Chronique de droit constitutionnel de l’environnement

Florian SAVONITTO.

Plan

I. La dilution de l’objectif à valeur constitutionnelle de protection de l’environnement

II. L’expansion du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé

A. Innovation

1. Une innovation attendue

a. Une innovation pressentie dans les travaux préparatoires de la Charte de 2004

b. Une innovation tardivement proposée dans la jurisprudence constitutionnelle

2. Une innovation limitée

a. La substance de l’innovation

– Des fondements nouveaux

– Des exigences nouvelles

b. La portée de l’innovation

– L’accès restreint au contrôle

– L’intensité faible du contrôle

B. Cannibalisation

III. La récession du principe de participation du public en matière environnementale

2023 pourra être regardée rétrospectivement comme une année qui poursuit le « Printemps » de la Charte de 2004. Sur le modèle de la doctrine italienne qui recourt aux « saisons de la Cour » pour identifier les phases temporelles de self-restraint ou de plus grand activisme, le Conseil constitutionnel a assurément fait sortir la Charte de 2004 du morne hiver dans lesquels les juges administratifs, judiciaires et constitutionnel l’avaient plongée depuis sa promulgation le 1er mars 2005. Certaines décisions étaient bien annonciatrices d’un certain dégel, mais elles étaient encore trop rares et trop isolées pour dessiner un mouvement jurisprudentiel qui s’apparenterait à un Printemps[1], c’est-à-dire à une période marquée par une végétation renaissance et une revivification. Cet essor tant attendu de cette déclaration des droits et devoirs environnementaux est intervenu en 2019, sans connaître depuis de coups d’arrêt. Le contentieux constitutionnel prolonge donc d’une année supplémentaire cette époque printanière, avec l’espoir dans un futur proche, qu’au regard des décisions de 2023, la Charte s’ouvre, 20 ans après sa rédaction, sur une nouvelle période plus faste de son cycle : l’été.

D’un point de vue statistique tout d’abord, cette embellie est confirmée. Avec 6 décisions où il est cité une exigence constitutionnelle ou un article de la Charte, 2023 se hisse au rang des années les plus prolifiques que le Conseil constitutionnel a connues. Seule 2021 en dénombre autant, tandis que 2014 et 2022 en présentent une de plus. 2023 fait donc mieux que 14 autres années d’application de la Charte. Depuis 2019, le contentieux de la Charte connaît surtout un certain rebond. Par contraste avec la moyenne de 2 décisions par an entre 2015 et 2018[2], le nombre de décisions n’est plus inférieur dorénavant à 4. 2023 n’est donc pas une année qui a connu un assèchement, sinon un tarissement, de la source constitutionnelle environnementale. Le flot de décisions rendues chaque année sur la Charte reste constant même si le débit reste faible comparé à la masse de décisions prises sur le fondement d’autres textes du bloc de constitutionnalité. Faut-il rappeler qu’en 2023, le contrôle de constitutionnalité des lois[3] a priori et a posteriori dénombre respectivement 14 et 45 décisions. Le contentieux de la Charte représente donc, en 2023, un peu plus de 12% du contentieux constitutionnel de la loi. Cette proportion peut paraître faible, d’autant plus que sont rares les décisions qui présentent exclusivement, voire majoritairement, des griefs tirés de la Charte[4]. Cette statistique est encore plus basse si l’on remonte au 1er mars 2005, la date de son entrée en vigueur. Jusqu’au 28 décembre 2023, le Conseil constitutionnel ne compte que 63 décisions dans laquelle la Charte de 2004 est mentionnée. C’est peu par rapport aux 1149 décisions adoptées sur la même période dans le cadre du contrôle de constitutionnalité des lois et des traités[5], surtout si l’on ajoute les 113 prises sur le fondement des articles 37 alinéa 2 et 60 de la Constitution[6]. L’année écoulée n’en reste pas moins un bon cru. Les 6 décisions rendues en 2023 représentent presque 10% du total des décisions sur la Charte, laquelle occupe une part bien plus importante du contrôle de constitutionnalité de la loi comparée à celle calculée sur les 19 dernières années.

2023 a donc ainsi vu les sages prendre leurs 33e et 34e QPC et leurs 23e, 24e, 25e et 26e décisions DC[7]. De prime abord, cette proportion plus élevée de décisions rendues dans le cadre du contrôle a priori surprend. De manière générale sur les 13 dernières années, il est compté près de quatre fois plus de QPC que de décisions DC[8]. Plus spécifiquement, la jurisprudence environnementale du Conseil constitutionnel s’est développée grâce à l’introduction de la procédure régie par l’article 61-1 de la Constitution. 5 ans après la mise en œuvre du contrôle a posteriori, il était dénombré plus du triple de décisions QPC sur la Charte que de décisions DC[9].

Néanmoins, le contrôle a priori conserve tout son intérêt et se révèle loin de devoir être relégué aux oubliettes. En premier lieu, la seconde décennie d’application de la Charte présente, pour l’instant, davantage de décisions DC que de QPC[10]. De 2015 à 2023, il est même devenu ordinaire que, chaque année, les décisions rendues sur le fondement de l’article 61 de la Constitution soient supérieures à celles prises sur le fondement de l’article 61-1. Si cette dernière période est retenue, 2023 n’est pas donc exceptionnelle au contraire de 2016 et 2022 qui sont les deux seules années où le rapport s’inverse[11]. En second lieu, le champ du contrôle a priori est plus étendu. D’une part, toutes les exigences de la Charte peuvent s’y déployer. C’est le cas des principes de conciliation et de précaution invoqués justement dans les décisions des 9 mars, 16 juin, 21 juin et 20 juillet 2023 : le premier est exclu du contrôle a posteriori, tandis que le second reste marqué d’un flou, faute de savoir s’il appartient à la catégorie des « droits ou libertés que la Constitution garantit ». D’autre part, le Conseil constitutionnel est porté à examiner davantage de dispositions législatives dans le cadre d’une saisine a priori. Le contentieux de la Charte en 2023 en est encore une illustration. Dans la seule QPC qui présente au moins un grief tiré de la Charte, à savoir la décision n°2023-1066 QPC du 27 octobre 2023[12], seule une disposition législative est visée : l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement. En revanche, dans 3 des 4 décisions prises dans le cadre de la procédure de l’article 61, les parlementaires ont contesté plusieurs dispositions d’une même loi. Les griefs tirés de la Charte ont été dirigés à l’encontre de 2 articles de la Loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, 7 de la Loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, et 2 de la Loi de finances pour 2024. Seule la décision n°2023-852 DC du 20 juillet 2023 fait donc exception en ne ciblant qu’une seule disposition législative. Mais il ne pouvait en être ici autrement : la Loi visant à régulariser le plan local d’urbanisme intercommunal de la communauté de communes du Bas-Chablais est formée d’un article unique. L’ampleur des dispositions législatives contestées dans la décision n°2023-851 DC du 21 juin 2023 n’est d’ailleurs pas si banal. Parmi les 63 décisions qui mentionnent la Charte, peu en ont visé autant[13]. Le Conseil constitutionnel a néanmoins aménagé un garde-fou qu’il a d’ailleurs rappelé[14] dans la première décision de 2023. Les griefs fondés sur une exigence de la Charte ne peuvent être « dirigés contre l’ensemble de la loi ». Ils ne peuvent être utilement présentés « devant le Conseil constitutionnel (…) qu’à l’encontre de dispositions terminées et à la condition de contester le dispositif qu’elles instaurent »[15].

La montée en puissance du contrôle a priori n’est pas sans incidence sur le contrôle a posteriori. Au regard du deuxième critère du filtrage fixé par la loi organique relative à l’article 61-1 de la Constitution, l’examen des dispositions législatives votées mais non encore promulguées est en proie à faire obstacle à toute future QPC, sauf le cas exceptionnel d’un changement de circonstances de droit ou de fait. La condition du précédent a déjà justifié, par le passé, de fermer ultérieurement les portes du Conseil constitutionnel[16], quand bien même aucun grief tiré de la Charte n’avait été auparavant dirigé à l’encontre des dispositions législatives déclarées conformes à la Constitution. Dès lors, plus les parlementaires contesteront en amont les dispositions qui intéressent l’environnement sur le fondement de l’article 61 de la Constitution, et plus le robinet des QPC ne laissera échapper qu’un filet d’eau pour les justiciables en aval. Ce principe des vases communicants pourrait constituer un facteur d’explication au reflux des QPC dans la seconde décennie d’application de la Charte. En outre, un autre paramètre conjoncturel s’ajoute : un « tassement récent du nombre de QPC déposées et des QPC transmises »[17], ce qui ne peut qu’affecter le domaine environnemental.

2023 confirme également plusieurs tendances au niveau de l’identité des auteurs de saisines ou de recours introduits devant le Conseil constitutionnel en matière environnementale. Il est à remarquer, premièrement, que la Charte n’a pas infusé de manière identique au Parlement. Seuls les députés l’ont invoquée. Aucune de ses exigences n’était mentionnée dans la seule saisine sénatoriale déposée à l’encontre de la Loi de finances pour 2024. 2023 confirme donc le retrait, ces derniers temps, des parlementaires du Palais du Luxembourg à solliciter les droits et devoirs environnementaux devant le juge constitutionnel, ce qui contraste avec l’engouement de leurs homologues au Palais Bourbon beaucoup plus enclins à les faire valoir devant le juge de la rue de Montpensier[18]. 2023 recycle aussi un autre penchant auparavant constaté, cette fois-ci, à l’Assemblée nationale. Les griefs fondés sur la Charte émanent davantage des groupes parlementaires de gauche. Sur les 4 décisions rendues en DC, 3 sont initiées par une saisine des députés de la NUPES. Seule la décision du 9 mars 2023 a été prise à la suite de saisines déposées d’un côté, par Les Républicains et, de l’autre, par le Rassemblement national. C’est d’ailleurs la première fois sous la Ve République que des députés appartenant exclusivement à un groupe parlementaire d’extrême droite saisissent le Conseil constitutionnel. Ce faible enthousiasme actuel des parlementaires de droite en faveur de la Charte tranche au regard de ses origines. Il faut se souvenir que cette Déclaration du XXIe siècle était l’une des promesses de la campagne présidentielle de 2002 de Jacques Chirac et son vote a été acquis grâce aux voix des parlementaires de droite et du centre, les socialistes ou communistes s’étant, pour la plupart, abstenus ou ont refusé de participer au scrutin qui s’est déroulé à Versailles.

Deuxièmement, 2023 confirme deux autres tendances en matière de QPC environnementales. La première concerne l’identité des requérants. Le contentieux environnemental est principalement mû par les personnes morales, et plus particulièrement les associations. Les 2 QPC jugées en 2023 le démontrent. Celle du 16 juin a été soulevée par l’Association interprofessionnelle des fruits et légumes frais à l’encontre de l’article 80 de la Loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et l’économie circulaire. Néanmoins, celle-ci ne le contestait pas au regard des exigences de la Charte. Elle alléguait la méconnaissance de la liberté d’entreprendre, du principe d’égalité devant la loi, du principe de légalité des délits et des peines et de l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi couplé à une incompétence négative. Autrement dit, cette personne morale contestait, pour défendre ses intérêts économiques, une disposition législative qu’elle jugeait excessivement protectrice de l’environnement. Celle du 27 octobre 2023 se démarque de la première. D’une part, des griefs de la Charte sont dirigés contre l’article L.542-10-1 du code de l’environnement au motif qu’il est jugé insuffisamment protecteur de l’environnement vis-à-vis tant des générations actuelles que futures. D’autre part, plusieurs requérants sont à l’origine de cette contestation. La décision officielle publiée sur le site du Conseil constitutionnel se contente de n’en mentionner qu’un expressément – l’association Meuse nature environnement – tandis qu’un simple « les autres » renvoie à tous les co-auteurs de la QPC formulée. A l’heure où le Conseil constitutionnel n’hésite pas à qualifier la QPC de « Question citoyenne »[19], il gagnerait à citer – dans sa décision et non uniquement lors de l’audience – tous les protagonistes du procès QPC, à l’instar du Conseil d’Etat. En effet, leur nombre et leur identité sont seulement accessibles grâce à la lecture de la décision de renvoi en date du 2 août 2023. Et ces renseignements sont loin d’être anodins. Ils sont autant d’indices qui contribuent à mettre en lumière et à prendre conscience des enjeux sociétaux du conflit normatif qui s’est élevé devant les sages. Ceux-ci témoignent déjà du caractère exceptionnel de la décision n°2023-1066 QPC[20]. Rares ont été les QPC à connaître autant de parties à son soutien, qui plus est, de nature aussi variée : 25 associations nationales comme locales principalement de protection de l’environnement, 6 syndicats paysans et 29 particuliers. Mais l’action de ces associations ne se limite pas au contrôle a posteriori. Au soutien des saisines parlementaires, elles s’attachent à présenter des contributions extérieures dans lesquelles des griefs tirés de la Charte sont invoqués. 3 des 4 décisions rendues dans le cadre du contrôle a priori en 2023 ont fait l’objet de portes étroites émanant de ce type de personnes morales[21]. Ce n’est pas un effet de surprise de retrouver à chaque fois parmi ces auteures, l’Association France Nature Environnement. En revanche, il est plus étonnant de voir la ville de Genève aux côtés de l’association Agir pour l’environnement ou l’association de concertation et de proposition pour l’aménagement et les transports. Il est vrai que le Règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les déclarations de conformité à la Constitution ne fait pas obstacle à ce qu’une personne morale étrangère use de cette voie pour contester la constitutionnalité d’une disposition d’une loi française[22].

La deuxième tendance concerne la juridiction de renvoi. Par deux fois, le sésame du Conseil d’Etat a ouvert les portes du prétoire du Conseil constitutionnel. Les juridictions administratives confirment un peu plus encore leur rôle de pourvoyeuses de QPC environnementale. Sur le total désormais de 34 QPC jugées par les sages, 27 ont été renvoyées par la Cour suprême de l’ordre administratif et seulement 7 par son homologue de l’ordre judiciaire. Au faible nombre de QPC issues de la Cour de cassation, s’ajoute un autre paramètre : depuis plus de deux ans la Cour de cassation n’a pas relayé une QPC mentionnant la Charte de 2004[23]. Pour autant, l’hypothèse d’un bouchon est à exclure, du moins en 2023. La seule QPC qu’elle a connue a été écartée au motif que les dispositions législatives visées « n’étaient pas applicables à la procédure » faute au demandeur d’avoir un « intérêt à contester ces textes »[24]. En outre, la critique portait sur l’absence de dématérialisation de la procédure judiciaire comme source de nuisances environnementales, argumentaire qui a déjà été jugé par le passé comme dénué de sérieux par la Cour de cassation[25] à l’égard de dispositions similaires du code de procédure pénale. Cette critique de l’immixtion dans l’office du Conseil constitutionnel pourrait en revanche être dirigée contre le Conseil d’Etat, quand bien même il demeure la Cour suprême la plus pourvoyeuse en QPC. Par le passé, un excès dans l’exercice de sa mission de filtrage a déjà été constaté en matière environnementale[26]. Le juge administratif n’encourt pas un tel reproche en 2023 pour au moins 2 des 3 QPC rejetées. La méconnaissance des droits de l’article de 7 de la Charte a été logiquement écartée sur le fondement du caractère sérieux. Néanmoins, la QPC rejetée sur le même critère le 13 octobre 2023 aurait pu – voire dû – justifier un renvoi. L’association nationale des élus du littoral et l’association des maires de France soutenaient notamment la violation de l’article 4 de la Charte par l’article L. 321-18 du code de l’environnement. Ce grief a été déclaré inopérant au motif que « l’opération de renaturation prévue par les dispositions précitées », qui comprend la démolition de l’ensemble des installations, des constructions ou des aménagements et les actions ou opérations de dépollution nécessaires, « ne constitue pas, en tant que telle, la réparation d’un dommage à l’environnement »[27]. L’interprétation audacieuse de cette disposition législative méritait sûrement que le Conseil constitutionnel se prononce sur ce grief, d’autant plus que le principe de contribution à la réparation des dommages à l’environnement a rarement fait l’objet d’une appréciation dans la jurisprudence constitutionnelle[28]. Un renvoi justifié sur le caractère nouveau aurait pu notamment se concevoir au regard de la transformation de son maniement qui vise « la portée particulière et précise d’un principe constitutionnel, et non plus l’existence hypothétique d’un nouveau principe constitutionnel »[29].  Le constat d’un « bouchonnage »[30] généralisé du filtre ne peut toutefois pas se déduire de cette seule occurrence. La décision de renvoi du 2 août 2023 milite même dans le sens inverse. Il ne s’est pas soucié de l’appréciation du caractère sérieux pour déterminer si le troisième critère du filtrage était satisfait. Devant la question – double voire triple – de savoir si l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement méconnait « d’une part, un droit des générations futures de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé et un principe de solidarité entre les générations, qui résulteraient de la combinaison des articles 1er à 4 de la Charte de l’environnement avec les considérants 1er et 7 de son préambule, ainsi que, d’autre part, un principe de fraternité entre les générations, qui résulterait du Préambule et des articles 2 et 72-3 de la Constitution, également combinés avec le préambule de la Charte de l’environnement »[31], il s’est fondé sur le caractère nouveau pour justifier le renvoi de cette QPC. Or, le Conseil d’Etat n’est pas coutumier de l’emploi de ce critère en ce qui concerne les QPC environnementales. C’est seulement la seconde fois qu’il s’y réfère, là où la Cour de cassation l’a déjà employé à trois reprises[32]. Et encore lorsqu’il l’avait sollicité au motif que le Conseil constitutionnel ne s’était jamais encore prononcé sur le droit de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement, ni sur sa portée[33], il avait confirmé par la suite le sérieux du moyen fondé sur les droits de l’article 7 de la Charte. En outre, l’emploi « sec » du caractère nouveau ne correspond pas pleinement à l’orthodoxie de la loi organique du 10 décembre 2009. L’intention du législateur aurait été d’imposer, « par l’ajout de ce critère, (…) que le Conseil constitutionnel soit saisi de l’interprétation de toute disposition constitutionnelle dont il n’a pas encore eu l’occasion de faire application »[34]. Or, les sages se sont déjà prononcés sur les dispositions constitutionnelles visées, y compris pour certaines de leurs combinaisons[35]. A ce titre, la jurisprudence constitutionnelle a reconnu, en 2022, un lien entre l’article 1er de la Charte et son Préambule, plus particulièrement les deux derniers alinéas. De plus, elle a déjà identifié comme exigence constitutionnelle le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé[36], le principe de solidarité[37] et le principe de fraternité[38]. Dès lors, une hésitation naît sur l’emploi du caractère nouveau. Le but recherché est-il la consécration de nouveaux droits et libertés constitutionnelles fondés sur la combinaison d’une pluralité de dispositions constitutionnelles ? Ou est-ce plutôt la précision sur une nouvelle portée – plus étendue ? – ou sur de nouveaux titulaires d’exigences constitutionnelles déjà existantes ? La motivation retenue laisse ouverte, au final, les deux hypothèses et le Conseil d’Etat se défend, par cette décision de renvoi, d’en donner la réponse en lieu et place du Conseil constitutionnel. Ce dernier penchera pour le premier versant de l’alternative. Il estime que les requérants lui « demandent (…) de reconnaître (…) le droit des générations futures à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ainsi que les principes de solidarité et de fraternité entre les générations »[39]. Au-delà de la découverte de nouvelles exigences qui s’appuieraient sur les dispositions de la Charte, les justiciables et saisissants ont, en 2023, pleinement investi le spectre qui leur était ouvert. Hormis les articles « croupion » de la Charte qui restent étrangers au contentieux constitutionnel[40], les articles 1 à 7 ainsi que son Préambule ont tous été invoqués. Cette sollicitation totale des exigences de la Charte n’est pas si banale. Cet engouement pour cette Déclaration des droits et devoirs environnementaux ne se constate véritablement que depuis 2019[41].

