renvoyer à notre étude récente : « Quelle place pour la liberté de religion dans la hiérarchie des droits ? », RDP, 2023, p. 661.

[12] G. Supertino, « Les frontières mouvantes de la liberté religieuse en Europe », Le Monde, 1er avril 2023, p. 26.

[13] Conclusions P. Mengozzi s/ CJUE, 10 juillet 2018, Tietosuojavaltuutettu contre Jehovan todistajat, aff. C-25/17 : qui posait la question de savoir si l’activité de prédication des témoins de Jéhovah doit être soumise au respect des règles en matière de protection des données à caractère personnel.

[14] CJUE, 17 décembre 2010, Centraal Israëlitisch Consistorie van België e.a., C-336/19 qui se prononçait sur une réglementation nationale imposant une obligation d’étourdissement préalable lors de l’abattage rituel. Voir nos obs. RSDA, 2020/2, p. 233 et notre étude « Abattage rituel et liberté religieuse », RSDA, 2018/2, p. 426. Saisie de la même question sur le terrain de la CEDH (art. 9 §2), la Cour européenne des droits de l’homme a considéré que la protection du bien-être animal, composante de la morale publique, pouvait justifier une ingérence dans l’exercice de la liberté religieuse (13 févr. 2024, Executief van de Moslims van België et autres c/ Belgique).

[15] L’argumentation développée par la Cour européenne dans les affaires Otto Preminger Institut et Wingrove ayant été précisée dans un sens plus favorable à la liberté d’expression : C. Lageot et F. Marchadier, « Revalorisation de la liberté d’expression ou surprotection du sentiment religieux d’autrui », RDLF, 2023, chron. n° 21.

[16] Par exemple, l’arrêt numéro 151 n° 169/11 du Tribunal de grande instance de Cologne qui a jugé, s’agissant de la pratique de la circoncision, que « le droit d’un enfant à son intégrité physique prime sur le droit des parents (en matière de liberté religieuse) ».

[17] D. Avon, « La problématique de l’apostasie et ses déclinaisons dans les États à référence musulmane. Autour de l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme », in A. Boza, E. Decaux, V. Zuber (dir.), Histoire et postérité de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Nouvelles approches, Presses universitaires de Rennes, « L’Univers des Normes », 2022, p. 167.

[18] Nous reprenons ici la définition donnée par S. Laghmani lors d’un récent cours à l’Académie de la Haye : « la sharî`a est la voie indiquée par Dieu pour le salut de ses créatures. Elle comprend, de ce fait, des commandements qui relèvent tout autant du culte, que de la morale et du droit. C’est un tout intelligible par sa fin. Le droit, dans cette perspective, n’est qu’un moment dont la fin immédiate, à savoir organiser les rapports sociaux, est au service d’une fin dernière, ultime : le Salut. La sharî`a, ainsi délimitée, est consignée dans le Coran et les Traditions du Prophète » (RCADI, 2023, n° 428, p. 40).

[19] M. Afroukh (dir.), L’islam en droit international des droits de l’homme, Institut universitaire Varenne, 2019 ; Y. Ben Achour, La question islamique devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, Pedone 2022.

[20] Art. 25 de la Déclaration du Caire précise ainsi que « La loi islamique est l’unique référence pour l’explication et l’interprétation de l’un quelconque des articles de la présente Déclaration ».

[21] F. Arlettaz, « La liberté de religion 75 ans après la DUDH : le triomphe d’une vision libérale ? », La Revue des droits de l’homme, 2024, URL : http://journals.openedition.org/revdh/18793 ; « Religion(s) et droits de l’Homme dans le processus d’adoption de la Déclaration universelle de 1948 », op.cit., p. 155.

[22] P. Wachsmann, Droits de l’homme, Dalloz, 2018, 6ème éd., p. 48.

[23] Les identités meurtrières, Grasset, 1998 ; Le dérèglement du monde, Grasset, 2009. L’auteur s’inscrit dans la droite ligne des travaux du philosophe libanais S. Abou (Culture et droits de l’homme, Hachette, « Pluriel », 1992). Adde F. Wofl Plaidoyer pour l’universel. Fonder l’humanisme, Fayard, 2021.

[24] La Déclaration de Vienne de 1993 tente de parvenir à un compromis : « Tous les droits de l’homme sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés. La communauté internationale doit traiter des droits de l’homme globalement, de manière équitable et équilibrée, sur un pied d’égalité et en leur accordant la même importance. S’il convient de ne pas perdre de vue l’importance des particularismes nationaux et régionaux et la diversité historique, culturelle et religieuse, il est du devoir des États, quel qu’en soit le système politique, économique et culturel, de promouvoir et de protéger tous les droits de l’homme et toutes les libertés fondamentales » (§ 5). Sur cette tension, on se reportera aux travaux de N. Walker « Universalism and particularism in human rights : trade-off or productive tension ? », in D. Kinley, W. Sadurski, K. Walton, (eds), « Human Rights », Edward Elgar Publishing, 2013, p. 89

[25] Rapport de la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, Nazila Ghanea, 30 janvier 2023, A/HRC/52/38.

