Redécouvrir l’apport de John Stuart Mill à la généalogie des droits et libertés

Michel LEVINET.

La chose est bien connue : comme le rappelait Robert Badinter au lendemain du bicentenaire de la Déclaration de 1789, « [l]es droits de l’homme ne nous ont pas été révélés mais ont une histoire »[1]. Si leur origine lointaine renvoie à certaines sources religieuses et philosophiques anciennes – comme le judéo-christianisme[2] et le stoïcisme –, le surgissement des droits et libertés proprement dits nécessite la laïcisation des sociétés humaines, ainsi que le fait que les notions de liberté, d’égalité et d’individu soient au cœur de la pensée politique et de la structure de la société. Leur consécration n’est intervenue dans l’Europe des XVIIe et XVIIIe siècles qu’avec la Modernité politique et juridique, à l’issue d’une maturation de la pensée politique et philosophique caractérisée par la croyance dans le progrès, les vertus de la science et l’universalité de la raison[3]. Cette rupture avec les modes de pensée antérieurs[4] consacre les postulats de l’existence de droits inhérents à la nature humaine et de la subjectivité[5] grâce à la théorisation effectuée, dans la continuation du nominalisme des Franciscains (Duns Scot, Guillaume d’Ockham), par les philosophes de ce temps qui « logent tout le droit dans la raison humaine, situent tout le principe de la société dans un acte de calcul et de volonté »[6]. Les noms des théoriciens qui ont apporté une contribution substantielle à cette entreprise et constituent une sorte de Catena aurea / chaîne dorée, pour reprendre la formulation utilisée par le théologien dominicain Thomas d’Aquin pour caractériser sa compilation, effectuée avec ses secrétaires, des milliers de commentaires patristiques sur les Evangiles[7], sont connus et célébrés – même si la spécificité de l’apport de certains d’entre eux n’est pas toujours mis en relief comme ils le mériteraient : Nicolas Machiavel, l’un des premiers penseurs de l’Europe laïque qui établit clairement le principe de l’indépendance de l’exercice du pouvoir politique à l’égard de toute norme transcendante, religieuse ou autre ; Erasme, l’uomo universale, le Prince des humanistes ; Montaigne et son éloge de la liberté intérieure ; Sébastien Castellion, auteur d’un puissant plaidoyer de la tolérance (Contra Libellum Calvini) ; les penseurs de la seconde scolastique (Vitoria, Soto et Suarez) ; après la Saint Barthélemy, les écrivains protestants monarchomaques qui insistent sur le caractère inviolable de la liberté de confession et de culte et la résistance à l’oppression (Théodore de Bèze, François Hotman, Jurieu et Junius Brutus) ; Pierre Bayle, un théoricien majeur de la tolérance religieuse, auteur en 1696 du célèbre Dictionnaire historique et critique ; Grotius et sa fameuse affirmation de la pleine validité du droit naturel même si Dieu n’existait pas (etsi daremus Deum non esse), Pufendorf, Barbeyrac, Burlamaqui et Wolf, les philosophes du jusnaturalisme moderne ; Montesquieu ; Diderot, Paine, Rousseau et Voltaire ; Beccaria ; Condorcet ; Benjamin Constant et Tocqueville. Sans oublier, naturellement, ceux qui sont d’ordinaire cités en tout premier lieu : Spinoza, Hobbes, Locke et Kant.

Qu’en est-il de la contribution spécifique de John Stuart Mill (1806-1873) ? Pourquoi insister sur la nécessité de la redécouvrir ? D’abord, parce que le philosophe politique britannique se trouve en général peu présent dans les manuels[8] traitant en France des origines intellectuelles des droits et libertés. Ensuite et surtout, parce qu’il est l’auteur d’ouvrages majeurs[9] traitant de sujets de premier ordre : la liberté (De la liberté, 1859, Gallimard, 1990)[10], le système représentatif (Considérations sur le gouvernement représentatif, 1861)[11] [12] ; la justice sociale (Chapters on Socialism, ouvrage inachevé, publié à titre posthume en 1879)[13] ; la religion (Essais sur la religion, 1850-1870)[14] ; les droits des femmes (L’asservissement des femmes, 1869)[15].    

Philosophe, moraliste, logicien, économiste, membre de la Chambre des Communes (1865-1868), John Stuart Mill a été employé trente-cinq ans par la Compagnie des Indes Orientales. Sa pensée a été influencée par l’utilitarisme[16] – défendu par son père, James et développé par l’ami de ce dernier, Jeremy Bentham–, dont il finit par se détacher – ainsi que par les écrits de Wilhem Von Humboldt, notamment son Essai sur les limites de l’action de l’Etat, ouvrage publié en 1851[17]. La critique bien connue par Bentham[18] de l’abstraction des Déclarations des droits de l’homme, des droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme[19] ne l’empêche pas de plaider pour le droit au divorce, la liberté d’expression et l’abandon de la torture et de la répression des formes de sexualité jugées déviantes, considérant qu’elles sont le fait de personnes adultes et consentantes[20] et son Essai sur la pédérastie (1785), publié en Angleterre en 1978. Son utilitarisme a été décrié comme froid, calculateur, favorisant la maximisation des plaisirs individuels, des intérêts égoïstes. Pourtant, selon cette doctrine qui « rend tout d’abord compte des causes efficientes des actions humaines – la recherche du plaisir et la fuite de la douleur – et fournit ensuite un critère pour les évaluer – une action étant approuvée ou non en fonction de sa propension à augmenter ou non le bonheur de l’individu en question »[21]  –, « une action est bonne quand elle tend à réaliser la plus grande somme de bonheur dans l’univers pour le plus grand nombre possible d’êtres concerné par cette action. Elle est mauvaise dans le cas contraire, c’est-à-dire quand elle tend à augmenter la somme globale de malheur dans le monde. ». Ce souci de maximiser le bonheur général peut impliquer « des cas où l’on peut exiger le sacrifice individuel au nom du bonheur collectif. »[22]. En fait, « [la] mécanique du principe d’utilité et sa puissance de concrétisation font une large place aux exigences de l’individu, de sorte que les éléments recouverts sous le terme de ‘droits de l’homme’ que l’on retrouve chez Bentham n’y sont pas que de simples allusions. La vocation des individus à faire valoir leurs prétentions et la prise en compte de leurs revendications sont des éléments constitutifs de la poursuite du plus grand bonheur. Mais loin de se fonder sur ou de fonder par lui-même des titres juridiques absolus, l’utilitarisme benthamien appelle une harmonie relativiste des prérogatives des individus, dans le cadre d’une interaction sociale bénéficiant à l’ensemble de la société. »[23]. « Toute limite apportée à l’action humaine, toute obligation, qui est l’effet le plus direct de la loi, doit pouvoir être examinée en termes d’utilité : c’est le principe de ce que l’on pourrait appeler par paraphrase le ‘rasoir de Bentham’. Le principe d’utilité est un principe critique qui destitue les lois abusives, les jugements moraux, les condamnations religieuses qui ne sont pas fondés sur un calcul d’effets. […] Pourquoi proscrire l’homosexualité et les formes de sexualité ‘non conformes’ ou ‘irrégulières’ si leurs effets sont bénéfiques ? […] Le travail critique de l’utilitarisme, que John Stuart Mill a bien mis en valeur chez Bentham, montre que dans des domaines aussi variables que l’économie politique ou la sexualité, des comportements dont les effets ne contrevenaient en rien au bonheur du plus grand nombre ont été condamnés et interdits. »[24]

Conscient dès l’âge de quinze ans du contenu de son projet de vie – « devenir un réformateur »[25] –, Stuart Mill considère que le pouvoir de l’État doit être limité pour garantir le droit de chaque être humain de cultiver sa personnalité. Son approche est dominée par « sa répulsion à l’égard de toute forme de pensée systématique et nécessairement autoritaire selon lui. »[26] et le souci de « consid[érer] l’individualité humaine comme un principe central de son système idéologique. »[27]. Pour le penseur anglais, le développement personnel constitue une valeur centrale : « [l]’homme est a progressive being et chaque individu trouve dans son indéfectible liberté le moyen essentiel de ce progrès. »[28], ce qui suppose une liberté à l’égard du dogmatisme moral, du conformisme social.

I. Le primat de la liberté individuelle

Le primat de la liberté individuelle se trouve affirmé et magnifié dans De la liberté. La liberté y est appréhendée comme « le droit de façonner son existence librement et à sa guise, la production de circonstances dans lesquelles les hommes p[euv]ent développer leur nature avec autant de diversité et de richesse – ou au besoin d’excentricité – que possible. »[29]. Lorsqu’on lit Mill, la figure qui s’impose est celle de l’individu, seul juge de ses croyances et de ses intérêts[30]. Mill fonde cette dernière, non sur un droit universel de parler, mais sur l’utilité largement entendue, à savoir sur les « intérêts permanents de l’homme » en tant qu’être susceptible de progrès – dont le désir d’exprimer des idées – le désir des êtres humains de « développer leur individualité et d’agir sur le monde environnant. »[31]. Elle inclut la liberté d’opinion et de conscience – conçues de la façon la plus large –, la liberté d’expression et d’association et, plus généralement, celle du choix du mode de vie, c’est-à-dire « la liberté des goûts et des occupations, la liberté de tracer le plan de notre vie suivant notre caractère, d’agir à notre guise et risquer toutes les conséquences qui en résulteront, et cela sans en être empêché par nos semblables tant que nous ne leur nuisons pas, même s’ils trouvaient notre conduite insensée, perverse ou mauvaise. » (De la liberté, pp. 78-79). Cette dernière indication est essentielle car il s’agit pour le philosophe anglais de « montrer sur une base utilitariste que le seul fondement que l’on puisse invoquer pour restreindre la liberté des individus dans une société ‘civilisée’ est la protection des droits des autres : l’individu ne peut pas être contraint à faire une chose ou à s’en abstenir parce que c’est bon pour lui ou parce que c’est moral, mais seulement parce que son action a des effets sur le sort d’autrui »[32]. Le propos de Mill est très ferme : « Contraindre quiconque pour son propre bien, physique ou moral, ne constitue pas une justification suffisante » ; « la seule partie de la conduite de quiconque, pour laquelle il est responsable devant la société est celle qui concerne les autres. Dans la partie qui le concerne seulement lui-même, son indépendance est, de droit, absolue. Sur lui-même, sur son propre corps, ou son propre esprit, l’individu est souverain » (De la liberté, pp. 74-75)[33] ; « On peut offrir à quelqu’un, voire le forcer à entendre, des conseils pour l’aider à juger, des exhortations pour raffermir sa volonté ; mais il demeure le juge suprême. » (p. 179). On reconnaît dans ce dernier propos l’un des effets majeurs du principe de non-nuisance (harm principle)[34]. L’affirmation du principe est d’autant plus importante si l’on tient compte, comme Mill, de notre penchant au maximalisme moral : « Il n’est pas difficile de montrer, par de nombreux exemples, qu’étendre les limites de ce qu’on peut appeler la police morale, jusqu’à ce qu’elle empiète sur la liberté la plus incontestablement légitime de l’individu, est, de tous les penchants humains, l’un des plus universels. » (De la liberté, p. 192). Il faut toutefois considérer que « le principe de non-nuisance ne vaut que pour des individus autonomes » ; il « ne s’applique qu’à des personnes disposant des facultés requises pour juger ce qui est bon pour elles. » ; « [u]ne personne serait donc libre de faire tout ce qu’elle veut tant qu’elle respecte les droits d’autrui, tant qu’elle agit volontairement et tant qu’elle ne renonce pas à sa liberté. ». L’individu renonce à sa liberté s’il entend, par exemple, souscrire un contrat la conduisant à devenir l’esclave d’une autre personne. Ainsi, « la pensée de Mill peut ainsi être considérée comme la source d’un paternalisme libéral perfectionniste qui admet la légitimité de certaines interférences de la puissance publique afin de préserver ou de promouvoir l’autonomie des individus. »[35]. On le voit, « Mill limite sa propre thèse aux membres ‘d’une communauté civilisée’ : le principe de la liberté vaut donc seulement pour des individus dans la plénitude de leurs facultés. »[36]. L’invocation du principe d’autonomie personnelle, qui « n’entend s’appliquer qu’aux êtres humains dans la maturité de leurs facultés », est exclue pour les enfants, les mineurs ou les personnes ne disposant pas de toutes leurs facultés mentales ou encore des peuples appartenant « aux âges arriérés de la société » (De la liberté, pp. 75-76)[37], l’approche reposant sur la distinction entre « civilisation » et « barbarie »[38] et un certain élitisme[39]. L’exemple de l’impossibilité de reconnaître la validité d’un contrat par lequel une personne deviendrait l’esclave d’une autre personne est significatif : « Mais en se vendant comme esclave, un homme abdique sa liberté ; après cet acte unique, il renonce à tout usage futur de sa liberté. Il détruit donc sans son propre cas le but même qui justifie la permission de disposer de lui-même. Il n’est plus libre, mais il est désormais dans une position telle qu’on ne peut plus présumer qu’il ait délibérément choisi d’y rester. Le principe de liberté ne peut exiger qu’il soit libre de n’être pas libre. Ce n’est pas la liberté que d’avoir la permission d’aliéner sa liberté. » (De la liberté, pp. 221-222).