Sur les 6 décisions mentionnant la Charte de 2004, 3 au moins ont marqué de leur empreinte l’ensemble du contentieux constitutionnel de 2023 à en croire l’appréciation du Président du Conseil constitutionnel. Dans le rapport d’activité du Conseil constitutionnel de 2003 publié en cours d’année, Laurent Fabius cite les deux décisions des 9 et 21 juin 2023 qui intéressent « le domaine de la production d’énergie ». Il souligne l’attention donnée « à l’équilibre entre indépendance énergétique de la Nation et protection de l’environnement »[42]. Dans son discours délivré à l’occasion de la cérémonie de vœux, il met à l’honneur quelques décisions « importantes » tout domaine confondu[43]. Parmi elles, figure la QPC rendue le 27 octobre 2023 dans laquelle les sages ont entendu marquer « la dimension intertemporelle de (…) l’exigence de protection de l’environnement »[44]. La lecture du communiqué de presse renforce le caractère exceptionnel de cette décision. Il y est annoncé que le Conseil constitutionnel a jugé cette QPC « en des termes inédits »[45], formule devenue récurrente en matière environnementale pour mettre en lumière une avancée jurisprudentielle. L’innovation réside dans la définition du « cadre constitutionnel » : ainsi « il découle de l’article 1er de la Charte de l’environnement éclairé par le septième alinéa de son préambule que, lorsqu’il adopte des mesures susceptibles de porter une atteinte grave et durable à un environnement équilibré et respectueux de la santé, le législateur doit veiller à ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins, en préservant leur liberté de choix à cet égard ». Ce « feu d’artifice »[46] a attiré immédiatement les regards de la doctrine. Pour les uns « l’affirmation se fait historique dans sa reconnaissance et sa constitutionnalisation des intérêts des générations futures »[47]. Dans cette lignée, certains saluent « une décision remarquable »[48], une « interprétation systémique originale et inédite »[49], voire plus platement une « interprétation dynamique de la Charte »[50]. D’autres sont plus mitigés. Ils y voient, dans le même temps, une « interprétation, au potentiel prometteur » et une « réponse prudente et mesurée »[51] ou encore une « décision (…) paradoxale » qui se révèle « comme la plupart des décisions récentes en matière environnementales : (…) audacieuses » et « décevantes »[52]. Certaines y sont même hostiles, en ce que l’emploi de l’argument des « générations futures » concourt à « une nouvelle forme de consolidation constitutionnelle des régressions en matière environnementale »[53]. Il s’ensuit que l’expansion du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé est regardée comme l’évolution incontournable de 2023 (II). Elle ouvre de nouvelles perspectives au contrôle de constitutionnalité environnemental[54]. Mais « l’envol du contrôle a priori au contrôle a posteriori » de « la jurisprudence relative aux « générations futures » »[55] ne doit pas éclipser les développements jurisprudentiels sur les autres dispositions de la Charte de 2004, quand bien même ceux-ci ont bien moins d’éclats. En 2023, le Conseil constitutionnel a reconnu que le législateur a poursuivi des objectifs à valeur constitutionnelle lorsqu’il a adopté des dispositions législatives visant soit à augmenter les capacités de production d’énergie nucléaire soit à favoriser la production d’énergies renouvelables, pour ensuite en contrôler les atteintes commises au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. Le rôle de cette exigence constitutionnelle promue en 2020 se montre donc bien plus complexe et ambigu qu’auparavant (I). De plus, le Conseil a persévéré dans son entreprise de neutralisation des principes fondés sur les articles 2 à 6 de la Charte. Même le principe de participation connaît un certain fléchissement alors qu’il était habitué à occuper le haut de l’affiche de la jurisprudence constitutionnelle (III).

I. La dilution de l’objectif à valeur constitutionnelle de protection de l’environnement

Les décisions du Conseil constitutionnel sur la Charte de l’environnement ne manquent pas généralement de susciter de vives réactions. En 2022, Pierre Steinmetz, un ancien sage, craignait le prélude à une nouvelle « démarche » selon laquelle le Conseil constitutionnel ferait désormais « prévaloir l’environnement sur tout » au risque de glisser vers « le gouvernement des juges »[56]. Plus récemment, Jean-Claude Magendie, Jean-Eric Schoettl et Noëlle Lenoir s’alarmaient que certains juges, notamment constitutionnels, puissent se convaincre que « les activités humaines menacent si gravement et si immédiatement la survie de la planète que la nécessité de leur contention doit désormais prévaloir sur toute autre considération économique, sociale ou politique »[57].

La promotion de la protection de l’environnement au rang d’objectif à valeur constitutionnelle en 2020 ne pouvait qu’alimenter leur inquiétude. Bien que le chef de l’Etat ait écarté la proposition de la Convention citoyenne pour le Climat de modifier le préambule de la Constitution de 1958 dans le but que la conciliation des droits et libertés ne puisse jamais compromettre la protection de l’environnement, ils redoutent l’établissement jurisprudentiel d’une hiérarchie insidieuse dans laquelle les droits environnementaux primeraient systématiquement sur les droits économiques et sociaux. La QPC rendue le 16 juin 2023 n’a pas dû les rassurer. En l’espèce, la liberté d’entreprendre est opposée, de manière classique, à une disposition environnementale. L’article 80 de la Loi n°2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie solidaire interdit, à partir du 1er janvier 2022, « de mettre en vente en France des fruits et légumes sur lesquels sont apposées des étiquettes non compostables ». Cette « restriction » législative est, tout d’abord, motivée par la volonté du législateur de « favoriser le compostage des biodéchets et la réduction des déchets plastiques pour mettre en œuvre les objectifs de réduction et de valorisation des déchets ménagers ». Elle s’inscrit donc, selon le Conseil constitutionnel, dans l’OVC de protection de l’environnement, ce qui satisfait la première étape de son contrôle qui s’attache à vérifier si les atteintes à cette liberté économique sont liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général. La seconde étape l’est également. Les sages jugent que les limitations apportées « aux conditions d’exercice de l’activité économique des entreprises commercialisant des fruits et légumes »[58] ne sont pas manifestement disproportionnées à la poursuite de cet objectif. Le grief tiré de l’article 4 de la DDHC de 1789 est donc écarté. C’est ainsi la troisième fois que la protection de l’environnement, depuis son élévation au rang d’OVC, justifie des atteintes législatives à des droits et libertés constitutionnels extérieurs à la Charte de l’environnement[59]. Ces décisions témoignent d’un relâchement du contrôle des mesures protectrices de l’environnement apportant des restrictions aux droits et libertés de première et seconde générations[60]. Pour autant, il ne faut pas survaloriser les effets contentieux de cette évolution. D’une part, le Conseil constitutionnel ne prend pas toujours la peine de préciser que l’objectif environnemental poursuivi appartient à cette catégorie. Dans la décision 2021-946 QPC du 19 novembre 2021 où sont écartés les griefs fondés sur les principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques, il se contente de relever qu’avec l’adoption des dispositions contestées de l’article 266 quindecies du code des douanes « le législateur a entendu lutter contre les émissions de gaz à effet de serre en encourageant les distributeurs de gazole à incorporer des biocarburants avancés, tout en maintenant un soutien à la production de biocarburants traditionnels ». D’autre part, la décision du 11 février 2022 a vocation à rappeler que la conciliation n’est pas toujours favorable aux dispositions législatives environnementales[61]. Bien que couvert expressément par l’OVC de protection de l’environnement, l’article L. 541-30-2 du code de l’environnement est déclaré inconstitutionnel au motif qu’il porte une atteinte manifestement disproportionnée au droit au maintien des conventions légalement conclues. Si elle a pris davantage de corps depuis la consécration de l’OVC en 2020, la crainte classique de voir le Conseil faire systématiquement prévaloir l’environnement sur toute autre considération économique et sociale demeure exagérée.

Mais de nouvelles inquiétudes sont nées du contentieux constitutionnel de 2023. Elles résident dans la reconnaissance complaisante de l’OVC de protection l’environnement. Bien que les saisissants l’invitent à investir ce terrain[62], les sages lui refusent encore toute « fonction d’interdiction »[63]. Faute de servir de glaive pour combattre l’œuvre législative, l’OVC est donc cantonné à remplir un rôle de « bouclier »[64].  Or, sa « fonction permissive à l’égard du législateur »[65] est très – trop ? – facilement accueillie par le Conseil constitutionnel. Certaines dispositions législatives auraient pu ne pas bénéficier de ce commode label. C’est le cas des dispositions contestées de l’article L.411-2-1 du code de l’environnement qui prévoient que, pour la délivrance des dérogations espèces protégées, sont réputés répondre à une raison d’intérêt public majeur (RIIPM) les projets d’installation à une raison impérative d’intérêt public majeur les projets d’installations de production d’énergies renouvelables ou de stockage d’énergie dans le système électrique satisfaisant aux conditions prévues à l’article L. 211-2-1 du code de l’énergie. Le Conseil constitutionnel se suffit qu’elles « visent à favoriser la production d’énergies renouvelables et le développement des capacités de stockage d’énergie »[66] pour reconnaître, « ce faisant », la poursuite de l’OVC de protection de l’environnement. Pourtant, il aurait pu juste se prévaloir d’un motif d’intérêt général, à l’instar du procédé employé dans la décision du 13 mai 2022[67]. Il n’avait alors nullement fait référence à l’OVC alors que les dispositions contestées avaient été adoptées en vue de « favoriser la production d’énergie hydroélectrique qui contribue aux développements des énergies renouvelables ». Le Conseil aurait pu également éluder totalement la dimension environnementale de l’objectif visé par le législateur, à l’instar du procédé employé dans la décision du 10 décembre 2020[68]. Le Conseil n’avait alors mobilisé qu’un motif d’intérêt général et relevait que les dispositions introduisant une dérogation transitoire à l’interdiction d’utilisation des produits contenant des néonicotinoïdes au seul traitement des betteraves sucrières ont été prises aux fins de « préserver (…) les entreprises agricoles et industrielles de ce secteur et leurs capacités de production ». Aucune référence n’avait été faite à l’OVC de protection de l’environnement, quand bien même les dispositions litigieuses entendaient également « faire face aux graves dangers qui menacent la culture de ces plantes, en raison d’infestations massives de pucerons vecteurs de maladies virales ». Les sages étaient devant le même choix dans la décision du 9 mars 2023. L’étude d’impact comme les parlementaires justifiaient la reconnaissance de la RIIPM au nom de « l’indépendance énergétique de la France » ou de « la sécurité de l’approvisionnement en énergie »[69]. La voie était alors grande ouverte à une nouvelle mobilisation de la catégorie des « intérêts fondamentaux de la Nation ». Celle-ci aurait eu le mérite de ne pas accorder une finalité environnementale à des dispositions législatives qui sont également la source de dégradations environnementales.  Même le Gouvernement ne nie pas « que les travaux d’installation de production d’énergie renouvelable et le fonctionnement même de cette installation sont susceptibles de causer certaines atteintes à l’environnement »[70], notamment à la biodiversité.

Etendre délibérément la catégorie de l’OVC de protection de l’environnement à des dispositions ambivalentes d’un point de vue environnemental contribue à la diluer et, par voie de conséquence, à en brouiller sa lisibilité. Comme l’une des faces de ses dispositions législatives peut nuire à l’environnement, les saisissants ne manquent pas de leur opposer les droits et devoirs de la Charte de l’environnement. Il s’ensuit que l’OVC de protection de l’environnement fondé sur les dispositions du préambule de la Charte de 2004 « permet de justifier – et donc d’autoriser – certaines limites apportées par la loi à des normes constitutionnelles »[71] environnementales, tel le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé consacré à l’article 1er de la Charte. Cette dilution est à l’origine du paradoxe – pas totalement nouveau – consistant à opposer l’environnement vs. l’environnement, voire la Charte vs la Charte. Par le passé, le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé sur des dispositions législatives favorisant l’implantation des éoliennes et le développement des énergies renouvelables en raison du risque qu’elles présentaient de « porter atteinte aux paysages »[72]. Mais ce paradoxe est davantage exposé qu’auparavant, surtout lorsque les dispositions contestées ne portent plus sur les énergies renouvelables mais sur l’énergie nucléaire et ses conséquences. L’étude d’impact de la Loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes confirme qu’« il est certain que (…) les projets de construction des réacteurs électronucléaires (…) auront des impacts sur l’environnement »[73]. Pour autant, un autre versant de l’article 7 de cette loi est mis à l’honneur à l’occasion de l’examen du grief tiré de l’article 1er de la Charte de 2004. Selon le Conseil constitutionnel, « le législateur a entendu créer les conditions qui permettraient d’augmenter les capacités de production d’énergie nucléaire afin notamment de contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre », et, ce faisant, « a mis en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation (…) et poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement ». La jurisprudence constitutionnelle passée met également en lumière le rapport ambigu qu’entretiennent les dispositions législatives intéressant l’énergie nucléaire avec la Charte de 2004. Les députés ont déjà contesté sans succès sur le fondement des principes prévention et de conciliation des dispositions qui prévoient non l’augmentation mais « la réduction de la part de l’énergie nucléaire dans la production de l’électricité »[74]. Le Conseil constitutionnel fait aussi ce grand écart dans la décision n°2023-1066 QPC du 27 octobre 2023. Il affirme, dans un premier temps, qu’« en  permettant le stockage de déchets radioactifs dans une installation souterraine » les dispositions de l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement « sont, au regard de la dangerosité et de la durée de vie de ces déchets, susceptibles de porter une atteinte grave et durable à l’environnement ». Puis, dans un second temps, il déclare dans le paragraphe suivant que le législateur « a souhaité poursuivre les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement et de protection de la santé » en entendant « d’une part, que les déchets radioactifs puissent être stockés dans des conditions permettant de protéger l’environnement et la santé contre les risques à long terme de dissémination de substances radioactives et, d’autre part, que la charge de la gestion de ces déchets ne soit pas reportée sur les seules générations futures ». Cette dilution de l’OVC de protection de l’environnement conduit certains auteurs à conclure qu’il renferme une dose de « scélératesse »[75], en ce que les dispositions législatives qui s’y inscrivent peuvent revêtir d’autres finalités que protéger l’environnement, y compris lui nuire dans certaines de leurs dimensions. Ceux qui exprimaient leurs craintes à l’encontre de la Charte peuvent alors être rassurés. De l’extension du champ de l’OVC de l’environnement ne résulte pas nécessairement la fragilisation constitutionnelle des dispositions législatives économiques. Certaines d’entre elles peuvent même y trouver un refuge bienvenu pour mieux se mettre à l’abri des droits et devoirs environnementaux.