[26] V. Zuber, « La liberté religieuse est-elle la clé de l’universalisation des droits de l’Homme ? Quelques éléments de réflexion pour une recherche globalisée », in P.-J. Luizard et A. Bozzo (dir.), Vers un nouveau Moyen-Orient ? États arabes en crise entre logiques de division et sociétés civiles, Rome, Roma tre-Press, 2016, p. 211.

[27] M. Afroukh (dir.), L’islam en droit international des droits de l’homme, Institut universitaire Varenne, 2019.

[28] Les réserves ayant pour finalité de protéger la loi religieuse sont également formulées par le Saint-Siège et Israël (cf. réserves à la Convention pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes).

[29] Y. Ben Achour, La question islamique devant le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, Pedone 2022.

[30] 29 nov. 2011, CCPR/C/IRN/CO/3.

[31] Rapport initial de l’Arabie saoudite sur les mesures pour se conformer aux dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

[32] J.-F. Flauss, « La diffamation religieuse en droit international », LPA, 2002, n° 146, p. 5.

[33] Voir la résolution de la Commission des droits de l’homme 2001/4 sur La lutte contre la diffamation des religions en tant que moyen de promouvoir les droits de l’homme, l’harmonie sociale et la diversité religieuse et culturelle.

[34] Voilà une approche qui est ferme et qui a été rappelé dans l’observation 34 du comité des droits de l’homme sur l’article 19 du Pacte.

[35] Tout a démarré, on le sait, avec l’affaire OPI en 1994 : saisie de la confiscation d’un film satirique tirée d’une pièce écrite par Oskar Panizza prenant pour cible « les représentations figuratives simplistes et les excès de la foi chrétienne », elle avait conclu à une non-violation de l’article 10 en s’appuyant sur la large publicité dont avait fait l’objet le film dans une région, le Tyrol. Le fait que la religion catholique romaine était celle de l’immense majorité de la population avait également constitué un élément déterminant (20 septembre 1994, Otto-Preminger-Institut c/ Autriche, A-295/A. Adde l’arrêt Wingrove c. Royaume-Uni du 25 novembre 1996, où était en cause l’interdiction de diffuser une vidéo mettant en scène la vie sexuelle de Sainte-Thérèse d’Avila, religieuse carmélite ayant vécu au XVIe siècle). Sur cette idée de déséquilibre des droits, voir P. Wachsmann, « La religion contre la liberté d’expression : sur un arrêt regrettable de la Cour EDH », RUDH, 1994, p. 441.

[36] On se reportera notamment à l’opinion des juges dissidents sous l’affaire I.A. c. Turquie (13 septembre 2005, I.A. c/ Turquie, Rec. 2005-VIII), qui dénoncèrent une jurisprudence faisant la part belle « au conformisme, à la pensée unique, et [qui] tradui[t] une conception frileuse et timorée de la liberté de la presse ». En pointant du doigt une « attaque injurieuse contre la personne du prophète de l’islam » la Cour pouvait, en effet, donner l’impression d’une confusion entre société démocratique et société théocratique (op. diss. des juges Costa, Cabral Barreto et Jungwiert).

[37] Gde Ch., Molla Sali c. Grèce, 19 décembre 2018, nos obs. RTDH, 2019, p. 925.

[38] Arrêt du 11 mai 2018, n° 046/2016, qui tranche avec la position plus compréhensive de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples : Comité Loosli Bachelard, Lawyers’ Committee for Human Rights, Association of Members of the Episcopal Conference of East Africa (Soudan), com. nº 48/90, 50/91, 52/91 et 89/93.

[39] P. Wachsmann, « Convention européenne des droits de l’homme. Liberté de pensée, de conscience et de religion », Jcl Europe-Traité, Fasc. 6522-1, 31 décembre 2019, § 4.

[40] C. Vial, « L’abus de liberté de religion », Actes de la Journée d’étude Abus de droits fondamentaux européens », 10 octobre 2023, à paraître aux éditions Bruylant.

[41] S’il n’est pas consacré par l’article 18 du Pacte, le droit de changer de religion apparaît comme une composante essentielle de la liberté religieuse pour le Comité (Voir notamment son observation générale n° 22 sur l’article 18 du PIDCP, UN doc. CCPR/C/21/Rev.1/ADD.4, 27 septembre 1993).