Un tel attachement au principe de la liberté individuelle tient au constat – partagé avec Benjamin Constant[40] et Tocqueville, que le penseur britannique a rencontré et avec lequel il a entretenu une riche correspondance – du caractère irréversible des changements apportés par la Modernité politique, surtout par l’adoption du régime démocratique et donc du risque du surgissement d’une nouvelle forme de despotisme, la passion de l’égalité risquant de l’emporter sur celle de la liberté. Tocqueville et Stuart Mill sont inquiets face au nivellement démocratique et au danger du despotisme de la majorité[41]. Pour Tocqueville, le rapprochement des conditions des différentes catégories sociales, la passion du bien-être et de l’égalité démocratique sont autant de facteurs laissant craindre que le règne de l’opinion publique aboutisse au règne du conformisme majoritaire[42]. Il y a là une conséquence inhérente à la révolution démocratique qui marche vers l’égalité des conditions. Cette irréversibilité des effets de l’égalité domine particulièrement les dernières lignes de la conclusion finale de la Partie IV du Livre II (1840) de son maître ouvrage sur la démocratie américaine[43]. Tocqueville cherche à affronter « le grand défi de l’histoire moderne : trouver l’équilibre entre la liberté et l’égalité »[44]. Il se demande comment la liberté pourra survivre face au nivellement social propre à la société démocratique[45]. Il est conscient du « piège de l’égalité » : « au rebours de ses prédécesseurs, dont Montesquieu, (il) estime que les dangers de la démocratie ne proviennent pas des gouvernants mais des gouvernés »[46]. L’idéal de l’égalité (« Je pense que les peuples démocratiques ont un goût naturel pour la liberté […] Mais ils ont pour l’égalité une passion ardente, insatiable, éternelle et invincible »[47], la polarisation des individus sur le domaine de la vie privée (la démocratie peut être anéantie du fait des excès de l’individualisme), le souci du bien-être, l’amour des jouissances matérielles, le désintéressement pour les affaires publiques, la crainte du désordre, le goût des idées simples, le conformisme des opinions, les excès des émotions collectives, la disparition des hommes d’exception de la scène politique, le désir égalitaire d’une législation uniforme ne vont-ils pas conduire à une forme de « tutorat », de « despotisme doux » ? Mill redoute également, comme l’écrit Pierre Bouretz, de voir « le règne de l’opinion publique […] se transformer en triomphe d’une opinion commune porteuse du despotisme majoritaire. » (De la liberté, Préface, p. 28). Il pressent le poids uniformisateur de la culture de masse à venir – celle dont « le commandement semble être […] tiens-t’en à ce que font les autres et suit la loi du plus grand nombre. »[48]. Il est conscient des « risques d’apathie politique, de standardisation ou de sectarisme des mentalités dont la dynamique démocratique est en elle-même porteuse. »[49]. Il sait le danger de « la tyrannie de la majorité » et craint un écrasement de l’autonomie des individus[50] [51]. Aussi, dès l’Introduction de son ouvrage, précise-t-il que « l’idée que les peuples n’ont pas besoin de limiter leur pouvoir sur eux-mêmes pouvait sembler axiomatique lorsqu’un gouvernement démocratique n’existait encore que dans nos rêves ou nos livres d’histoire. » (De la liberté, pp. 64-65). Car la tyrannie n’étant pas simplement celle du magistrat mais aussi celle possible de l’opinion, il s’insurge contre « la tyrannie de l’opinion et du sentiment dominants, contre la tendance de la société à imposer, par d’autres moyens que les sanctions pénales, ses propres idées et ses propres pratiques comme règles de conduite à ceux qui ne seraient pas de son avis » […] « la société devient le tyran, lorsque la masse en vient à opprimer l’individu ». Cette tyrannie « laisse d’autant moins d’échappatoire qu’elle va jusqu’à se glisser dans les plus petits détails de la vie, asservissant ainsi l’âme elle-même. ». « Se protéger contre la tyrannie du magistrat ne suffit […] pas. » (De la liberté, pp. 66-67).

Impliquant le pluralisme maximal des idées et des comportements, ce libéralisme découle logiquement du postulat de l’imperfection présente de l’humanité. Au début du Chapitre III (De l’individualité comme l’un des éléments du bien-être) de son ouvrage De la liberté, Mill écrit : « De même qu’il est utile, tant que l’humanité est imparfaite, qu’il y ait des opinions différentes, il est bon qu’il y ait différentes façons de vivre et que toute latitude soit donnée aux divers caractères, tant qu’ils ne nuisent pas aux autres et qu’il est donné à chacun d’éprouver la valeur des différents genres de vie. » (pp. 146-147). La liberté d’expression comporte comme limite le tort fait à autrui[52], mais il est essentiel de préserver la valeur éminente que représente la diversité des opinions[53]. Il y a là une « condition nécessaire de la recherche de la vérité », à savoir une vérité simplement humaine et non transcendante car, à partir d’opinions diverses, « la vérité ne peut […] surgir que de la confrontation rationnelle d’opinions humainement évaluées et pesées, sans autre gage de rigueur que les exigences mêmes de l’entendement. »[54]. Fort de son optimisme rationaliste et sous réserve de ne pas nuire à autrui[55], le philosophe politique anglais plaide pour l’utilité des opinions fausses qui sont « autant d’aiguillons incitant à constamment défendre ce qu’on tient pour vrai et à perfectionner les arguments qui le justifient. La tolérance à l’égard de l’erreur sonne aussi chez Mill comme une injonction à considérer qu’aucune opinion, même la plus certaine, n’est définitivement vraie, qu’elle demeure toujours, du moins en théorie, susceptible d’être réfutée puisqu’elle est le produit d’une discussion où […] la recherche [n’est] jamais achevée. »[56] [57]. La « diversité d’opinions » n’est pas un mal, « mais un bien tant que l’humanité n’est pas mieux à même de reconnaître toutes les facettes de la vérité. » (De la liberté, p. 146). Ce plaidoyer ne vise pas pour autant à légitimer le relativisme éthique : « si Mill et ses disciples […] préconisaient la liberté de parole et portaient un regard approbateur sur la diversité des styles et des croyances, ils ne considéraient pas le pluralisme comme une fin souhaitable ; ils le tenaient plutôt pour un moyen commode ». En effet, « la tolérance ou diversité constitue le moyen le plus intelligent pour encourager la réflexion et la recherche de la vérité », mais on ne saurait l’utiliser pour « justifier le rejet d’une telle recherche – sans parler de l’abandon de la notion de vérité universelle » –, car cela « équivau[drait] à renoncer à l’essence même de la quête humaine »[58]. Dans l’accomplissement de sa personnalité, « [m]ême si Mill fait de chacun le juge ultime de ce qui est utile pour accomplir sa personnalité, il confronte le sujet moral avec un impératif d’accomplissement de soi qui, de toute nécessité, norme fortement sa subjectivité »[59].

II. La liberté de religion

Naturellement, Stuart Mill a traité la question de l’étendue de la liberté de religion, autrement dit de sa relation avec le pouvoir politique. Au début du XVIIe siècle, deux grands débats portent, l’un sur la détermination de l’autorité compétente en matière de foi, de dogmes et de cultes ; l’autre sur l’interdépendance entre religion et paix sociale (la religion doit-elle jouer le rôle de gardien de la moralité publique ? Est-elle indispensable à la paix civile ?).

S’agissant de la première interrogation, Hobbes et Grotius estiment clairement que la chose relève du prince temporel. Hobbes l’affirme fermement. Ainsi, dans le De Cive (Section 2, Chapitre XII, Art. 1) : « il faut tenir pour bien ce que le législateur a ordonné et pour mal ce qu’il a défendu ». Ou, encore, dans son Léviathan (IIIe Partie, Chapitre XLII, Du pouvoir ecclésiastique) : « Dans tout Etat chrétien, le souverain civil est le pasteur suprême à qui est commise la charge de tout le troupeau de ses sujets ». Cette revendication découle d’un postulat relativiste : « Si, pour Hobbes, les hommes doivent être tenus pour égaux, c’est qu’aucune supériorité ne peut être tenue pour évidente par elle-même et aussi, plus profondément, parce qu’il n’est pas possible d’établir clairement une hiérarchie entre les fins que poursuivent les hommes ; inversement, si ‘c’est l’autorité et non la vérité qui fait la loi’, c’est parce que la prétention à fonder la loi sur la ‘vérité’, qu’elle émane de l’Eglise, des philosophes platonisants ou des juges, n’est que le masque d’une revendication d’autorité (fonder la loi sur la ‘vérité’ revient à confier l’autorité à ses prétendus détenteurs) »[60]. Chez Hobbes, « c’est le souverain qui décide de ce qui est canonique ou de ce qui ne l’est pas, en tout ce qui concerne les manifestations extérieures de la croyance. Sans cela, la guerre civile est inévitable, ce dont il est témoin dans l’Angleterre de son temps »[61]. Outre qu’il estime qu’il importe de « convaincre les fidèles eux-mêmes qu’ils agissent d’autant plus conformément à la parole divine qu’ils respectent les lois civiles. », Hobbes revendique « le monopole de l’interprétation légitime des textes sacrés et l’autorité suffisante pour choisir les livres liturgiques. », dans la mesure où, comme « les Ecritures ne font pas autorité par elles-mêmes […], [l]e choix des textes, leur composition canonique et leur signification quand elles sont ambigües doivent être fixés ou entérinés par la seule autorité qui vaille, celle du souverain »[62]. On le voit, « [l]es positions de Hobbes sur la religion s’inscrivent dans une parfaite cohérence et continuité avec sa conception du pouvoir et du droit. […] la question de l’interprétation des Ecritures, qui demeure, pour Hobbes, de nature essentiellement politique et juridique, est alignée purement et simplement sur le régime de l’interprétation des lois profanes. Le souverain civil en est l’interprète authentique et exclusif. Il a tout pouvoir pour en déterminer la valeur et la portée d’après sa volonté »[63]. La lecture du Chapitre XLIV (Du pouvoir ecclésiastique) le confirme : « les apôtres et autres ministres de l’évangile sont nos instituteurs, mais pas nos gouvernants […] leurs préceptes ne sont pas des lois, mais de bons conseils […] le royaume du Christ n’est pas en ce monde ; donc ses ministres non plus (sauf s’ils sont rois) ne peuvent exiger l’obéissance en son nom. » ; « Le travail des ministres du Christ est l’évangélisation, c’est-à-dire la proclamation du Christ et une préparation en vue de sa seconde venue […][64].