II. L’expansion du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé

L’opportunité saisie par les 60 justiciables de demander au Conseil constitutionnel de reconnaître – enfin – « le droit des générations futures à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ainsi que les principes de solidarité et de fraternité entre les générations »[76] a contribué une nouvelle fois à démontrer que « la Charte de l’environnement est une source inépuisable d’inventivité constitutionnelle »[77]. Si cette innovation portant sur l’article 1er de la Charte était attendue, le Conseil constitutionnel est resté toutefois fort évasif sur ses réels contours. Les seules réponses claires apportées concernaient les conditions restreintes de son invocation aux fins que « soient pris en considération les effets sur le long terme des décisions prises par le législateur »[78]. Cette expansion de l’article 1er de la Charte conforte l’idée que le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé est « évidemment le plus important »[79]. Mais il n’est pas si certain que cet « élément fondateur »[80] doit être regardé comme le phare illuminant tout le reste de la Charte. Au contraire, le développement des autres exigences de la Charte semble pâtir de l’évolution continue de l’article 1er. Le reste de la Charte peine à sortir de l’ombre, au point de s’interroger sur la naissance d’un phénomène de cannibalisation.

A. Innovation

1. Une innovation attendue

Le Conseil constitutionnel pouvait difficilement opposer une totale fin de non-recevoir à la demande qui lui était soumise de consacrer de nouvelles exigences environnementales. Il a ouvert la porte seulement aux revendications portant sur le droit des générations futures à vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé et a refermé sans motivation les autres concernant les « principes de solidarité et de fraternité entre les générations ». Il est vrai que cette innovation était sûrement celle la plus attendue, bien que les travaux préparatoires de la Charte donnent autant, voire plus, de corps à la consécration des principes de solidarité et de fraternité intergénérationnelle.

a. Une innovation pressentie dans les travaux préparatoires de la Charte de 2004

Dès l’origine, les « générations futures » sont associées à l’élaboration de cette Déclaration du XXIe siècle. Pour l’instigateur de la Charte, Jacques Chirac, cette entreprise vise à « rappeler ses droits, et aussi ses responsabilités. Il s’agit de définir une éthique collective pour la prise de décision, dans le respect des droits des générations futures »[81]. Un an plus tard, il déclara que « la Charte rappellera les droits et les devoirs de chacun à l’égard de l’environnement, et vis-à-vis des générations futures »[82]. Mais avant même l’idée d’une Charte, il avait déjà tenu des propos éclairants : « Le droit à l’environnement, c’est le droit des générations futures à bénéficier de ressources naturelles préservées. C’est la déclinaison, sur un mode nouveau, du droit de tout être humain à la vie, à la liberté et à la sûreté »[83]. La lettre de mission adressée par la Ministre de l’écologie et du développement durable au professeur Yves Coppens en vue de préparer la Charte précisait qu’elle « devra (…) exprimer la recherche d’une justice et d’une solidarité entre les peuples et les générations ». Le rapport rédigé par les 18 membres de la Commission Coppens ne manque pas de références aux générations futures. Cette notion innerve toutes les dispositions de la Charte, comme l’illustre sa conclusion : « Nouvel élément du pacte de la Nation, nouvelle étape de la démocratie, une Charte constitutionnelle de l’environnement répond aux exigences de notre époque : protéger l’environnement sur lequel nos activités ont un impact croissant ; transmettre aux générations futures un patrimoine naturel qui préserve leurs chances de développement et de bien-être »[84]. Le rapport de Nathalie Kosciusko-Morizet sur ce projet de loi constitutionnelle identifiait également les « générations futures » comme l’un des « concepts nouveaux »[85] de la Charte de 2004. Il y affirmait que « le septième considérant exprime un impératif de solidarité, à la fois dans le temps – avec les générations futures – et dans l’espace – avec les autres peuples (…). Ici, le propos est de préserver la liberté des générations à venir par des choix politiques assurant un développement durable. »[86]. Sa conclusion ne pouvait pas mieux justifier les ambitions des auteurs de la QPC qui souhaitaient la consécration d’un droit des générations futures de vivre dans un environnement de qualité ainsi que les principes de solidarité et de fraternité intergénérationnelle : « La Charte de l’environnement, qui défend la responsabilité de chacun, la solidarité avec les autres habitants de notre « terre-patrie » et la garantie des droits des générations futures, est un texte de fraternité »[87]. La rapporteure a néanmoins défendu une ligne plus restreinte devant les parlementaires réunis en Congrès pour reconnaître que « par-dessus tout, l’inscription constitutionnelle du droit à l’environnement, c’est le droit des générations futures enfin affirmé »[88]. Ces mots précédaient ceux du Premier ministre qui avançait que : « Notre génération possède déjà le néfaste pouvoir de condamner les suivantes. (…) Ce que je vous propose aujourd’hui, en adossant la Charte de l’environnement à notre Constitution, ce n’est donc pas une réaction de peur devant l’avenir, c’est un acte de responsabilité. (…) Vivons notre responsabilité comme un devoir d’avenir ». Ces références tous azymuts aux « générations futures » dans les travaux préparatoires de la Charte ouvraient donc la porte à une consécration jurisprudentielle.

Pour autant, tout n’inclinait pas à franchir ce pas jurisprudentiel. Tout d’abord, l’actuelle Charte votée le 28 février 2005 est moins généreuse que sa première version. Aujourd’hui, « les générations futures » ne sont mentionnées qu’une seule fois dans le dernier alinéa de son préambule, tandis qu’elles figuraient à deux reprises, qui plus est, dans le corps de l’ébauche formulée par la Commission Coppens[89]. Ensuite, les rapporteurs du projet de loi constitutionnelle à l’Assemblée nationale et au Sénat n’identifiaient que les « personnes physiques »[90] comme titulaires du droit proclamé à l’article 1er de la Charte. Quant à la nature du devoir exprimé à l’article 2 « aux fins de protéger l’environnement pour assurer le bien-être des générations présentes mais aussi, dans la perspective du développement durable, de celui des générations futures », le rapporteur, Patrice Gélard, n’y voit qu’une « obligation morale » ; pire, pour Nathalie Kosciusko Morizet, ce « devoir de la Charte n’est pas une obligation », faute d’« un créancier »[91]. Enfin, deux amendements à la Charte ont été rejetés lors des débats qui se sont déroulés devant la Commission des lois de l’Assemblée nationale : l’un consistait à modifier le dernier alinéa du Préambule de la Charte pour « reconnaitre des droits aux générations futures et non seulement la capacité »[92] à satisfaire à leurs propres besoins ; l’autre s’attachait à créer un article 1-1 dans la Constitution de 1958 aux fins de reconnaitre à « tout citoyen » « le droit à un environnement sain » qui s’exercerait « dans les conditions de développement économique, technologique et de progrès social propres à l’épanouissement des générations présentes et futures »[93]. Autrement dit, il a été doublement écarté d’une part, que le Préambule de la Charte, notamment son dernier alinéa, puisse être le siège de tout droit, y compris ceux des générations futures, et d’autre part, le lien explicite que l’on souhaitait tisser entre le droit de vivre dans un environnement de qualité et les « générations futures ». De telles considérations ont sûrement eu une influence sur les sages lorsqu’ils ont entrepris de redéfinir le « cadre constitutionnel »[94] de l’article 1er de la Charte, bien que ni la décision du 27 octobre 2023[95], ni le Commentaire qui lui est lié ne témoignent d’une quelconque prise en compte des travaux préparatoires de la loi constitutionnelle du 1er mars 2005.

b. Une innovation tardivement proposée dans la jurisprudence constitutionnelle

La multiplication de la référence aux « générations futures » ne pouvait qu’encourager les initiatives en vue de lui offrir une traduction jurisprudentielle. Elle figure en droit international. Sa « première mention explicite »[96] dans les engagements internationaux est opérée dans le principe 1 de la Déclaration de Stockholm de 1972. Sa seconde phrase énonce que l’homme « a le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les générations présentes et futures ». Elle est consacrée également en droit européen par l’entremise de la Charte des Droits fondamentaux de l’Union européenne qui dispose que « la jouissance de ces droits entraine des responsabilités et des devoirs tant à l’égard d’autrui qu’à l’égard de la communauté humaine et des générations futures ». L’expression n’est pas nouvelle non plus en droit constitutionnel. Déjà la Constitution du 24 juin 1793[97] prévoyait, dans son article 28, qu’« un peuple a toujours le droit de revoir, de réformer et de changer sa Constitution. Une génération ne peut assujettir à ses lois les générations futures ». Elle s’est surtout généralisée. Déjà avant la promulgation de la Charte de 2004, de nombreuses constitutions la mentionnaient, à l’instar de celles allemande, argentine, brésilienne, portugaise ou japonaise[98]. La liste s’est depuis allongée et elle est recensée dorénavant dans, au moins, 62 Constitutions[99]. De ces inscriptions ont donc naturellement découlé des développements jurisprudentiels[100].

Ce contexte étranger n’a toutefois pas suscité d’engouement. Justiciables et saisissants ont excessivement tardé à inviter les sages à s’en emparer. Certes, à peine était annoncée l’idée d’une Charte de l’environnement qu’émergeaient déjà des initiatives de la part de députés pour que soient exploitées les « ressources utiles pour protéger notre environnement et celui des générations futures »[101]. Mais hormis les saisines parlementaires relatives à la décision du 28 avril 2005 dans lesquelles était invoqué le grief tiré de l’article 6 de la Charte[102] qui promeut le développement durable, les députés et sénateurs ne s’appuient pas sur cette notion nouvelle. La QPC ne lui a pas non plus servi de tremplin. Il faut attendre la décision du 7 mai 2014 pour que le septième alinéa du Préambule qui les mentionne soit cité dans la jurisprudence constitutionnelle, sans que l’on sache si le justiciable avait des attentes particulières sur cette disposition. Dans tous les cas, elles ne pouvaient qu’être déçues, le Conseil constitutionnel ayant résolument affirmé qu’aucun des alinéas « n’institue un droit ou une liberté que la Constitution garantit ». La référence aux « générations futures » ne réapparaitra que sept ans plus tard. Lors du recours contre la Loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, les députés de la NUPES estiment que « l’absence de soutien et de perspectives stratégiques pour la recherche et développement en matière environnementale risque fortement de compromettre la capacité des générations futures à vivre dans un environnement sain »[103]. Mais le grief tiré de l’article 1er de la Charte n’a pas été examiné au motif qu’il est dirigé contre l’ensemble de la loi et non contre une disposition législative particulière.

Au final, la prise en compte des générations futures dans la jurisprudence constitutionnelle est très récente. Elle survient seulement en 2022, à la suite de la contestation des dispositions intéressant la souveraineté énergétique de la Loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Les députés de la NUPES invoquent de nombreux alinéas du préambule de la Charte aux côtés de ses articles 1er, 5 et 6 devant les « dommages (…) irréversibles car non réparables » causés à l’environnement par trois dispositions législatives. Cette initiative est enfin couronnée de succès. Pour « la première fois (…) le Conseil constitutionnel forge, sur le fondement de l’article 1er de la Charte de l’environnement », deux réserves « en déterminant les exigences résultant du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé à la lumière des affirmations contenues dans le préambule de la Charte, visant en particulier la capacité des générations futures à satisfaire leurs besoins »[104]. Cette innovation n’a pas manqué d’être relayée dans le rapport de 2022 du Conseil constitutionnel[105]. « Convaincu que cette notion de générations futures sera à l’origine de nombreuses et intéressantes réflexions juridiques »[106], le Président Laurent Fabius laisse entendre que la décision du 12 août 2022 n’est qu’une première pierre, certes ayant marquée l’année[107], mais qui en appelle d’autres. Cette invitation à saisir le Conseil constitutionnel a très vite été entendue. Invoquant les articles 1er et 6 de la Charte sans cibler expressément les dispositions de son préambule, les députés de la NUPES reprochent au législateur, dans la décision rendue le 21 juin 2023, de ne pas préserver « la faculté des générations de définir un autre mix énergétique (…) en ne limitant pas suffisamment le champ d’application temporel de la loi »[108] relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes. Dirigés contre son article 7, les griefs fondés sur les articles 1er et 6 de la Charte sont écartés sans que le Conseil constitutionnel les apprécie sous le prisme des « générations futures » alors même que les motifs de la loi les mentionnent[109].

Avec le renvoi sur le fondement du caractère nouveau de la QPC contestant l’article L.542-10-1 du code de l’environnement, les sages ont saisi la seconde opportunité qui s’est présentée à eux – la première sous l’empire du contrôle a posteriori – pour définir « en des termes inédits, le (…) cadre constitutionnel »[110] formé par l’article 1er de la Charte éclairé par le septième alinéa de son préambule. Et il était doublement attendu qu’ils ne laissent pas échapper une pareille occasion. Le contexte les y incitait tout d’abord. Le rapport d’activité 2023 rédigé antérieurement à la décision du 27 octobre 2023 annonçait – heureux hasard du calendrier – l’accueil dans les locaux de la rue de Montpensier « d’une conférence internationale de juges sur le thème « Droit, générations futures et environnement » en février 2024, en amont du Sommet de l’avenir organisé par le Secrétaire général des Nations Unies »[111]. Il aurait été fort embarrassant, sinon de l’écarter, de pas s’emparer de la notion des « générations futures » quelques semaines à peine avant la tenue de cette manifestation scientifique sur ce sujet. Les y invitait, ensuite, l’objet des dispositions législatives contestées, à savoir l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction résultant de la loi n°2016-1015 du 25 juillet 2016 précisant les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue. Elles concernent aujourd’hui uniquement le projet Cigéo situé sur la Commune de Bure qui est « un projet normes, à tous points de vue – aucune installation comparable n’est d’ailleurs en service à ce jour dans le monde –, qu’il s’agisse des enjeux techniques, des échelles de temps, mais encore des enjeux financiers »[112]. Sont ciblées les dispositions des deuxième, troisième et quatorzième alinéas qui mettent en œuvre le principe de réversibilité du stokage. Or, ce « difficile débat »[113] avait été ouvert par la Loi Bataille de 1991 qui prévoyait que la gestion des déchets radioactifs devait « être assurée dans le respect de la protection de la nature, de l’environnement et de la santé, en prenant en considération les droits des générations futures »[114]. C’est par cette « loi de circonstance »[115] que « l’expression « générations futures » a fait son entrée dans le droit français »[116], bien que la référence à de quelconques « droits » fut par la suite abrogée par la loi du 28 juin 2006. Il n’est donc pas étonnant que le contrôle de constitutionnalité de dispositions législatives qui fixent le régime juridique applicable aux centres de stockage en couche géologique profonde fasse resurgir la notion, cette fois-ci, en droit constitutionnel. Surtout le vote de la loi de 1991 n’avait pas été suivi d’une saisine du Conseil constitutionnel, au grand regret de Michel Prieur, qui pointait déjà « une violation du droit à la santé pour les générations futures »[117]. Tout était donc réuni pour que le Conseil constitutionnel soit inventif.

2. Une innovation limitée
a. La substance de l’innovation

Dans la décision du 27 octobre 2023, le Conseil constitutionnel s’est évertué à ne pas répondre à la question posée par les 60 justiciables. C’est flagrant en ce qui concerne la consécration constitutionnelle des principes de solidarité et de fraternité intergénérationnels. Le mutisme des sages s’apparente à un refus. Outre que les travaux préparatoires donnaient corps à cette proposition, l’occasion n’a pas été saisie de verdir des principes énoncés dans la Constitution de 1958 et dans le Préambule de la Constitution de 1946, c’est-à-dire d’édifier un pont entre la Charte de 2004 et les autres textes du bloc de constitutionnalité. C’est moins évident en ce qui concerne la demande des requérants d’« un droit des générations futures de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé (…) qui résulterait de « la combinaison des articles 1er à 4 de la Charte de l’environnement avec les considérants 1er et 7 de son préambule »[118]. Le Conseil constitutionnel leur répond « en des termes inédits »[119], qu’« il découle de l’article 1er de la Charte de l’environnement éclairé par le septième alinéa de son préambule que, lorsqu’il adopte des mesures susceptibles de porter une atteinte grave et durable à un environnement équilibré et respectueux de la santé, le législateur doit veiller à ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins, en préservant leur liberté de choix à cet égard. Les limitations apportées par le législateur à l’exercice du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé doivent être liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi »[120]. Bien que les sages mobilisent le dernier alinéa du préambule de la Charte qui mentionne les « générations futures » et vérifient les restrictions législatives au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé proclamé à l’article 1er de la Charte, les attentes des justiciables ne sont pas pleinement satisfaites par ce nouveau « cadre constitutionnel ». Le juge constitutionnel élague les fondements proposés et découvre de nouvelles exigences constitutionnelles, à savoir un devoir et une liberté, et non un nouveau droit ou un droit avec de nouveaux titulaires : les générations futures.

– Des fondements nouveaux

En ce qui concerne les fondements de cette double innovation, le Conseil constitutionnel fait preuve d’une grande originalité. C’est la première fois, d’une part, qu’une exigence constitutionnelle naît de dispositions situées dans le préambule et le corps de la Charte et, d’autre part, qu’est employée explicitement « cette stratégie de liaison »[121] consistant à ce qu’un considérant du préambule éclaire un article du corps de la Charte.