[42] X. Bioy, « Dans toute la mesure du possible … », AJDA, 2016, p. 1127.

[43] G. Gonzalez, « Vademecum pour interdire les signes religieux au travail », RDUE, 2017, p. 345. Ce libéralisme se retrouve dans la jurisprudence du Conseil d’Etat. Par exemple, CE, 6 janv. 2006, n°260307 relatif au recours à la cryogénisation. In specie, il s’agissait de savoir si l’administration pouvait refuser la demande de Remy Martinot de conservation du corps de son père par le procédé de congélation, lequel était persuadé que les progrès de la science pourraient un jour le ramener à la vie. En se plaçant uniquement sur le terrain de la proportionnalité pour juger que le refus de l’administration n’est pas disproportionné, la haute juridiction administrative laisse clairement entendre que les droits protégés aux articles 8 et 9 de la Convention sont applicables. C’est dire en d’autres termes que le recours à la cryogénisation motivé par l’espoir d’un retour à la vie par les progrès de la science peut être rattaché à l’article 9 de la Convention qui protège la liberté religieuse.

[44] CEDH, 9 nov. 2021, De Wilde c/Pays-Bas, n° 9476/19 qui considère que le mouvement du « Pastafarisme » ne peut être protégé par l’article 9 de la Convention, par manque de force, de sérieux, de cohérence des convictions.

[45] Obs. n° 22 précitée.

[46] 31 octobre 2009, Prince c. Afrique du Sud, n° 1474/1993.

[47] Ce n’est pas toujours le cas : dans le contexte de la détention, la Commission européenne des droits de l’homme n’hésitait pas à contrôler si la religion à laquelle déclarer le requérant prétendait adhérer était identifiable (4 octobre 1977, n° 7291/75, X. c/Royaume-Uni).

[48] CEDH, Gde Ch., 1er juillet 2014, S.A.S. c./ France, n° 43835/11, § 108.

[49] R. Schwartz, Concl. sur CE, 10 juillet 1995, Association « Un sysiphe », n° 162718.

[50] CEDH, 13 févr. 2024, Executief van de Moslims van België et autres c/ Belgique, § 86, n° 16760/22.

[51] Par exemple le port du voile intégral, J. Guilbert, Essai sur le concept d’abus de droit fondamental, thèse, Université de Toulouse Capitole, 2021, p. 352 et s.

[52] G. Gonzalez, « Identité et/ou liberté de religion dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », RDLF, 2019, chron. n° 23.

[53] S. Van Drooghenbroeck, La proportionnalité dans le droit de la convention européenne des droits de l’homme : Prendre l’idée simple au sérieux, Presses de l’Université Saint-Louis, 2001, p. 299.

[54] L’usage abusif de la liberté religieuse au sens de l’article 17 a déjà été reconnu, mais souvent en lien avec d’autres dispositions conventionnelles. Les affaires concernent principalement la dissolution d’associations prônant un islam radical (voir par exemple la décision Hizb Ut-Tahrir et autres c. Allemagne du 19 juin 2012), n°31098/08. Dans la décision Belkacem c/ Belgique (27 juin 2017, n° 34367/14) où était en cause la publication par un dirigeant d’une organisation salafiste radicale d’une série de vidéos sur la plateforme Youtube appelant les auditeurs à dominer les personnes non-musulmanes et à les combattre, la clause guillotine de l’article 17 est opposée à l’usage de la liberté d’expression.

[55] M. Koenig, « Minorités religieuses et droit international des droits de l’homme. Trajectoires historiques et dynamiques sociologiques », in D. Lacorne (dir.), La Diplomatie au défi des religions. Tensions, guerres, médiations, Odile Jacob, « Hors collection », 2014, p. 242-255.

[56] Sur cette contestation de l’universalisme par les ONG religieuses, voir L. Burgorgue-Larsen, « Le basculement de l’histoire. Les attaques contre l’universalisme des droits de l’homme », ADHDSS, vol. XXI, 2021, p. 21 et son essai Les trois Cours régionales des droits de l’homme in context, Pedone, 2020, p. 355 et s.

[57] http://media.aclj.org/pdf/Article-pour-les-20-ans-de-l%27ECLJ,-d%C3%A9cembre-2018.pdf

[58] http://media.aclj.org/pdf/Article-pour-les-20-ans-de-l%27ECLJ,-d%C3%A9cembre-2018.pdf  Cette approche se retrouve dans son essai Les droits de l’homme dénaturé, éd. du Cerf, 2018.

[59] « Cette décision, qui peut être considérée comme la plus belle victoire de l’ECLJ, a permis de solidifier une « alliance contre le sécularisme » entre catholiques et orthodoxes ». Et pour cause dans cet arrêt, la Cour promeut une vision identitaire du principe de la liberté de conscience qui a peu à voir avec l’universalisme des droits.