Spinoza a-t-il sa place ici ? La chose pourrait surprendre quand on pense à son Deus sive natura et à sa critique radicale de la vision anthropomorphique du Dieu des monothéismes (récusation d’un Dieu transcendant, créateur et sauveur qui punit et qui récompense – autant d’images issues des « passions tristes » êtres humains (la peur, l’anxiété, la soif de dominer) –, des miracles et des prophéties, affirmation du caractère métaphorique de la Révélation). N’a-t-il pas été exclu de la communauté juive d’Amsterdam et accusé d’athéisme ? Ne revendique-t-il pas dans son Traité théologico-politique, paru en latin, anonymement, à Amsterdam en 1670[65], le droit de chacun de penser comme il l’entend (« un droit supérieur de nature »), la raison seule pouvant construire la liberté, ce qui implique la séparation des Eglises et de l’Etat, la foi demeurant une affaire privée, de piété et de bienveillance envers autrui ?  Ne considère-t-il pas que l’homme doit se libérer des religions qui, par leurs cultes, alimentent la soumission des hommes aux ambitions et aux intérêts des fonctionnaires des Eglises ? Ce plaidoyer ne lève pas toutes les ambiguïtés quant à l’interdépendance entre le religieux et le politique[66]. Car « la solution spinoziste du problème des rapports de la religion et de la politique manque de netteté et déroute le commentateur. On comprend ainsi que certains reconnaissent en Spinoza, au point de vue politique, un disciple authentique de Hobbes et que d’autres y voient, au contraire, un des théoriciens les plus convaincus de la liberté de penser et de la tolérance religieuse. ». Une comparaison des visions en la matière de Rousseau et de Spinoza permet d’estimer que « convaincus de l’importance du lien religieux pour la consolidation du lien politique, ils sont enclins à subordonner […] le pouvoir spirituel au pouvoir temporel ; [tous deux] préconisent […] une ‘religion civile’, qui sans exclure […] les religions statutaires, constitue cependant une charte obligatoire pour tous les citoyens »[67]. Si Spinoza habilite l’Etat à réglementer les « formes extérieures de la piété et du culte extérieur » (notamment, pour déterminer les obligations pieuses de chacun à l’égard du prochain), il lui en dénie la possibilité s’agissant « de la piété elle-même et du culte intérieur », qui « relèvent du droit de l’individu […] qui ne peut pas être transféré à un autre »[68]. Défendant une idée bien établie, Spinoza reconnaît le principe de la liberté de religion sous réserve que l’appartenance religieuse n’entre pas en opposition avec le politique. Néanmoins les autorités publiques peuvent légiférer en matière d’expression de la pensée et de la pratique du culte, même si l’auteur souhaite un usage modéré de pareille prérogative. Pour autant, demeure une difficulté que montre la lecture du Chapitre XIX (son intitulé est éloquent : On établit que le droit de régler les choses sacrées appartient au souverain, et que le culte extérieur de la religion, pour être vraiment conforme à la volonté de Dieu, doit s’accorder avec la paix de l’État). Certes, l’Etat n’interfère aucunement quant à « la piété en elle-même, et du culte interne de Dieu ; c’est-à-dire les moyens par où l’âme est disposée intérieurement à honorer Dieu par la pureté du cœur » (Chapitre XIX, p. 339). Les premières pages du Chapitre XX sont à cet égard explicites : « personne ne peut transférer à un autre, son droit naturel ou sa faculté de raisonner librement et de juger de toutes choses ; et il ne peut y être contraint. […] ce sont là de ces choses qui constituent le droit de chacun, et dont personne ne peut se dessaisir, alors même qu’il le voudrait. » (p. 353). L’étendue de la compétence reconnue à l’autorité publique comporte pourtant des incertitudes (Chapitre XIX, pp. 339-352) qui pourraient laisser craindre l’esquisse d’une société totalitaire dans la mesure où les autorités civiles se voient confier le contrôle de toutes les manifestions des religions et des sectes. Au Chapitre XVI, Spinoza écrit que « [l]a Souveraine Puissance qui, tant en vertu du droit divin que du droit naturel a la charge de conserver et de protéger la législation de l’Etat, dispose du droit souverain de prendre, concernant la religion, toutes les mesures jugées opportunes. ». Au début du Chapitre XIX, il ajoute que la juridiction des autorités politiques ne saurait se limiter au « droit dont est régie la vie sociale profane », mais « aussi au droit sacré », ce qui implique que « seule, la souveraine Puissance détermine le culte et en reste de tout temps l’interprète ». L’affirmation est répétée quelques lignes plus loin : « les souveraines Puissances sont, pour leurs peuples respectifs, les interprètes de la religion et des pratiques dévotes ». En effet, l’accomplissement de la « loi de Dieu » (à savoir la pratique de la justice et de la charité) ne peut acquérir force de commandement qu’en vertu de la législation de l’Etat : « Jamais la religion ne saurait acquérir force de loi, que par le vouloir des personnes ayant le droit de gouverner ; et Dieu n’exerce de règne particulier sur les hommes que par l’intermédiaire des Autorités politiques ». Une telle appréhension ne se comprend qu’en considération de sa vision de la primauté de la conservation de la communauté publique, laquelle justifie que personne « si ce n’est au nom de leur prestigieux pouvoir [celui des Autorités Souveraines] ou en vertu d’une permission reçue d’elles, n’a le droit et la puissance : d’administrer quoi que ce soit dans le domaine sacré, de choisir des ministres du culte, de déterminer, puis de faire respecter les principes et la doctrine de l’Eglise, d’apprécier la ferveur des existences et des actes individuels, de prendre (ou contre, ou en faveur de qui que ce soit) des mesures soit d’excommunication soit d’admission solennelles, enfin de pourvoir aux besoins des pauvres. » (Spinoza ajoute que « même les personnes exerçant l’autorité politique ne doivent plus être écartées des cérémonies, comme indignes de les célébrer »). Par-là, se vérifie le souci spinoziste de la sécurité de l’Etat et de l’unité de l’autorité politique susceptibles d’être mises en danger par la coexistence des religions, les luttes et les discussions incessantes en matière de religion, telles qu’il les a vécues de son temps aux Pays-Bas[69]. La vision du corps politique selon Spinoza repose sur le postulat que « [l]es vérités sont nécessaires, elles s’imposent à tous. L’amour d’autrui, le respect du lien social, l’existence d’un Dieu qui fonde ces vérités sont nécessaires non seulement au salut individuel, mais aussi à la survie de l’Etat : il revient donc à ce dernier d’imposer ces vérités à ceux pour lesquels elles ne seraient pas évidentes »[70]. Ainsi, une pensée qui, au départ, veut mettre un terme à la complicité funeste entre le religieux et le politique et valorise a priori la liberté de conscience, pose-t-elle les fondements d’un contrôle du religieux par le politique, d’« une nouvelle religion, celle de l’Etat même. », bref à un système potentiellement totalitaire[71].

Quant à John Locke, il diverge en mettant en avant le droit de chacun de mener sa vie selon ses convictions en matière de foi, dans deux ouvrages : l’Essai sur la tolérance (1667) et la Lettre sur la tolérance, 1687)[72], écrit quatre ans après la révocation par Louis XIV de l’Edit de Nantes de 1598 : la religion est une affaire privée[73]. Est cruciale, à ses yeux, la dissociation entre l’appartenance religieuse et l’appartenance citoyenne, laquelle interdit nécessairement la prétention pour l’Etat d’imposer sa conception de la Vérité. En effet, « les lois n’ont pas à décider de la vérité des dogmes », Lettre sur la tolérance, p. 199) et les lois civiles n’enseignent pas la vérité ; elles disent seulement ce qui est nécessaire à la paix civile. »[74]. Chacun dispose de la liberté de conscience, du droit d’enseigner sa religion et d’exercer le culte de son choix. La liberté de religion est un droit supérieur au pouvoir car elle concerne directement le rapport de l’homme à son Créateur, qui est un rapport transcendant à l’ordre civil : « Le culte religieux est cet hommage que je rends au Dieu que j’adore de la manière que je juge lui être agréable ; il s’agit donc d’une action ou d’un commerce qui n’a lieu qu’entre Dieu et moi-même. » (Essai sur la tolérance, p. 109).

S’agissant de la seconde interrogation, une réponse positive se retrouve, sous diverses formes, chez Machiavel (Discours sur la première décade de Tite-Live, Livre I, Chapitre 11, De la religion des Romains) et Montesquieu – la religion participant de la moralité des sujets, il cherche avant tout à vérifier comment les religions contribuent au bien dans l’ordre social[75]. Locke abonde dans ce sens : la tolérance qu’il prône ne vaut que pour les églises chrétiennes. Profondément religieux, il considère que la foi en Jésus-Christ, fondement de la moralité, l’exclut pour ceux qui rejettent la révélation divine et les Papistes en raison de la confusion qu’ils opèrent entre les domaines spirituel et politique ainsi que de leur intolérance (Lettre sur la tolérance et autres textes, pp. 125-128)[76]. Il « considère en effet, comme beaucoup de ses contemporains, que les catholiques sont engagés dans le projet politique de rétablir le pouvoir de Rome sur les Etats européens, projet étroitement lié à leur foi religieuse […] »[77]. Il récuse également l’athéisme car il considère que la croyance religieuse est nécessaire au maintien du lien social[78] : « Enfin, ceux qui nient l’existence d’un Dieu ne doivent pas être tolérés, parce que les promesses, les contrats, les serments et la bonne foi, qui sont les principaux liens de la société civile, ne sauraient engager un athée à tenir sa parole ; et que si l’on bannit du monde la croyance en une divinité, on ne peut qu’introduire aussitôt le désordre et la confusion générale » (Lettre sur la tolérance, p. 206.). « Locke prêche un gentlemen’s agreement entre les églises protestantes anglaises. Il en exclut les catholiques comme agents d’un prince étranger, le Pape. Il en exclut aussi les athées. Sa raison peut sembler étrange, mais elle est au fond très profonde : les athées sont incapables de prêter serment. Car sur quoi pourraient-ils jurer ? »[79]. Cette vindicte contre les athées ne peut surprendre : « [i]l va de soi qu’il existait à l’époque classique un cadre de débat qui faisait de l’athée un personnage ostracisé et de l’athéisme une position inquiétante et dangereuse, qui ne pouvait être tolérée »[80]. Les athées suscitent d’emblée la réticence et, comme ils sont supposés saper les bases de la société, ils sont exclus de la tolérance, laquelle est réservée aux religions établies, essentiellement les religions chrétiennes. Une position du type de celle du baron d’Holbach qui plaide clairement pour la possibilité d’une morale sans religion posait nécessairement problème (Le Christianisme dévoilé ou Examen des principes et effets de la religion chrétienne ; La contagion sacrée ou Histoire naturelle de la superstition ou tableau des effets que les opinions religieuses ont produits sur la terre)[81]. L’importance de la fonction régulatrice de la religion est aussi présente chez Voltaire, Benjamin Constant et Tocqueville.

Chez Voltaire, d’ordinaire associé à l’idée de tolérance (Traité sur la tolérance, 1763) et à la défense de la liberté religieuse (affaires Calas, Sirven et de la Barre), auteur d’articles remarquables dans son Dictionnaire philosophique (théiste ; tolérance, où il se demande pourquoi les chrétiens se sont « égorgés sans interruption depuis le premier concile de Nicée ») où il dénonce le fanatisme religieux et l’obscurantisme, qui croit en une morale naturelle et universelle et en un simple Dieu horloger ne se mêlant nullement de la vie des hommes – ce qui implique l’inanité des révélations, dogmes et commandements, ainsi que des notions de péché, de grâce, de foi, de déchéance, de Paradis perdu –, se retrouve la conviction de l’utilité sociale et politique de la religion, sous la figure d’un Dieu rémunérateur et vengeur, comme le montre la lecture de l’article Athéisme dans son Dictionnaire philosophique : « Il faut un Dieu vengeur qui punisse dans ce monde ci ou dans l’autre les méchants échappés à la justice humaine. […] Il est donc absolument nécessaire, pour les princes et pour les peuples, que l’idée d’un être suprême, créateur, gouverneur, rémunérateur, et vengeur, soit profondément gravée dans les esprits. ».