Auparavant, de nouvelles exigences environnementales étaient nées, soit des seules dispositions du corps de la Charte, soit des seules dispositions de son préambule. De la combinaison des articles 1er et 2 de la Charte, il est déduit, en 2011, l’obligation à laquelle chacun est tenu de vigilance des atteintes à l’environnement qui pourrait résulter de son activité[122]. Des 2e, 3e, 6e et 7e alinéa, il en découle, en 2020, l’OVC de protection de l’environnement[123]. Le Conseil fait, en outre, le choix de restreindre cet attelage à son minimum. D’un côté, il n’a pas mobilisé d’autres articles de la Charte. Il n’a pas repris à son compte l’argumentation des auteurs de la QPC qui invoquaient également les articles 2 à 4. Aussi, il ne s’est pas appuyé sur l’article 6 qui entretient pourtant un lien avec le septième alinéa du Préambule, via la référence commune au « développement durable ». De l’autre, il n’a pas sollicité d’autres alinéas de la Charte de 2004. Le périmètre est donc plus étroit que dans la décision du 12 août 2022 qui avait conduit les sages à déterminer « les exigences résultant du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé à la lumière des affirmations contenues dans le préambule de la Charte »[124]. Si les considérants 2, 3, 6 et 7 étaient cités en l’espèce, le Conseil constitutionnel se fondait sur les deux derniers pour forger ses deux réserves d’interprétation. Ce rétrécissement est source d’étonnement. Inclure les 2e et 3e alinéas n’aurait pas été incohérent : l’un se réfère à « l’avenir (…) de l’humanité », tandis que l’autre reconnait « l’environnement » comme le « patrimoine commun des êtres humains » qui a vocation justement à être transmis de générations en générations. Cette évolution dans un intervalle si court n’est pas non plus si habituelle. Elle est le signe d’une maturité aujourd’hui acquise dans l’exercice du contrôle de la Charte de 2004.

Cette évolution n’en reste pas moins source de complexité. Elle ajoute à la diversité des régimes[125] qui cohabitent au sein de l’article 1er. Ce dernier a pu déjà être combiné avec les articles 2 ou 3[126]. Autrement dit, l’emploi de la combinaison a servi à unifier deux articles de la Charte, sans qu’il ressorte nécessairement de ce couple une nouvelle exigence constitutionnelle. Le registre de la combinaison n’a cette fois-ci pas été mobilisé. L’article 1er n’a pas été « combiné », mais « éclairé par le septième considérant du préambule ». Les sages ont sûrement été convaincus par la réponse ferme apportée par Me Texier à l’unique question posée à l’audience consistant à savoir si la QPC posée par l’association Meuse nature environnement qu’il représentait était fondée sur la combinaison de l’article 1er et de l’alinéa 7. Retournant en sa faveur cette question qui avait toutes les apparences d’un « piège », il a écarté toute idée de combinaison qui s’exposait au risque d’assimiler les alinéas à des articles, et ainsi de ne pas tenir compte de la distinction établie par le Conseil selon laquelle aucun considérant du préambule n’institue un droit ou liberté constitutionnel, au contraire du corps de la Charte. Il privilégiait donc l’interprétation à la « lumière de » quand bien même les sept alinéas sont réputés, pour la plupart, formuler des constats[127] et ne pas être des plus clairs. Mais de multiples avantages ressortent de cette autre « technique interprétative »[128]. Elle correspond tout d’abord à l’intention du constituant. C’était du moins la position avancée par la rapporteure Nathalie Kosciusko-Morizet[129]. Elle avait affirméque « les considérants de 2004 ont, eux aussi, vocation à éclairer le citoyen comme le juge sur le contenu de la Charte »[130]. « Cette stratégie de liaison »[131] s’inscrit, ensuite, dans la continuité de la jurisprudence constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel avait déjà recouru à cette technique dans la décision du 12 août 2022, sans que sa motivation n’en présente pourtant une quelconque trace. Seule la lecture de son Commentaire témoignait de son usage. La décision du 27 octobre 2023 vient donc l’officialiser et ce, près de vingt ans après avoir été formulée dans les travaux préparatoires. Enfin, cette technique ne suppose pas nécessairement une homogénéité des dispositions qui en sont l’objet, là où la « combinaison » semble réservée aux dispositions de même nature, à savoir les articles de la Charte. En abattant cette cloison imaginaire qui se dressait entre les sept alinéas et les dix articles, le Conseil constitutionnel parachève la lecture systémique de la Charte et ouvre de nouvelles perspectives contentieuses à ce « vivier »[132] plutôt morne. En dehors de l’OVC de protection de l’environnement, l’invocation des dispositions du Préambule s’était soldée systématiquement par des échecs dans le cadre des contrôles tant a priori[133] qu’a posteriori[134]. Leur allier des articles de la Charte ouvre désormais aux requérants de nouvelles opportunités de succès. Et le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé apparaît comme le plus idoine pour devenir ce pont qui relie entre-elles l’ensemble des dispositions de la Charte.

– Des exigences nouvelles

En ce qui concerne la découverte de nouvelles exigences constitutionnelles, la réponse du Conseil constitutionnel ne correspond pas aux attentes des justiciables. Selon la décision de renvoi, ces derniers souhaitaient la reconnaissance d’un « droit des générations futures de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». Or, il réplique par la double « consécration historique »[135], d’une part, d’une liberté de choix des générations futures et des autres peuples et, d’autre part, d’un devoir incombant au législateur actuel de veiller à cette dite liberté. Le catalogue d’exigences constitutionnelles tirées des dispositions de la Charte se voit donc complété. A une obligation constitutionnelle et un objectif à valeur constitutionnelle créés respectivement en 2011 et 2020 s’ajoutent désormais un devoir et une liberté. Pour autant, ces deux innovations normatives ne concordent pas avec les prétentions des justiciables, à savoir la reconnaissance d’un nouveau droit ou d’un droit avec de nouveaux titulaires : les générations futures. Le Commentaire lié à cette décision prend d’ailleurs soin de ne pas entretenir de confusion et veille à ne pas aller sur ce terrain. Il concède seulement que « le Conseil constitutionnel s’est attaché à expliciter la portée de l’article 1er de la Charte de l’environnement, éclairé par son préambule, au regard de la protection des générations futures »[136]. Il ne s’attarde pas non plus sur ces devoir et liberté à la « formulation inédite ». Il se contente d’affirmer qu’il « a explicitement déduit de ces normes que le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé impose que soient pris en considération les effets sur le long terme des décisions prises par le législateur pouvant porter gravement atteinte à l’environnement et, donc, à la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins ». La consécration formelle d’« un droit des générations futures » constituait sûrement un saut jurisprudentiel trop élevé. Lors des travaux préparatoires, ont été rejetés des amendements à l’article 1er et au septième considérant aux fins de reconnaitre un tel droit. Il aurait été difficile de justifier que de l’interprétation à l’unisson de ces deux dispositions naisse une telle exigence, là où le constituant a refusé qu’elle siège dans chacune d’elles. Malgré toutes les précautions prises par les sages, le Conseil d’Etat associera tout de même la décision n°2023-1066 QPC du 27 octobre 2023 au « droit des générations futures de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé »[137].

Bien que le Conseil constitutionnel n’ait pas parachevé « cette construction jurisprudentielle » qui l’avait conduit, en 2022 selon Me Texier, à « poser les premiers jalons d’un droit pour chaque génération présente et future de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé »[138], sa réponse n’en comble pas moins les attentes des justiciables. Certes, la consécration d’un nouveau droit semble porter une charge symbolique plus grande que la promotion de toute autre nouvelle exigence constitutionnelle. C’est l’un des enseignements à tirer du débat suscité par la dernière révision constitutionnelle[139]. Cette novation constitutionnelle n’en reste pas moins parée d’une certaine majesté. Ce devoir de « veiller à ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins » s’accompagne d’une nouvelle liberté. Il ne se contente donc pas de faire référence à une simple « obligation » constitutionnelle, comme ce fut le cas, en 2011, avec « l’obligation de vigilance à l’égard des atteintes à l’environnement qui pourraient résulter de son activité », bien que cette dernière est parée d’un effet horizontal dont est démuni le devoir découvert en 2024[140]. De plus, les catégories conceptuelles sont poreuses. D’une part, la distinction entre droit et devoir est à relativiser, d’autant plus lorsqu’est en jeu la Charte de 2004. Le Conseil constitutionnel a ainsi inclus dans le périmètre des « droits et libertés que la Constitution garantit », les articles 2 à 4 formulés sous la forme de « devoirs ». D’autre part, la distinction entre droit et liberté n’est pas toujours décisive. A l’occasion de son Avis sur le projet de loi constitutionnel relatif à la liberté de recourir à l’IVG, « le Conseil d’Etat considère que la consécration d’un droit (…) n’aurait pas une portée différente de la proclamation d’une liberté (…) au vu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui ne retient pas, en la matière une acception différente des termes de droit et liberté »[141]. Cette liberté nouvellement reconnue est donc loin de revêtir les traits d’un lot de consolation. Elle dépasse même les attentes des justiciables qui s’étaient cantonnées à la dimension temporelle du septième alinéa. La référence à la liberté de choix « des autres peuples » met en évidence la dimension spatiale du dernier considérant qui avait été gommée dans la décision du 12 août 2022[142]. Or, les sages ont déjà développé la portée extraterritoriale d’une exigence constitutionnelle issue du même préambule. Du 3e alinéa qui définit l’environnement comme « le patrimoine commun des êtres humains », l’OVC de protection de l’environnement s’est vu parer d’« une portée universelle, dont s’infère la possibilité pour le législateur de promouvoir cette protection dans le monde entier »[143]. Il offre ainsi une justification aux limitations apportées par les dispositions législatives protectrices de l’environnement aux libertés économiques et aux droits sociaux. Sauf à faire doublon, cette liberté de choix des autres peuples a vocation à servir de « glaive » plutôt que de « bouclier ». Elle est en proie de devenir le fondement à un futur grief dirigé contre des dispositions législatives qui, à l’étranger, portent atteinte à l’environnement. En dégageant le pendant de l’OVC de protection de l’environnement, la liberté de choix des autres peuples parachève une autre construction jurisprudentielle débutée cette fois-ci, non en 2022, mais en 2020.

b. La portée de l’innovation

Les attentes des justiciables ne sont pas, au fond, si démesurées. Par la voix de Me Texier, ils veulent surtout « un encadrement concret de l’action du législateur, cantonnée ici au domaine environnemental afin que ses interventions assurent la sauvegarde des générations futures »[144]. Plus exactement, ils souhaitent que le Conseil constitutionnel vérifie que « la loi entoure de garanties suffisantes la protection des générations futures »[145], sans pour autant qu’il exerce sur les fondements des articles 1 à 4 un « contrôle (…) différent »[146] de son habitude. C’est ce vœu simple à exaucer que le Conseil constitutionnel s’est attaché de réaliser. Il ne contrôle curieusement pas les dispositions de l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement à l’aune des deux innovations constitutionnelles qu’il vient de découvrir. Autrement dit, les sages ne vérifient pas de manière autonome si les dispositions législatives qui ont « des effets sur le long terme »[147] dans le domaine environnemental sont conformes tant à la liberté de choix des générations futures et des autres peuples que du devoir incombant au législateur de veiller à la préserver. A peine ces exigences sont-elles mises au jour, qu’elles sont aussitôt oubliées pour l’exercice du contrôle des mesures législatives contestées. Elles ne sont pas pour autant inutiles. De la découverte de « ces normes », il en « déduit » que « le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé impose que soient pris en considération les effets sur le long terme des décisions prises par le législateur pouvant porter gravement atteinte à l’environnement »[148]. Mais ces deux innovations constitutionnelles ont paradoxalement pour conséquence d’ouvrir un contrôle classique des garanties légales de l’article 1er de la Charte comme le rappelle, dans le paragraphe 7, la formule reprise depuis 2020 selon laquelle : « Les limitations apportées par le législateur à l’exercice du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé doivent être liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi ». « Donner à l’article 1er son plein effet pour l’avenir »[149] comme les justiciables le lui réclamaient n’a alors pas conduit le Conseil constitutionnel à opérer un contrôle révolutionnaire. Pour porter son regard vers un horizon plus lointain, il lui a juste suffi, semble-t-il, d’étendre – sans fixer de limite temporelle haute – le champ d’application de son contrôle lorsqu’il examine des dispositions législatives contestées au regard du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. Cette évolution a minima qui s’est seulement attachée « à expliciter la portée de l’article 1er de la Charte de l’environnement, éclairé par son préambule, au regard de la protection de la protection des générations futures »[150], n’a donc impliqué ni de créer une nouvelle « ardente obligation de résultat »[151], ni de désigner de nouveaux titulaires à ce droit, ni de renforcer l’intensité de son contrôle aux fins que les atteintes qui lui sont portées passent dorénavant l’épreuve du triple test de nécessité, d’adaptation et de proportionnalité à l’objectif poursuivi.

– L’accès restreint au contrôle

Ce contrôle des garanties légales n’est toutefois pas si classique. Il est assorti de spécificités qui en réduisent la portée. Les premières relatives à son accès sont explicites et proposées curieusement par les justiciables. « Devant la menace d’un engorgement (…) en cas d’ouverture trop importante », Me Texier invitait les sages à « déterminer un seuil de déclenchement de la prise en compte particulière de l’intérêt des générations futures »[152]. Sur le modèle de la jurisprudence allemande, il préconisait de fixer une « double condition »[153] : une disposition législative portant une atteinte à la fois « grave et irréversible »[154] à l’environnement. Le Conseil constitutionnel a partiellement suivi cette proposition. Il a choisi de subordonner l’application du contrôle de l’article 1er éclairé par l’alinéa 7 aux mesures législatives « susceptibles de porter une atteinte grave et durable à l’environnement ». La formulation avancée par le représentant de l’association Meuse nature environnement avait pourtant l’avantage de rappeler les critères cumulatifs qui conditionnent l’application du principe de précaution pour lequel le Conseil d’Etat a déjà reconnu « qu’il implique un arbitrage entre les préoccupations d’aujourd’hui et le souci de l’intérêt des générations futures »[155]. Les sages ne l’ont pas totalement écartée.

A été conservé le caractère de « gravité » du dommage environnemental. L’applicabilité de l’article 1er éclairé par le 7e alinéa diffère donc formellement de celle de l’article 1er pris isolément. En effet, le Conseil constitutionnel se contente de subordonner son application à une disposition législative « susceptible d’avoir des conséquences sur l’environnement »[156] ou « susceptible de porter atteinte à l’environnement »[157]. Cette approche libérale est néanmoins à tempérer. Bien qu’il ne soit pas clairement précisé, un degré minimum de gravité est requis à l’atteinte ou au risque d’atteinte à l’environnement. L’idée d’un tel seuil transparaît lorsque les sages déclarent « qu’eu égard à l’objet et à la portée des dispositions contestées, l’arrachage de végétaux qu’elles prévoient est insusceptible d’avoir des conséquences sur l’environnement »[158] ou encore qu’au « regard de son objet et de ses effets » l’installation et la mise en service d’un terminal méthanier flottant[159] ou d’une décision de prolongation d’une concession minière[160] est susceptible de porter atteinte à l’environnement. Le procédé n’est donc pas nouveau pour le juge constitutionnel. Il est déjà habitué à vérifier la gravité du dommage environnemental préalablement au contrôle du droit à un environnement équilibré et respectueux de la santé. La spécificité réside alors dans l’exigence d’un seuil plus élevé, et non dans le seuil lui-même, pour déclencher le contrôle de l’article 1er éclairé par l’alinéa 7. Il ne devrait pas pour autant constituer un obstacle dirimant à sa mise en œuvre. Du moins, son appréciation n’a jamais justifié l’inapplication du principe de précaution dans la jurisprudence constitutionnelle.