Dans cette affaire, d’autres organisations non gouvernementales catholiques ont présenté des observations en faisant valoir que le crucifix ne pouvait être vu comme un message religieux ou philosophique (Les organisations non gouvernementales Zentralkomitee der deutschen Katholiken, Semaines sociales de France et Associazioni cristiane Lavoratori italiani).

[60] http://media.aclj.org/pdf/Commentaires-de-l’ECLJ-sur-le-Projet-d’observation-g%C3%A9n%C3%A9rale-CCPR,-FRA.pdf

[61] S. Van Drooghenbroeck, « Existe-t-il une communauté de sources de la liberté de religion ? », RDP, 2023, p. 650.

[62] S. Turgis, Les interactions entre les normes internationales relatives aux droits de la personne, Pedone, 2012.

[63] CEDH, Gde ch., 7 juillet 2011, Bayatyan c. Arménie, n° 23459/03.

[64] 23 mai 2017, Commission africaine des droits de l’homme et des peuples c. République du Kenya, n° 006/2012.

[65] 4 février 2022, Pavez Pavez c. Chili, série C n° 449.

[66] CEDH, Gde ch., 4 avril 2018, Correia de Matos c. Portugal, § 135, n°56402/12.

[67] G. Gonzalez, « Les constatations du Comité des droits de l’homme des Nations unies en 2018 relatives à la liberté de religion en France », Revue du droit des religions [Online], 9 | 2020 URL: http://journals.openedition.org/rdr/1157.

[68] https://eclj.org/geopolitics/coe/le-dfi-de-luniversalit-des-droits-de-lhomme-70-ans-aprs-la-dclaration-universelle-des-droits-de-lhomme?lng=fr

[69] Sur les divergences dans la conception même du droit à la liberté religieuse, voir le fascicule d’O. Beaud, « Aperçus de droit comparé » n° 15, dans le jurisclasseur Libertés, 2007.

[70] H. Labalye, « Vivre-ensemble, entre neutralité et parti pris », in Les droits de l’homme à la croisée des chemins, Mélanges en l’honneur de Frédéric Sudre, Lexisnexis, 2018, p. 364.

[71] S. Hennette-Vauchez, L’école et la République. La nouvelle laïcité scolaire, Dalloz, 2023, p. 203, qui se réfère notamment aux travaux en langue étrangère, plus critiques, sur la jurisprudence de la Cour (en particulier ceux de Dominic McGoldrick).

[72] Pour une approche théorique tentant de dépasser ce clivage, voir O. De Frouville, « Le jugement cosmopolite : réflexions sur l’éthique de la pratique juridictionnelle. À propos des « affaires du niqab » devant la Cour européenne des droits de l’Homme et le Comité des droits de l’Homme des Nations unies », in V. Zuber (dir.), Histoire et postérité de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, op.cit., p. 179.

[73] S. Touzé et E. Dubout, « La fonction des droits fondamentaux dans les rapports entre ordres juridiques », in S. Touzé et E. Dubout (dir.), Les droits fondamentaux, charnières entre ordres et systèmes juridiques, Pedone, 2009, p. 22.

[74] J. Habermas, De l’éthique de la discussion, Flammarion, 2013. 

[75] Expression empruntée B. Plessix, qui l’a employée dans un tout autre registre (« La nullité d’un contrat de l’administration devant le juge judiciaire », RFDA 2013. 541).

[76] O. De Frouville, op. cit., p. 196.

[77] J. Ferrero, « Faut-il prendre les Comités conventionnels au sérieux ? », RDLF, 2021, chron. n° 10.

[78] F. Tulkens, « Postface », in Bribosia E. et Hennebel L. (dir.), Classer les droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 390.

[79] Nations unies. Commission du droit international, Cinquième rapport sur l’expulsion des étrangers, présenté par M. Maurice Kamto, Rapporteur spécial, 61e session, Genève, 4 mai-5 juin et 6 juillet-7 août 2009, A/CN.4/611

[80] Deux ressortissantes pakistanaises, de confession chrétienne faisaient valoir qu’elles seraient persécutées en cas leur retour dans leur pays d’origine.

[81] Y (C 71/11), Z (C 99/11), concl. Y. Bot.

[82] Dans son opinion séparée sous l’arrêt F.G c. Suède, le juge Sajo critique le point de vue de la Cour : « J’aurais préféré une analyse séparée de la mesure dans laquelle le droit consacré par la Convention de manifester librement sa religion (c’est-à-dire, en l’espèce, au lieu de dissimuler sa foi chrétienne en Iran, comme l’ont suggéré les autorités nationales) a une application extraterritoriale ».