Le plaidoyer pour le recours aux sentiments religieux comme instances de régulation sociale se retrouve également chez Tocqueville. Conscient de l’insuffisance des contrepouvoirs qu’il propose afin de maîtriser les excès de la démocratie (indépendance du pouvoir judiciaire, décentralisation administrative, multiplication des associations, liberté de la presse), ayant perdu sa foi chrétienne lors de l’adolescence, il plaide néanmoins pour les bienfaits sociaux de la religion[82] car il demeure persuadé que « c’est la religion qui reste l’élément fondamental de la liberté en démocratie » ; « [l]a normativité morale de la religion vécue compense le relâchement des contraintes sociales et politiques en démocratie : elle réfrène la licence et le goût excessif du bien-être matériel. Simultanément, elle apporte au milieu du développement d’un ordre social fondé sur les opinions changeantes, la permanence et la fixité de vérités immuables et essentielles »[83]. Conscient de la place importante de la religion en Amérique, Tocqueville considère que les peuples ne peuvent se passer d’une religion positive qui leur permet d’affronter les dérives de l’individualisme – notamment, la quête du bien-être – propres aux temps démocratiques[84]. Jean-Jacques Chevallier et Norberto Bobbio vont dans ce sens. Le premier rappelle que, pour Tocqueville, sous réserve de sa séparation stricte de l’Etat (« [la religion] ne se mêle pas directement au gouvernement politique de la société : les âmes seules sont à elles, les citoyens lui échappent »), « La religion sert encore la liberté en l’aidant à combattre, dans l’âme même et le cœur des citoyens, les fâcheux penchants démocratiques que nous savons : individualisme, envie mesquine, goût du bien-être qui finit par être dégradant »[85]. Selon le second, « Tocqueville fut libéral avant d’être démocrate. Il était fermement convaincu que la liberté, principalement la liberté religieuse et morale (plus que la liberté économique), était le fondement et le ferment de toute vie civile »[86]. Pour l’auteur de De la démocratie en Amérique, en effet, « [c]’est le despotisme qui peut se passer de la foi, non la liberté » (Livre I, IIe Partie, Chapitre IX). Et Tocqueville d’affirmer : « (l]es hommes ont […] un intérêt immense à se faire des idées bien arrêtées sur Dieu, leur âme, leurs devoirs généraux envers leur créateur et leurs semblables […] Quand la religion est détruite chez un peuple, le doute s’empare des portions les plus hautes de l’intelligence et il paralyse à moitié toutes les autres. Chacun s’habitue à n’avoir que des notions confuses et changeantes sur les matières qui intéressent le plus ses semblables et lui-même […] Un tel état ne peut manquer d’énerver les âmes ; il détend les ressorts de la volonté et il prépare les citoyens à la servitude […] Pour moi, je doute que l’homme ne puisse jamais supporter à la fois une complète indépendance religieuse et une entière liberté politique ; et je suis porté à penser que, s’il n’a pas de foi, il faut qu’il serve, et, s’il est libre, qu’il croie. » (Livre II, Ie Partie, Chapitre V). Cette vision se retrouve dans un écrit postérieur : L’Ancien régime et la Révolution[87].

Benjamin Constant pense également que l’absence de sentiment religieux peut conduire au despotisme, en laissant libre cours aux calculs égoïstes et passions matérielles des individus. Aussi, un gouvernement a besoin de religion, au sens où il a besoin de citoyens désintéressés[88]. Au nom de la limitation des fonctions de l’État et du triomphe de l’individualité, Constant rejette toute forme d’intolérance religieuse et défend la thèse du pluralisme religieux, de la liberté complète et entière des cultes, et de l’indépendance totale de la religion vis-à-vis du pouvoir politique[89] [90]. Il reconnaît l’importance du sentiment religieux favorable à la liberté qu’il identifie au sentiment intérieur inhérent à la nature humaine et indépendant de toute révélation surnaturelle, sentiment appelé à grandir en maturité à distinguer des modes d’exercice de la religion (dogmes, rites et pratiques), propres aux religions sacerdotales, positives oppressives, instrumentalisées par les prêtres. Sa critique – qui vise surtout l’Eglise catholique romaine, se considérant alors comme l’unique Eglise à détenir la vérité de l’Evangile – est sévère : « Sans doute, au nom de la religion, l’on a fait beaucoup de mal à l’humanité » ; « Non, le sentiment religieux n’est en rien responsable de ce qu’on fait en son nom des hommes qui n’étaient pas religieux ; car ils ne sont point religieux, ceux qui font de la religion un moyen d’empire »[91]. « Il rejette toute conception instrumentale de la religion et réclame sa séparation stricte de la politique »[92]. Pour autant, comme chez Tocqueville, la priorité accordée à l’individualité comporte le risque naturel du repli des individus sur la sphère privée et des groupes sur la sphère identitaire, de la jouissance des biens privés au détriment de la participation civique au gouvernement de la cité. Constant est donc « inquiet et conscient des dangers que représentent le désinvestissement de la vie politique, la délégation de la souveraineté et la représentation »[93].

Telle que l’envisage Stuart Mill, la vérité n’est pas une vérité transcendantale, ce qui suppose que la religion et les Eglises soient reléguées dans la sphère privée des personnes. La raison est pour lui évidente : « la religion – le constituant le plus puissant du sentiment moral – a presque de tous temps été gouvernée, soit par l’ambition d’une hiérarchie aspirant à contrôler tous les aspects de la conduite humaine, soit par l’esprit du puritanisme. » (De la liberté, p. 80). Aussi, critique-t-il la religion « en tant qu’institution tutélaire » et à son utilité comme « instance régulatrice, moralisatrice ou pacifiste en soi »[94]. Il s’oppose à nombre de philosophes sur la fonction préservatrice de l’ordre social, assignée à la religion traditionnelle. L’exemple de l’exclusion des athées de l’accès aux tribunaux comme plaignants ou témoins est ici significatif. Mill s’insurge contre l’interdiction de témoigner en justice opposée aux athées aux Etats-Unis et en Angleterre. Une telle prévention, de nature à interdire l’accès aux tribunaux aux incroyants, est rappelée et sévèrement critiquée (De la liberté, pp. 104-108). L’interdit « équivaut à déclarer ces personnes hors-la-loi » : de ce fait, « elles peuvent être impunément l’objet de vols ou de voies de fait si elles n’ont d’autres témoins qu’elles-mêmes ou des gens de leur opinion, mais encore n’importe qui peut subir ces attentats impunément si la preuve dépend de leur témoignage. ». Mill rappelle que « le présupposé à l’origine de cette loi est que le serment d’une personne qui ne croit pas en une vie future est sans valeur »[95]. Il y a là pour lui, une « marque de haine, un vestige de persécution », auxquels il oppose des arguments décisifs : « la plupart des infidèles de toutes les époques étaient des gens dotés d’un sens de l’honneur et d’une intégrité remarquables » ; « combien de personnes réputées dans le monde tant pour leurs vertus que leurs talents sont bien connues, de leurs amis intimes du moins, pour être des incroyants. ». C’est aussi une règle d’hypocrisie qui « se détruit elle-même en se coupant de ce qui la fonde » car elle incite les athées – supposés être des menteurs – à mentir et « ne rejette que ceux qui bravent la honte de confesser publiquement une opinion détestée plutôt que de soutenir un mensonge. » (De la liberté, pp. 104-106). Mill ajoute : « Une règle qui se condamne ainsi à l’absurdité eu égard à son but avoué ne peut être maintenue en vigueur que comme une marque de haine, un vestige de persécution […] Cette règle et la théorie qu’elle implique ne sont guère moins insultantes pour les croyants que pour les infidèles. Car si celui qui ne croit pas en une vie future est nécessairement un menteur, il s’ensuit que seule la crainte de l’enfer empêche, si tant est qu’elle empêche quoi que ce soit, ceux qui y croient de mentir. » (De la liberté, p. 106). Ce faisant, Mill s’inscrit dans le propos de Bayle pour lequel, étant donné que la morale est indépendante de la religion – ce que confirme le comportement contraire à la morale de nombre de chrétiens –, l’athéisme ne conduit pas forcément à l’immoralisme, à la corruption des mœurs. Il n’empêche, profondément marqué par la figure et les paroles de Jésus-Christ[96], les écrits du philosophe anglais sont marqués par une forte réflexion sur l’utilité (sociale et individuelle) de la religion et la recherche d’une spiritualité laïque sans Eglise et sans clergé[97]. Mill trouve dans l’exemple unique du Christ des « sentiments […] tout à fait propres à aider et à fortifier cette religion réelle quoique purement humaine qui s’appelle tantôt la religion de l’Humanité tantôt celle du devoir », « bien qu’ils ne soient pas l’équivalent ce qu’on appelle proprement une religion ». Et d’ajouter qu’en souscrivant à cette « religion de l’avenir », « nous pourrons coopérer avec l’Être invisible auquel nous devons tous les biens de la vie »[98]. Il s’agit d’un plaidoyer en faveur d’« une morale et une spiritualité émancipées des dogmes ayant trait au surnaturel » susceptibles de « rivaliser avec les religions instituées en jouant sur ces mêmes ressorts, et même les supplanter durablement ». En effet, pour Mill, « une morale qui trouverait ses sources dans un sens du devoir purement terrestre serait plus efficace, puisqu’elle ne reposerait plus sur un héritage culturel destiné à se périmer, mais pourrait évoluer avec l’humanité »[99]. Une telle posture le rapproche-t-il de la vision de la religion civile de Jacques Rousseau et, au-delà, de celle des philosophes des Lumières qui, à peu d’exceptions près, entendaient briser l’obscurantisme religieux, « ne rejetaient pas la religion, mais la superstition, incarnée selon eux par le catholicisme, tout imprégné d’éléments magiques et archaïques »[100] ? Profondément déiste, Rousseau réfute l’athéisme de certains Encyclopédistes, notamment le matérialisme athée de Diderot et d’Helvétius, dans lequel il voit dogmatisme et immoralisme, ainsi que le montre La Profession de foi du vicaire savoyard insérée dans le Livre IV de l’Emile ou De l’éducation[101]. Dans ce texte, il préconise une religion naturelle combinant l’existence d’un Dieu créateur et l’immortalité de l’âme, un Dieu immortel et juste qui a donné à l’homme la conscience et la raison pour connaître et aimer le bien. En mettant à l’écart les dogmes des religions révélées (notamment ceux du péché originel, de la Résurrection et de l’Incarnation), l’homme doit se conduire selon le principe de tolérance, pratiquer la charité chrétienne, être à l’écoute de la voix de sa conscience et pratiquer la vertu[102]. Le principe d’une religion naturelle est aussi présent dans le Livre IV, Chapitre VIII de son Contrat social : De la religion civile : « Les sujets ne doivent donc compte au souverain de leurs opinions qu’autant que ces opinions importent à la communauté. Or il importe bien à l’État que chaque citoyen ait une religion qui lui fasse aimer ses devoirs ; mais les dogmes de cette religion n’intéressent ni l’État ni ses membres qu’autant que ces dogmes se rapportent à la morale et aux devoirs que celui qui la professe est tenu de remplir envers autrui. Chacun peut avoir, au surplus, telles opinions qu’il lui plait, sans qu’il appartienne au souverain d’en connaître : car, comme il n’a point de compétence dans l’autre monde, quel que soit le sort des sujets dans la vie à venir, ce n’est pas son affaire, pourvu qu’ils soient bons citoyens dans celle-ci. Il y a donc une profession de foi purement civile dont il appartient au souverain de fixer les articles, non pas précisément comme dogmes de religion, mais comme sentiments de sociabilité sans lesquels il est impossible d’être bon citoyen ni sujet fidèle. Sans pouvoir obliger personne à les croire, il peut bannir de l’État quiconque ne les croit pas ; il peut le bannir, non comme impie, mais comme insociable, comme incapable d’aimer sincèrement les lois, la justice, et d’immoler au besoin sa vie à son devoir. Que si quelqu’un, après avoir reconnu publiquement ces mêmes dogmes, se conduit comme ne les croyant pas, qu’il soit puni de mort ; il a commis le plus grand des crimes, il a menti devant les lois. Les dogmes de la religion civile doivent être simples, en petit nombre, énoncés avec précision, sans explications ni commentaires. L’existence de la Divinité puissante, intelligente, bienfaisante, prévoyante et pourvoyante, la vie à venir, le bonheur des justes, le châtiment des méchants, la sainteté du contrat social et des lois : voilà les dogmes positifs. Quant aux dogmes négatifs, je les borne à un seul, c’est l’intolérance : elle rentre dans les cultes que nous avons exclus. » (souligné par nous). Pour Rousseau, la religion naturelle unit les hommes alors que les religions révélées les divisent. Elle « obéit surtout au principe d’utilité sociale, puisqu’elle doit développer le sentiment de sociabilité, donc favoriser l’intégration sociale, et inciter à l’obéissance civique jusqu’au sacrifice suprême »[103]. Elle implique que l’autorité politique fixe les principes d’une morale sociale afin de transformer l’homme en citoyen[104] [105]. Appelé à une brève existence, le Culte de l’Être suprême s’inscrit pleinement dans sa continuité[106]. Visant à tirer parti des formes de croyance traditionnelles pour les adosser à la Patrie et à la Révolution en danger, ainsi qu’à ses gouvernants, ses représentants, liant croyance en Dieu et morale républicaine, il s’agissait de mettre en place une religion civique, le but de la nouvelle religion étant de faire aimer les institutions républicaines[107]. Le 8 juin 1794, lors de la Fête de l’Être suprême, en tant que Président de la Convention, Robespierre brûle la statue de l’Athéisme, persuadé comme Rousseau de la nécessité sociale de la religion. Il désirait instituer une sorte de Religion de l’Etat, une utopie étatico-religieuse, un système festif centralisé et discipliné par les autorités publiques qui organiserait le consensus des gouvernés en sacralisant le lien social en l’absence du Roi et des prêtres, bref, un système permettant au pouvoir politique incarné par les Montagnards de prendre le relais des pontifes ancestraux, où l’objet de la religion nouvelle se ramènerait au culte des devoirs des citoyens.