En revanche, a été écarté le caractère « irréversible » du dommage environnemental. Pour la rapporteure Nathalie Kosciusko-Morizet, c’est pourtant « la prise en compte du caractère irréversible des dommages [qui] est liée à la sauvegarde des intérêts des générations futures »[161]. Ce rejet est d’autant plus étonnant que « l’idée de réversibilité se trouvait au cœur du texte législatif critiqué et de la question posée : les requérants soutenaient en effet que  « ne pas garantir la réversibilité du stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs au-delà [de 100 ans fait] obstacle à ce que les générations futures puissent revenir sur ce choix alors que l’atteinte irrémédiable à l’environnement, et en particulier à la ressource en eau, qui en résulterait pourrait compromettre leur capacité à satisfaire leurs besoins »[162]. Mais le Conseil constitutionnel a préféré subordonner l’application du contrôle de l’article 1er éclairé par l’alinéa 7 à une disposition législative portant une atteinte « durable » à l’environnement. Ce choix surprenant se révèle finalement judicieux pour une triple raison. Tout d’abord, le Conseil constitutionnel fait nécessairement allusion au « développement durable » cité à l’alinéa 7 du préambule et à l’article 6 de la Charte. En outre, les travaux préparatoires ont tissé ce lien entre « générations futures » et « développement durable ». La Commission Coppens a ainsi affirmé que « la responsabilité (…) morale et politique » du peuple français envers les générations futures « conduit au choix affirmé du développement durable »[163]. « La Charte (…) établit les fondements des approches de l’environnement que nous jugeons nécessaires pour préserver les intérêts des générations futures, dans la ligne de la définition que donne actuellement le code de l’environnement du développement durable »[164]. La rapporteure Nathalie Kosciusko-Morizet ira jusqu’à reconnaître, au sujet de la rédaction du dernier alinéa du Préambule, qu’il s’agit « de préserver la liberté des générations à venir par des choix politiques assurant un développement durable »[165]. Sur le fondement de l’article 6 de la Charte, les députés ont même tenté, en vain, d’invoquer, un « principe de durabilité des politiques publiques »[166] à l’encontre de l’article 1er de la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte qui réduit la part du nucléaire dans la production de l’électricité de 50% à l’horizon 2025. Plus récemment, ils mobilisaient « un droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé pour les générations futures »[167] sur le fondement des articles 1er et 6 de la Charte.  En se référant ainsi au terme « durable », le Conseil constitutionnel parvient à ne pas mettre totalement hors-jeu la notion de « développement durable » dans la mise en œuvre de ce contrôle déduit de la liberté de choix des générations futures et des autres peuples et du devoir incombant au législateur de veiller à la préserver. Ensuite, le choix de privilégier « durable » à « irréversible » facilite l’ouverture de ce contrôle, ce qui constitue nécessairement un avantage pour les requérants qui souhaiteraient, sur le fondement des articles 61 et 61-1 de la Constitution, contester des dispositions législatives aux effets nuisibles à l’environnement sur le long terme. En élevant modérément le seuil de son déclenchement, le Conseil constitutionnel se prémunit contre le risque qu’il ne soit jamais sollicité. Il n’est d’ailleurs pas illusoire. Il suffit de regarder l’obligation à laquelle chacun est tenu de vigilance des atteintes à l’environnement qui pourrait résulter de son activité. Créée en 2011, cette première innovation normative est restée longtemps inutilisée. Il a fallu attendre 2017[168] pour qu’elle soit à nouveau mobilisée dans la jurisprudence constitutionnelle. Ce « choix compréhensif »[169] pourrait paraître toutefois inadapté au regard du passé commun[170] tant juridictionnel que doctrinal entre les notions d’« irréversibilité » et de « générations futures ». Mais ce serait oublier que la liberté de choix des générations futures n’est pas la seule à avoir été consacrée. Si « l’introduction de la prise en compte des générations futures appelait le développement de l’aspect temporel de l’atteinte »[171], la liberté de choix des autres peuples ne le recommandait pas nécessairement. Il s’ensuit que le terme « durable », par l’entremise de la notion du « développement durable », correspond davantage au champ couvert par chacune des deux libertés nouvellement découvertes, comme l’a explicité la Commission Coppens : « le développement durable marque une double évolution des approches traditionnelles de l’environnement : l’élargissement de la perspective environnementale au niveau planétaire et la prise en compte du long terme »[172]. En outre, le choix de l’« irréversibilité » n’aurait pas été des plus judicieux au regard de la décision du 12 août 2022. Si le Conseil constitutionnel avait fixé un tel seuil à l’époque, il aurait dû déclarer inopérant le grief dirigé contre ce dispositif législatif provisoire qui autorisait exceptionnellement des restrictions à l’exercice des droits environnementaux en cas de crise énergétique. Enfin, subordonner l’exercice de ce contrôle à la contestation d’une disposition législative portant une atteinte grave et durable à l’environnement évite au Conseil constitutionnel de répondre à la question épineuse de la définition de « générations futures ». Me Texier confirmait la nature « attrape-tout »[173] de cette notion au regard des fluctuations constatées dans sa plaidoirie : tantôt les générations futures ne visaient que « les personnes non encore nées » ; tantôt elles étaient entendues comme « toute génération de personnes qui n’est pas en mesure de décider par elle-même de son propre sort : nos enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants, qu’ils soient nés ou à naître »[174]. Ici les travaux préparatoires ne sont pas d’un grand secours. La Commission Coppens n’avait pas été très dissert sur le sujet : « les mots « générations futures » ont un sens plus large que les descendants au sens héréditaire. Ils s’étendent aux générations à venir sur un territoire donné, et aux peuples qui partagent les mêmes ressources »[175]. Certes, l’appréciation de la durabilité de l’atteinte à l’environnement ne manquera d’interroger, par ricochet, cette notion. Le cas se présentera particulièrement lorsque le Conseil constitutionnel déclarera inopérant le grief tiré de l’article 1er de la Charte éclairé par l’alinéa 7 au motif que la disposition législative contestée n’est pas susceptible d’avoir des conséquences durables sur l’environnement. Mais le Conseil constitutionnel échappera à la délicate entreprise de leur fixer une « définition académique »[176] qui s’exposerait au double « risque de l’arbitraire, de la dénaturation »[177] et de la comparaison avec celles établies par les autres juridictions internationales, européennes ou constitutionnelles. L’appréciation de ce seuil n’a d’ailleurs pas donné lieu à des développements substantiels. Quand bien même les dispositions contestées ne posent pas le principe même de stocker les déchets radioactifs dans une installation souterraine[178], elles le permettent en organisant le régime de réversibilité du stockage en couche géologique profonde de déchets nucléaires. « Au regard de la dangerosité et de la durée de vie de ces déchets », le Conseil constitutionnel en déduit qu’elles sont « susceptibles de porter une atteinte grave et durable à l’environnement »[179]. A examiner sa jurisprudence passée sur l’applicabilité de la Charte, il est à craindre que la motivation reste toujours aussi brève.

– L’intensité faible du contrôle

A l’inverse des premières spécificités relatives aux conditions d’accès au contrôle de l’article 1er éclairé par l’alinéa 7, les secondes ne sont pas clairement fixées. Elles portent sur son intensité. Le Conseil constitutionnel résonne ici en deux temps. Dans le premier, il déduit des deux innovations constitutionnelles la mise en œuvre d’un contrôle classique des garanties légales de l’article 1er de la Charte. Conformément à la grille de lecture appliquée depuis la décision du 10 décembre 2020 au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, les limites législatives qui lui sont apportées doivent être « liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi »[180]. Le maintien affiché d’une telle intensité n’allait pas nécessairement de soi. Lorsque l’article 1er de la Charte est combiné avec les articles 2 ou 3, le contrôle qui en résulte est de plus faible intensité[181]. Parmi les cas où l’article 1er est associé à d’autres dispositions de la Charte, l’alinéa 7 parait donc faire figure d’exception. Mais après avoir jugé – sans surprise – que le législateur a poursuivi les OVC de protection de l’environnement et de protection de la santé en adoptant les dispositions de l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement, les sages affirment, dans un second temps, ne pouvoir se livrer qu’à un contrôle restreint. Ils emploient une de leur formule devenue habituelle selon laquelle : « Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de rechercher si les objectifs que s’est assignés le législateur auraient pu être atteints par d’autres voies, dès lors que les modalités retenues par la loi ne sont pas, en l’état des connaissances scientifiques et techniques, manifestement inappropriées à ces objectifs »[182]. L’abaissement de l’intensité du contrôle exercé est présenté comme ponctuel. Il « s’explique par la référence à « l’état de connaissances scientifiques et techniques » »[183]. Mais pourrait-il en être autrement au regard de la nature du contentieux ouvert par l’interprétation de l’article 1er à la lumière de l’alinéa 7 ? L’appréciation de la constitutionnalité de dispositions législatives aux effets nuisibles à l’environnement sur le long terme pourrait conduire le juge constitutionnel à solliciter systématiquement son « totem anti-gouvernement des juges »[184]. Autrement dit, le risque auquel s’expose ce contrôle consiste en la récurrence de son caractère restreint. Le « cadre constitutionnel » dessiné par le Conseil constitutionnel serait en décalage avec la réalité contentieuse, le contrôle des garanties légales ne servant alors que de façade pour légitimer son office.

Le seuil du déclenchement de ce contrôle est également source de difficulté quant aux modalités de son exercice. Pour s’assurer de la proportionnalité des atteintes, le Conseil tient compte habituellement de différents paramètres : le champ matériel et temporel de la mesure législative, les « garanties à la fois procédurale et substantielle »[185] qu’elle présente, voire des conditions d’utilisation des produits qu’elle encadre. Dans les décisions des 10 décembre 2020[186] et 11 août 2022[187], le caractère dérogatoire ou provisoire de l’atteinte au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé avait été déterminant pour ne pas déclarer inconstitutionnelles les dispositions législatives examinées. Dans les décisions des 10 décembre 2020 et 13 mai 2022, le caractère circonscrit de l’atteinte au droit tiré de l’article 1er de la Charte avait également été décisif pour prononcer une déclaration de conformité. Or, si les dispositions législatives examinées portent, par principe, une atteinte grave et durable à l’environnement, le Conseil constitutionnel pourra difficilement s’appuyer sur le champ matériel et temporel de la mesure législative pour écarter le grief tiré de l’article 1er éclairé par l’alinéa 7. Par un jeu de vases communicants, l’attention accordée aux garanties procédurales devrait s’en trouver revalorisée. La décision du 27 octobre 2023 ne dément pas cette analyse. Hormis la vérification liminaire de la durabilité et de la gravité de l’atteinte nécessaire au déclenchement de son contrôle, les sages ne s’intéressent pas « outre mesure aux effets potentiels et à long terme de la loi »[188]. C’est la raison pour laquelle certains voient dans « l’argument des « générations futures », une nouvelle forme de consolidation constitutionnelle des régressions en matière environnementale. Ces régressions peuvent ne plus être des « dérogations » justifiée par une « menace » »[189] temporaire et exceptionnelle. Amputé de plusieurs paramètres, le contrôle tronqué du Conseil constitutionnel se concentre logiquement sur « l’existence de garanties procédurales suffisantes »[190] censées, selon l’article L. 542-1 du code de l’environnement assurer, d’une part, que la gestion des déchets radioactifs respecte la protection de la santé des personnes, de la sécurité et de l’environnement et, d’autre part, que la mise en œuvre des moyens nécessaires à la mise en sécurité définitive des déchets radioactifs prévienne ou limite les charges qui seront supportées par les générations futures.  Le juge constitutionnel se contente ainsi de recenser, parmi les dispositions de l’article L. 542-10-1, les trois séries de « garanties propres à assurer le respect de ces exigences ». La première intéresse l’exploitation d’un centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs. Elle réside principalement dans le principe de réversibilité qui implique les exigences de récupérabilité des colis de déchets pour au moins un certain temps, de progressivité et d’adaptabilité aux fins que puissent être pris en compte les retours d’expériences et les avancées scientifiques ou autres changements de politique énergétique[191]. Il est également rappelé l’aménagement d’une participation constante des citoyens tout au long de l’activité de ce centre sous l’égide de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs. La deuxième série de garanties intéresse les conditions procédurales de création d’un tel centre et d’autorisations de mise en service. Elles ont vocation à assurer que les générations présentes ont fait mûrement le choix de procéder à un « stockage réversible en couche géologique profonde » pour gérer à long terme des déchets de moyenne et haute activité qui demeurent radioactifs pendant plusieurs dizaines de milliers d’années. La troisième concerne les conditions de sa fermeture définitive, sachant que la durée minimale durant laquelle la réversibilité doit être assurée ne peut être inférieure à cent ans. A ce titre, il est rappelé que « seule une loi » peut l’autoriser, ce qui sous-entend une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel, à supposer que cette institution ait perduré tout comme la Ve République, dans une version optimiste de l’histoire constitutionnelle française. De cet ultime garde-fou législatif, les sages peuvent prétendre que les générations présentes, à savoir le législateur actuel, ont préservé la liberté de choix des générations futures, ou plutôt de toutes les générations futures jusqu’à celle qui sera en charge de décider, après un siècle au moins d’activité de l’installation souterraine, de sa fermeture. « Compte-tenu des garanties mentionnées » à l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement et sans qu’il soit nécessaire de les assortir d’une réserve d’interprétation, le Conseil constitutionnel conclut alors au respect des « exigences de l’article 1er de la Charte de l’environnement tel qu’interprété à la lumière du septième alinéa de son préambule ». Il ne prend aucunement en considération que la réversibilité est « en réalité toute relative puisqu’elle n’est envisagée que pour quelques générations »[192]. Les générations postérieures à celle qui votera la loi autorisant la fermeture du centre de stockage n’auront plus le choix de récupérer les colis de déchets radioactifs. Et même pendant la durée de son exploitation, « la possibilité effective de récupérer les colis stockés n’est pas garantie (…) dans les faits »[193]. Une déformation des galeries ou un accident n’est pas à exclure[194]. Au final, si l’article 1er de la Charte éclairé par l’alinéa 7 de son préambule conduit le Conseil constitutionnel à porter son regard vers un horizon plus lointain, il est regrettable que les caractères restreint et abstrait de son contrôle participent à lui poser des œillères qui lui occultent une partie de la vue. Dans son célèbre discours d’Avranches dans lequel était confirmée l’intention d’adosser à la Constitution une Charte de l’environnement s’il venait à être réélu, Jacques Chirac fixait également « l’objectif (…) de ne léguer aux générations futures que le minimum possible de plutonium et de déchets radioactifs actifs à vie longue ». Près de vingt ans après sa promulgation, il est toujours possible de douter en dépit de toutes les évolutions qu’il a connues que le premier des droits de cette Déclaration environnementale du XXIe siècle parvienne à l’atteindre.

B. Cannibalisation

Lors des travaux préparatoires, la rapporteure Nathalie Kosciusko-Morizet « a regretté (…) que le principe de précaution cannibalise le débat »[195] qui s’est déroulé au sein des assemblées parlementaires. Le droit à un environnement équilibré et respectueux de la santé est aujourd’hui à l’origine de ce phénomène de « cannibalisation » dans la jurisprudence constitutionnelle. La focalisation excessive des sages sur ce grief nuit au développement des autres exigences constitutionnelles. 

Les décisions des 9 mars[196] et 21 juin 2023 en sont de parfaites illustrations. Dans la première, le Conseil constitutionnel écarte les griefs liés à l’article 1er de la Charte et en déduit par la suite la licéité de l’article 19 de la Loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables à toute une liste non exhaustive d’exigences constitutionnelles sans s’appesantir sur chacune d’elles. Dans la seconde décision, le même procédé est réitéré à de très nombreuses reprises. Le grief tiré de l’article 1er de la Charte était dirigé à l’encontre de six dispositions de la Loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes[197]. Par trois fois[198], le Conseil constitutionnel l’a rejeté au motif que l’atteinte législative était proportionnée à l’objectif poursuivi après avoir préalablement constaté qu’elle était justifiée par des exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts de la Nation et par l’OVC de protection de l’environnement. Par deux fois[199], il écarte le grief fondé sur l’article 1er au motif que les saisissants se méprennent sur l’objet et l’effet de la disposition législative qu’ils contestent. Et à chaque reprise, les sages en déduisent la conformité de ces cinq dispositions législatives à d’autres exigences constitutionnelles sans aucunement les apprécier. Il s’est ainsi contenté, en l’espèce de citer trois fois les articles 2 et 6 de la Charte, deux fois les articles 3 et 5, et une fois le droit à un recours juridictionnel effectif. Seule la contestation du paragraphe I de l’article L. 593-7 du code de l’environnement fait ici exception. Tous les griefs fondés sur la Charte sont écartés en bloc, y compris celui fondé sur l’article 1er, sans faire l’objet d’un quelconque examen. « Les conditions dans lesquelles la conformité à la Constitution de ces dispositions peut être utilement contestée ne sont (…) pas réunies », faute de satisfaire à la « jurisprudence néo-calédonienne »[200]. Le Conseil constitutionnel estime que les dispositions de l’article 20 ni ne modifient les dispositions déjà promulguées du paragraphe I de l’article L. 593-7 du code de l’environnement, ni ne les complètent, ni n’en affectent le domaine d’application.

Hormis cette exception, l’emploi de ce procédé dans ces deux décisions conduit à brouiller les contours du droit à un environnement équilibré et respectueux de la santé. Ils se trouvent alors entourés d’un certain flou tant il est difficile, voire impossible de concevoir qu’il puisse embrasser à lui-seul toutes ces exigences constitutionnelles écartées, à savoir les articles 2, 3, 5 et 6 de la Charte de l’environnement mais également « le droit à un procès équitable » et « le droit à un recours juridictionnel effectif », ainsi que toute « autre exigence constitutionnelle ».

La liste établie suscite déjà la perplexité. Son hétérogénéité tout d’abord. Parmi les exigences rejetées en bloc, certaines puisent leur source au-delà de la Charte de 2004. Le lien avec le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé n’est donc pas évident, sinon maladroit. Son incomplétude ensuite. Ce défaut porte sur les dispositions citées de la Charte : il n’est fait aucune mention du préambule dans la décision du 9 mars 2023. Pourtant, les députés LR invoquent la méconnaissance de son 5e alinéa où figure la référence à la « diversité biologique ». Cet oubli est regrettable. Il met en doute la rigueur du contrôle opéré sur l’article 19, d’autant plus que le Conseil cible le préambule lorsqu’il apprécie les griefs dirigés contre l’ensemble de la loi. Il empêche surtout de se prononcer sur la question de savoir si chacun de ses alinéas est une norme constitutionnelle invocable dans le cadre du contrôle de constitutionnalité a priori. Il aurait été pourtant opportun de lever cette inconnue pour mettre un terme ou encourager la pratique des saisissants consistant à invoquer à l’encontre de dispositions législatives un alinéa du Préambule sans le rattacher à un article de son corps[201]. Il n’est pas fait non plus référence explicitement à l’obligation de vigilance environnementale qui résulte de la combinaison des deux premiers articles de la Charte. Certes, la catégorie fourre-tout de toute « autre exigence constitutionnelle » se prête à l’accueillir mais c’est alors la complétude de la liste des dispositions de la Charte qui est mise à mal. De même, les députés mobilisaient dans leur saisine à l’origine de la décision du 21 juin 2023 « un droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé pour les générations futures »[202] sur le fondement des articles 1er et 6 de la Charte. Le Conseil constitutionnel se contente d’y faire une allusion timide lorsqu’il restitue leurs prétentions : « Selon eux, le législateur aurait ainsi retenue une durée d’application manifestement inadéquate au regard de l’objectif d’accélération de la transition énergétique et n’aurait pas préservé la faculté pour les générations futures de modifier les conditions de production de l’électricité décarbonée. Il en résulterait une méconnaissance des exigences découlant des articles 1er et 6 de la Charte de l’environnement »[203]. Or, les sages n’examineront jamais la combinaison de ces deux dispositions. Le Conseil appréciera de manière isolée le grief tiré de l’article 1er de la Charte et en déduira le rejet du principe de conciliation sans faire aucunement référence, dans les deux cas, aux « générations futures ».

Quand bien même la liste des exigences constitutionnelles rejetées en bloc serait restreinte à celles issues de la Charte de 2004 et fidèles à celles invoquées, le procédé n’en demeure pas moins inadéquat. En occultant le contrôle des autres griefs pour ne se concentrer que sur le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, le Conseil constitutionnel le valorise en le mettant sur un piédestal – ce qui n’entre pas nécessairement en contradiction avec l’intention du constituant de 2005 – mais tend à appauvrir le reste de la Charte. Le Conseil d’Etat participe également à ce phénomène de « cannibalisation » en désignant improprement l’article 1er comme le siège du « principe de préservation de l’environnement »[204]. L’impression est alors donnée que l’article 1er devient l’arbre qui cache la forêt, voire tout bonnement qu’il est cette forêt.

Or, ce nivellement, sinon ce rétrécissement, ne rend pas compte de la diversité normative au sein de la Charte. A ce titre, toutes les dispositions de la Charte ne répondent pas aux mêmes conditions d’applicabilité[205]. C’est le cas justement du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, à en croire le Commentaire sur la décision n°2022-991 QPC du 13 mai 2022. Ce dernier a insisté sur l’exigence d’un lien, même faible, entre l’atteinte environnementale et l’homme. L’examen du grief tiré de l’article 1er de la Charte serait suspendu à la double condition que les dispositions législatives contestées soient « susceptibles de nuire à l’environnement et d’engendrer indirectement des conséquences néfastes pour l’homme »[206]. Pour autant, la jurisprudence constitutionnelle semble plus libérale que la jurisprudence européenne[207] en ce domaine. Sa nature anthropocentrée ne rejaillit pas avec évidence des décisions du Conseil constitutionnel. Il est même mis dans l’ombre lorsque le Conseil d’Etat identifie l’article 1er de la Charte comme le fondement général d’un « principe de préservation de l’environnement »[208], en dépit de la formulation de son article 2 qui dispose que « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement ».

Parmi les dispositions citées de la Charte, l’article 5 est aussi à isoler des autres. Son champ d’application est des plus réduit en raison de l’exigence d’un risque incertain de dommage grave et irréversible à l’environnement. A titre d’exemple, le Conseil constitutionnel a examiné, à l’aune de l’article 1er de la Charte éclairé par son alinéa 7, la constitutionnalité de l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement qui concerne aujourd’hui uniquement le projet Cigéo sur la commune de Burre. Saisi du recours dirigé contre la déclaration d’utilité publique de ce projet, le Conseil d’Etat écarte pour inopérance le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution : « Identifiés (…) les risques invoqués (…) ne sont pas (…) au nombre de ceux (…) présentant des incertitudes quant à leur réalité et à leur portée en l’état des connaissances scientifiques »[209]. Mais aussi, son applicabilité est, depuis 2013[210], exceptionnellement et curieusement[211] subordonnée au caractère provisoire de la disposition législative contestée. Il s’ensuit que ce grief dirigé contre l’article 19 de la Loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables aurait dû être rejeté pour inopérance, en raison du caractère pérenne de la disposition législative. Or, la formulation retenue est ambiguë. La rédaction laisse supposer que le Conseil a examiné préalablement ce grief pour ensuite l’écarter. Dans ce flou s’introduit donc le doute d’un revirement jurisprudentiel. Il prend un peu plus corps avec l’examen de l’article 56 qui prévoit qu’un document établit, pour chaque façade maritime, une cartographie des zones maritimes et terrestres prioritaires pour l’implantation d’installations de production d’énergies renouvelables en mer à partir du vent. Le caractère pérenne de ces dispositions législatives est une nouvelle fois tu. Le grief tiré de la méconnaissance du principe de précaution est alors écarté au motif qu’elles « n’ont ni pour objet ni pour effet de déterminer les règles d’implantation des éoliennes ou d’en autoriser l’implantation ». Il en est de même de contrôle exercé sur les articles 12 et 14 de la Loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes. Après avoir apprécié isolément le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, les sages rejettent en bloc les griefs tirés tantôt des articles 2, 5 et 6, tantôt des articles 2, 3, et 5 sans ne jamais préciser le caractère provisoire ou pérenne des dispositions législatives qui lui sont soumises. Le Conseil gagnerait assurément à sortir de ce flou, peu importe d’ailleurs qu’il maintienne ou revienne sur sa jurisprudence relative à l’applicabilité du principe de précaution. En outre, prioriser le contrôle de l’article 1er sur celui de l’article 5 trahit l’argumentaire développés par les députés à l’encontre de l’article 12[212]. De la méconnaissance du principe de précaution, ils en faisaient découler la violation de nombreuses exigences constitutionnelles environnementales, dont les articles 1, 2 et 3. Donc quitte à privilégier le contrôle de l’une des dispositions de la Charte, le choix aurait dû se porter sur l’article 5, et non sur l’article 1er. Il est regrettable que le Conseil constitutionnel ne saisisse pas ces opportunités de substantialiser les devoirs et principes énoncés aux articles 2 à 6 de la Charte, surtout lorsque la disposition législative contestée n’est pas invalidée sur le fondement commode d’un vice de procédure[213]. L’utilité d’un tel enrichissement ne serait pas inutile. Les zones d’ombre levées sur le contrôle du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ont créé un véritable appel d’air auprès des justiciables qui n’hésitent plus désormais à le mobiliser. Il serait ainsi temps « d’exploiter pleinement le potentiel, le réservoir même que constitue la Charte de l’environnement »[214]. En outre, ce phénomène de « cannibalisation » demeure à géométrie variable. Certaines dispositions de la Charte semblent lui opposer une résistance. Lorsqu’est invoqué son article 7, celui-ci donne toujours lieu à un contrôle autonome, comme l’illustre encore une fois la décision du 21 juin 2023 dans laquelle des précisions utiles ont été apportées sur son champ d’application.

III. La récession du principe de participation du public en matière environnementale

L’année 2023 poursuit le lent fléchissement du principe de participation en matière environnementale dans la jurisprudence constitutionnelle. Sa période de « succès inattendu »[215] n’est plus aussi faste qu’auparavant, au point de penser que l’article 7 est désormais rentré dans le rang.

Pourtant, il a été longtemps l’unique « figure de proue »[216] de la Charte de 2004. Sur les 63 décisions qui mentionnent une de ses dispositions, l’article 7 figure à 26 reprises[217], ce qui constitue plus de 40% des décisions adoptées par le Conseil constitutionnel. Il représente également plus de la moitié des QPC rendues au visa de cette déclaration définissant les droits et devoirs environnementaux. Sur les 13 déclarations d’inconstitutionnalité qu’elle a suscitée, 12 ont sanctionné la méconnaissance de l’article 7. Et parmi ces dernières, 11 ont été prononcées sur le fondement du droit de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement. Autrement dit, le droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques fait office de parent pauvre des droits procéduraux[218] constitutionnels en matière environnementale avec une seule censure au compteur, qui plus est, prononcée il y a une quinzaine d’années[219].

Quand bien même aucune autre exigence de la Charte n’égale encore de telles statistiques, celles-ci doivent être relativisées. Depuis 2017, le nombre de décisions qui présentent un grief fondé sur le principe de participation est en nette baisse. Ainsi, entre 2011 et 2016, il est mobilisé dans 17 décisions, tandis qu’entre 2017 et 2023, il ne l’est plus que dans 7. En 2023, il n’est examiné que dans une seule décision[220]. Cette baisse de l’invocation du principe de précaution est d’autant plus paradoxale que le nombre de décisions rendues sur le fondement de la Charte est en hausse. De plus, la dernière déclaration d’inconstitutionnalité prononcée sur cette disposition constitutionnelle n’est plus très récente, sachant qu’elle remonte à la QPC du 21 mars 2021[221]. Enfin, la « montée en puissance »[222] du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé depuis 2020 conteste sérieusement l’hégémonie du droit à la participation du public en matière environnementale dans le contentieux constitutionnel de la Charte. 2023 confirme donc ce fléchissement jurisprudentiel sans que l’on sache si la source des dispositions législatives méconnaissant ce droit est définitivement vouée à se tarir.

L’un des deux griefs tirés de l’article 7 dans la décision du 21 juin 2023 donnait l’opportunité au Conseil constitutionnel de renouveler son « audace »[223] dans la définition du champ d’application du droit de participer. Après avoir « considéré que l’élaboration des décisions individuelles[224], des actes réglementaires[225] et des décisions d’espèce[226] devait être soumise à la participation »[227], les députés de la NUPES demandaient aux sages d’élargir la notion de « décision publique » aux dispositions législatives. En somme, il s’agit d’imposer l’organisation d’une procédure de participation du public préalablement au vote d’une loi qui a une incidence sur l’environnement aux fins d’éclairer la délibération parlementaire. Il est reproché à l’article 1er de la loi d’être « à l’origine d’un changement fondamental de la politique énergétique nationale » en permettant « un accroissement de la part de l’énergie nucléaire dans la production nationale d’électricité, sans aucune consultation publique préalable »[228].

Cette mobilisation de l’article 7 de la Charte est à resituer dans une stratégie contentieuse plus ambitieuse qui s’attache à contester les conditions dans lesquelles la procédure législative se déroule lorsqu’elle intéresse le domaine environnemental. Dans cette même décision, les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ont été invoquées. Les auteurs de la saisine regrettent, d’une part, d’avoir bénéficié d’informations lacunaires sur la portée des dérogations législatives envisagées ou sur la nature des dispositions discutées et, d’autre part, de n’avoir pu tirer les enseignements de certaines consultations organisées concomitamment par la Commission nationale du débat public. Cette argumentation est restée vaine. Outre les informations jugées suffisantes et justes au regard de la teneur des travaux préparatoires parlementaires, le Conseil constitutionnel répond qu’« il ne résulte d’aucune exigence constitutionnelle ou organique que le dépôt du projet de loi à l’origine du texte déféré puis son examen par le Parlement soient subordonnés à l’achèvement de consultations du public ou à l’adoption de la loi déterminant les objectifs et fixant les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique, prévue par l’article L. 100-1-A du code de l’énergie ». Dans la décision du 9 mars 2023, les saisissants critiquaient les lacunes de l’étude d’impact jointe au Projet de loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables ainsi que l’absence de consultation du Conseil économique, social et environnemental. Ces deux griefs n’ont pas non plus été couronnés de succès : d’une part, la Conférence des présidents n’a été saisie d’aucune demande tendant à constater que les règles relatives aux études d’impact étaient méconnues ; d’autre part, le projet de loi initial n’appartenait pas à la catégorie des projets de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental prévue à l’article 70 de la Constitution, faute de déterminer des objectifs à l’action de l’Etat. En « écho au principe de sincérité dégagé en matière de débat parlementaire ou en matière budgétaire »[229], le principe de participation du public en matière environnemental est curieusement la seule des deux exigences constitutionnelles issues de l’article 7 de la Charte à être invoquée par les députés de la NUPES. Il est regrettable qu’ils n’aient pas également mobilisé le principe d’information du public en matière environnementale. De cet oubli, les sages peuvent concentrer leur motivation sur le seul grief fondé sur le principe de participation.

Sans surprise, le Conseil constitutionnel le rejette. La référence à la démocratie participative avait été « jugée trop audacieuse »[230] dans la version de la Charte présentée par la Commission Coppens. Elle avait été « supprimée pour céder la place à une conception plus délibérative de la participation »[231]. Mais au-delà de cette solution attendue, c’est surtout le motif qui interpelle. N’est pas retenue l’argumentation du Gouvernement selon laquelle « l’article 7 de la Charte de l’environnement ne saurait être regardé comme instituant une obligation de consultation du public en amont du processus législatif, dès lors que le constituant a donné compétence au législateur pour définir lui-même les conditions et les limites des droits garantis par cet article »[232]. Il est, en revanche, justifié par l’étroitesse de la catégorie des « décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement » qui commande l’application du principe de précaution. Plus précisément, le Conseil constitutionnel fonde son refus sur la motivation suivante : « une disposition législative ne constitue pas une décision publique au sens de l’article 7 de la Charte de l’environnement ». Ce n’est pas la première fois que la qualité de « décision publique »[233] est déniée à certains actes, bien qu’il n’était question auparavant que d’actes administratifs. Il n’est pas illogique toutefois que la loi n’entre pas dans cette catégorie, même si le nouveau régime contentieux des ordonnances non ratifiées[234] a déplacé dernièrement les lignes conceptuelles. La terminologie employée dans le Commentaire ouvrait d’ailleurs la porte à une telle revendication[235]. Néanmoins, fonder l’inapplication du principe de participation sur la nature de l’acte et non sur son auteur emporte des conséquences. Toutes les dispositions législatives ne se réduisent à la loi votée par le législateur national. L’article 77 de la Constitution et les articles 99 à 107 de la Loi organique modifié n°99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie habilitent le Congrès à adopter des « lois du pays » qui ont valeur législative[236]. Le grief tiré de l’absence de procédure de participation du public à l’élaboration d’une disposition législative votée par le Congrès de Nouvelle-Calédonie ne saurait donc prospérer devant le Conseil constitutionnel. Cette interprétation restrictive ne contribue pas à démentir le constat selon lequel « la constitutionnalisation des droits procéduraux environnementaux a, pour le moment, eu des effets relativement réduits sur le développement de garanties nouvelles »[237].

En 2023, les sages se sont efforcés de prolonger un peu plus le « Printemps » de la Charte de l’environnement. Ils ont veillé à poser quelques nouvelles pierres jurisprudentielles sur lesquelles ils pourront s’appuyer dans le futur pour développer et enrichir les exigences de la Charte de 2004. Pour autant, la jurisprudence constitutionnelle environnementale se cantonne jusque-là à accompagner, voire à soutenir l’action du législateur en matière environnementale. Elle se garde encore de s’y opposer tant les déclarations d’inconstitutionnalité et les réserves d’interprétation sur le fondement de la Charte se font rares. L’urgence environnementale pourrait réclamer de faire prévaloir les droits et devoirs qu’elle consacre pour faire rempart aux insuffisances du législateur dans la protection de l’environnement. La saison printanière arriverait alors à son terme pour laisser place à la suivante : l’été. Et si la pleine saison estivale apparaît encore loin tant la mue nécessaire à son avènement demeure importante, il faut au moins reconnaître à la présidence Fabius d’avoir su prémunir ce Printemps de gelées tardives.

Florian SAVONITTO

Maître de conférences en droit public

Université Paul-Valéry Montpellier 3 – CERCCLE


[1] V. également Rachel L. Carson, Silent Spring, The Riverside Press Cambridge, 1962, cité in N. Huten, La protection de l’environnement dans la Constitution française, Thèse, dact., Paris Panthéon-Sorbonne, 2011, p. 175.

[2] 1 décision DC et 1 décision L en 2015 ; 2 décisions QPC et 1 décision DC en 2016 ; 1 décisions QPC et 1 décision DC en 2017 ; 2 décisions DC en 2018.

[3] Les décisions rendues sur le fondement de l’article 61 alinéa 1 ont été exclues de ce recensement, sachant que la Charte n’a jamais été opposée à une disposition législative organique.

[4] Dans la décision n°2023-1066 QPC du 27 octobre 2023, le Conseil constitutionnel ne contrôle que le grief fondé sur l’article 1er de la Charte.

[5] 184 décisions DC rendues sur le fondement de l’article 61 alinéa 2 de la Constitution à l’occasion d’un contrôle de lois ordinaires ; 2 décisions DC rendues sur le fondement de l’article 54 de la Constitution ; 963 QPC.