III. Les droits des femmes

Comme peu d’auteurs avant lui[108] [109], Stuart Mill s’est confronté à la longue nuit de la prétendue infériorité féminine, au phénomène touchant toutes les sociétés des inégalités subies par les femmes[110] et, pleinement conscient du postulat fallacieux de l’infériorité sinon de l’infirmité naturelle de la femme vis-à-vis de l’homme défendu par tant de théoriciens – depuis Aristote jusqu’à Auguste Comte et Proudhon en passant, entre autres, par Thomas d’Aquin, Spinoza et Rousseau –, il a fermement critiqué l’injustice de leur statut légal. Enracinée dans le discours religieux monothéiste dominé par la tradition patriarcale, notamment celle issue de la figure de la côte d’Adam ou de celle – tout aussi discutable – de la femme (Eve) tentatrice, responsable de la Chute et de la mise hors du Paradis, puisées dans le Livre de la Genèse, durant des siècles, s’est imposée l’image de l’imbellicitas sexus. Mill en était parfaitement conscient : emprisonné en 1823, à peine âgé de dix-sept ans, pour avoir distribué des pamphlets pour la légalisation de la contraception[111], considérant que l’égalité des sexes constitue la condition de tout progrès[112], il fustige dans son maître ouvrage De L’asservissement des femmes (1869)[113], les inégalités juridiques subies par les femmes et les conséquences des stéréotypes différentialistes[114]. La lecture de ses lettres échangées avec Auguste Comte (1843)[115] le confirme.

Ici, il ne faut pas oublier l’influence décisive de son épouse féministe, Harriet Taylor (1807-1858)[116] sur ses écrits, tout particulièrement sur De la liberté, au point qu’il est possible d’affirmer, comme le fait le Professeur d’histoire de l’Université Fudan de Shangai, LI Hongtu, qu’« il s’agit d’une œuvre rédigée à quatre mains. »[117]. La relation exceptionnelle entre John et Harriet n’est pas sans rappeler celle ayant existé entre Nicolas de Condorcet et sa femme, Sophie de Grouchy, traductrice d’Adam Smith (Théorie des sentiments moraux) et de Thomas Paine, qui a communiqué l’audace de sa pensée à son mari dont elle a été la principale éditrice[118]. Condorcet insiste sur le « pouvoir de l’habitude » qui pèse « même sur les hommes éclairés » de voir les femmes dépréciées et revendique pour elles, outre le droit de vote, l’accès aux fonctions publiques. Il juge que « ce n’est pas la nature, c’est l’éducation, c’est l’existence sociale qui cause cette différence. » et appelle à « l’entière destruction des préjugés, qui ont établi entre les deux sexes une inégalité de droits »[119] [120]. L’encyclopédiste demeure cependant plus pragmatique que Mill, lequel affiche un ton plus déterminé dont témoigne le début du Chapitre I de son ouvrage De l’asservissement des femmes : « Je crois que les relations sociales des deux sexes, qui subordonnent un sexe à l’autre au nom de la loi, sont mauvaises en elles-mêmes et forment aujourd’hui l’un des principaux obstacles qui s’opposent au progrès de l’humanité ; je crois qu’elles doivent faire place à une égalité parfaite, sans privilège ni pouvoir pour un sexe, comme sans incapacité pour l’autre. […] On aurait tort de supposer que la difficulté que j’ai à surmonter tient à l’insuffisance ou à l’obscurité des raisons sur lesquelles repose ma conviction : cette difficulté n’est pas autre que celle que doit affronter tout homme qui engage la lutte contre un sentiment général et puissant. ».

Michel LEVINET

Professeur honoraire de l’Université de Montpellier


[1] « Les fondements philosophiques des droits de l’homme », Revue trimestrielle des droits de l’homme, 1990, p. 307.

[2] « La philosophie des droits de l’homme a une origine biblique-chrétienne. Elle procède de la conviction – inconnue ou controuvée dans le paganisme – de l’égalité des hommes créés à l’image de Dieu et de l’unité de l’humanité » (B. KRIEGEL, Cours de philosophie politique, Livre de poche, 1996, pp. 30 et 32). Adde : M. ROSHWALD, « Les racines bibliques de la démocratie », Diogène, 2005/4, n°212, pp. 174-190 ; L. FERRY, Apprendre à vivre. Traité de philosophie à l’usage des jeunes générations, Plon, 2006, p. 75.

[3] C. DELSOL, Le crépuscule de l’universel. L’Occident postmoderne et ses adversaires, un conflit mondial des paradigmes, Cerf, 2020. Ce qui suppose l’accomplissement d’une révolution scientifique et, donc, « l’autorité décroissante de l’Eglise et l’autorité croissante de la science. » (B. RUSSELL, Histoire de la philosophie occidentale, Livre Troisième, Les Belles Lettres, 2017, pp. 567-568).

[4] M.-F. RENOUX-ZAGAME, Du droit de Dieu au droit de l’homme, P.U.F., 2003, p. 16.

[5] C. PELLUCHON, « Sujet (Philosophie du – et droits de l’homme », in J. ANDRIANTSIMBAZOVINA et a. (dir.), Dictionnaire des droits de l’homme, P.U.F., 2008, pp. 912-915.

[6] B. KRIEGEL, Op. Cit., p. 42.

[7] J.-P. TORRELL, Initiation à saint Thomas d’Aquin. Sa personne son œuvre, Editions Universitaires de Fribourg / Editions du Cerf, 2e éd., 2002, pp. 200-206.

[8] Cette observation s’applique en premier lieu à notre ouvrage Réfléchir sur les droits et libertés (Bruxelles, Editions Anthémis, 2021) qui se limite à quatre brèves références à propos de la définition de la liberté et des dangers de la tyrannie des majorités. La lacune sera corrigée dans la seconde édition en préparation (à paraître en 2024). Dans l’entrée « Utilitarisme et droits de l’homme » du Dictionnaire des droits de l’homme (Op. Cit., pp. 966-969), Denis Baranger consacre une page et demie à un auteur qu’il présente comme « le grand ‘réconciliateur’ de la pensée morale en langue anglaise » (p. 968). S’agissant des manuels proprement dits, il va de soi qu’ils ne peuvent appréhender les sources philosophiques des droits de l’homme que de façon assez sommaire. Pour autant, sa quasi absence est regrettable. Ainsi : X. BIOY, Droits fondamentaux et Libertés publiques Montchrestien, 2011, pp. 14-40 ; L. BURGORGUE-LARSEN, Libertés fondamentales, Montchrestien, 2003 ; S. CAPORAL, « Droits de l’homme, droits fondamentaux : histoire et concepts » in T. RENOUX (dir.), Protection des libertés et des droits fondamentaux, La documentation Française, 2011, pp. 7-16 ; J.-F. RENUCCI, Droit européen des droits de l’homme, L.G.D.J., 2e éd., 2001, pp. 1-7 ; X. DUPRE DE BOULOIS, Droits et libertés fondamentaux, P.U.F., 3e éd., 2022, pp. 4-6 ; L. FAVOREU et a., Droit des libertés fondamentales, Dalloz, 3e éd., 2005, pp. 16-41 (à la p. 32, quelques lignes à propos de Mill ayant élaboré « une théorie exigeante des limites à l’intervention de l’Etat dans les comportements individuels ») ; S. HENNETTE-VAUCHEZ et D. ROMAN, Droits de l’homme et libertés fondamentales, Dalloz, 5e éd. 2022 ; A. HEYMANN-DOAT, Libertés publiques et droits de l’homme, 6e éd., 2000 ; G. LEBRETON, Libertés publiques et droits de l’homme, A. Colin, 8e éd., 2009, pp. 56-66 ; Y. MADIOT, Droits de l’homme, Masson, 2e éd., 1991, pp. 5-24 ; J. MORANGE, Droits de l’homme et libertés publiques, P.U.F., 5e éd., 2000, pp. 30-62 ; H. OBERDORFF, Droits de l’homme et Libertés fondamentales, L.G.D.J., 9e éd., 2023, pp. 64-70 ; F. SUDRE et a., Droit européen et international des droits de l’homme, P.U.F., 16e éd., 2023, pp. 13-18 ; D. TURPIN, Libertés publiques et droits fondamentaux, Le Seuil, 2004, pp. 10-11 ; P. WACHSMANN, Libertés publiques, Dalloz, 9e éd., 2021, pp. 20-46. L’observation vaut pour des manuels en langue étrangère, par exemple : C. TOMUSCHAT, Human Rights. Between Idealism and Realism, Oxford University Press, 2e éd., 2008, pp. 1-24 ; C. VILLAN DURAN, Curso de Derecho internacional de los derechos humanos, Madrid, Editorial Trotta, 2002, pp. 31-57 ; C. ZANGHI, La Protezione internacionale del diritti dell-uomo, Turin, F. Giappichelli, 2006, pp. 1-17.

([9]) P. BOURETZ : « MILL John Stuart, La liberté, 1859 », in F. CHATELET, O. DUHAMEL et E PISIER (dir.), Dictionnaire des œuvres politiques, P.U.F., 3e éd., 1995, pp. 808-818 ; ; P. RAYNAUD, « Mill John Stuart (1806-1873), De la liberté », in O. CAYLA et J.-L. HALPERIN (dir.), Dictionnaire des grandes œuvres juridiques, Dalloz, 2008, pp. 404-409 ; John Stuart Mill, Revue internationale de philosophie, 2015/2, n°272 ; LI Hongtu, De la liberté. John Stuart Mill et la naissance du libéralisme, Editions Kimé, 2021 ; C. DEJARDIN, John Stuart Mill, libéral utopique. Actualité d’une pensée visionnaire, Gallimard, 2022 ; A. KNÜFER, La philosophie de John Stuart Mill. Repères, Vrin, 2022. 

[10] Traduction de P. BOURETZ, Gallimard, 1990, et sa Préface (pp. 14-60).

[11] Traduction française, Introduction et notes par P. SAVIDAN, Gallimard, 2009. Voy. : N. URBINATI, Mill on Democracy: From the Athenian Polis to Representative Government, University of Chicago Press, 2002 ; C. GIRARD, « La lutte violente entre les parties de la vérité. Conflit des opinions et démocratie représentative chez John Stuart Mill », in John Stuart Mill, Revue internationale de philosophie, 2015/2, n°272, pp. 183-203.

[12] La vision de Mill est très pragmatique. Soucieux de la formation politique des citoyens, il plaide pour les progrès de l’éducation, les bienfaits de la presse et l’appartenance aux associations, moyens à même de produire une liberté éclairée.

[13] Sur le socialisme, Les Belles Lettres, 2016. Conscient des inégalités inhérentes au libéralisme économique, Mill défend des thèses socialisantes compatibles avec ses principes individualistes, la recherche de la justice sociale étant subordonnée à la liberté et le socialisme devant être non-autoritaire et décentralisateur (C. DEJARDIN, Op. Cit., pp. 102-141).

[14] Œuvre composée de trois essais (La nature, Utilité de la religion, Le théisme) et publiée à titre posthume, traduit par M. E. CAZELLES, Paris, G. BAILLERE, 1875 / Hachette Bnf, 2020.

[15] Traduction française, Payot, 2016.

[16] C. AUDARD, Anthologie historique et critique de l’utilitarisme, 3 vols., P.U.F., 1999. 

[17] Les Belles Lettres, 2004. Wilhem Von Humboldt (1767-1835), théoricien du langage, est le dédicataire du maître ouvrage de Mill, On Liberty. Dans le chapitre III de l’ouvrage (De l’individualité comme l’un des éléments du bien-être), il y est cité plusieurs fois.

[18] P. GERARD, F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, Actualité de la pensée juridique de Jeremy Bentham, Publications des Presses Universitaires Saint-Louis, 1987.

[19] V. Introduction aux principes de la morale et de la législation, 1789, Vrin, 2011.

[20] V. Défense de la liberté sexuelle. Ecrits sur l’homosexualité, traduction, notes et postface par C. LAVAL, Editions Mille et Une Nuits, 2004 ; Adde : C. LAVAL, « ‘La chaîne invisible’. Jeremy Bentham et le néo-libéralisme », Revue d’études benthamiennes [En ligne], 1 | 2006, consulté le 18 novembre 2022.

[21] G. TUSSEAU, « Jeremy Bentham et les droits de l’homme : un réexamen », Revue trimestrielle des droits de l’homme, 2002, n°13, p. 419.

[22] L. FERRY, Kant. Une lecture des trois « Critiques », Grasset, 2006, p. 97.

[23] G. TUSSEAU, Op. Cit., p. 430.

[24] C. LAVAL, « Jeremy Bentham et le gouvernement des intérêts », Revue du MAUSS, 2006/1, p. 298

[25] Extrait de son Autobiographie, cité par Camille DEJARDIN, Op. Cit., Introduction, p. 13.  

[26] C. AUDARD, « John Stuart Mill (1806-1873), Revue internationale de philosophie, 2015/2, n°272, p. 153.

[27] LI Hongtu, Op. Cit., p. 98. 

[28] R. POLIN, L’obligation politique, P.U.F., 1971, p. 133.

[29] I. BERLIN, La liberté et ses traîtres. Six ennemis de la liberté, Payot, 2009, p. 29.

[30] C. AUDARD, « Individualité et solidarité : John Stuart Mill et le « nouveau » libéralisme social », Cités, 2023/2, n°94, pp. 177-181.

[31] M. CANTO-SPERBER, Sauver la liberté d’expression, A. Michel, 2021, p. 138. 

[32] P. RAYNAUD, Op. Cit., p. 407.

[33] Cet aspect est développé dans l’ultime chapitre de son livre : exemples du jeu, de la consommation de boissons ou de drogue, ou encore de l’oisiveté. La distinction entre dommage causé à soi-même et dommage causé à autrui n’est pas toujours évidente (R. OGIEN, L’éthique aujourd’hui. Maximalistes et minimalises, Gallimard, 2007, pp. 77-99).

[34] C. BEAL, « John Stuart Mill et le paternalisme libéral », Archives de philosophie du droit, 2012/2, t.75, pp. 280-282.

[35] C. BEAL, Op. Cit., pp. 286-290.

[36] N. BOBBIO, Libéralisme et démocratie, Cerf, 1996, p. 79. Adde : R. CHAÏBI, Liberté et paternalisme chez John Stuart Mill, L’Harmattan, 2008.

[37] Stuart Mill ajoute : « Le despotisme est un mode de gouvernement légitime quand on a affaire à des barbares, pourvu que le but vise à leur avancement et que les moyens se justifient par la réalisation effective de ce but. La liberté, comme principe, ne peut s’appliquer à un état de chose antérieur à l’époque où l’humanité devient capable de s’améliorer par la libre discussion entre individus égaux. ». 

[38] Sur cet aspect, Voy. LI Hongtu, Op. Cit., pp. 191-255.

[39] P. ROSANVALLON, » Les ’Considérations’ philosophiques et politiques de John Stuart Mill », Libération, 19 novembre 2009.

[40] « Par liberté, j’entends le triomphe de l’individualité, tant sur l’autorité que sur les masses qui réclament le droit d’asservir la minorité à la majorité » (Mélanges de littérature et de politique, 1829, Préface, in B. CONSTANT, Ecrits politiques, Textes choisis, présentés et annotés par M. GAUCHET, Gallimard, 1997, p. 623).

[41] C. DEJARDIN, Op. Cit., pp. 154-170.

[42] « Pour un libéral comme Tocqueville, le pouvoir est toujours néfaste, peu importe qu’il soit royal ou populaire. Le problème politique par excellence n’est pas tant la question de qui détient le pouvoir, mais du moyen de contrôler et de limiter celui-ci. » (N BOBBIO, Op. Cit., p. 70). Adde : R. ARON, « Idées Politiques et Vision Historique de Tocqueville », Revue française de science politique, 1960, pp. 509-526 ; P. MANENT, Tocqueville et la nature de la démocratie, Julliard, 1982 ; J.-L. CHABOT, Histoire de la pensée politique. Fin XVIIIe-début XXIe siècle, Presses Universitaires de Grenoble, 2001, pp. 102-110 ; L. JAUME, Tocqueville. Les sources aristocratiques de la liberté. Biographie intellectuelle, Fayard, 2008 ; N. BAVEREZ, Le Monde selon Tocqueville. Combats pour la liberté, Tallandier, 2020 ; O. ZUNZ, Tocqueville. L’homme qui comprit la démocratie, Fayard, 2022.  

[43] « Les nations de nos jours ne sauraient faire que dans leur sein les conditions ne soient pas égales ; mais il dépend d’elles que l’égalité les conduise à la servitude ou à la liberté, aux lumières ou à la barbarie, à la prospérité ou aux misères ».

[44] O. ZUNZ, Op. Cit., p. 144. 

[45] Ainsi que l’écrit Pierre Rosanvallon, en s’appuyant sur la pensée de l’auteur de De la démocratie en Amérique, « la démocratie est par essence illibérale, le pouvoir du nombre emportant naturellement avec lui la promesse de débordements du peuple ou la poursuite de comportements démagogiques de la part du pouvoir » (La démocratie inachevée. Histoire de la souveraineté du peuple en France, Gallimard, 2000, p. 236). 

[46] J.-C. RICCI, Histoire des idées politiques, Dalloz, 2008, p. 300.

[47] De la démocratie en Amérique (Livre II, IIe Partie, Chapitre I, Pourquoi les peuples démocratiques montrent un amour plus ardent et plus durable pour l’égalité que pour la liberté).

[48] U. ECO, Pastiches et postiches, traduction française, Paris, Editions 10/18, 2002, p. 139. 

[49] C. DEJARDIN, Op. Cit., p. 25. 

[50] C. AUDARD, « John Stuart Mill (1806-1873) », Revue internationale de philosophie, 2015/2, « Op. Cit. », p. 153. Monique Canto-Sperber abonde dans ce sens : « Il analysait avec une grande lucidité les menaces que les opinions majoritaires au sein de la société font peser sur cette liberté […] » (Op. Cit., p. 137). 

[51] C’est pourquoi il faut rechercher la « ‘meilleure opinion publique’ ou plus précisément encore de ‘l’opinion bien fondée’ ». Mill plaide pour le « pouvoir dirigeant de l’opinion éclairée contre celle de l’opinion publique » (P. BOURETZ, De la liberté, Préface, p. 28). Aussi, appréhende-t-il le système représentatif comme la solution permettant de faire le bien du peuple en confiant le pouvoir à une élite instruite et compétente désignée par un corps électoral élargi progressivement, excluant temporairement les personnes analphabètes ou dépendant de l’aide publique (C. DEJARDIN. Op. Cit., 7. Pour une aristo-démocratie, pp. 283-312). Pour Mill, « [l)a fonction sociale de l’élite est avant tout l’entraînement intellectuel et moral du reste de la société. » (C. DEJARDIN, Ibid., p. 87). Adde : L. LORRAIN, « La représentation politique chez John S. Mill », Cahiers philosophiques, 2017//1, n°148, pp. 41-53.

[52] M. CANTO-SPERBER, Op. Cit., pp. 141-148. 

[53] « L’utilité même d’une opinion est affaire d’opinion : elle est un objet de dispute ouvert à la discussion, et qui l’exige autant que l’opinion elle-même. Il faudra un garant infaillible des opinions tant pour décider qu’une opinion est nuisible que pour décider qu’elle est fausse, à moins que l’opinion ainsi condamnée n’ait toute latitude pour se défendre. » (De la liberté, pp. 93-94).

[54] C. DEJARDIN, Op. Cit., p. 162. « Mill, par sa théorisation du rôle positif de l’antagonisme, tente de repenser les conditions modernes de la politique sous l’exigence de liberté. ». Il le fait au nom d’« une vision de la vérité comme dévoilement qui ne peut venir que de la confrontation, du débat, de la réfutation progressive de l’erreur. » (P. BOURETZ, « MILL John Stuart, La liberté, 1859 », « Op. Cit. », p. 813).

[55] « [L]es opinions perdent leur immunité lorsqu’on les exprime dans des circonstances telles que leur expression devient une instigation manifeste à quelque méfait. L’idée que ce sont les marchands de blé qui affament les pauvres ou que la propriété privée est un vol ne devrait pas être inquiétée tant qu’elle ne fait que circuler dans la presse ; mais elle peut encourir une juste punition si on l’exprime oralement, au milieu d’un rassemblement de furieux attroupés devant la porte d’un marchand de blé, ou si on la répand dans ce même rassemblement sous forme de placard. » (De la liberté, pp 145-146). 

[56] M. CANTO-SPERBER, Op. Cit, p. 146. Mill plaide pour les « multiples bénéfices que le développement de l’individualité et de la diversité des points de vue procure aux sociétés : l’avancement des connaissances, la découverte de la vérité grâce à la discussion et à la critique des théories passées. » (C. AUDARD, Qu’est-ce que le libéralisme ? Ethique, politique et société, Gallimard, 2009, p. 91).