[6] Parmi les 113 décisions, il faut compter 95 décisions L et 18 décisions REF. Dans ce cas, le nombre de décisions atteint un total de 1262, et les décisions se rapportant à la Charte en représentent un peu moins de 5%.

[7] Parmi les 26 décisions DC, il faut compter une décision prise sur le fondement de l’article 54C. A cela s’ajoute la décision CC 2005-31 REF du 24 mars 2005 prise sur le fondement de l’article 60 de la Constitution et 2 décisions prises sur le fondement de l’article 37 alinéa 2 : CC n°2008-211 L du 18 sept. 2008 et CC n°2015-256 L du 21 juill. 2015.

[8] V. le tableau réalisé sur le site du Conseil constitutionnel qui établit le bilan statistique des décisions du Conseil constitutionnel entre 1958 et 2023

[9] Au 1er mars 2015, on compte 6 décisions DC pour 19 QPC.

[10] Du 1er mars 2015 au 28 décembre 2023, on compte 20 décisions DC pour 15 QPC.

[11] 2015 : 1 DC et 0 QPC ; 2016 : 1 DC et 2 QPC ; 2017 : 1 DC et 1 QPC ; 2018 : 2 DC et 0 QPC ; 2019 : 4 DC et 0 QPC ; 2020 : 2 DC et 2 QPC ; 2021 : 3 DC et 3 QPC ; 2022 : 2 DC et 5 QPC ; 2023 : 4 DC et 2 QPC.

[12] Dans la décision CC n°2023-1055 QPC du 16 juin 2023, l’OVC de protection de l’environnement sert à justifier l’atteinte à des droits et libertés constitutionnels extérieurs à la Charte.

[13] Pour un autre ex., CC n°2019-794 DC du 20 déc. 2019.

[14] CC n°2021-825 DC du 13 août 2021.

[15] CC n°2023-848 DC du 9 mars 2023, §52.

[16] CC n°2005-516 DC du 7 juill. 2005 ; CE, 30 janv. 2013, n°363673 ; F. Savonitto, « Les ressources constitutionnelles dans le contentieux administratif climatique », RJE, 2022, n°4, p. 717.

[17] Entretien avec Laurent Fabius, in Rapport d’activité du Conseil constitutionnel en 2023, p. 9.

[18] La décision CC n°2020-809 DC du 10 déc. 2020 a donné lieu à la dernière saisine sénatoriale où figure des griefs tirés de la Charte de 2004.

[19] L. Fabius, « Avant-propos du président. QPC 2020 – Les 10 ans de la question citoyenne », https://qpc360.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/avant-propos-du-president-laurent-fabius

[20] S. Salles, « Constitutionnalisme vert et déchets nucléaires : consécration historique de la liberté de choix des « générations futures » », Gaz. Pal., 2023, n°40, p. 8.

[21] Seule la Loi de finances pour 2024 n’a pas fait l’objet de contributions extérieures de la part des associations dans lesquelles des griefs tirés de la Charte auraient été invoqués.

[22] M. Verpeaux, « La loi comme solution pour résoudre des conflits de normes », AJDA, 2023, p. 1903.

[23] CC n°2021-946 QPC du 19 nov. 2021 est la dernière QPC jugée par le Conseil constitutionnel après renvoi de la Cour de cassation.

[24] Cass. Crim., 9 août 2023, n°23-83.513.

[25] Cass. Crim., 30 mars 2021, n°21-90.002.

[26] F. Savonitto, « Les ressources constitutionnelles dans le contentieux administratif climatique », RJE, 2022, n°4, p. 717.

[27] CE, 13 oct. 2023, Association nationale des élus du littoral et l’association des maires de France, n°464202.

[28] CC n°2020-881 QPC du 5 fév. 2021.

[29] D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun et J. Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel, 12e éd., LGDJ, 2020, p. 213.

[30] Ibid., p. 241.

[31] CE, 2 août 2023, Association Meuse nature environnement, n° 467370.

[32] Cass. n°10-40056, 27 janv. 2011 ; Cass. 5 mai 2014, 13-22608 ; Cass. 10 nov. 2020, n°20-82.245.

[33] CE, 18 juill. 2011, n°340539.

[34] CC n°2009-595 DC du 3 déc. 2009.

[35] CC n°2022-843 DC du 12 août 2022.

[36] CC n°2014-422 QPC du 17 oct. 2014.

[37] CC n°87-237 DC du 30 déc. 1987 ; CC n°2001-453 DC du 18 déc. 2001.

[38] CC n°2018-717/718 QPC du 6 juill. 2018.

[39] CC n°2023-1066 QPC du 27 oct. 2023, §2.

[40] Les articles 8 et 10 n’ont jamais été invoqué devant le Conseil constitutionnel. Le grief tiré de l’article 9 de la Charte a été invoqué une seule fois mais il a été déclaré inopérant : CC n°2018-768 DC du 26 juill. 2018.

[41] Il faut préciser néanmoins qu’en 2019, l’article 4 n’avait pas été invoqué et, en 2021, l’article 6 n’avait pas été sollicité. A noter également que le Préambule et les articles 1 à 7 ont été aussi tous invoqués en 2014.

[42] Entretien avec Laurent Fabius, in Rapport d’activité du Conseil constitutionnel en 2023, p. 7.

[43] Discours du Président du Conseil constitutionnel à l’occasion de la cérémonie de vœux du Président de la République au Conseil constitutionnel, 8 janv. 2024, https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/ceremonie-de-voeux-du-president-de-la-republique-au-conseil-constitutionnel-4

[44] Ibid.

[45] Communiqués de presse des décisions CC n°2019-794 DC du 20 déc. 2019, CC n°2019-823 QPC du 31 janv. 2020, CC n°2020-809 DC du 10 déc. 2020, et CC n°2023-1066 QPC du 27 oct. 2023.

[46] L. Peyen, « Les générations futures et le droit à un environnement équilibré et respectueux de la santé : bénéficiaires, mais non titulaires », JCP ACT, 8 janv. 2024, n°2004.

[47] J. Rochfeld et L. Fonbaustier, « Le Conseil constitutionnel et les intérêts des générations futures », JCP G., 2023, n°49, doctr. 1428.

[48] L. Peyen, « Les générations futures et le droit à un environnement équilibré et respectueux de la santé : bénéficiaires, mais non titulaires », JCP ACT, 8 janv. 2024, n°2004.

[49] S. Salles, « Constitutionnalisme vert et déchets nucléaires : consécration historique de la liberté de choix des « générations futures » », art. cit. ;

[50] E. Gaillard, « Vers la reconnaissance d’un droit des générations futures », EEI, 2023, n°12.

[51] M. Molinier-Dubost, « Droit des générations futures à un environnement équilibré et respectueux de la santé et stockage des déchets radioactifs. La prudente audace du Conseil constitutionnel (observations sur deux oxymores) », AJCT, 2023, p. 35.

[52] D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun et J. Bonnet, « Chronique de jurisprudence constitutionnelle de 2023 », Questions constitutionnelles, 28 fév. 2024, https://questions-constitutionnelles.fr/chronique-de-jurisprudence-constitutionnelle-2023/#Le-nouveau-droit-constitutionnel-des-générations-futures-et-des-autres-peuples

[53] I. Boucobza et P. Rrapi, « Le message du Conseil constitutionnel aux générations futures : à nous la souveraineté énergétique, à vous les déchets nucléaires », Questions constitutionnelles, 12 fév. 2024, https://questions-constitutionnelles.fr/le-message-du-conseil-constitutionnel-aux-generations-futures-a-nous-la-souverainete-energetique-a-vous-les-dechets-nucleaires/

[54] J. Bonnet, « Le potentiel contentieux de la QPC », Lettre d’actualité de la QPC, 2024, n°2, https://qpc360.conseil-constitutionnel.fr/lettre-dactualite-qpc-ndeg2-janvier-2024

[55] M. Heitzmann-Patin, « Besoin des générations futures et des autres peuples : doit-on arrêter le progrès », RFDA, 2023, n°1, p. 1129.

[56] P. Steinmetz, « Les « Sages » feront-ils prévaloir l’environnement sur tout ? », Le Figaro, 31 août 2022, p. 17.

[57] Jean-Eric Schoettl et Noëlle Lenoir, Jean-Claude Magendie, « Les droits des « générations futures » ne doivent pas servir d’arme juridique à un décroissantisme anti-occidental », Le Figaro, 7 fév. 2024.

[58] CC n°2023-1055 QPC du 16 juin 2023.

[59] V. CC 2019-823 QPC du 31 janv. 2020 et CC n°2022-990 QPC du 22 avril 2022. Dans le premier cas, il s’agissait déjà de la liberté d’entreprendre tandis que dans le second, il était question du principe de libre administration des collectivités territoriales.

[60] « Il en résulte que le Conseil, lorsqu’il constate l’existence d’une atteinte à la liberté d’entreprendre, recherche tout d’abord l’existence d’un motif d’intérêt général ou d’un objectif à valeur constitutionnelle de nature à la justifier. Le cas échéant, il lui revient d’apprécier si l’atteinte est proportionnée à l’objectif poursuivi. S’il exerce, en principe, un contrôle restreint de l’absence de disproportion manifeste face à un objectif de valeur constitutionnel, il procède à un contrôle entier face à l’objectif d’intérêt général », Comm. CC n°2023-1055 QPC du 16 juin 2023, p. 5.

[61] CC n°2021-968 QPC du 11 fév. 2022.

[62] CC n°2023-848 DC du 9 mars 2023 et CC n°2023-851 DC du 21 juin 2023.

[63] G. Sutter, « Utilité et limites des OVC sur le plan contentieux », Titre VII, 2022, n°8.

[64] Comm. CC n°2023-1066 QPC du 27 oct. 2023, p. 11.

[65] Ibid.

[66] CC n°2023-848 DC du 9 mars 2023.

[67] CC n°2022-991 QPC du 13 mai 2022.

[68] CC n°2020-809 DC du 10 déc. 2020.

[69] L. Maillart-Méhaignerie, 1ère Séance du 14 déc. 2022, A.N., p. 7091 ; Etude d’impact du Projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, op. cit., p. 36.

[70] Observations du Gouvernement sur la Loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, 21 fév. 2023, p. 7.

[71] G. Sutter, « Utilité et limites des OVC sur le plan contentieux », Titre VII, 2022, n°8.

[72] CC n°2013-666 DC du 11 avril 2013.

[73] Etude d’impact du Projet de loi relatif à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, 31 oct. 2022, NOR : ENEP2223723L/Bleue-1.

[74] CC n°2015-718 DC du 13 août 2015.

[75] M. Molinier-Dubost, « Droit des générations futures à un environnement équilibré et respectueux de la santé et stockage des déchets radioactifs. La prudente audace du Conseil constitutionnel (observations sur deux oxymores) », art. cit.

[76] CC n°2023-1066 QPC du 27 oct. 2023, §2.

[77] D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun et J. Bonnet, « Chronique de jurisprudence constitutionnelle de 2023 », art. cit.

[78] Comm. CC n°2023-1066 QPC du 27 oct. 2023.

[79] M.-A. Cohendet, « La Charte de l’environnement, synthèse des nouveaux droits environnementaux ? », in Droit constitutionnel de l’environnement, M.-A. Cohendet (dir.), Mare & Martin, 2021, p. 253.

[80] P. Gélard, Rapport sur le Projet de loi constitutionnelle (n° 992) relatif à la Charte de l’environnement, AN, n° 352, 16 juin 2004.

[81] Discours de J. Chirac tenu à Orléans le 3 mai 2001, https://www.vie-publique.fr/discours/177646-discours-de-m-jacques-chirac-president-de-la-republique-sur-lenviron

[82] Discours de J. Chirac tenu à Avranches le 18 mars 2002, https://www.vie-publique.fr/discours/130577-declaration-de-m-jacques-chirac-president-de-la-republique-et-candidat

[83] Discours de M. Jacques Chirac tenu à l’UNESCO à Paris, le 7 déc. 1998, pour l’inauguration du colloque « Les droits de l’homme à l’aube du XXIe siècle », à l’occasion du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

[84] Rapport de la Commission Coppens de préparation de la Charte de l’environnement, La Documentation française, 2003, p. 53.

[85] N. Kosciusko-Morizet, Rapport sur le Projet de loi constitutionnelle (n° 992) relatif à la Charte de l’environnement, AN, n° 1595, 12 mai 2004, p. 16.

[86] Ibid., p. 69-70

[87] Ibid., p. 46.

[88] Compte-rendu des débats au Congrès du Parlement, 28 fév. 2005, https://www.assemblee-nationale.fr/12/congres/cri/CRICONGRES-28-02-2005.asp

[89] « Chacun a le devoir de contribuer, dans l’intérêt des générations présentes et futures, à la protection et à l’amélioration de cet environnement, patrimoine naturel et culturel commun et à la préservation de la biodiversité ; (…) Le peuple français reconnaît sa responsabilité envers les générations futures et affirme sa volonté de promouvoir un développement durable fondé sur la solidarité entre les hommes et entre les territoires, qui concilie le développement économique et social avec la préservation des ressources naturelles et la mise en valeur de l’environnement ; »

[90] N. Kosciusko Morizet, Rapport sur le Projet de loi constitutionnelle (n° 992) relatif à la Charte de l’environnement, op. cit., p. 71 ; P. Gélard, Rapport sur le Projet de loi constitutionnelle (n° 992) relatif à la Charte de l’environnement, AN, n° 352, 16 juin 2004.

[91] N. Kosciusko Morizet, Rapport sur le Projet de loi constitutionnelle (n° 992) relatif à la Charte de l’environnement, op. cit., p. 81. 

[92] Amendement présenté par M. Caresche, n°74, 25 mai 2004.

[93] Amendement présenté par M. Caresche, 72 rect., 25 mai 2004.

[94] Communiqué de presse de la décision n°2023-1066 QPC du 27 oct. 2023.

[95] A l’inverse, d’autres décisions se réfèrent explicitement aux travaux préparatoires de la Constitution du 4 octobre 1958 ou d’une loi constitutionnelle. Par ex., CC n°2012-297 QPC du 21 février 2013 ou CC n°2015-712 du 11 juin 2015 ; S. Surin, Les travaux préparatoires dans l’interprétation constitutionnelle. Etude d’une stratégie interprétative du Conseil constitutionnel, L’Harmattan, 2020, 738 p.

[96] L. Gay, « Environnement et changement climatique : le Conseil constitutionnel fait entrer en sc ène les générations futures », RFDC, 2023, p. 461 ; Sur l’historique, v. É. Gaillard, Générations futures et droit privé. Vers un droit des générations futures, LGDJ, « Bibliothèque de droit privé », tome 527, 2011, spéc. p. 139-186.

[97] Pour une référence plus ancienne dans la Constitution de la Nation iroquoise, v. S. Djemni-Wagner, Droit(s) des générations futures, IERDJ, 2023, p. 19.

[98] P. Gélard, Rapport sur le Projet de loi constitutionnelle (n° 992) relatif à la Charte de l’environnement, AN, n° 352, 16 juin 2004.

[99] Selon le recensement opéré par Laurence Gay en janvier 2023, L. Gay, « Environnement et changement climatique : le Conseil constitutionnel fait entrer en scène les générations futures », art. cit.

[100] Voir S. Djemni-Wagner, Droit(s) des générations futures, op. cit., p. 42-54.

[101] Saisine par 60 sénateurs, CC n°2003-480 DC du 31 juill. 2003.

[102] Saisines par 60 députés et par 60 sénateurs, CC n°2005-514 DC du 28 avril 2005.

[103] CC n°2021-825 DC du 13 août 2021 ; la contribution extérieure déposée par l’Association GREENPEACE France l’invoquait également.

[104] Comm. Décision n°2022-843 DC du 12 août 2022, p. 20.

[105] Sur ce point, v. M. Heitzmann-Patin, « Besoin des générations futures et des autres peuples : doit-on arrêter le progrès », art. cit., p. 1129.

[106] Entretien avec Laurent Fabius, in Rapport d’activité du Conseil constitutionnel en 2022, p. 9.

[107] La décision n°2022-843 DC du 12 août est citée parmi « les décisions qui ont marqué l’année 2021-2022 », Rapport d’activité du Conseil constitutionnel en 2022, p. 33 et p. 60-63.

[108] Saisine par au moins 60 députés, CC n°2023-851 DC du 21 juin 2023, p. 15

[109] « Le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) des Nations unies nous alerte sur l’impératif d’actions rapides, structurelles, durables et à grande échelle pour limiter le réchauffement à 2 °C. Cette bataille pour le climat, dans laquelle la France s’est engagée de longue date, est cardinale pour pouvoir léguer une planète vivable aux futures générations. Elle nécessite des mesures adaptées à l’enjeu, alors même que la vague de sécheresse historique de cet été tend à nous montrer que les premiers symptômes du changement climatique sont perceptibles en France. »

[110] Communiqué de presse de la décision CC n°2023-1066 QPC du 27 oct. 2023.

[111] Rapport d’activité du Conseil constitutionnel en 2023, p. 75.

[112] M. Lamoureux, Droit de l’énergie, 2e éd., LGDJ Lextenso, 2022, p. 729.

[113] M. Molinier-Dubost, « Droit des générations futures à un environnement équilibré et respectueux de la santé et stockage des déchets radioactifs. La prudente audace du Conseil constitutionnel (observations sur deux oxymores) », art. cit.

[114] Art. 1er de la Loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 relative aux recherches sur la gestion des déchets radioactifs ; ancien art. L. 542-1 du code de l’environnement.

[115] M. Prieur, « Les déchets radioactifs, une loi de circonstance pour un problème de société », RJE, 1992, p. 19 ; M. Prieur, « L’irréversibilité et la gestion des déchets radioactifs dans la loi du 30 décembre 1991 », RJE, 1991, n° spécial, p. 125.

[116] E. Gaillard, « Vers la reconnaissance d’un droit des générations futures », EEI, 2023, n°12.

[117] M. Prieur, « Les déchets radioactifs, une loi de circonstance pour un problème de société », art. cit., p. 29-31. 

[118] CE, 2 août 2023, Association Meuse nature environnement, n°467370.

[119] Communiqués de presse de la décision CC n°2023-1066 QPC du 27 oct. 2023.

[120] CC n°2023-1066 QPC du 27 oct. 2023.

[121] J. Rochfeld et L. Fonbaustier, « Le Conseil constitutionnel et les intérêts des générations futures », art. cit.

[122] CC n°2011-116 QPC du 8 avr. 2011.

[123] CC n°2019-823 QPC du 31 janv. 2020.

[124] Comm. CC n°2022-843 DC du 12 août 2022, p. 20.

[125] F. Savonitto, « Le Droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », JCP ACT, 2023, n°28, p. 55.

[126] CC n°2021-971 QPC du 18 févr. 2022.

[127] « Les cinq premiers alinéas formulent des constats, les deux derniers énoncent des objectifs », Comm. CC n°2014-394 QPC du 7 mai 2014, p. 7.

[128] J. Rochfeld et L. Fonbaustier, « Le Conseil constitutionnel et les intérêts des générations futures », art. cit.

[129] Le rapporteur Patrice Gélard avait une position plus nuancée sur le Préambule de la Charte : « – Le préambulecomporte sept considérants et énonce principalement des constats ; il présente ainsi un caractère déclaratoire. Cependant, comme l’a rappelé M. Michel Prieur lors de son audition par votre rapporteur, le Conseil constitutionnel pourrait tirer un principe de valeur constitutionnelle de certaines des dispositions du préambule -comme il a, par exemple, dégagé le principe de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine du prologue du préambule de 1946 ».

[130] N. Kosciusko-Morizet, Rapport sur le Projet de loi constitutionnelle (n° 992) relatif à la Charte de l’environnement, AN, n° 1595, 12 mai 2004, p. 16.

[131] J. Rochfeld et L. Fonbaustier, « Le Conseil constitutionnel et les intérêts des générations futures », art. cit.

[132] B. Mathieu, « La Charte et le Conseil constitutionnel : point de vue », RJE, Hors-série, 2005, p. 131

[133] CC n°2021-821 DC du 29 juill. 2021 ; CC n°2021-833 DC du 28 déc. 2021.

[134] CC n°2014-394 QPC du 7 mai 2014.

[135] S. Salles, « Constitutionnalisme vert et déchets nucléaires : consécration historique de la liberté de choix des « générations futures » », art. cit., p. 8.

[136] Comm. CC n°2023-106 QPC du 27 oct. 2023

[137] CE, 1er déc. 2023, Association Meuse nature environnement, n° 467331.

[138] Voir la vidéo sur le site du Conseil constitutionel de la plaidoirie de Me Texier lors de l’audience du 17 oct. 2023.

[139] P. Türk, Constitutionnaliser la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse : franchir le Rubicon », Le Club des juristes, 27 fév. 2024,, https://www.leclubdesjuristes.com/opinion/constitutionnaliser-la-liberte-de-recourir-a-linterruption-volontaire-de-grossesse-franchir-le-rubicon-4951/ ; S. Mouton, « IVG dans la Constitution : pourquoi une « liberté » et non un « droit » ? », Le Club des juristes, 27 fév. 2024, https://www.leclubdesjuristes.com/justice/ivg-dans-la-constitution-pourquoi-une-liberte-et-non-pas-un-droit-4936/

[140] Pour la Commission Coppens, « c’est l’homme lui-même qui doit agir pour une gestion raisonnée des ressources naturelles, chacun selon les responsabilités qui lui sont propres. « Chacun » désigne le plus largement possible les personnes privées et publiques, les individus et les entreprises ». Le 6e paragraphe était ainsi formulé : « Chacun a le devoir de contribuer, dans l’intérêt des générations présentes et futures, à la protection et à l’amélioration de cet environnement, patrimoine naturel et culturel commun et à la préservation de la biodiversité ». Rapport de la Commission Coppens de préparation de la Charte de l’environnement, La Documentation française, 2003, p. 35 et 36. p

[141] CE, Ass., Avis sur le projet de loi constitutionnel relatif à la liberté de recourir à l’interruption volontaire de grossesse, 7 déc. 2023, n°407667.

[142] F. Savonitto, « Contrôle des dispositions relatives à sécurité d’approvisionnement en gaz et en électricité : le Conseil constitutionnel souffle le chaud et le froid, CC n°2022-843 DC, Loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, 12 août 2022 », La Semaine Juridique. Administrations et Collectivités territoriales, 2022, n°45, n°2310.

[143] Comm. Décision n°2023-1066 QPC du 27 oct. 2023, p. 11.

[144] Voir la vidéo sur le site du Conseil constitutionnel de la plaidoirie de Me Texier lors de l’audience du 17 oct. 2023.

[145] Ibid.

[146] Ibid.

[147] Comm. CC n°2023-1066 QPC du 27 oct. 2023, p. 25.

[148] Ibid., p. 25.

[149] Voir la vidéo sur le site du Conseil constitutionnel de la plaidoirie de Me Texier lors de l’audience du 17 oct. 2023.

[150] Comm. CC n°2023-1066 QPC du 27 oct. 2023, p. 25.

[151] Ibid.

[152] Voir la vidéo sur le site du Conseil constitutionnel de la plaidoirie de Me Texier lors de l’audience du 17 oct. 2023.

[153] Ibid.

[154] Ibid.

[155] Conseil d’Etat, Rapport public de 1999. L’intérêt général, La documentation française, EDCE, 1999, n°50, p. 297.

[156] CC n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014 ; CC n°2020-809 DC du 10 déc. 2020.

[157] CC n°2021-971 QPC du 18 févr. 2022 ; CC n° 2022-843 DC du 12 août 2022.

[158] CC n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014.

[159] CC n° 2022-843 DC du 12 août 2022.

[160] CC n° 2021-971 QPC du 18 fév 2022.

[161] N. Kosciusko Morizet, Rapport sur le Projet de loi constitutionnelle (n° 992) relatif à la Charte de l’environnement, op. cit., p. 101.

[162] J. Rochfeld et L. Fonbaustier, « Le Conseil constitutionnel et les intérêts des générations futures », art. cit.

[163] Rapport de la Commission Coppens de préparation de la Charte de l’environnement, op. cit., p. 36.

[164] Ibid., p. 18.

[165] N. Kosciusko Morizet, Rapport sur le Projet de loi constitutionnelle (n° 992) relatif à la Charte de l’environnement, op. cit., p. 70.

[166] Saisine par 60 députés. CC n°2015-718 DC du 13 août 2015.

[167] Saisine par 60 députés. CC n°2023-851 DC du 21 juin 2023.

[168] CC n°2017-672 QPC du 10 nov. 2017.

[169] J. Rochfeld et L. Fonbaustier, « Le Conseil constitutionnel et les intérêts des générations futures », art. cit.

[170] S. Djemni-Wagner, Droit(s) des générations futures, IERDJ, 2023, p. 91-92.

[171] C. Portier et M. Bonnet, « Le Conseil constitutionnel a-t-il enfoui les générations futures ? », RDLF, 2023, chron. n°13, https://revuedlf.com/droit-constitutionnel/le-conseil-constitutionnel-a-t-il-enfoui-les-generations-futures-reflexions-sur-la-decision-2023-1066-qpc-du-27-octobre-2023/#_ftnref23

[172] Rapport de la Commission Coppens de préparation de la Charte de l’environnement, op. cit., p. 18.

[173] J. Caron, « Générations futures, sans voix, ni droits ? », Projet, 2012, n°5, p. 6.

[174] Voir la vidéo sur le site du Conseil constitutionnel de la plaidoirie de Me Texier lors de l’audience du 17 oct. 2023.

[175] Rapport de la Commission Coppens de préparation de la Charte de l’environnement, op. cit., p. 18.

[176] E. Gaillard, Générations futures et droit privé, LGDJ, 2011, p. 405.

[177] Ibid.

[178]« Le stockage en couche géologique profonde est le stockage de déchets radioactifs dans une installation souterraine spécialement aménagée à cet effet, dans le respect du principe de réversibilité ». Dans le Commentaire de la décision, il est souligné en gras que les « dispositions objet de la décision commentée » sont issues de l’article L. 542-10-1 du code de l’environnement, Comm. CC n°2023-1066 QPC DC du 27 oct. 2023.

[179] CC n°2023-1066 QPC du 27 oct. 2023.

[180] CC n°2020-809 DC du 10 déc. 2020 ; CC n°2022-991 QPC du 13 mai 2022 ; CC n°2022-843 DC du 12 août 2022 ; CC n°2023-1066 QPC du 27 oct. 2023. 

[181] CC n°2011-116 QPC du 8 avr. 2011 ; CC n°2021-971 QPC du 18 fév. 2022 ; F. Savonitto, « Le Droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », art. cit., p. 55.

[182] CC n°2023-1066 du 27 oct. 2023 ; pour d’autres illustrations, v. CC n°2021-946 QPC du 19 nov. 2021 et CC n°2023-851 DC du 21 juin 2023.

[183] D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun et J. Bonnet, « Chronique de jurisprudence constitutionnelle de 2023 », art. cit.

[184] J. Bonnet, « Les contrôles a priori et a posteriori », NCCC, 2013, n°40.

[185] Comm. CC n°2022-843 DC du 12 août 2022.

[186] CC n°2020-809 DC du 10 déc. 2020.

[187] CC n°2022-843 DC du 12 août 2022.

[188] C. Portier et M. Bonnet, « Le Conseil constitutionnel a-t-il enfoui les générations futures ? », art. cit.

[189] I. Boucobza et P. Rrapi, « Le message du Conseil constitutionnel aux générations futures : à nous la souveraineté énergétique, à vous les déchets nucléaires », art. cit.

[190] C. Portier et M. Bonnet, « Le Conseil constitutionnel a-t-il enfoui les générations futures ? », art. cit.

[191] M. Lamoureux, Droit de l’énergie, 2e éd., LGDJ Lextenso, 2022, p. 756.

[192] Ibid., p. 756.

[193] M. Molinier-Dubost, « Droit des générations futures à un environnement équilibré et respectueux de la santé et stockage des déchets radioactifs. La prudente audace du Conseil constitutionnel (observations sur deux oxymores) », art. cit.

[194] CE, 1er déc. 2023, Association Meuse nature environnement, n° 467331.

[195] N. Kosciusko Morizet, « L’avenir du principe de précaution », RJE, 2005, n° spécial, p. 261.

[196] CC n°2023-848 DC du 9 mars 2023.

[197] Il s’agit des paragraphes II et VI de l’article 7 ; du troisième alinéa du paragraphe I de l’article 9 ; des articles 12, 13, 14 ; du paragraphe I de l’article L. 593-7 du code de l’environnement ;

[198] Il s’agit des paragraphes II et VI de l’article 7 et des articles 12 et 13.

[199] Il s’agit du troisième alinéa du paragraphe I de l’article 9 et de l’article 14.

[200] D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun et J. Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., p. 150-154.

[201] CC n°2021-821 DC du 29 juill. 2021 et CC n°2021-833 DC du 28 déc. 2021.

[202] Saisine par 60 députés. CC n°2023-851 DC du 21 juin 2023.

[203] CC n°2023-851 DC du 21 juin 2023.

[204] CE, Sect., Avis sur un projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables, 15 et 22 sept. 2022, n°40732 ; CE, Sect., Avis sur un projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants, 27 oct. 2022, n°5405769.

[205] M. Deffairi, « La portée constitutionnelle des dispositions de la Charte de l’environnement », Titre VII, 2022, n°8.

[206] Comm. CC n°2022-991 QPC du 13 mai 2022.

[207] C. Gauthier, S. Platon et D. Szymczak, Droit européen des droits de l’Homme, Sirey, 2017, p. 177.

[208] CE, Sect., Avis sur un projet de loi relatif à l’accélération des énergies renouvelables, 15 et 22 sept. 2022, n°40732 ; CE, Sect., Avis sur un projet de loi visant à accélérer la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants, 27 oct. 2022, n°5405769.

[209] CE, 1er déc. 2023, Association Meuse nature environnement, n° 467331.

[210] CC n°2013-346 QPC du 11 oct. 2013 ; CC n°2014-694 DC du 28 mai 2014.

[211] J. Bétaille, « Les obligations prudentielles : prévention et précaution », in Les 10 ans de la Charte de l’environnement. 2005-2015, C. Cerda-Guzman et F. Savonitto (dir.), Institut Universitaire Varenne, 2016, p. 103.

[212] Saisine par au moins 60 députés. CC n°2023-851 DC du 21 juin 2023, p. 28.

[213] V. §110 à §113, CC n°2023-862 DC du 28 décembre 2023. L’article 208 modifie l’article 165 de la loi du 30 décembre 2021 afin de prévoir les modalités selon lesquelles l’État s’assure, dans certaines circonstances, de l’extraction des déchets au sein du stockage souterrain en couches géologiques profondes des produits dangereux non radioactifs présents sur le territoire de la commune de Wittelsheim. Il est invoqué à son encontre l’article 4 de la Charte. Mais ce grief n’est pas examiné par le Conseil constitutionnel dans la mesure où ces dispositions « ne trouvent pas leur place dans une loi de finances » et ont donc été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution.

[214] L. Gay et A. Vidal Naquet, « France », in Constitution et environnement. XXXVe Table ronde internationale des 6 et 7 septembre, AIJC, 2019, n°35, p. 312.

[215] A. Van Lang, « Le principe de participation : un succès inattendu », NCCC, 2014, n°43, p. 25

[216] M. Deffairi, « La portée constitutionnelle des dispositions de la Charte de l’environnement », Titre VII, 2022, n°8.

[217] 18 décisions QPC, 6 décisions DC et 2 décisions L.

[218] L. Fonbaustier, « Les droits procéduraux », in Les 10 ans de la Charte de l’environnement. 2005-2015, op. cit., p. 135.

[219] CC n°2008-564 DC du 19 juin 2008.

[220] V. CC n°2023-851 DC du 21 juin 2023 ; La « participation des citoyens » est toutefois évoquée dans la motivation de la QPC du 27 octobre 2023 sans pour autant constituer un grief contrôlé par le Conseil constitutionnel, CC n°2023-1066 QPC du 27 octobre 2023.

[221] CC n°2021-891 QPC du 21 mars 2021.

[222] D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun et J. Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel, op. cit., p. 899.

[223] M. Fleury, « La QPC et l’article 7 de la Charte de l’environnement : une définition en clair-obscur du droit de participer », Politeia, 2020, n°37, p. 606.

[224] CC n°2012-269 QPC du 27 juill. 2012.

[225] CC n° 2012-262 QPC du 13 juill. 2012.

[226] CC n°2012-270 QPC du 27 juill. 2012.

[227] M. Fleury, « La QPC et l’article 7 de la Charte de l’environnement : une définition en clair-obscur du droit de participer », art. cit., p. 606.

[228] Saisine par au moins 60 députés, CC n°2023-851 DC du 21 juin 2023, p. 5.

[229] Saisine par au moins 60 députés, CC n°2023-851 DC du 21 juin 2023, p. 3.

[230] A. Van Lang, « Le principe de participation : un succès inattendu », art. cit., p. 25

[231] Ibid., p. 25.

[232] Observations du Gouvernement sur la Loi relative à l’accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, 9 juin 2023, p. 5.

[233] V. CC n°2013-313 QPC du 24 mai 2013 à propos des délimitations du domaine public naturel ; J. de saint-Sernin, « Les décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement : réflexion sur l’article 7 de la Charte de l’environnement », RJE, 2022, p. 281.

[234] CC n°2020-843 QPC du 28 mai 2020.

[235] « Le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé impose que soient pris en considération les effets sur le long terme des décisions prises par le législateur pouvant porter gravement atteinte à l’environnement et, donc, à la capacité des générations futures à satisfaire leurs propres besoins » ? Comm. CC n°2023-1066 QPC du 27 oct. 2023.

[236] C. David, « Lois du pays et Question prioritaire de constitutionnalité. Vers un renforcement de l’Etat de droit en Nouvelle-Calédonie », RFDC, 2014, n°94, p. 317 ; C. David, « La fixation des « conditions et limites » du droit de participation en matière environnementale en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie », RJE, 2015, n°40, p. 615.

[237] J. Bétaille, « Les droits procéduraux environnementaux », in Droit constitutionnel de l’environnement, op. cit., p. 267.