[57] Ainsi que l’écrit Mordecaï Roshwald, « la réponse bien connue de Mill combine simple bon sens et ingénieuse sophistication. Selon l’argument simple, la certitude que l’opinion établie est absolument juste et que, de ce fait, aucune opinion contradictoire ne saurait être admise, peut être remise en cause : il se peut que l’opinion dominante s’avère fausse ou seulement partiellement juste. C’est pourquoi il faut offrir aux opinions dissonantes la possibilité de corriger ou de compléter les notions établies. D’après l’argument sophistiqué, même si nous sommes absolument certains que l’opinion établie constitue la vérité, la possibilité d’exprimer les notions erronées reste importante, car elle oblige les tenants de la vérité à prouver et à justifier la pertinence de leur position. En d’autres termes, l’expression de l’opinion erronée sert la vérité en obligeant ses partisans à la réexaminer et à l’endosser à nouveau avec conviction et compréhension, au lieu d’y croire tout simplement de manière dogmatique. » (« Tolérance, pluralisme et vérité », Diogène, 2007/3, n°219, p. 33).

[58] M. ROSHWALD, Op. Cit., pp. 34-35.

[59] D. BARANGER, « Utilitarisme et droits de l’homme », in J. ANDRIANTSIMBAZOVIA, Dictionnaire des droits de l’homme, P.U.F., 2008, p. 969.

[60] P. RAYNAUD, « Hans Kelsen et la démocratie », in Le juge et le philosophe. Essais sur le nouvel âge du droit, A. Colin, 2009, pp. 239-240.

[61] G. MAIRET, Introduction au Léviathan, Gallimard, 2000, p 199, note 1. Gérard Mairet ajoute : « Le Léviathan comporte de substantiels développements (pas moins de la moitié) sur les questions théologiques, notamment dans le Chapitre XII (De la religion). Chez le penseur anglais, « la religion est un fondement capital de sa conception de l’Etat profane : la religion est comprise comme elle l’était chez Machiavel, en tant que nécessaire à la paix civile […] La religion […] est proprement humaine. Elle relève du souci spécifiquement humain de l’origine. De sorte qu’il ne peut en aucun cas s’agir, pour Hobbes, de confondre la conviction de la conscience individuelle qui affirme ou nie l’existence du divin […] et la forme mondaine de l’existence politico-sociale des églises et des clergés. Dès lors, le problème religieux est le problème politique, parce que la religion apporte aux humains des réponses à leur inquiétude naturelle due à leur finitude […] ».

[62] P. CRIGNON, La philosophie de Hobbes, Vrin, 2017, pp. 116 et 119.

[63] B. FRYDMAN, Histoire de l’interprétation et de la raison juridique, Bruylant, 3e éd., 2011, p. 331. Adde : R. POLIN, Hobbes, Dieu et les hommes, P.U.F., 1981 ; T. GONTIER, « Pluralisme religieux et liberté de conscience chez Montaigne et Hobbes », in E. FERRARI et T. GONTIER (dir.), L’Axe Montaigne-Hobbes. Anthropologie et politique, Classiques Garnier, 2016, pp. 267-282 ; J. LAGREE, La religion selon Hobbes, Presses Universitaires de Rennes, 2022. De toute façon, « Hobbes transfère au monarque la souveraineté absolue de l’individu […] Il promeut la monarchie absolue non plus au nom du droit divin, mais du salut de l’espèce […] » (C. AUDARD, Qu’est-ce que le libéralisme ? Ethique, politique, société, Op. Cit., p. 45).

[64] Léviathan, Op. Cit., pp. 700 et 702.

[65] Editions Allia, 2015 (présentation, traduction et notes de J.-G. PRAT).

[66] S. ZAC, Philosophie, théologie, politique dans l’œuvre de Spinoza, Vrin, 1979 ; J. LAGREE, Spinoza et le débat religieux, Presses Universitaires de Rennes, 2004 ; P.-F. MOREAU, Spinoza. Etat et religion, ENS Editions, 2005.

[67] S. ZAC, « Rapports de la religion et de la politique chez Spinoza et Rousseau », Revue d’Histoire et de Philosophie religieuse, 1970, 50/1, pp. 11 et 2.

[68] T. BERNS, « Le maintien absolu du droit naturel chez Spinoza : ce droit de penser qu’on se réserve », in L.-L. CHRISTIANS et a. (dir.), Droit naturel : relancer l’histoire ?, Bruylant, 2008, p. 445.

[69] Préoccupation annoncée au début du Chapitre XIX : « ceux qui détiennent le pouvoir, ont seuls, droit sur toutes choses […] de leur seul décret, dépend tout le droit, ce n’est pas seulement le droit civil […] mais encore le droit sacré. » (p. 339).

[70] J.-M. VIENNE, « La tolérance, de Spinoza à Locke », Etudes Littéraires, 32 (1-2), p. 128.

[71] H. MECHOULAN, Le droit et le sacré chez Spinoza, Berg International, 2013, pp. 45-46.

[72] in Lettre sur la tolérance et autres textes, édités par J.-F. SPITZ, Flammarion, 1992.

[73] « Toute la juridiction du Magistrat concerne uniquement les biens civils […] le droit et la souveraineté du pouvoir civil se bornent et se limitent à conserver et à promouvoir ces biens-là seulement et […] ne doivent et ne peuvent en aucune façon s’étendre au salut des âmes » (Lettre sur la tolérance, p. 168).

[74] P. BOURETZ, Introduction, Lettre sur la tolérance et autres textes, p. 83.

[75] De l’Esprit des lois, Ve Partie, Livre XXIV, Chapitre I, Sur la religion en général). Au Chapitre IV, on trouve la formulation suivante : « il nous est bien plus évident qu’une religion doit adoucir les mœurs des hommes, qu’il ne l’est qu’une religion soit vraie. »).

[76] D. LACORNE, Les frontières de la tolérance, Gallimard, 2016, pp. 30-34. « Locke voit les catholiques anglais comme ‘un Etat dans l’Etat’, une sorte de cinquième colonne qui mine de l’intérieur la monarchie anglaise, puisque le seul prince qu’ils reconnaissent est le pape. » (p. 31). Ils seront exclus des fonctions publiques en Grande-Bretagne jusqu’en 1829.

[77] M. CANTO-SPERBER, Op. Cit., pp. 118-119. Adde : P. PASQUINI, « De la tolérance à la laïcité : l’obstacle du théologico-politique », in C. PEYRARD (dir.), Politique, religion et laïcité, Presses Universitaires de Provence, 2009, pp. 63-80.

[78] A l’opposé, Pierre Bayle admet la pluralité confessionnelle qui, sous réserve que les diverses croyances demeurent non-violentes, ne représente pas une menace pour l’Etat et la vie commune. Cela vaut pour les catholiques en terre protestante et, au-delà, pour les tenants des religions monothéistes ainsi que pour les agnostiques, les païens et les athées (Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ « Contrains-les d’entrer », 1686 (Introduction et commentaires de J.-M. GROS, Presses Pocket (Agora), 1992).

[79] R. BRAGUE, in C. CERVELLO : Cervello Christophe, « Entretien avec Rémi Brague », Le Philosophoire, 2004/1 (n°22), p. 25-45.

[80] A. SANDRIER, « Tolérer [selon] l’athéisme. Les leçons du baron d’Holbach », in L. FERTE et L. REY (dir.), Tolérance, liberté de conscience, laïcité. ‘Quelle place pour l’athéisme ?’, Classiques Garnier, 2018, p. 81). Du même auteur : Le Style philosophique du baron d’Holbach, Contraintes et conditions du prosélytisme athée en France dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, Honoré Champion, 2004.

[81] D’Holbach. Premières œuvres, Ed. Sociales, 1971, pp. 94-138 et 139-175.

[82] J.-C. ESLIN, « Tocqueville : religion et modernité politique », Archives des Sciences Sociales des Religions, 1995, 89, pp. 27-39 ; A. ANTOINE, « Politique et religion chez Tocqueville », in L. GUELLEC (dir.), Tocqueville et l’esprit de la démocratie, Presses de Sciences Po, 2005, pp. 305-317).

[83] Correspondance Tocqueville-Gobineau, Œuvres complètes, t. IX, 1959, pp. 57-58 (cité in J.-L. CHABOT, « La Révolution française, paradigme des révolutions anti-religieuses modernes ? », in R. BOSCA (dir.), Etats et religions : confrontation ou dialogue, Ediciones Lumiere, Buenos-Aires, 2007, note 17).

[84] « La démocratie selon le Magistère de Jean-Paul II », in Vingt ans de l’IDHL, Parcours et réflexions, Cahier spécial de l’Institut des droits de l’homme de Lyon, Université Catholique de Lyon, 2007, pp. 1-13.

[85] Les grandes œuvres politiques de Machiavel à nos jours, A. Colin, 2e éd., 1968, pp. 247-248. L’auteur ajoute : « Sans relâche soulever les âmes, et les tenir ‘dressées vers le ciel’ » ; s’efforcer continuellement d’y répandre ‘le goût de l’infini’, le sentiment du grand, et l’amour des plaisirs immatériels, voilà le plus pressant devoir des législateurs en démocratie. Ils ne peuvent l’accomplir sans l’aide de la religion, sans le stimulant du spiritualisme, de l’idée de l’immortalité de l’âme ».

[86] Op. Cit., p. 66 et s. Bobbio rappelle que pour Tocqueville, la religion « exerce un contrepoids manifeste à l’avidité généralisée. » ; « la foi resserre le lien moral. » ; « La religion sert encore la liberté en l’aidant à combattre, dans l’âme même et le cœur du citoyen, les fâcheux penchants démocratiques que nous savons : individualisme, envies mesquines, goût du bien-être, hédonisme, qui finissent par être dégradants. ».

[87] Gallimard, 1967, édité par J.-P. MAYER, pp. 243-244 et 248.

[88] M. BARBIER, « Religion et politique chez Benjamin Constant », Revue française de science politique, 1983, pp. 25-26. Cette vision s’est retrouvée dans le discours fortement contestable où est énoncée la doctrine de la laïcité positive par le Président Nicolas Sarkozy (Palais du Latran, 21 décembre 2007) (Adde : son ouvrage : La République, les religions, l’espérance, Cerf, 2004).

[89] Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs, Chapitre XVII, De la religion, in Ecrits politiques, Gallimard, 1997, p. 463. Et il ajoute : « De quelque manière qu’un gouvernement intervienne dans ce qui a rapport à la religion, il fait du mal. Il fait du mal, lorsqu’il veut maintenir la religion contre l’esprit d’examen, car l’autorité ne peut agir sur la conviction ; elle n’agit que sur l’intérêt. En n’accordant ses faveurs qu’aux hommes qui professent les opinions consacrées, que gagne-t-elle ? D’écarter ceux qui avouent leur pensée, ceux qui par conséquent ont au moins la franchise ; les autres par un facile mensonge savent éluder ses précautions ; elles atteignent les hommes scrupuleux, elles sont sans force contre ceux qui sont ou deviennent corrompus. » (Op. Cit., p. 470).

[90] D. THOUARD, Liberté et religion. Relire Benjamin Constant, CNRS Editions, 2020.

[91] Mélanges de littérature et de politique, in Ecrits politiques, Gallimard, 1997, pp. 650-651.

[92] M. BARBIER, Op. Cit., p. 38. L’auteur ajoute : ; « le pouvoir ne peut pénétrer dans le domaine de la conscience et des croyances personnelles qui ne relèvent que des individus. Il ne peut décider de la vérité […] c’est l’intelligence qui juge des opinions en fonction de leur valeur intrinsèque […]. La vérité ne dépend pas de l’autorité, mais de l’intelligence seule et de son libre examen. » (« Ibid. », pp. 28-29).

[93] C. AUDARD, Qu’est-ce que le libéralisme ? Ethique, politique, société, Gallimard, 2009, p. 113.

[94] C. DEJARDIN, Op. Cit., pp. 90-91.

[95] Camille Dejardin rappelle, à cet égard, que pour Tocqueville, « les athées ne parlent pas sous le même régime de vérité que les croyants qui, pour leur part, prêtent serment sur un livre sacré et jurent leur sincérité devant leur dieu. Ce serment, plaçant le témoin ou le plaignant sous une juridiction transcendante garantit sa véracité. » (Ibid., pp. 91-101).

[96] La lecture de ses Essais sur la religion (Op. Cit.) permet de s’en persuader : « Une chose domine tout : l’effet précieux que le Christianisme a produit sur le génie de l’homme en lui présentant dans une personne divine un type d’excellence et un modèle à imiter, est utile même à un incrédule absolu, et ne saurait être jamais perdu pour l’humanité. C’est le Christ plutôt que Dieu que le Christianisme a présenté aux croyants comme le modèle de la perfection pour l’humanité. » (p. 274) ; « Quand on songe qu’à ce génie sublime entre tous il unissait le titre de réformateur des mœurs et celui du martyr de cette œuvre probablement le plus illustre qui ait jamais existé sur la terre, on ne peut pas dire que la religion ait fait un mauvais choix, en jetant les yeux sur cet homme pour en faire le représentant idéal et le guide de l’humanité. Il ne serait pas facile, même aujourd’hui, à un incrédule de trouver une meilleure façon de traduire la règle de la vertu de l’abstrait en concret, ni d’essayer de vivre de telle sorte que le Christ approuvât sa vie. » (p. 276).

[97] C. DEJARDIN, Ibid., pp. 266-282.

[98] Essais sur la religion, Op. Cit., pp. 278-279.

[99] C. DEJARDIN, Op. Cit., p. 101.

[100] J.-P. SIRONNEAU, « L’échec des ‘religions civiles’ et des ‘religions politiques’ en Europe signe-t-il la fin de toute légitimation religieuse du pouvoir ? », in J.-L. CHABOT et C. TOURNU (dir.), L’héritage religieux et spirituel de l’identité européenne, L’Harmattan, 2004, p. 172. « L’idée d’une utilité sociale de la religion est, peut-être, celle qui est la plus répandue dans tous les horizons politiques et religieux […]. Même chez ceux qui ne veulent pas faire du christianisme le fondement de l’État et de la société, l’idée d’une religion civile fait des adeptes jusque chez des républicains fort peu religieux. » (P. ROLLAND, « Benjamin Constant. Religion et liberté chez les modernes », Droits. Revue française de théorie, de philosophie et de cultures juridiques, 2011/2, n°54, p. 121)

[101] Flammarion, 1966. « Mon fils […] Fuyez ceux qui […] renversant, détruisant, foulant aux pieds tout ce que les hommes respectent […] ôtent aux affligés la dernière consolation de leur misère, aux puissants et aux riches le seul frein de leurs passions […] [qui] arrachent du fond des cœurs le remords du crime, l’espoir de la vertu, et se vantent encore d’être les bienfaiteurs du genre humain. ». Ce passage est accompagné d’une note explicite de l’auteur : « l’irréligion […] concentre toutes les passions dans la bassesse de l’intérêt particulier, dans l’abjection du moi humain, et sape ainsi à petit bruit les vrais fondements de toute société […]. L’indifférence philosophique ressemble à la tranquillité de l’État sous le despotisme ; c’est la tranquillité de la mort. » […] que chacun sache qu’il existe un arbitre du sort des humains, duquel nous sommes tous les enfants, qui nous prescrit à tous d’être justes, de nous aimer les uns les autres, d’être bienfaisants et miséricordieux, de tenir nos engagements envers tout le monde […] » (pp. 407-409).

[102] H. GOUHIER, Les méditations métaphysiques de Jean-Jacques Rousseau, Vrin, 1984.

[103] J.-P. SIRONNEAU, Op. Cit., p. 173.

[104] . G. WATRELOT (Rousseau. Religion et politique, P.U.F., 2004 ; La théologie politique de Rousseau, Presses Universitaires de Rennes, 2010).

[105] On sait la critique cinglante de Benjamin Constant à l’égard de cette religion civile : « Qu’est-ce que l’Etat, décidant des sentiments qu’il faut adopter ? Que m’importe que le souverain ne m’oblige pas à croire, s’il me punit de ce que je ne crois pas ? Que m’importe qu’il ne me frappe pas comme impie, s’il me frappe comme insociable ? Que m’importe que l’autorité s’abstienne des subtilités de la théologie, si elle se perd dans une morale hypothétique, non moins subtile, non moins étrangère à sa juridiction naturelle ? Je ne connais aucun système de servitude, qui ait consacré des erreurs plus funestes que l’éternelle métaphysique du contrat social. » (Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs, Chapitre XVII, De la religion, in Ecrits politiques, Gallimard, 1997, p. 462).

[106] A. AULARD, Le culte de la raison et le culte de l’Être suprême (1793-1794) : essai historique, Félix Alcan, 1892 ; M. LEVINET, « Une Utopie religieuse comme forme de la représentation : le culte et la fête de l’Être suprême (mai-juin 1794) », Procès. Cahiers d’analyse politique et juridiques, t.11-12, 1983, pp. 51-66 ; E. DESMONS, « Réflexions sur la politique et la religion : de Rousseau à Robespierre », Revue d’Histoire des Idées Politiques, n°29, 2009, pp. 77-93

[107] « L’idée de l’Être suprême et de l’immortalité de l’âme est un rappel continuel à la justice ; elle est donc sociale et républicaine » (Robespierre, 7 mai 1794, Rapport présenté au nom du Comité de salut public, 18 Floréal an II, Sur les rapports des idées religieuses et morales avec les principes républicains et sur les fêtes nationales », Robespierre. Textes choisis, Editions sociales, 1958, tome 3 (août 1793-juillet 1794), pp. 167-168).

[108] Ainsi, François Poulain de la Barre (1647-1723) : De l’Egalité des deux sexes, discours physique et moral où l’on voit l’importance de se défaire des préjugés, 1673), Réimpression Fayard, 1984 et l’édition critique établie par M.-F. PELLEGRIN, Vrin, 2011 (dans cette édition critique, celle-ci rappelle qu’une formulation majeure de l’auteur (« Tout ce qui a été écrit par les hommes sur les femmes doit être suspect, car ils sont à la fois juge et partie ») est mise en exergue par Simone de Beauvoir dans Le Deuxième Sexe (1949) et ajoute que Poulain de la Barre réfute les constructions historiques faisant de la femme une subordonnée et soutient que « l’esprit n’a pas de sexe » et que « les femmes sont aussi nobles, aussi parfaites et aussi capables que les hommes » et peuvent viser les plus hautes fonctions, y compris les sommets de la hiérarchie ecclésiastique) ; Condorcet (article « Sur l’admission des femmes au droit de cité », qui paraît le même mois dans le numéro 5 du Journal de la Société de 1789 (Réimpression EDHIS, 1982) ou encore Léopold Lacour (Les Origines du féminisme contemporain : Trois femmes de la révolution : Olympe de Gouges, Théroigne de Méricourt, Rose Lacombe, Plon, 1900 / Hachette, 2017 ; Humanisme intégral : le Duel des Sexes. La cité future, Paris, 1896 / réimpression BiblioLife, 2010).

[109] Mill connaissait les écrits des féministes de la première heure – à inscrire au sein de liste des combattantes pour l’émancipation des femmes (C. BITOUN, La Révolte au féminin. Portraits de femmes exemplaires, Editions Hugodoc, 2007) – ayant plaidé pour la plénitude des droits et libertés pour tous les êtres humains indépendamment de leur sexe, dont Olympe de Gouges (et son étonnante Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, septembre 1791, bâtie sur le modèle de la Déclaration de 1789, Editions Mille et une Nuits, 2003) et Mary Wollstonecraft (A Vindication of the Rights of Woman, 1792 / Défense des droits des femmes, Gallimard, 2016).

[110] F. HERITIER, Masculin / féminin. La pensée de la différence, O. Jacob, 1996 ; E. BADINTER, L’un est l’autre. Des relations entre les hommes et les femmes, Odile Jacob, 1986 ; I. THERY, La distinction de sexe. Une nouvelle approche de l’égalité, Odile Jacob, 2007 ; M. PERROT (Les femmes ou les silences de l’histoire, Flammarion, 1998 ; Le Chemin des femmes, Robert Laffont, 2019 ; Le temps des féminismes. Entretiens avec Edouardo Castillo, Grasset, 2023).

[111] C. AUDARD, « John Stuart Mill (1806-1873). Présentation », Revue internationale de philosophie, 2015/2, n°272, p. 153).

[112] C. DEJARDIN, Op. Cit., pp. 239-256.

[113] Traduction française, Payot, 2016.

[114] H. Mc CABE, « John Stuart Mill, Utility and the Family : Attacking ‘the Citadel of the Enemy’ », in John Stuart Mill, Revue internationale de philosophie, Op. Cit, pp. 225-235 ; M. MONACCELI et M. PRUM (dir.), Ces hommes qui épousèrent la cause des femmes : Dix pionniers britanniques, Éditions de l’Atelier, 2010.

[115] Reproduites in F. ORAZI (dir.), John Stuart Mill et Harriet Taylor : Ecrits sur l’égalité des sexes, ENS Editions, 2004.

[116] P. TARANTO, « Femme de tête ou femme de … ? Harriet Taylor et John Stuart Mill », L’enseignement philosophique, 2017/3, pp. 81-87 ; John Stuart Mill et Harriet Taylor : écrits sur l’égalité des sexes, textes traduits et présentés par F. ORAZI, ENS Editions, 2014.

[117] De la liberté. John Stuart Mill et la naissance du libéralisme, Op. Cit., p. 10. A lire aussi le texte mis en exergue dans De la liberté et la déclaration faite par Mill à l’occasion de son mariage avec elle où il réaffirme leur « désaccord complet et absolu avec la nature du mariage tel qu’il est défini par la loi, et ce pour de nombreuses raisons dont le fait qu’il confère juridiquement à l’une des deux parties signataires du contrat l’autorité et le pouvoir sur l’autre partie, c’est-à-dire sa personne, ses biens et sa liberté d’action, indépendamment de ses désirs et de sa volonté ». Mill critique vivement l’absence de moyen légal pour se soustraire à « ces pouvoirs odieux » et fait « la promesse solennelle » qu’il n’en usera jamais, « quelles que soient la situation ou les circonstances », afin que son épouse « garde une liberté d’action la plus totale ainsi qu’une liberté de disposer d’elle-même et de tous ses biens actuels ou futurs, identique à celle qu’elle aurait sans ce mariage. » (Statement on marriage, 6 mars 1851, reproduit in Françoise ORAZI, dir.).

[118] J.-P. DE LAGRAVE, « Sophie de Grouchy, l’égérie du bonheur, Dix-Huitième Siècle, n°36, 2004, pp. 87-98. Républicaine de la première heure, Sophie de Grouchy tenait un salon philosophique accueillant les grands personnages des Lumières. Elle a écrit des Lettres sur la sympathie, publiées en 1798 (Payot-Rivages, 2016).

[119] Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain, Editions sociales, 1966, pp. 274-275.

[120] B. DIDIER, Ecrire la Révolution (1789-1799), P.U.F., 1989, pp. 73-88, Condorcet et les droits des femmes) ; J. BERENSTEIN-WAVRE, « Tolérance, liberté et condition féminine », in C.-J. LENOIR (dir.), La Tolérance ou la Liberté ? Les leçons de Voltaire et de Condorcet, Bruxelles, Editions Complexe, 1997, pp. 245-258.